La Vesprée accueillait aujourd'hui un capitaine fer-né au service de l'Empire, un dénommé Lyle Salfalaise. En tant que sujet de la couronne de l'Orage, elle-même assujettit à l'Empire Braenaryon, notre maison devait laisser accoster les navires à l'emblème d'une hydre noire. Notre port étant réservé aux marchands, et aux flottes royales, j'avais laissé le fer-né accoster sur une plage comptoir juxtaposant le port. Le Salfalaise et ses hommes n'avaient depuis lors commit aucun grabuge sur mon territoire, et d'après les locaux, le groupe se tenait convenablement. Je pouvais vaquer sereinement à mes occupations en sachant que les hommes des îles de fer ne brûleraient point notre petit septuaire à cause de leur culture violente et intolérante.

Nos relations étaient donc cordiales et sans accroc, pour le moment. Le Salfalaise avait demandé une nouvelle rencontre pour dialoguer ensemble, ce que j'avais accepté. Le fer-né devait donc me rejoindre ici au château de La Vesprée pour cette entre-vues. Pour préparer cette rencontre, j'avais tout de même demandé aux gardes d'ouvrir l'oeil et de rester vigilant. Même loin des combats, nous devions toujours surveiller le large à cause de nombreuses menaces voguant sur les mers. Je n'étais pas sans savoir que le Tigre de Volantis avait quitté Dorne pour l'Orage, abandonnant ses précédentes positions. Avant sa venue, le Conquérant avait pris possession d'iles proche de la côte Dornienne afin de posséder un bout de terrain stratégique en vue de débarquer plus de troupes. Pour cela, nous devions garder l'oeil pour ne point devenir le prochain point stratégique servant à envahir le continent.

J'avais ici assez d'hommes pour contrer une petite flotte navale, ou une petite armée, mais certainement pas une vaste armée comme celle du Tigre. Lors des premières passes d'armes entre le royaume de l'Orage et ses voisins, Torth avait envoyé près de 600 hommes, un mince tribut comparé aux autres maisons. Et ce n'est point 600 hommes qui étaient revenus, laissant l'île assez peu défendu à cause des guerres meurtrières des rois du continent. Torth devait payé son tribut et participer à toutes les guerres, même celles ne concernant en rien l'île. J'étais souvent sévère en repensant aux coûts que devait subir notre île pour que les autres seigneurs puissent envahir le Val ou n'importe quel autre royaume, et enrichir leurs trésoreries.

La Vesprée accueillait dès maintenant le Fer-né, un garde m'avertit de son arrivée dans le château. J'attendais le marin dans la petite salle du trône du château, dos à la porte. Lorsqu'il entra dans la pièce, je me retournais vers lui pour le saluer. Le marin s'assura que nous n'étions pas importunés par sa présence sur la plage, et m'assura être sur le départ. C'était très attentionné de sa part, peut-être un peu trop de la part d'un fer-né. Il voulait très certainement s'assurer que nos rapports restaient bons.

- "Les habitants de l'île ne semblent pas importunés, alors tout va bien. Quand partez-vous exactement, lord Salfalaise ?" demandais-je en réponse.

Même si je n'appréciais guère les fer-nés, je n'en reste pas moins un homme éduqué et diplomate, inutile de faire ressentir une animosité déplacée dans ce contexte. D'un geste, j'invitais le marin à prendre place sur un des sièges bordant une cheminée de la salle. Je m'asseyais également tandis qu'une servante apportait une bouteille de vin et deux coupes, sur une petite table à côté de nous.

- "J'ai cru comprendre que vous souhaitiez me parler, sans doute plus que simplement m'annoncer votre départ. Parlez, je vous en prie." dis-je poliment.

J'étais curieux de savoir ce que me voulais le fer-né, bien que je sois fidèle à ma reine, je n'en restais pas moins qu'un seigneur insulaire, loin de la capitale. Je n'étais pas sans savoir la nature imprévisible du fer-né, ce qui signifiait que je pouvais bien m'attendre à tout et n'importe quoi de sa part. J'espérais toute fois que l'entre-vue ne s'attarde pas trop.

J'étais très curieux d'entendre ce qu'avait à me dire le fer-né, cela devait être assez important pour qu'il vienne en personne jusqu'ici. Le marin ne tarda pas à m'annoncer la date de son départ, demain. Mes plages seront donc libérées dès demain, fort bien. Je hochais la tête à son intention lorsqu'il mentionna vouloir trouver le Tigre de Volantis qui menace mes terres. Il est utile de souligner que je suis reconnaissant à quiconque ira se battre contre le Tigre. Mes bons citoyens ne scrutaient que trop souvent l'horizon avec appréhension depuis qu'il navigue dans nos mers.

Lord Salfalaise me sembla déterminé et résolu à s'attaquer au Tigre, ce que je respecte malgré son statut de fer-né. Je ne lui souhaitais que de la chance dans sa mission. Je demandais assez promptement au fer-né de divulguer sans détours la raison de sa venue ici. Je hausse vaguement un sourcil devant la première partie de sa raison, ne comprenant guère ou le marin voulait en venir. Il est tout à fait vrai que la présence de l'équipage de l'hydre noir sur Torth soulevait des controverses dans l'Orage, mais que pouvais-je y faire ? J'étais sur ce point dépossédé de mon autorité, l'Empire permettant au fer-né de naviguer et chevaucher librement en son sein.  

