Sujet: Moderato cantabile [Tour VI - Terminé] Lun 29 Jan - 19:30
Lyman soupira, en regardant la dernière missive de son père que le mestre venait de lui apporter. Il n’allait pas chômer durant les prochaines semaines. Il essayait d’estimer le temps qu’il faudrait aux ouestriens pour revenir de Vivesaigues jusqu’à Castral Roc, et, au vu du temps annoncé, considérait qu’il faudrait bien un mois pour que ses proches puissent à nouveau fouler le sol de la capitale de l’Ouest. Et c’était en supposant qu’il n’y aurait aucun accroc, évidemment. La perspective de savoir son épouse enceinte à nouveau sur des routes dangereuses le hérissait au plus haut point, même si cela était évidemment nécessaire. Bien sûr, il avait confiance dans le Lion pour protéger les siens. Là n’était pas la question. Il n’avait simplement pas confiance dans tous ceux qui les entouraient, et surtout pas dans le Noir. Qui sait si celui-ci, aux abois, ne chercherait pas à commettre quelque félonie envers ceux qui ne l’avaient jamais soutenu militairement ? Les dernières lettres reçues des Hoare soufflaient le chaud et le froid, à tel point que le Prince se sentait déboussolé, ce qui ne faisait que renforcer ses pires inquiétudes, qu’il tenait cependant secrètes. Il était impensable que la cour voit l’héritier du trône saisi de vapeurs de la sorte. Nul doute que beaucoup verraient cela comme la marque d’une faiblesse, ou pire, comme de la dépendance à l’égard d’une épouse qui cumulait deux défauts aux yeux de certains : être fille du Loup et croyante dans un autre panthéon que celui des Sept. Le Lionceau avait parfaitement conscience des paroles que certains proféraient sur son mariage quand ils pensaient être à l’abri des oreilles intéressées. Mais les murs de Castral Roc avaient des oreilles, et les machinations des uns et des autres demeuraient rarement secrètes. Cela ne l’empêchait pas de prendre la question au sérieux.
Evidemment, il n’était pas le seul à attendre avec angoisse le retour de l’escorte royale. Megara et son ventre arrondi partageait naturellement ses craintes, surtout que son époux avait été blessé lors de l’attaque que le convoi avait subie en se rendant auprès de son beau-père. Le savoir à nouveau sur les routes devait faire ressurgir des souvenirs douloureux. Quelque part, la voir aussi empressée envers l’homme que Lyman lui avait choisi était une satisfaction secrète. Même s’il n’avait pas pensé voir ce couple arrangé par ses soins si rapidement lié, le Prince se rengorgeait secrètement de cette réussite. Bien sûr, restait à savoir si, malgré la malédiction de l’une et la légèreté de l’autre et ses sentiments pour Lynara, cette entente demeurerait sur le long terme. Mais au moins semblaient-ils avoir une compréhension mutuelle, et une entente des plus cordiales. Beaucoup ne pouvaient en dire autant. A cet égard, nul doute que sa sœur et son meilleur ami ressemblaient bien plus au couple royal du Roc que certains auraient pu le croire. A vrai dire, en y repensant … Le parallèle était flagrant. Il n’était sûrement pas le seul à s’en être aperçu, non ? Il espérait simplement que les nobles de l’Ouest ne préféreraient pas avoir une copie conforme à ce qu’ils avaient connu si longtemps.
C’était en effet un point qui le tracassait, et dont il avait terriblement honte. Quel frère digne de ce nom peut éprouver une jalousie désagréable à l’encontre de sa sœur et de son meilleur ami, unis par sa main qui plus est ? Mais il ne pouvait s’empêcher de penser que sa mère devait trouver qu’à la réflexion, un couple était plus proche de ses attentes que l’autre. Moins polémique dans le royaume. Plus à son image. La naissance de son premier enfant aurait dû être une joie unique partagée par tout le Roc. Au lieu de ça, on célébrerait non pas l’héritier, mais les héritiers. Au moment où il pouvait enfin assurer sa place, sa lignée, il devait partager le devant de la scène. Pire, et si Jeyne accouchait d’une fille, et Megara d’un garçon ? D’aucuns diraient que la Louve n’était même pas capable de mettre un mâle au monde. Que les Lions y arrivaient sans peine. Cela décrédibiliserait son mariage, sa position, car l’héritage de la petite serait irrémédiablement en danger. Et il s’horrifiait de penser de la sorte, de voir sa joie sincère d’avoir neveux et nièces tantôt assombrie par la politique. Devenait-il comme sa mère ? Etait-cela, qu’elle expérimentait tous les jours ? La joie d’avoir le pouvoir, mêlée au regret de partager son époux avec la moitié du royaume ? Fallait-il sacrifier tous les liens affectifs, pour gouverner lucidement, efficacement ? Ce constat était d’une amertume sans nom. La ciguë de l’ambition n’avait pas le goût attendu. A moins que ce ne soit simplement le reflet peu enviable des tourments de l’âme humaine, de ses reniements et de ses bassesses. Les derniers mois et les troubles l’avaient changé. Pas forcément en bien, hélas.
Et pourtant, il aimait ses sœurs. Il les adorait, même s’il ne savait pas le leur dire, ni le leur montrer. Il avait ses amitiés, et elles lui agréaient pour passer du temps plaisant, car il avait choisi ses compagnons. Cela ne l’empêchait pas d’apprécier les dîners familiaux, à la grande table du Roc. Simplement … Longtemps, il avait considéré cela comme un acquis. Comme quelque chose qui était là, toujours présent, à ses côtés. A présent que Nymeria était loin … Il comprenait son erreur. Mais il ne pouvait remonter le temps et tout changer. Ses parents avaient fait de lui ce qu’il était, en le poussant très tôt à ses études et en l’entourant des fils de bonne famille de l’Ouest, pour développer des amitiés qui seraient utiles à leur rejeton, plus tard, quand il ceindrait la couronne. Ce rôle de composition lui avait plu. Ironiquement, il s’y était complu. Trop, sans nul doute. Il ne lui restait qu’à améliorer la situation, réparer ses erreurs, qu’elles soient familiales et politiques, comme il le pouvait.
