Myria et Annalys avaient fait le tour des vassaux de l'Île d’Harloi pour prendre la température de l’annonce de ce mariage du Seigneur le plus puissant des Îles de Fer, et le plus respecté, avec une Riveraine. Riveraine qui quelques jours avant le retour de son promis avait fait exécuter la mère de la traîtresse Heda Volmark en place publique avec force mise en scène sanglante. Si cela ne lui avait pas apporté l’affection ni la confiance des Fer-Nés, cela avait au moins eut le mérite de la faire craindre et respecter. Grâce aux conseils avisés de la mère de Rodrik et à sa connaissance des nobles de insulaires elle avait pu s’attirer une certaine sympathie de leur part, surtout la Maison Pindepierre dont la cadette avait fabriqué la robe que portait la Princesse en ce jour. La jeune fille était, en sus, absolument adorable et tandis qu’elle terminait d’ajuster la somptueuse tenue sur la non moins somptueuse Hoare, elle lui faisait un tas de compliments empreints d'admiration, tout comme Elora qui ferait partie des demoiselles d’honneur. Une fois prête, ceinte dans la robe de tulle et de dentelles noires, coiffée d’un imposante couronne de tresses piquée de perles noires, parée de quelques bijoux et recouverte d’un grand voile noir au pourtour brodé, la servante posa sur ses épaules le manteau de velours brodé de deux chaînes d'argent se croisant au centre. Il portait un boutre d'or sur champ noir, un pin vert foncé sur champ blanc, une grappe de raisin rouge sur champ d'or, un corbeau noir volant dans un ciel bleu, soit, les couleurs de son ancienne maison. Doublé de brocard noir et or, il lui tendrait suffisamment chaud sur la plage malgré son décolleté, du moins l'espérait-elle. Elle avait tout fait pour que son époux n’ait pas besoin de déchirer cette robe, et aussi qu’il ne soit pas trop déconcentré par les femmes sel et autres servantes. Le revers de la médaille étant qu’elle risquait d’avoir froid, ou très chaud selon les cas.

Aenarion, de retour de son baptême du sang lors des raids où il avait accompagné attendait à l'extérieur. En sa qualité d'aîné des fils de la veuve, et en l’absenc du Roi, c’est lui qui la conduirait à l’autel. Il resta un instant ébahi devant le sourire qu’elle affichait. Il aurait pu oublier à quel point elle était belle quand elle était heureuse tant les derniers mois avaient été difficile pour elle et pour lui. Il n’y avait pas à dire, elle était nettement plus belle que toutes les femmes qu’il avait eut l’occasion de violer sur le continent. Rodrik avait plutôt intérêt à la traiter correctement sans quoi il aurait affaire à lui. Mais elle avait l’air d’aller très bien et d’être ravie de cette union. Cela dit, avec la née Frey, il ne fallait pas toujours se fier aux apparences. Satisfaite de la place que ce mariage lui octroyait ne voulait pas dire heureuse, et encore moins en comblée, ni d’ailleurs qu’elle ne se prendrait pas de coups. Joren n’avait jamais été violent avec elle, il faut dire que ces deux là s’aimaient d’un amour profond avant que tout ne parte en vrille. Mais Harren la frappait de temps en temps, pas très longtemps, juste pour la faire taire, mais il frappait fort le bougre. En tout cas, si son père les avait tous mis en danger en faisant n’importe quoi et que Beron avait trahi le Royaume, Yoren et sa propre mère, le benjamin se montrait aussi loyal et courageux qu’un véritable Fer-Né. Il n’avait jamais été élevé pour être un Roi, et il avait toujours voulu devenir Capitaine. Un jour peut-être, il aurait son propre bateau, pris des mains d’un ennemi ou construit avec le butin de ses pillages. Il était vêtu de son plus beau pourpoint, aux couleurs de la Maison Royale et portait son épée d’apparat.

