La bataille était finie depuis longtemps. Il avait vaincu au Bois-Du-Roi, mais une pique Durrandon l'avait laissé presque à l'agonie. Ravagé par la fièvre, il semblait être de coutume depuis la bataille de La-Mort-Aux-Loups que les grands chefs militaires de cette ère des Luttes manquent de trépasser à leur propre victoire.

Joren Hoare avait quelques instants de lucidité, toutefois.

C'est lors d'un de ces instants qu'il commanda à ses capitaines de proposer au millier de prisonniers de rejoindre son armée, car l'Orage allait bientôt succomber et mieux valait se battre pour le Conflans qui ne tarderait pas à unir les couronnes, que pour ces chiens de dorniens ou ces putains d'outre-Détroit. L'offre fut reçue avec fraîcheur, provoquant une bagarre entre prisonniers et gardes, qui fit plusieurs blessés.

Sachant sa position inconfortable, seul au milieu de l'Orage, Joren Hoare envoya tout azimut de petits détachements de reconnaissance. C'est ainsi qu'il apprit que Lord Connington redescendait de la Néra avec une forte armée, le corps de bataille principal de l'Orage. La position Hoare était forte, au sud de la rivière, mais il risquait, il le savait bien, d'être encerclé si le siège d'Accalmie était levé. Il décida donc de reprendre la route. Normalement intransportable, le jeune Prince savait qu'il décidait peut être de sa propre mort. Le mestre capturé qui le soignait rapporta ses mots, avant de sombrer à nouveau dans l'inconscience « tout plutôt que la défaite, nous vaincrons demain ».

Un dernier ordre fut donné. Si la troupe devait partir à marche forcée pour éviter de livrer bataille contre un ennemi déterminé et deux fois supérieur en nombre, la colonne ne pourrait gâcher ses vivres ni sa vitesse. Les prisonniers devaient donc être « traités », s'ils refusaient de se rallier.

Ils furent attachés à des piquets, sur les lieux même du champ de bataille où ils furent vaincus.

Ainsi ficelés à différentes distances, ils servirent de cibles vivantes aux centaines d'archers et d'arbalétriers du Conflans.

Le camp de l'armée fut ensuite abandonné, les vivres portés à dos d'hommes ou de chevaux, et direction l'ouest à marche forcée.

Lord Connington n'arriva que deux jours plus tard, découvrant le champ de bataille encore jonché de débris et de matériel, les reliefs du camp ennemi... Et ce millier de poteaux avec les prisonniers encore transpercés attachés contre. Les Orageois furent abasourdis. Il était commun à Westeros de libérer les prisonniers à la fin des hostilités, ou de négocier des sauf-conduits contre le sort des captifs. Hoare avait agi en adepte de la politique de la Terre Brûlée, ne voulant courir le risque d'affronter à nouveau ces hommes, tâchant par la même occasion un blason déjà peu apprécié.

La haine couvait dans le cœur des Orageois. Mais Joren Hoare, « l'Audacieux », devint « Le Boucher ». Et il courait toujours, encore invaincu.