Quittant son bureau, Lyman sortit de la pièce et traversa les couloirs du Roc aussi vite que la marche le lui permettait. C’était une des premières règles qu’il avait apprise de sa mère : ne jamais donner l’impression de se presser, mais toujours garder une attitude neutre, peu importe les circonstances. Aucune alerte ne devait filtrer. Aucun état d’âme ne devait être deviné. Dans la joie ou le deuil, l’inquiétude ou le triomphe, un Roi devait demeurer impénétrable. Arrivé devant la porte de la chambre de Megara, Lyman toqua, et une servante arriva pour voir qui venait déranger sa maîtresse, avant de l’annoncer de lui ouvrir. Observant sa sœur et ses rondeurs, un léger sourire naquit sur les lèvres de l’héritier du Roc, sincère, bien différent de celui en coin qu’il arborait à l’ordinaire. Les Lions étaient vigoureux. Les Lannister croissaient. Peut-être était-ce ceci, et uniquement ceci, qu’il devait retenir. S’approchant de sa cadette, il s’exclama plaisamment :
« Tu es radieuse, aujourd’hui, Meg. L’aura de celles qui portent la vie, je présume. »
Avant d’en venir au but de sa visite :
« J’ai reçu un corbeau de Père, je ne sais pas si tu as eu des nouvelles toi-même. Ton époux sera bientôt là … et avec une promotion, manifestement. Capitaine de la Maison du Roi, voilà qui fera des jaloux. »
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Sujet: Re: Moderato cantabile [Tour VI - Terminé] Dim 4 Fév - 1:35
Il faisait beau. Très beau. Ce qui, dans le fond, ne changeait pas beaucoup de la situation habituelle. Et en des temps comme ça, en des instants comme ceux-là, Megara appréciait de regarder le paysage en s'appuyant, ou non, sur la rambarde de pierre du balcon filant de ses appartements privés. Avec le promontoire sur lequel avait été bâtie la Forteresse de Castral Roc, cela ne pouvait qu'offrir une vue encore plus plaisante et parfaitement dégagée sur les alentours. Sans doute pourrait-elle regretter de ne point avoir vue sur les terres qui s'étalaient, verdoyantes et ensoleillées, en contrebas de la Forteresse, mais la jeune femme n'avait absolument rien, bien au contraire, contre la vue qu'elle, elle possédait. Ses appartements étaient orientés plein Ouest, ce qui lui permettait de voir l'océan, à perte de vue ou presque. Par temps dégagé et nuit sans nuage, en plissant les yeux, on pouvait parfois apercevoir les lueurs de Feux-de-Joie, au milieu de l'obscurité. Megara aimait cette vue. Elle aimait les flots, qui lui semblaient tant ressembler à ce que pouvait être le quotidien d'une vie, et le lot d'une existence, parfois. Les Mers du Crépuscule ... Leurs vagues, qui venaient se fracasser contre les rochers, en contrebas de la Forteresse. Les Mers du Crépuscules ... Leurs vagues qui venaient épouser, sensuelles et aguichantes, ce promontoire rocheux sur lequel s'élevait, majestueuse, Castral-Roc, avant de se retirer et de laisser derrière elle des épines dorsales et rocheuses, parfois coupantes comme des rasoirs. Megara ne s'était jamais aventurée vers ce genre de rochers là, car ses parents ne l'auraient jamais laissée faire, de par la dangerosité. De toute façon, jamais il ne lui serait vraiment venu à l'esprit d'aller courir dans ces zones là. Elle préférait l'observation silencieuse et apaisée. Elle fermait même parfois les yeux et se sentait comme au bord des vagues, comme si ces dernières lui léchaient les pieds, et l'honoraient de ces filaments blanchâtres, dépôt du sel quand l'eau s'est évaporée. Pourtant, en des instants comme ceux-ci, elle était le plus souvent physiquement présente dans ses appartements. Mais une telle atmosphère lui sciait bien, sans parler du fait que cela nourrissait sa fibre artistique. Et puis ... Et puis, cela lui vidait l'esprit, ou l'amenait à cesser de se tourmenter quelque peu à propos de sujets qu'elle ne maîtrisait pas forcément entièrement, et dont le contrôle lui échappait plus que partiellement, le plus souvent. Le bruit des vagues, le chant des oiseaux marins, et le fait qu'il y avait ces flots, qui continuaient loin, très loin, aux confins du monde connu ... Et bien, cela l'apaisait. Le monde lui semblait alors moins déréglé. Et tout semblait bien moins lui peser, sur les épaules comme sur la conscience.
Tant de choses l'occupaient et la préoccupaient, dernièrement. En caressant distraitement son ventre déjà si arrondi, Megara ne pouvait s'empêcher de penser à ceux qui avaient quitté le Roc, voilà déjà plusieurs semaines, voire même plusieurs mois, et qui étaient en passe de rentrer. En passe. Cela signifiait bien que cela n'était pas encore effectif. Et d'ici là, tant de choses pouvaient encore survenir. Megara avait tendance à avoir confiance, et la paranoïa tout comme la mauvaise foi ne figuraient pas au nombre de ses défauts ou de ses humeurs habituelles. Elle savait que son Père ne parlait jamais dans le vide, et elle était aussi sûre et certaine de son amour et de son affection pour elle. Alors, elle ne voyait décemment pas pourquoi il aurait choisi de lui mentir. Il savait bien combien tout ceci était important pour elle, particulièrement compte tenu de l'identité de certains des membres de cette délégation si particulière, et compte tenu des circonstances actuelles. La Princesse avait eu la chance de grandir entourée de ses deux parents. Elle ignorait donc ce que c'était que d'être orphelin, et de ne point pouvoir s'appuyer sur ces figures parentales et tutélaires. Mais elle n'était point enfermée dans sa tour d'airain et ignorante des réalités du monde alentour. Des réalités parfois bien cruelles. L'une des domestiques spécifiquement affectée à son service avait perdu ses deux parents lors de la guerre qui avait opposé le Bief et le Roc, il y avait plusieurs années de cela. Tout ceci s'était déroulé avant même la naissance de Megara, mais sa Lignée elle aussi avait payé le prix du sang. C'était à cet instant là que son Grand-Père paternel, Arwin Lannister, alors Roi du Roc et des Terres de l'Ouest, avait succombé, en tombant au combat. Et c'était donc également à cet instant là que le propre père de Megara, Loren, avait accédé au trône qui était depuis lors toujours demeuré le sien. Si ses parents n'étaient point connus pour martyriser et maltraiter leur domesticité, Megara savait que l'enfance de sa servante n'avait pas été toute rose, et ce en dépit du fait qu'elle s'était vu offrir un toit, au sein de la Forteresse elle-même, son père ayant donné sa vie en tant que soldat, et sa mère ayant péri d'un mal attrapé après avoir soigné les blessés. Elle savait que, dans ce regard qu'elle croisait régulièrement dans le miroir de sa coiffeuse, lorsqu'elle se faisait coiffer et peigner, il y avait de la tristesse et un manque. Un manque qui ne pouvait pas être comblé une fois qu'on vous avait dépossédé de ce qui vous manquerait désormais pour toujours ou à jamais. Peut-être qu'elle interprétait mal les choses, mais Megara se savait tout de même pourvu d'un bon esprit d'analyse, et d'une bonne perception. Sans doute parce qu'au milieu de la fratrie qui était la sienne, pour se faire une place, il faut apprendre à voir et à écouter, plutôt que d'être aussi volubiles que son frère et sa sœur ... Chacun avait sa place, et chacun avait son caractère. Ce qui ne les empêchait sans doute pas de s'entendre, bien que ... Bien que les sœurs avaient toujours été plus proches l'une de l'autre que de leur aîné. Sa sœur ... Nymeria lui manquait. Tout comme Gareth, son époux, lui manquait. Mais il y avait une différence de taille : Megara savait sa cadette en sûreté, alors que, concernant son mari ...