La brune aux yeux céruléens embrassa son fils sur le front, puis elle posa délicatement sa main sur son bras et descendit les escaliers jusqu’à la cour où attendaient ses Epées Liges.  De là, le carrosse d’Annalys qui attendait la mariée prit la route de la plage sur laquelle attendaient les invités et Rodrik, les prêtres du Dieu Noyé qui célébraient la cérémonie. Un dais aux couleurs de la Maison Harloi et orné de guirlandes de fleurs avait été dressé sur le sable.

__ Vous êtes magnifique Ma Dame. »
__ Merci très chère Annalys, ou devrais-je dire mère. »

Myria était un peu nerveuse et n’échangea pas longtemps avec sa belle mère qu’elle appréciait pourtant beaucoup. Elle trouvait relativement ridicule de sa part d’angoisser à trente cinq ans pour son second mariage et ne voulait rien montrer de sa peur qui grandissait à mesure que la mer se faisait entendre. Lorsque le carrosse s’arrêta, elle fit ce qu’elle faisait le mieux, mettre son masque de Princesse, puis elle descendit du carrosse. Les demoiselles d’honneur tenant les longues traines du manteau de velours et de sa robe, elle marcha lentement d’un air altier jusqu’à son promis au bras de son fils. Elle ne put dissimuler un sourire en croisant son regard, mais cela ne suffit pas à la calmer complètement.  

Myria sourit à Annalys.

__ Ma mère était soumise et lâche, j'aurais aimé avoir une mère comme vous. Tenir une Maison sur les Îles de Fer ne doit pas être de tout repos, et même si je m'apprête à prendre votre titre, j’aurais besoin de vous et de vos conseils avisés pour être digne de prendre votre suite et de diriger le Domaine Harloi pour votre fils. J’ai beaucoup d'admiration et de respect pour vous. Votre soutien m’a été très précieux et j’espère de tout mon cœur vous garder comme alliée, et comme amie.  »

La Princesse se souvint avec émotion de son premier mariage, de Joren, son premier amour. Elle posa un regard tendre son son fils qui sans nul doute possible était le fruit de cet amour, puis ses yeux se perdirent dans le vague. Il y avait eut la trahison et la mort sur leur chemin, elle espérait que cela n’aurait pas lieux entre Rodrik et elle...

La jeune femme posa sa main dans celle de Rodrik, délaissant son fils préféré pour son future époux. Elle renonçait ainsi à la couronne, à ses titres et à un nom glorieux mais aussi couvert de tâches, la souillure de la traîtrise des fils aînés. Puisse cette malédiction s’arrêter ici. Mais elle ne renonçait ni au sang, avec un tel époux, commandant redouté et redoutable de la Flotte de Fer, razzieur invétéré et sans limites, ni au pouvoir en prenant les rênes de l'Île la plus riche et de la Maison la plus importante de l’archipel. Elle n’avait pas choisi Rodrik Harloi pour rien, elle n’avait pas fait fi du danger auquel elle s’exposait en allant côtoyer de près les Fer-Nés qui ne la portaient pas dans leur cœur en vain, et elle n’avait pas affronté le Sire de Dix Tours dans sa demeure, dans la grande salle et dans son lit sans dessein. Mais elle se félicitait d’être bien tombée, même si la cruauté de son mari l’obligeait déjà à oublier certains principes. Il aurait pu être un vieux croulant au chibre mou, il aurait pu être un Lord puissant et riche, mais sans charisme. Non, il était en tout point parfait et elle voulait vraiment être parfaite pour lui. Bonne nouvelle, la robe lui plaisait, son regard et sa réplique en disaient long. Le sourire de la Princesse s’élargit et elle plongea ses yeux dans ceux de son promis sans rien ajouter, mais n’en pensant pas moins.

