La petite fille regarde le ciel, les yeux brillants. Elle attend depuis longtemps, tellement longtemps maintenant. Et elle refuse d’écouter son frère aîné qui lui a répété pourtant, à plusieurs reprises, qu’elle ne viendrait pas. Elle est loin, à l’autre bout du pays et elle ne reviendra pas avant d’avoir libéré tous les peuples de Westeros. C’est ce que leur a dit papa avant de partir à son tour avec son épée et son armure abîmée.

Ils ont arrêté de compter les jours depuis leur départ mais la petite fille ne désespère pas. Quand elle reviendra, quand elle la verra voler dans les cieux, quand elle entendra les ailes du dragon fendre le silence qui se fait immanquablement à chaque fois qu’ils apparaissent. Parce qu’elle impressionne tout autant qu’elle fait rêver. Parce qu’elle donne le sentiment que tout est possible, qu’il suffit d’ouvrir les bras et de s’envoler.

Elle a essayé d’ailleurs, de le faire. Persuadée qu’un dragon viendrait aussi la réceptionner si elle sautait par la fenêtre. Heureusement que sa mère l’en a empêchée. Et elle lui a expliqué qu’il n’existait qu’une femme comme celle qu’elle admire. Oh, elle a bien eu un frère et une sœur. Aussi beaux qu’elle avec leurs longs cheveux argentés comme nul autre pareil. Et ils avaient aussi des dragons. La petite fille adore entendre cette histoire le soir. Des trois Targaryen et de ce qu’ils ont pu vivre lorsqu’ils étaient jeunes. Il faut dire que maman était servante au château avant qu’elle n’épouse papa et que maintenant, elle œuvre à Fort-Darion où ils vivent désormais. Alors elle sait.

A quel point Aegon était fort et courageux. A quel point Vysenia était une guerrière capable de tout. Mais de tout cela, la petite fille s’en moque. Elle veut juste entre parler d’elle. La Reine des Dragons. Celle qui l’obsède, qu’elle essaie d’apercevoir dès qu’elle en a l’occasion. La jeune poète que rien ne prédestinait à la couronne. La jeune fille rêveuse et pétrie de liberté qui s’était arrêtée pour aider maman à porter un panier bien trop lourd et qui, depuis toujours, semble vouloir tendre la main aux plus démunis.

Elle ne se lasse jamais d’écouter maman lorsqu’elle parle d’elle. Parce qu’il y a tellement d’espoir dans sa voix comme dans les yeux de papa.

Plus tard, elle comprendra. Cette flamme qu’elle représente. Celle de l’espoir, que le Noir avait comme éteinte quelques années plus tôt. C’est ce que papa raconte tout le temps. Mais pour le moment, tout ce qu’elle voit, c’est qu’elle est belle avec ses longs cheveux argentés et que, plus grande, elle aimerait être comme elle. Pouvoir protéger les plus faibles, pourvoir se battre mais, surtout, voler sur un dragon.

Elle fait rire sa mère quand elle lui raconte ça. Et pourtant, elle le pense. Peut-être pourra-t-elle travailler au château et, avec un peu de chance, la croiser. Mais elle ne doit pas espérer plus. Sauf qu’elle ne comprend pas sa mère. Qu’elle a réussi à semer les espoirs les plus fous dans tous les coeurs, y compris celui d’une petite fille qui n’est presque jamais sortie de chez elle.

Et, quand elle voit une étoile filante traverser le ciel, elle pousse un cri de joie, persuadée que c’est elle. Rhaenys, la Reine Dragon, revenue pour protéger ses nuits. Sa mère ne la détrompe pas alors qu’elle raconte avoir vu les ailes de Meraxès avec enthousiasme. Elle ira se coucher le sourire aux lèvres, avant de se précipiter dehors pour raconter aux autres enfants ce qu'elle a vu. Et pour affirmer à tous qu'elle est bien là, toujours là pour veiller sur son peuple, quoi qu'il arrive.

C’est ainsi que naissent les légendes. Par cette petite étincelle qu’elles font briller, même chez les plus petites âmes. Et Rhaenys Braenaryon serait l’une d’elles, à n’en pas douter.