Il lui était purement et simplement impossible de ne pas penser à tout ça. Et ce, plus plusieurs raisons. Mais la plus importante et facile à comprendre d'entre elle résidait dans le fait qu'elle était enceinte. Un enfant grandissait en elle. Un enfant qu'elle avait engendré avec son époux. Chaque jour, cet enfant grandissait, à mesure que le ventre de la Princesse grossissait. Chaque jour qui passait les rapprochaient tous deux de leur première rencontre officielle. Une rencontre que Megara refusait de vivre sans le père de son enfant. Ce serait cruel. Cruel et terriblement injuste. On peut sans doute rattraper un banquet manqué en assistant au suivant, afin de pouvoir entendre cette ballade dont tout le monde parlait depuis l'arrivée d'un nouveau barde à la Cour. Mais manquer la naissance de son enfant ... Cela ne survenait qu'une fois, pour chaque enfant. Et on ne pouvait feindre, ou rejouer la scène, c'était tout bonnement impossible. Cet enfant grandissait en elle, et chaque jour, c'était la preuve qu'une journée de plus s'était écoulée sans que Gareth ne soit présent à ses côtés pour vivre tout de ceci avec elle. Elle ne sentait pas encore l'enfant bouger, mais elle priait les Dieux que cela ne survienne pas avant que Gareth ne soit de retour. Parce que même si Mère l'avait assurée qu'il devrait attendre un peu plus longtemps avant de lui-même pouvoir vivre cette expérience, il s'agissait tout de même d'un instant précieux. C'était à lui qu'elle voulait s'en confier, pas à ... Pas à une servante. Pas au Mestre, non plus, qui ne cessait de multiplier les connivences avec Mère sans réellement répondre à ses questions. Il y avait bien Mère, mais sans doute parlerait-elle d'enfantillage. Restait donc Lyman ... Mais cela serait le faire souffrir, alors que lui aussi était séparé de son enfant à naître, Jeyne se trouvant auprès de Gareth, et désormais, aussi, auprès de Loren. Elle était encore dans ses pensées lorsqu'on toqua à la porte de ses appartements. Si bien que ce ne fut sans doute que le nom de Lyman, le nom de son frère, prononcé par sa servante, qui la tira de ses contemplations mentales et intérieures. Se retournant vers lui, et quittant la frontière entre le balcon et l'intérieur de ses appartements, elle s'exposa un court instant de profil, avant de lui faire face.
❧ Lyman ... ❧ Certes, il était Prince. Son Prince, même, si elle appliquait à la lettre le principe qui faisait d'elle une sujette du Royaume. Au rang des tous premiers sujets, certes, mais elle demeurait sujette de son Père. Lyman se trouvait être le Prince héritier, celui qui, le jour du trépas de Loren, accéderait au trône et ceindrait la couronne royale. Elle lui devait le respect, donc, mais de là à s'incliner devant lui, ou à lui faire la révérence ... De toute façon, dans son état, cela lui devenait de moins en moins possible, et cela serait peu agréable. Face à ses propos, en tout cas, elle sut réagir. ❧ C'est particulièrement gentil à toi de dire ça, mais je crains fort que ton avis ne soit biaisé et trop peu objectif. Tu es mon frère, tu ne veux donc ni m'offenser, ni me peiner. ... Mais je continue de forcir de jour en jour, et à vue d’œil. ❧ Cependant ... Cependant, même si les couturières avaient cessé de vouloir ajuster ses robes, en préférant plutôt lui en confectionner de nouvelles, qui finiraient tout de même par ne progressivement plus pouvoir lui aller, Megara continuait de vouloir tout faire pour ne pas se résumer à sa grossesse. Elle ne cherchait point à particulièrement attirer l'attention sur l'arrondi de son ventre, mais ce n'était pas la première fois qu'elle se voyait complimenter sur son aura, sur ce qu'elle dégageait. Mère la disait de plus en plus lumineuse, sans doute parce qu'elle prenait des courbes, et que son visage prenait des couleurs, lui aussi. Mais, finalement, comme elle s'en doutait, Lyman ne venait point pour discuter bébé et chiffons avec elle. Et il alla droit au but, sans réel ambages, ce qui ne heurta pas Megara, habituée à cela de la part de son frère, et parfaitement consciente de leurs rôle et responsabilités respectifs. Inclinant alors quelque peu la tête, en signe d’acquiescement, elle tourna un instant le regard vers son bureau, là où se trouvait le courrier qu'elle s'apprêtait à adresser en réponse à son père. ❧ Père a en effet eu l'affection de m'écrire à moi aussi, personnellement, comme il me l'avait promis. Je suis donc, tout comme toi, au fait du retour de la délégation de l'Ouest, accompagnée de Père et de ses hommes. Je sais aussi que Père ne pourra guère s'attarder, et que son retour ne sera en réalité qu'une halte ... Mais ... ❧ Elle marqua une pause, avant de reprendre. ❧ Mais je n'avais pas été informée de la promotion de Gareth. ❧ En était-elle blessée ? ... Un léger sourire naquit sur ses lèvres peu avant la suite de ses propos. ❧ Je doute fort que Gareth aura eu besoin d'attendre une telle décision royale pour faire naître des jalousies. Certains lui envient depuis longtemps sa position privilégiée auprès de toi. ❧ Et son mariage, aussi, sans doute.
Hear Us Row
It’s the family name that lives on. It’s all that lives on. Not your honor, not your personal glory, but family.
Megara Lannister
Messages : 8803 Membre du mois : 8 Maison : Lannister Caractère : Ambitieuse ♦ Naïve ♦ Attentive et vive d'esprit ♦ Nymphomane ♦ Curieuse ♦ Secrète ♦ Loyale ♦ Méfiante ♦ Généreuse Célébrité : Gabriella Wilde
« Comment, tu n’as pas confiance dans les assertions de ton frère préféré ? M’en voilà fort marri. »
Comme toujours, Lyman galéjait, mais sous le masque du courtisan amusé et rieur se tenait, tapie, la vérité qu’il ne savait pas énoncer directement. Le Prince avait érigé la plaisanterie au rang de mode de conversation, et appréciait cette image de légèreté qui lui collait parfois à la peau, vestige évident de sa jeunesse à enchaîner les soirées en coterie diverse et variée avec ses amis proches. Son goût pour les manières et la courtisanerie se reflétait jusque dans ses expressions, alors qu’il se tenait là, face à sa sœur, affectant de façon exagérée et volontairement grotesque la vexation la plus outragée. C’était aussi, du moins de son point de vue, ce qui faisait son charme et son habileté. Beaucoup le sous-estimaient pour cela. Il n’avait pas la poigne de fer glaciale de sa mère, ni l’autorité de vieux guerrier de son père, même si le peu d’intérêt de ce dernier pour les affaires avaient contribué à lui conférer une réputation de légèreté, à lui aussi. Sans doute était-ce là un trait commun aux hommes de la maison Lannister, que d’affecter la distance pour mieux piéger ceux qui pensaient pouvoir les prendre en traître, mais aussi pour se protéger du reste du monde. Et, pour le Lionceau, finalement, c’était là l’expression de son affection, également. Il y avait une différence subtile entre la flagornerie de cour et l’expression sincère d’une moquerie toute fraternelle ou amicale. La difficulté était de parvenir, précisément, à faire la part des choses. Il espérait tout de même que Megara y arrivait, même s’il n’était pas les plus proches frères et sœurs de Westeros. A tout le moins, ils s’entendaient bien, non ? Certains ne pouvaient pas en dire autant.
« Si cela peut te rassurer, je connais peu de maris qui ne soient pas sensibles aux charmes des femmes qui portent leur progéniture. J’en connais un qui ne va pas te résister beaucoup, à son retour. »
Pour le coup, il ne disait pas cela par envie délicate de flatter sa sœur ou de la rassurer sur son état. Bien sûr, un homme pouvait ne pas aimer, même apprécier son épouse. Cependant, face à un ventre arrondi dont il était la principale cause, tout mâle se rengorgeait secrètement, attendant avec impatience la venue de l’enfant, priant pour un mâle évidemment. Certes, il en allait autrement d’une fille engrossée sans le vouloir. Mais un Hill futur n’avait pas le même poids qu’un enfant légitime. La différence était normale. Non vraiment, Lyman se demandait parfois pourquoi toutes les femmes paraissaient effrayées à l’idée d’être moins désirables une fois enceintes. D’abord, ceux qui aimaient les formes en étaient d’autant plus comblés, et pour les autres, il s’agissait d’un témoignage de leur virilité triomphante, ou tout simplement, pour les moins fats, l’assurance de la perpétuation du nom, la promesse d’un nouveau futur. C’était angoissant bien sûr, un peu vertigineux … Mais il connaissait Gareth. Il savait qu’il apprécierait. Et les autres … Eh bien, leur avis n’avait que peu d’importance, non ?