La brune aux yeux azur referma ses doigts sur ceux de Rodrik et fit face au prêtre sonnant le début de la cérémonie. Cela n’était pas sa partie, elle avait bien sûr revu le tout avec Annalys, mais la Dame de Dix Tour avait fait la plus grosse part du travail, la Hoare ne connaissant pas bien les mœurs Fer-Nés en terme de mariage. En effet à l’époque de son union avec Joren, il n’y avait pas d’enjeux religieux et de dissensions à ce sujet, l’union avait eut lieue sous le signe des Sept avec des petites spécificités toute Fer-Nées et cela avait convenu à tous. Mais dans le contexte politique actuelle, elle ne pouvait pas faire venir un Septon sans prendre le risque qu’il se fasse égorger purement et simplement, or, se serait pire encore que de ne pas se marier sous l'égide des Sept. Et contrairement à Yoren qui se mariait avec une Riveraine, elle ne devait rien au Grand Septon, même si, probablement celui manquerait pas de lui faire payer cet affront. Peut-être que s’il avait répondu à ses missives, elle aurait fait un effort, mais puisqu’il l’ignorait, elle préférait l’ignorer et ne pas risquer ni sa vie en faisant venir un représentant de la foi, ni celle du religieux.

__ Devant le Dieu Noyé et ses demeures liquides, soyez témoins du mariage entre Lord Rodrik Harloi de Dix Tours et la Princesse Myria Hoare de Harrenhall. Par cette eau partagée, que soit protégée leur union. »

Le prêtre but dans une coupe de bois flotté contenant de l’eau de mer et la tendit à Rodrik, puis à Myria afin qu’ils en boivent une gorgée. Puis, la coupe fut apportée par un disciple aux invités les plus importants afin que l’eau protectrice et sacrée soit partagée entre les témoins de l’union tandis que le prédicateur continuait :

__ Des hommes s'approchèrent de Galon Blancbourdon et lui demandèrent : « Est-il permis de tuer sa femme pour n'importe quel motif ? » Il répondit : « Au commencement, le Dieu Noyé les fis homme et femme, et l'homme quittera son père et sa mère, il s'attachera à sa femme, et tous deux seront les garants de la conciliation entre leurs Maisons. Ainsi, préférez le divorce à la mise à mort. Vous pouvez cependant tuer la femme adultère et renvoyez les enfants qui pourraient être le fruit de cette relation. » »

Fit le prêtre en citant une prophète de l'Antique Voie d'une voix solennelle avant de rappeler quelques préceptes codifiant le mariage.

__ Tu honorera ta Femme Roc avant tes femmes Sel et elle te devra fidélité et loyauté en retour. Femme, tu obéira à ton époux, tiendra son foyer et honorera sa maison. Votre fils aîné hérita avant tout autre fils. Puisse le Dieu Noyé veiller sur votre union et vous permettre de forger une relation joyeuse et affectueuse afin de renforcer cette alliance qui apportera paix et prospérité à vos deux Maisons. Puisse le Dieu Noyé vous éviter la discorde semée par le Dieu des Tornades et vous protéger du mal et de l’hypocrisie. »

Le disciple apporta sur un coussin de velours rouge deux pendentifs en quartz que devaient s’échanger les mariés. Après que Rodrik lui ait mit le sien, elle prit l’autre et répéta les mots qui les unissaient :

__ Par cette pierre, Rodrik, je te fais mon légitime époux jusqu’à ce que la mort nous sépare. Par elle, je te promet mon soutien et ma fidélité et joints ma vie à la tienne. Je fais le serment de marcher à tes côtés et de te soutenir dans les moments difficiles et de tenir la Maison Harloi en ton absence. Je t’offre cette pierre aujourd’hui et par elle je serai fière d’être ta Femme-Roc. »

La brune, ensuite, ne quitta plus son époux des yeux tandis que le prêtre se tournait vers la mer. Là se tenaient plusieurs disciples et quelques prisonniers offerts par Rodrik pour l’occasion.

__ Dieu Noyé, entends nos prières et béni cette union ! Lord Harloi t’offre ces serfs pris au Fer-Prix en signe de dévotion à l’Antique Voie. Puisse-tu favoriser le Sire de Dix tours dans toutes ses entreprises et faire naître beaucoup d’enfants vigoureux du ventre de son épouse. »

Le disciple apporta un autre coussin de velours rouge avec deux couronnes d’acier gravées de faux et de différents symboles de l’Antique Voie, celle de Myria était ornée de fleurs fraîches trouvées dans les pâturages de l’île.