- "Que souhaitez-vous obtenir de la reine Argella pour vouloir être dans ses bonnes grâces ?" dis-je avec curiosité.

Si je dois défendre un fer-né, je dois savoir de quoi il en retourne. Je ne suis pas au courant des petits arrangements entre lord Salfalaise et la reine Durrandon et je refuserais d'appuyer la moindre démarche en étant dans l'ignorance. J'estime que cela est de mon bon droit.

Me voilà d'autant plus curieux de savoir ce que Lord Salfalaise complote. Je lui demandais donc pourquoi souhaitait-il mon soutien auprès de la Reine Argella. Mon soutient n'était pas quelque chose que j'allais donner si facilement, surtout d'un insulaire à un autre.

Le fer-né se montrait loquasse, et prompt à m'expliquer sa démarche. Il m'expliqua donc qu'il souhaitait faire amende honorable auprès de moi, et du peuple Orageois. Voilà là des mots lourds de sens, une décision qui n'est pas à prendre à la légère. Néanmoins, je m’abstenais de lui répondre, car je devinais que ses intentions n'étaient pas dénuées d'un intérêt. Un silence s’abattit dans la conversation tandis que j'attendais d'entendre l'ensemble des arguments du fer-né. Il poursuivait sa réponse en disant qu'il n'avait pas la prétention d'être l'un des nôtres. Il n'était qu'un homme qui sera un jour rappelé par le Dieu-Noyé. Je fronçais les sourcils sans comprendre le fil de la pensée de Lord Salfalaise. Ou souhaitait-il en venir ? Il poursuivit ensuite en disant qu'il souhaitait obtenir un titre, des terres et une femme pour avoir un fils qui lui succéderait un jour. Je me demandais vaguement s'il espérait quémander une terre et un titre à la Reine de l'Orage. Je n'étais guère au fait de la relation qu'il pouvait entretenir avec elle, mais quelque chose me disait qu'elle n'avait pas la moindre raison d'accepter cette demande. Ne devrait-il pas demander à l'Empereur ?

Lord Salfalaise poursuivait en disant qu'il avait entendu dire que la Reine Argella avait promis sa main à un Orageois qu'il s’illustrerait au combat. Je fronçais de plus belle les sourcils en entendant la suite. Le Fer-né me demandait un potentiel soutien s'il venait à demander la main de la Reine Argella, quand bien même il n'était point un Orageois. Un désagréable sourire s'affichait sur ses lèvres tandis que je le jaugeais d'un oeil sévère. Je trouvais sa tentative fortement grotesque et révoltante. Comment pourrais-je cautionner qu'un fer-né s’approprie la couronne de l'Orage ? Jamais la reine Argella n'accepterait une telle proposition, même si le sauvage s'était illustré sur les mers, et s'était accoquiné avec l'Empereur.

Je buvais une gorgé pour reprendre un peu de calme avant de répondre au fer-né.

- "Sa Majesté Argella a promis sa main à un Orageois, et personne d'autre, sans aucun doute afin de garder des racines Orageoises dans une union. Je crains donc de devoir vous décevoir, mais je ni l'intention ni l'intérêt de vous soutenir dans cette entreprise. Si vous souhaitez femme et enfant, vous pouvez toujours contacter des maisons qui conviennent à votre rang." dis-je avec un ton ferme.

Le Fer-né ne semblait pas offensé outre mesure de mes paroles un peu sèches à son égard. Mais j'osais croire qu'il avait parfaitement conscience de la demande extrêmement outrageuse qu'il avait formulée. Il afficha un sourire narquois avant de prendre de nouveau la parole. Il me disait avoir exagéré le trait par son tempérament, je fronçais un peu les sourcils tandis qu'il continuait de parler. Il semblait plus sérieux à propos des terres que de la main de la reine, fort heureusement pour lui.

Il déclarait qu'il ne pourrait sans doute jamais revoir les Iles de Fer, et il semblait intéressé par la région frontalière à Dorne. Sa proposition me semblait raisonnable autant affecter un fer-né à une zone dangereuse qu'un noble de l'Orage, néanmoins, je ne sais point si un fief est vacant dans ces territoires éloignés. Lord Salfalaise requérait mon soutien pour intercéder à ce sujet. Il plaidait honorablement sa cause, c'était un fait. Je n'avais rien à perdre à l'aider sur cette demande, je n'avais pas grand-chose à gagner mit à part d'aider un peu la couronne. Mais après tout, si le fer-né se montrait honnête dans sa démarche et par la suite, nous sommes tous gagnant.

- "Je peux très certainement intercéder dans votre demande auprès de la Reine. Mais je ne peux vous garantir aucun résultat, la Reine pourrait refuser comme accepter dans un élan de sadisme. Gardez cela à l'esprit." dis-je.

Le Fer-né s'embarquait dans quelque chose de dangereux pour lui, tout ça pour tronquer sa liberté de marin contre des terres et un titre de noblesse. La guerre s'annonçait encore longue, plus contre le Bief et les royaumes non fédérés que contre Dorne en particulier. Nul doute que la Reine pourrait accepter sa demande, mais en lui octroyant les terres les plus pauvres, désolés et inhospitalières, simplement pour se venger de sa condition de fer-né. Rien de bien glorieux à céder à un héritier, cela reviendrait presque à emprisonner ses héritiers sur des terres qu'ils ne pourraient pas faire prospérer.