« A vrai dire … Je ne sais si Gareth lui-même est au courant à l’heure actuelle. Sans doute qu’il le sera en arrivant. »
Il était persuadé que leur père n’avait pas omis volontairement de mettre sa fille au courant de ses projets. Sans doute qu’il avait mentionné cela dans leurs échanges masculins car il avait voulu avoir l’avis de son héritier, ou tout simplement pour se convaincre auprès de celui qui connaissait le mieux le benjamin Kenning du bien-fondé de sa décision. En y réfléchissant, cette explication était sans doute la plus crédible.
« Enfin … La jalousie étant une condition sine qua non du décorum ouestrien, le contraire serait étonnant. Encore que, de capitaine de la garde princière à responsable de la nouvelle maison du Roi, il y a une forme de continuité qui, pour une fois, ne pourra guère être contestée. »
L’envie, l’orgueil, l’ambition, ces trois sentiments animaient la politique ouestrienne depuis des siècles. Le Roc s’était bâti sur un équilibre subtil entre une couronne à la poigne ferme et une société où le plus grand champ de bataille se produisait derrière les tentures dorées des demeures royales ou seigneuriales. On ne s’élevait que rarement par la guerre, dans l’Ouest. La preuve, les chevaliers renommés du royaume n’étaient guère nombreux. Et les montés n’étaient pas la force de percussion la plus utile dans l’armée des Lannister. En réalité, les gueux et leurs arcs longs étaient infiniment plus redoutables, quoiqu’en pensent les nobles. Pour avoir chargé avec les nordiens, Lyman avait une opinion de visu des faiblesses de l’Ouest de ce point de vue. Non, les Lannister avaient fondé leur force sur autre chose que la puissance brute. Ils n’étaient pas nordiens. On s’affirmait par l’intelligence de cour, même si, bien entendu, tous affectaient de se confronter à moult tournois pour montrer à tous leur ardeur mâle. Peut-être était-ce pour cela que le Roc laissait plus de place aux femmes, finalement, du moins officieusement. Dans l’art de la conversation, les deux sexes étaient égaux. Ce qui signifiait aussi qu’il y avait donc deux fois plus de chances d’offenser et de provoquer des jalousies délétères. Aussi, peu importait les justifications : Gareth devrait faire ses preuves, ou bien les mauvaises langues se déchaîneraient, oui. En épousant Megara, il avait été contraint de se tenir dans la lumière. Charge à lui de se comporter en Prince, désormais, et non en benjamin obscur et simple suivant. Lyman lui faisait confiance à ce sujet. Il ne l’avait pas choisi comme époux de sa sœur par seule vertu amicale.
« Oui, Père ne va sans doute guère rester longtemps. Et … il n’est pas impossible que je ne lui emboîte le pas, quoique pour me rendre à un endroit différent. »
Avec un rire qui se voulait léger, mais qui dissimulait en réalité une certaine tristesse, camouflée comme toujours sous l’allant de son sourire immaculé, le Lionceau ajouta :
« Je crois que ton époux va plus veiller sur ma propre femme que moi, durant sa grossesse. »
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Sujet: Re: Moderato cantabile [Tour VI - Terminé] Lun 5 Mar - 23:07
Megara connaissait son frère. Pas autant qu'elle l'aurait voulu, mais tout de même sans doute plus que lui ne le pensait. C'était sans doute là l'un des fruits que l'on peut être en mesure de récolter quand on fait preuve d'un caractère plus doux et plus tempéré que ceux de son frère et de sa sœur. La jeune femme n'avait jamais été la plus prolifique en paroles au sein de sa fratrie. Mais cela ne l'avait jamais empêché d'écouter ce qu'ils pouvaient dire, pas plus que cela ne l'avait jamais empêché de les observer, plus ou moins à la dérober. Malgré tout, les faits étaient là. S'il existait sans doute très peu de secrets que Nymeria lui cachait, il en allait tout autrement concernant Lyman. C'était leur éducation qui voulait ça, sans doute, tout comme cela pouvait également être dû à la volonté de leur mère. Il était vrai que jamais Megara n'avait entendu Jordane l'enjoindre à se rapprocher de son frère ou à partager avec lui quelques passe-temps communs. Lyman lui avait toujours paru bien accaparé par son rôle de futur roi, et par la formation qui allait avec. Il avait bien évidemment également pu goûter à ces instants de détente, à vivre sa jeunesse, parce que cela avait peut-être pu être perçu comme une récompense, ou comme une nécessité, pour ne pas le faire trop mûrir avant l'heure et faire de lui un être aussi triste que la pierre. A côté de cela, Jordane n'avait jamais encouragé sa fille aînée à être enfantine, peu sérieuse et dispersée. On attendait moins d'elle, concernant la succession au trône de l'Ouest, et son caractère ne s'était de toute façon jamais vraiment orientée dans cette direction. D'une certaine façon, à bien des égards, il était régulièrement arrivé à Megara de contempler son frère de loin plutôt que de partager avec lui de nombreux instants de détente. Mais encore une fois, cela ne signifiait en rien que l'aînée des Princesses du Roc ait un jour pu éprouver une totale aversion ou un total désintérêt vis à vis de son aîné. Ce qui lui permettait sans doute aujourd'hui de ne point tomber dans certains pièges le concernant, et de ne point se hâter à émettre des jugements hâtifs le concernant.
❧ Je crois ne jamais t'avoir donné la moindre raison de douter de ma confiance en toi, cher frère, mais tu es et tu resteras toujours un Lannister. L'art de la flatterie et des compliments est loin de t'être étranger. ❧ Un instant, elle arqua quelque peu l'un de ses sourcils, signe, chez elle, que se dissimulait derrière ses mots quelque petite tendance à la taquinerie. Il s'agissait là le plus souvent d'un indice des plus discrets, voire totalement invisible, alors que Megara avançait masquée concernant le fond de sa pensée. Mais en présence de son frère, la jeune femme n'avait point à dissimuler ce que devait réellement laisser transparaître la portée de ses paroles. Nymeria aurait, elle, sans doute placé les mains sur ses hanches, ou croiser les bras par devant sa poitrine, pour bien signifier qu'elle n'était point entièrement sérieuse dans ses propos et qu'il fallait y voir quelque taquinerie. Megara, elle, œuvrait sans doute de façon quelque peu différente, sans cependant jamais douter que Lyman la connaissait suffisamment bien pour ne pas s'y laisser prendre. Cependant, cette conversation qu'ils entamaient tous deux sut se faire bien vite sérieuse, et ce bien que les propos du futur Roi du Roc ne manquèrent pas de quelque peu faire rougir les pommettes de Megara. C'était que parler ou évoquer les choses de la chair avec son frère n'était point dans ses habitudes, et que cela la mettait un peu dans l'embarras. ❧ Tu sembles là ne faire que confirmer l'avis que Père a lui aussi sur le sujet, ainsi que les dires que Gareth à directement pu me vouloir faire comprendre. Mais je suppose que j'ai la tête trop dure pour assimiler et accepter tout cela. J'ai en effet pour ma part l'impression que mon corps change si vite ... ❧ Posant une main sur ce fameux ventre qui ne cessait de s'arrondir, Megara reprit la parole. ❧ Mère n'a de cesse de me répéter de ne point m'inquiéter à ce sujet, ce que confirme Mestre Aethon, mais l'une de mes servantes m'a dit avoir entendu certaines mauvaises langues commencer à persifler. ... Mais tu as sans doute raison. J'ai toujours été charmante. ❧
Megara avait même été le plus beau bébé qu'on ait jamais vu, d'après l'une des accoucheuses qui avait secondé le Mestre lors du second accouchement de Jordane Lannister. Mais la principale intéressée, qui avait évidemment bien grandi depuis, ne se pavoisait en rien de ces dires. Après tout, il était toujours plus avisé de complimenter plutôt que de critiquer, non, surtout lorsque cela touchait à la Lignée Royale du Roc et de l'Ouest, non ? Alors, même si elle avait déjà entendu maintes et maintes fois Loren confirmer ces dires, elle ne prenait pas tout ça pour argent sonnant et trébuchant. Mais cela ne signifiait en rien qu'elle était totalement ignorante de l'effet qu'elle pouvait avoir sur les gens, et des histoires qui circulaient sur sa beauté. Après tout, elle savait très bien qu'elle ne devait pas son surnom de Joyau du Roc à ses propres parents, mais bel et bien au peuple. Quoi qu'il en était, la jeune femme restait très attentive aux moindres paroles que son frère pouvait bien prononcer. Des instants comme ceux-ci, où ils n'étaient qu'en présence l'un de l'autre, étaient des plus rares. Et cela signifiait donc que Megara chérissait ses moments là. Ce qui ne la poussait en rien à s'en aller dans quelque rêverie ou quelque pensée songeuse.