__ Fais que tes serviteurs renaissent de la mer comme tu en renaquis. Accorde-leur la bénédiction du sel, la bénédiction de la pierre, la bénédiction de l'acier. »

Myria s’agenouilla pour que le prêtre puisse mettre la couronne de noces sur sa tête.

__ Ce qui est mort ne saurait mourir, mais ressurgit plus rude et vigoureux. »

Elle se releva.

__ Ce qui est mort ne saurait mourir, mais ressurgit plus rude et vigoureux. »
__ Lord Harloi, vous pouvez à présent recouvrir Myria Harloi de vos couleurs et emporter la mariée. »

Cela clôturant la cérémonie religieuse, les ovations ne se firent pas attendre bien longtemps car tous savent qu’à présent, le temps était venu de boire ! Autre chose que de l’eau de mer…

Veuve Noire, certes, l’on pouvait la surnommer ainsi, n’avait-elle point condamné son époux à mort, mais nul ne saurait nier qu’il l’avait bien cherchée. Son autre amant était mort sur le champ de bataille sans qu’elle y soit pour rien, et sa dernière royale conquête était bel et bien en vie. Elle ne ferait rien contre lui, non seulement parce qu’elle l'appréciait, elle l’avait même aimé, mais d’un amour qu’elle savait depuis le départ impossible ; mais surtout parce qu’elle savait mieux que quiconque ici combien coûtent les trahisons. Les dissensions qui déchiraient cette maudite famille étaient désormais loin derrière elle, elle voulait le croire en tout cas et ce même si ces fils restaient des Hoare et par leur nom, ne seraient jamais à l’abri du danger. Quand à Lord Harloi, il était son assurance vie et en plus, elle était raide dingue de lui, deux bonnes raisons pour s’assurer de le garder en vie quoi qu’il en coûte, même si elle n’était pas du genre à faire du sentiment.

Ce mariage qui était parti du pragmatisme froid de la brune aux yeux céruléens était devenu brûlant de passion et cela l’amusait, au fond, de se voir retomber amoureuse comme une jouvencelle. Pas de politique donc en ce jour, ou si peu, ou si discrètement. Évidemment cette cérémonie sous l'égide du Dieu Noyé était destinée à la faire accepter parmi les Fer-Nés, mais sans illusion aucune sur le fait qu’il faudrait un certain temps pour qu’une Riveraine soit acceptée ici, si cela arrivait un jour. Elle savait aussi qu’on aurait tôt fait de croire que Rodrik était tombé dans ses filets de succube manipulatrice, et de l’accuser d’essayer de prendre le contrôle des Îles de Fer par son intermédiaire. C’était bien mal connaître le Sire de Dix Tours qui, elle le savait, ne lui laisserait rien passer en ce sens. Pas qu’une grosse fessée lui déplaise, mais elle n’avait pas envie qu’il l’égorge, elle préférait lui faire tout un tas de petits Harloi, c’était bien plus plaisant. Même si, elle ne pouvait pas oublier sa nature d’animal politique pour autant. Avoir des idées derrière la tête ne la forçait pas à toutes les mettre à exécution, heureusement. Sans quoi, après Buron, elle aurait aussi bien pu rapporter la tête d’Harren à Rhaenys pour s’assurer d’un avenir que sa loyauté envers son Royaume et son peuple ne lui avait pas octroyé. Mais elle avait des idées, un tas, tout le temps, des bonnes et des mauvaises, dont elle taisait la majorité et dont elle ne mettait à exécution qu'une infime partie.