❧ Si tel est le cas, je comprends. Père aurait donc voulu te consulter, ou tout du moins t'associer à sa décision, en tant que notre futur Roi. Les Affaires d’État prévalent sur les considérations personnelles. ❧ Hésitant quelque peu à poursuivre l'idée qui lui était venue à l'esprit, Megara marqua un temps d'arrêt, comme si elle réfléchissait, avant d'aller plus loin. Finalement, l'audace l'emporta, marquant ses traits d'un petit sourire en coin, alors qu'elle relevait les yeux vers son frère, son regard pétillant de fait d'un petit soupçon de malice. ❧ Tu connais mon époux mieux que moi. Penses-tu que si Père lui apprend la nouvelle en audience public, Gareth en rougira jusqu'aux oreilles, ou la tendance aux joues qui s’empourprent m'est-elle plutôt réservée ? Quoi que je ne rougis jamais qu'en privé. ❧ Megara était connue pour sa grande maîtrise d'elle-même, en public, ce qui était sans doute d'une grande et décapante ironie acerbe et acide, quand on savait qu'en privé ... Qu'en privé, bien malgré elle, la retenue lui échappant tout à fait en certaines circonstances.
Il n'en demeurait pas moins que la seconde née de la fratrie ne pouvait qu’acquiescer aux propos de son aîné. Jalousie et envie se disputaient avec panache la première marche des défauts maintes et maintes fois aisément identifiables et décelables chez bon nombre de ceux qui composaient de près ou de loin la foule des courtisans. Megara se souvenait de la brève discussion qu'elle avait pu avoir avec l'un des apprentis du joaillier qui avait confectionné la parure de bijoux que Megara avait porté lors de son voyage jusqu'à Goëville. Le jeune homme lui avait confié que son maître se réjouissait d'avance d'avoir été choisi par le couple royal pour réaliser cette commande, car en plus de pouvoir se vanter d'avoir travaillé pour la Lignée Lannister, il recevrait sans nul doute des commandes venues de tout le royaume, là où maintes et maintes jeunes filles de bonne famille, ayant pu rencontrer Megara, voudraient l'imiter et posséder elles aussi quelque parure un tant soit peu identique. L'envie était donc une force à prendre en compte, une force que Jordane savait manipuler sans avoir d'égal en ce domaine, mais dont elle les avait toujours prévenus, eux, ses enfants, de devoir se méfier. Quant à la jalousie, n'en parlons point ... Elle avait en tout cas toujours épargné Megara, qui n'avait jamais vraiment éprouvé le moindre sentiment négatif à l'égard de son frère ou de sa sœur. Alors, elle opina du chef, face aux propos de Lyman.
❧ Cette décision ne me semble en effet pas sortir de nulle part, et je ne doute point que Gareth saura y faire honneur. D'autant plus que tu ne me sembles guère surpris d'un tel choix. Tu es sans doute le mieux placé pour attester de ses compétences et de son mérite. Parce que tu es son meilleur ami, mais ... Mais aussi parce que vous avez tous deux traversé des épreuves faisant sans nul doute de vous des frères d'armes. C'est en tout cas ainsi que Père m'a déjà présentée la chose, peu de temps avant mon mariage, pour me vanter les mérites de mon futur époux et me rassurer quand à sa personne. ❧ Cependant, très vite, trop vite, sans doute, la conversation rebondit sur autre chose. Cela ne scia pas les jambes de Megara, certes, mais cela la poussa tout de même à quelque peu prendre appui, d'une main, sur le meuble le plus proche, alors que son autre main se porta de nouveau à son ventre, presque de façon immédiate. ❧ Toi aussi ?! ... Mais quelle est donc cette étrange lubie qui semble tous deux vous prendre ? ... Depuis mes noces, tout le monde semble fuir le Roc ! D'abord, Nymeria, puis nos époux respectifs, Père, et maintenant, bientôt Père de nouveau, et toi ? ❧ Cela la peinait. Beaucoup plus qu'il ne le pensait, sans doute. Bien qu'elle soit en privé, et qu'il soit son frère, elle ne souhaitait pas réellement, à cet instant, totalement exposer la nature et la force de ce qu'elle ressentait sur le moment. Elle voulait garder de la contenance, et de la tenue, la poussant alors à faire quelques pas. ❧ Gareth ne te suivra donc pas ? ... Je te promets de veiller sur ton épouse en ton absence, si cela peut quelque peu t'apaiser, et si seulement peut me permettre d'escompter ne serait-ce qu'un peu que mon époux commence à veiller sur notre futur enfant. Pour le moment, il est vrai que la situation semble un peu inversée, et ... Égoïstement, j'aimerais que les choses changent. ❧ Il était vrai que, depuis le début de cette grossesse, désormais, Gareth avait passé bien plus de temps auprès de Jeyne qu'auprès de Megara elle-même ... ❧ Lyman, es-tu réellement obligé de partir ? ❧ Dans l'immédiat, même si le ton de la Princesse ne s'apparentait pas entièrement à celui qu'elle avait pu avoir encore enfant, il n'en demeurait pas moins qu'une certaine jeunesse naïve venait tenter ses paroles d'une pointe de candeur.
Megara Lannister
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Sujet: Re: Moderato cantabile [Tour VI - Terminé] Lun 19 Mar - 22:48
« Voyons, je ne flatte que les courtisanes … Mes sœurs, je les complimente. »
Nuance subtile, amusante, jouant sur les mots comme Lyman aimait tant le faire, avec une facétie dont il ne se répartissait jamais. Si son éducation n’était pas pour rien dans cette habitude d’amoureux des joutes verbales, cet attrait tenait bien davantage de son caractère naturellement joueur, mais qui n’aimait que les jeux raffinés ou galants … Voir si possible allier les deux. Les querelles de l’esprit lui avaient toujours nettement plus plu que les marivaudages guerriers, qu’il laissait aux hommes incapables de prouver leur virilité autrement qu’en brandissant une épée qui révélait généralement un complexe de taille au niveau de l’entrejambe ou de leur cerveau atrophié par la bière et la chaude-pisse contractée auprès des catins coureuses de champs de bataille. Son passage dans le Nord n’avait pas changé son avis. A vrai dire, il l’avait même empiré. Au moins, les nordiens s’étaient battu, à ce moment-là, pour leur survie, contre un ennemi barbare et sans pitié, sauvage, une horreur venue d’au-delà du Mur. Parfois, dans ses cauchemars, il revoyait ces choses couvertes de peaux humaines et bariolées de tatouages immondes, avec leurs os et leurs visages haineux … Oui, là, la guerre lui était apparue nécessaire, mais absolument pas plaisante. Que dire alors des conflits du sud de Westeros ? Tous quasiment n’avaient pour origine que la vanité d’un Roi qui n’arrivait pas à s’imposer autrement qu’en envoyant dans la tombe la moitié de ses paysans. Il suffisait de voir l’état de l’Orage pour s’en convaincre. Toute sa vie, Argilac avait combattu. Et pour quoi, au juste ? Rien. En définitive, son royaume avait été dévoré par le Noir une première fois, sa guerre contre le Val n’avait été qu’une boucherie stupide, et il était mort comme il avait vécu : brave, mais seul. Idiot jusqu’au bout. Mais guerrier. Soit. Grand bien faisait aux vers qui se repaissaient de son cadavre. Le fait était qu’à force, il avait conduit sa sauvageonne de fille à mendier qui aux dorniens, qui aux Braenaryon sa survie. Quelle réussite ! Enfin … Mieux valait penser à la paix dont jouissaient encore les Lannister. Oui, discuter bébés et maris avec sa sœur était plus reposant.
« Si les mauvaises langues ne persiflaient pas, la musique qui enchante Castral Roc ne serait plus la même. Depuis quand es-tu sensible à ce que raconte les jalouses, ma sœur ? »
Lyman n’éprouvait pas le même dégoût que Nymeria ou même Gareth pour les jeux de cours. Il avait notamment essayé de convaincre son épouse que ce qu’elle prenait pour des agaceries de nanties permettaient de régir les rapports de pouvoir complexe au sein d’un royaume qui ne pouvait compter sur l’écrémement de sa noblesse, et donc des opposants, grâce à la guerre ou aux rigueurs du temps. C’était l’avantage du Nord : entre les tués au champ d’honneur et ceux qui ne passaient pas l’Hiver, il n’était guère complexe de récompenser les survivants par quelque place de commandant, sans que de tels titres ne puissent être vu comme d’apparat uniquement. L’Ouest n’avait pas besoin de tels camouflages, et pour cause : ce n’était pas un royaume qui vivait par et pour la guerre. A la place, les jeux de cours dictaient l’équilibre du pouvoir, et une parole mal placée valait plus sûrement la disgrâce qu’une défaite … Et était moins coûteuse en hommes, accessoirement. Que des avantages en somme. Néanmoins, il n’était pas exempt de critiques sur certaines habitudes. Il savait simplement s’en accommoder. A vrai dire, il critiquait plus aisément les méthodes Lannister que le reste, qui n’en étaient finalement que le reflet, comme Megara venait inopportunément de le lui rappeler par quelques paroles qu’elle jugeait au contraire agréables à son encontre, peut-être.
« N’allons pas juste là. Père m’a juste prévenu de sa volonté, rien de plus, en même temps qu’il m’apprenait ses nouvelles décisions. »
Il retint la remarque persifleuse qui lui brûlait les lèvres, ce comme d’habitude qu’il ne pouvait s’empêcher de penser. Quand avait-il réellement été associé aux décisions du royaume ? L’amiral Rowlson ? Que nenni, puisque ses parents savaient dès le début ce qu’il en était de ses turpitudes. Restait Falwell bien sûr. Sachant qu’il n’avait aucunement été consulté avant, et après. Non, il avait été écarté de la suite, alors même que ses décisions avaient été bafouées par ces petits nobliaux qui s’étaient imaginé pouvoir défier les Lions. Serrett mort, il en restait encore quelques-uns à mater. Oh, que le Swyft ne se fasse aucune illusion. Sa rancune, intacte et brûlante, prévaudrait un jour ou l’autre. Il avait déjà quelques projets le concernant …
« Gareth ? Il bégayera pendant un petit moment, avant de finir par balbutier ce qui pourrait ressembler à … »
Imitant la voix de son meilleur ami, Lyman se mit à contrefaire sa réaction :
« Oh non, c’est trop d’honneur, mais je ne peux pas, comment vais-je échapper aux sermons de la Reine maintenant ! »
La moquerie n’était pas méchante … Et qui plus est, plutôt réaliste de son point de vue !
« Père a besoin d’un homme dévoué à cette place, et outre que choisir son gendre n’est pas dénué d’arrière-pensées dynastiques propres à atténuer la déception de certains ambitieux … Cela lui permettra sans doute d’avoir les mains plus libres sans se questionner sur le fait de devoir surveiller le nouveau promus. Tous les nobles de l’Ouest ne peuvent pas en dire autant. »
Non, Lyman ne réfléchissait pas en termes amicaux, ou même militaire. Toujours, il demeurait politique. Les mariages de ses sœurs l’avaient été, ceci suivrait le même chemin. Le Lionceau n’était pas un sentimental. Il ne l’avait jamais été. Les amitiés étaient une chose, la raison d’Etat en était une autre, et s’il préférait accorder les deux, il avait appris à s’en détacher. Le devoir d’un Roi était parfois de trancher, quitte à ce que ce soit douloureux. Les hommes de pouvoir vivaient seuls. Ou du moins, très peu entourés. Parfois peu aimés. S’en souvenir, c’était ne pas faire d’erreur. Ne pas se poser les questions que sa sœur venait de prononcer. Sans ciller, son regard se posa sur Megara. Il y avait quelque chose de souverain, dans ce regard, qui en appelait à la dynastie, au devoir, aux Lannister. Ce n’était pas le regard d’un frère posé sur sa sœur, mais d’un futur Roi à une héritière présomptive.
« Le devoir oblige à tout, Megara. Si Père a besoin de moi quelque part pour représenter la maison Lannister, alors il est impensable que je ne parte pas. »
Enfin, peut-être, qu’on pourrait lui faire confiance. Mais cela, il préféra ne pas le dire à voix haute. Ce genre de faille, d’espoir puéril, il le conservait pour lui, peut-être pour Jeyne ou Gareth parfois, quoique souvent, il n’en pipait mot, préférant entretenir son image de nonchalance qu’on lui prêtait souvent, ou de hauteur détestable, suivant les individus. Il préférait cela à montrer que le manque de confiance l’atteignait, qu’avant d’être un Lion, il était surtout un chiot qui ne voulait que démontrer à ses géniteurs qu’il était digne de leur confiance.