Tandis qu’elle écoutait les vœux de son Seigneur et Maître en plongeant ses yeux dans les siens, un sourire se dessina sur les lèvres de l’ancienne Princesse. En acceptant ce quartz devenait une Harloi, et renonçait en même temps à ses autres titres et à ses ambitions et en échange, il faisait ce qu’il avait promis. Elle fit merci avec sa bouche en gardant le silence et se retint de le prendre dans ses bras et de l’embrasser à pleine bouche, ne voulant pas troubler la cérémonie sacrée malgré le cadeau qu’il venait de lui faire. Elle prononça ses vœux à son tour, avec une immense reconnaissance et une grande fierté. Elle n’était plus une Hoare, elle était une Harloi, elle laissait derrière elle bien des rêves et son destin, celui pour lequel elle avait été élevée pour une vie plus humble, plus dure aussi. Mais si elle ne saurait nier le pincement au cœur qui lui rappelait le sacrifice, elle ne regrettait pas ce choix, ni rien au fond, de ce qui l’avait conduit jusqu’ici. Était-ce la volonté du Dieu Noyé ? Elle ne saurait dire. En tout cas, elle était déjà décidée et consciente de ce que cela impliquait quand elle était montée sur le bateau qui l’avait menée jusqu’ici avec une cargaison de bois pour la Flotte de Fer. Elle pouvait craindre jusqu’à cet instant que tout ceci n’ait servi à rien, et qu’elle perde la vie sans que personne ne venge sa mort, mais maintenant, elle était rassurée et elle se serait bien lovée dans les bras de son époux. Bientôt… bientôt.

Le romantisme à la Fer-Né n’avait rien à envier à celui des Sept, plus bruyant il n’en était pas moins plaisant et Myria Harloi, la Dame du Dix Tours trouvait tout ceci très excitant, bien que nouveau et un peu impressionnant. Pas le sacrifice, ni la foule, ni la mer, ni rien. La femme qui avait connu Buron et qui épousait le Sanglant Lord Commandant de la Flotte de Fer après le Boucher du Bois du Roi se délectait des hurlements des suppliciés. Mais elle n’avait qu’une seule crainte : faire un faux pas, comme lors de son premier mariage en somme. Sauf que là, elle n’épousait pas un jeune Prince qui s’avérerait par la suite trop pressé pour être Roi, mais un Seigneur Fer-Né qui était déjà Roi sur son navire et qu’elle espérait rendre fier. Une fois couronnée de la seule couronne à laquelle elle pouvait désormais prétendre et recouverte des couleurs de son époux, il l’embrassa avec passion, baiser qu’elle lui rendit après un bref moment d’hésitation dû à son ancienne vie. Il fallait encore qu’elle s’habitue à certaines coutumes et aux mœurs débridées de son amoureux dans ce contexte solennel et pas franchement pudique. Il savait qu’entre quatre murs, ils étaient tous deux aussi pervers l’un que l’autre, mais là, c’était encore un peu étrange pour elle et pourtant, ce n'était pas l’envie qui lui manquait. Elle pria néanmoins pour qu’il lui laisse sa robe et ne l’allonge pas sur le sable et fasse preuve d’un minimum de retenu lors du banquet.

C’est donc plutôt rassurée d’être toujours habillée que la jeune femme s’accrocha au cou de son époux essayant d‘être la plus légère possible, ce qui était un exercice compliqué. Sauf qu’il ne semblait pas avoir la moindre difficulté à la porter, aussi, elle osa même faire des petits signes aux habitants qui semblait être ravis de ce mariage avant de plonger son regard dans celui de son époux. Le sourire jusqu’aux oreilles qu’elle avait depuis qu’il l’avait embrassée, voir avant, ne semblait pas vouloir quitter son visage radieux et ce malgré le fait qu’elle se trouvait parfaitement ridicule et niaise d’être aussi ouvertement heureuse. N’avait-elle pas passé l’âge de ses enfantillages ?

__ Moi aussi je suis contente. » répondit-elle en se disant que son visage était encore plus parlant que les mots et que si elle savait feindre bien des choses, il en était qu’elle ne pouvait cacher.