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Sujet: Re: Moderato cantabile [Tour VI - Terminé] Mer 28 Mar - 0:08
Megara avait toujours évolué dans un monde où Lyman occupait la place du successeur, de celui qui s’assiérait sur le trône royal le jour où, par grand malheur, leur père s'en serait allé. Et cela ne lui avait jamais causé le moindre problème, pas plus qu'elle n'avait jamais nourri en son sein quelque jalousie ou convoitise. Il méritait cette place, étant son aîné, qui y avait-il de plus à dire, si ce n'était qu'elle savait qu'il ferait un bon roi. Peut-être pas le plus belliqueux ni le plus prolifique, mais elle ne pensait en rien qu'il ne conduise le royaume à la ruine par son manque de sérieux et son incompétence. De toute façon, jamais Jordane Lannister n'aurait laissé le moindre de ses enfants avoir l'esprit aussi vide et creux qu'une cruche cassée ! Elle avait certes toujours été si attentive et exigeante quant à l'image qu'ils renvoyaient physiquement d'eux, mais ce n'était pas pour autant qu'elle avait laissé pour compte leur éducation et leur enrichissement intellectuel, loin de là, même ! Il n'y avait donc sans doute jamais réellement eu la moindre tension entre Lyman et Megara. A défaut d'avoir été très proches, leurs relations avaient toujours été apaisées. Peut-être y avait-il des non-dits entre eux, mais elle espérait ne point se tromper en pensant qu'il n'existait entre eux aucune source de tensions, pour aujourd'hui comme pour les jours à venir. Mais le futur étant ce qu'il était, c'est à dire sinueux, imprévisible et fourbe, il ne fallait jamais tirer de plan sur la comète en se disant que les choses continueraient à suivre leur cours, jusqu'à la fin, en suivant la même lancée que jusqu'au présent jour.
❧ J'en suis donc fort aise, alors. Et je n'aurais alors rien contre le fait que tu me complimentes plus souvent. Mère m'a toujours appris que la parole a été donnée à l'homme pour déguiser sa pensée, mais j'ose espérer que tu me connais assez bien pour savoir que je serais toujours plus peinée que l'on me mente plutôt que l'on m'adresse quelque reproche. ❧
Tous deux étaient issus de la même lignée. Ils avaient été engendrés par les mêmes géniteurs, et même si leur éducation et son contenu avaient pu varier, ils étaient fait de la même trempe, sans doute. On leur avait enseigné les mêmes préceptes et parmi eux, il y avait le fait de toujours savoir suffisamment bien manier le verbe pour ne point apparaître sot ou ingénu. Elle lui renvoyait la balle, en quelque sorte, avec grand plaisir et un petit sourire amusé sur les lèvres. Bien que sa pensée était on ne pouvait plus sérieuse. Oui, elle préférerait toujours bien plus qu'il la critique plutôt qu'il la dupe en la flattant par devant avant de lui casser du sucre sur le dos par derrière. Il existait en ce monde si peu de personnes dans lesquelles Megara pouvait réellement avoir confiance. Alors autant ne jamais s'aliéner les propres membres de sa proche famille, non ?
❧ Cette musique, comme tu dis, en vient parfois à me lasser, surtout ces derniers temps, où je me surprend de plus en plus à manquer de piquer du nez alors même qu'on croit me satisfaire en m'informant, pour mon "propre bien", de la mesquinerie de tel ou tel autre courtisan ... ❧ Elle avait pu avoir une conversation abordant un thème proche de celui-ci, il y a quelques temps, et ce avec nulle autre que Lynara Brax. Et même si elle ne pouvait qu'aller dans le sens de la jeune femme, qui lui avait dit que jamais il n'en prendrait à l'idée de quelque courtisan que ce soit d'informer son auditoire que la Princesse de l'Ouest s'était endormie pendant qu'il lui parlait ... Et bien Megara souhaitait tout de même couper court à ce risque, savait-on jamais ! ❧ Je crains fort que ma grossesse ne m'amène à être en proie à bien des émotions contradictoires, quand elle ne m'expose pas à des humeurs bien plus sensibles et volatiles qu'à l'accoutumée. En cet instant où je ne contrôle point la physionomie de mon propre corps, comprends que je puisse prendre à cœur, plus que je ne le devrais, les petites remarques qui peuvent circuler sur ma personne. C'est à croire que voila le commencement de la fin, pour moi, tant que je n'aurais point accouché ! ❧
Posant une main sur son flanc et l'autre sur son ventre, Megara ne manquait point d'adresser un sourire suffisamment visible à son frère pour que celui-ci ne risque point de s'inquiéter à son sujet, bien qu'elle espérait également qu'il n'en vienne pas à lever les yeux au ciel devant sa naïveté. Elle n'était point naïve, et ne cherchait pas non plus à se trouver des excuses, c'était juste que ... Que certaines paroles, même vouées des meilleures intentions, l'amenaient parfois au bord des larmes très récemment. Pas plus tard que la veille, d'un sourire encourageant, le Mestre lui avait confirmé qu'elle grossissait bien. Avant qu'il ne la regarde, paniqué et un peu pataud, alors qu'elle sentait ses yeux la piquer d'une petite vague de larmes. Il était vite reparti, mais pas aussi vite que la fois où elle l'avait chassé de ses appartements juste après qu'il lui ait appris qu'elle était enceinte. Quoi qu'il en était, Megara demeurait tout de même Megara. Et, encore une fois, elle se disait, intérieurement, qu'il pouvait être parfaitement compréhensible que, lors de sa dernière missive envoyée au Roc, leur père, à Lyman et à elle, avait choisi d'être le Roi avant d'être le Père. Elle ne répliqua donc pas à la réponse que lui formula son frère. Tous deux étaient sans doute plus à l'aise en en laissant la conversation là où elle était, concernant ce sujet, non ? De toute façon, le sourire lui revint bien vite, tant et si bien qu'elle laissa fuser un rire cristallin, jeune et lumineux, en entendant et voyant Lyman se livrer à une imitation de Gareth.
❧ A-t-il réellement été assez utopiste pour penser qu'un jour, Mère le jugerait suffisamment insignifiant pour ne plus lui accorder la moindre attention ? ❧ Quoi qu'il en était, si Megara continuait de forcir au même rythme que présentement, son époux n'aurait bientôt nulle difficulté, une fois rentré, à se cacher sous ses jupons pour tenter d'échapper à l’œil inquisiteur de la Reine ! Une pensée qui la fit rire, une fois de plus, bien qu'elle se garda de la partager avec Lyman. Ne serait-ce pas un peu gênant ? Cependant, le sérieux lui revint suite aux propos de son frère. ❧ Je suppose que de toute façon, Père n'a point pris sa décision de façon brusque et inconsidérée. Il doit mûrir ce choix depuis quelques temps déjà. Quoi qu'il en soit, Gareth saura tenir son rang, et pleinement assurer ses fonctions, je n'en doute pas. Et c'est une bonne chose pour Père : il a déjà tant à faire ... ❧
Si, jusque là, Megara s'était majoritairement exprimée en tant qu'une sœur parlant à son frère, la situation changea quelque peu par la suite. Ou tout moins la jeune femme ressentit-elle un renversement de situation suffisamment perceptible pour adopter une attitude différente. Brusquement, Lyman n'était plus tant son frère que son futur roi. C'était une sensation toujours si étrange, et quelque peu intimidante, pour Megara, et ce en dépit de toutes ces années. D'habitude, Jordane ou même Loren étaient bien plus coutumiers du fait, ce qui ne signifiait en rien que Lyman s'était toujours exempté d'une telle attitude. La jeune femme se sentait un peu comme prise en faute, ce qui n'était jamais très agréable, surtout pour elle qui voulait tant faire honneur aux siens. En un instant, tant de choses s'entrechoquèrent dans l'esprit et l'attitude de la Princesse de l'Ouest. Tout d'abord, ce fut comme si on lui avait brusquement raidi le dos, qui se mit à la tirer et à lui faire mal. Sans doute parce qu'elle avait adopté cette posture toute princière qui était la sienne, en se redressant pour ne point paraître affalée, et faire honneur à son rang. Ensuite, cette main, posée sur son ventre, retomba brusquement, comme dénuée de force, avant que Megara ne se ressaisisse et ne l'entrecroise avec sa jumelle, juste devant ce ventre qui bloquait un peu le passage. Et puis, elle baissa la tête, observant ses pieds un instant, avant d'orienter de nouveau son regard en direction de son frère.