Arrivés à la salle de banquet, la brune aux yeux azur s’installa aux côtés de son époux et ne manqua pas de saluer les hôtes de marque d’un signe de tête, mais elle n’eut pas le temps de dire quoi que ce soit car Gerolt, trop heureux de marier son frère à cette femme porta un toast. Naïvement, elle leva son verre et… ouvrit de grands yeux alors qu’il faisait une allusion qu’elle aurait préféré ne pas entendre en public. Elle pinça les lèvres en baissant le regard, honteuse et à présent rouge comme une pivoine avant d’essayer de disparaître dans sa coupe de clarée, soit du vin blanc aux épices et au miel, le temps de reprendre contenance et de revêtir son sourire de circonstance. Heureusement, son époux que rien ne saurait mettre mal à l’aise commença la conversation avec Lord Merlyn et elle eut donc le temps de retrouver une couleur normale en picorant dans un plateau friture de petits poissons qui passait par là. Rodrik trinqua avec l’homme qui n’était pas aussi vieux qu’elle l’avait imaginé et lui offrit un peu de compagnie.

__ Lord Merlyn, bienvenu à Dix Tours, je suis ravie de vous voir parmi nous en ce jour de fête. Sachez qu’en tant que Gouverneur des Îles de Fer et représentant du Roi Yoren, vous pourrez toujours compter sur le soutien et la loyauté de la Maison Harloi. Mon époux sur les mers et moi ici même, puisqu’il est si pressé de repartir. »

Myria, après avoir lancé un regard plein de fausse réprobation à son époux, trinqua à son tour avec le Sire de Pebbleton. Elle laissa passé un plateau de tartines de poire au maquereau et commença à déguster une brochette de lard aux pommes. Puis elle demanda, curieuse :

__ J’ai ouï dire que les charpentiers de marine avaient développé une nouvelle technique qui accélère considérablement la construction des boutres. Est-ce que cela accélère aussi les réparations ? »

Peut-être Lord Merlyn préférerait s’occuper des charmantes… heu… servantes que Rodrik lui avait mis entre les mains plutôt que de lui répondre, mais elle espérait avoir l’occasion de discuter avec lui de ce qu’elle pouvait faire pour les Îles de Fer. Elle n’avait pas osé lui rendre visite avant pour éviter que des rumeurs lui prêtent une aventure avec un autre homme puissant des Îles de Fer ou la volonté de le manipuler lui aussi, ou n’importe quoi qui risquerait de compromettre son mariage à venir ou le bien du Royaume. Peut-être avaient-ils de nombreux points communs et pourraient-ils envisager de travailler main dans la main pour l’avenir du Royaume. Elle avait en tout cas quelques suggestions à lui faire concernant les mines et le bois. Elle avait tout intérêt, probablement, à garder ses idées pour la seule Maison Harloi, mais ce n’était pas comme ça qu’elle fonctionnait.

Les serviteurs apportèrent ensuite des immenses soupières remplies de lentilles au foie de canard et servirent les invités tandis que d’autres déposaient une petite assiette où étaient disposés des gésiers confits sur lit de crème de petit pois. Les plateaux vides du premier service furent remplacés par de nouveaux où s’entassaient galettes de pois chiches et petits pâtés au canard, le tout accompagné de vin ou de bière. Mais si la jeune femme espérait faire plaisir à son cher et tendre avec les pièces de viande qui arriveraient en troisième et cinquième service, elle avait hâte qu’il découvre le quatrième plat qu’elle avait concocté elle même en son honneur avec le chef cuisinier de Dix Tours. Elle avait longuement discuté avec Dame Annalys pour savoir s’il valait mieux se montrer raisonnable à cause de l’effort de guerre ou marquer le coup de ce mariage somme toute important pour la Maison Harloi et l’archipel en montrant par la même occasion la puissance de Dix Tours. Heureusement, les raids fructueux du Conflans avaient permis d’assurer le spectacle et la réputation de Rodrik sans entamer plus que de raison des réserves. Mais Myria, habituée aux fastes de la cour du Roi des Rois ne savait pas encore trop ce qu’elle pouvait se permettre aux commandes de sa nouvelle Maison. Heureusement, sa belle mère était là pour la conseiller et l’aider et elles échangèrent un regard satisfait lorsque, suite à la soupe, on annonça l’épaule d'agneau rôtie au vin rouge accompagné d’une salade de fèves aux oignons caramélisés et d’une tourte de menues feuilles ainsi que d’un petit pâté de gigot d’agneau. Et le repas était encore loin d'être terminé.