❧ Je comprends. C'est juste que tout ceci est nouveau pour moi. Jusqu'alors, concrètement, le devoir n'a jamais tenu éloigné de moi l'un d'entre vous très longtemps. En tant que Princesse, mon esprit comprend et acquiesce. ❧ A titre personnel, en revanche, son cœur était d'ores et déjà peiné. Une nouvelle fois. Une nouvelle fois, en si peu de mois seulement. Ce qui rendait les choses quelques peu ardues, tant à vivre qu'à gérer. Elle était écartelée entre deux directions, et si en temps normal, elle était tout à fait en mesure de garder l'équilibre sans rien en laisser paraître, présentement, étant enceinte, les choses étaient un peu plus compliquées pour elle. Alors, elle préféra ne rien rajouter.
Hear Us Row
It’s the family name that lives on. It’s all that lives on. Not your honor, not your personal glory, but family.
Megara Lannister
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Sujet: Re: Moderato cantabile [Tour VI - Terminé] Lun 7 Mai - 14:21
« Tu peux réduire tes apparitions publiques et limiter ta compagnie à tes seules dames, si cela te sied davantage, hormis pour les futurs grands événements qui s’annoncent, bien entendu. Je gage que ces dernières seront plus à même de comprendre ce qu’il en est et auront à cœur de te faire sourire.
Je peux m’occuper de tes propres attributions princières si tu as besoin de plus de repos. Personne ne m’attend le soir, j’ai donc davantage de temps pour cela. »
Lyman n’avait pas de devoirs conjugaux ni d’épouse avec qui converser le soir venu ou même dans la journée, puisque Jeyne était toujours dans le Conflans. Par conséquent, il se concentrait sur son travail et ses obligations princières, en prenant peut-être davantage encore que d’habitude, afin d’oublier ses inquiétudes tout en essayant de montrer que, malgré les médisances, il était bel et bien l’héritier que le Roc attendait, et qu’il saurait, le moment venu, mener le royaume vers la grandeur. En un sens, lui aussi avait l’habitude des ragots de la cour et de leur effet délétère. Que n’avait-il entendu comme avanie après l’affaire Falwell ! Que n’entendait-il encore, constamment sur son épouse et son mariage ! Pour autant, cela ne l’abattait pas. Au contraire même, ce qu’on lui rapportait lui servait d’énergie pour produire une détermination farouche, une envie forcenée de faire rendre gorge, avec le sourire, à tous ceux qui critiquaient son action ou bien les origines de celle qu’il avait épousée – fallait-il le rappeler ! – devant les Sept. Dès son plus jeune âge, il avait subi les remontrances de ceux qui voyaient dans ce Lionceau chétif, dans ce bouquineur aux crocs de lait un successeur bien loin d’égaler les prouesses d’un Loren Lannister, qui devait l’essentiel de sa renommée à sa grande victoire lors du siège de Castral Roc. Longtemps, Lyman en avait éprouvé une certaine amertume, alors qu’il s’échinait à être ce chevalier que tous désiraient si ardemment voir sur le trône. Combien de foulures, de fractures même, d’humiliations et de souffrance cela lui avait-il valu ? Il ne pouvait toutes les compter. Seule la cicatrice de la quintaine qui lui avait brisé deux côtes demeurait aujourd’hui, agrémentée désormais par la fine estafilade qu’il portait encore au bras, souvenir de la Mort-aux-loups. Là était son drame : son véritable fait d’armes avait été obtenu sur une terre étrangère, sans presque aucun témoin de son pays. Et puis le temps avait fait son œuvre. L’exemple de sa mère aussi : l’on louait Loren, et beaucoup craignait Jordane. Pourtant, durant les années de paix, c’était bel et bien sa génitrice qui avait mené le royaume à la prospérité, qui avait conservé la neutralité de l’Ouest grâce à un jeu politique habile. Qui lui en était gré ? Trop peu. A la place, certains se contentaient de cancaner sur les infidélités du Roi. Quelle injustice. Et pourtant, jamais la Lionne ne paraissait se laisser atteindre par ce genre de commérages, et cette force inflexible faisait l’admirable de Lyman, qui avait soigneusement retenu les leçons maternelles. Si la ressemblance physique allait vers son père, force était de constater que sous le vernis de la galanterie paternelle se cachait l’esprit reptilien et dur de sa mère. Il avait été élevé pour être leur héritier, à tous les deux, et avait conscience que ce mélange et les événements avaient fait de lui un être strict, plus politique qu’affectif. Cela n’enlevait rien à ce qu’il était dans l’intimité, mais il eut été mentir que d’assurer que l’influence de Jordane ne l’avait pas rendu exigeant, envers lui comme envers les autres. Ainsi, lorsqu’il estimait que Gareth remplirait parfaitement son office, il ne parlait pas pour son ami, mais pour le jeune noble qu’il était. Aussi hocha-t-il la tête aux propos de sa cadette. Quant à son assertion précédente, il avait conscience de son poids, mais l’estimait nécessaire. Ils avaient été protégés, trop peut-être, habitués à un certain confort. Le devoir dans l’Ouest revêtait des formes plus douces, à bien des égards que dans le Nord. Plus perverses, parfois. Mais leur famille avait été essentiellement préservée. Ce genre de privautés ne saurait durer, hélas.
« Cela prouve simplement que tu connais la douceur de la paix. Trop ont oublié le bonheur qu’il y a à vivre auprès des siens, à ne point s’inquiéter de leur devenir. Les mois qui viendront nous enseignerons probablement davantage sur ce qu’est véritablement l’orgueil des Lannister que tout ce que nous avons vécu. »
Il était grave, Lyman, et pourtant sincère. Megara, comme lui, était une enfant de la paix et de la douceur. Mais contrairement à sa sœur, il avait enduré la mort dans le Nord, vu les ravages de la guerre et du devoir. Il estimait son beau-père, louait ses réalisations. Mais il avait aussi compris le terrible prix que cela avait coûté aux Stark : Jeyne avait vu tous ses oncles mourir peu à peu, n’avait finalement que très peu grandi auprès de son père. L’hiver avait emporté sa mère. Et pourtant, la part de Jordane Lannister en lui ne pouvait s’empêcher de penser qu’il aurait agi presque de la même manière que le Vieux Loup, même s’il aurait pris soin de garder contact avec ses enfants, de leur exprimer son affection et sa fierté. Néanmoins, s’il devait consentir des sacrifices de la sorte … Il le ferait. Il avait déjà laissé sa femme enceinte partir du Roc et malgré tous ses sourires, seuls les Sept savaient combien un tel acte avait été douloureux. Les lions devaient rester solidaires, tout en s’endurcissant. Sinon, ils s’empâteraient et finiraient dévorés par d’autres prédateurs. Westeros n’en manquaient pas. Au moins pouvait-il adoucir un peu les angoisses de sa sœur pour un temps.
« Nous verrons ce qu’il en est. Pour le moment, j’ai suffisamment de quoi m’occuper au Roc. »
Surtout vu ses projets …
« Je compte organiser de grandes fêtes pour le retour de Père et de Jeyne. Le Roi et la Princesse héritière reviennent dans l’Ouest après une délégation diplomatique … Cela mérite de promptes réjouissances, et saura nous rallier les derniers récalcitrants parmi la noblesse, ainsi que contenter pour un temps le peuple.
Un grand banquet, un tournoi et peut-être un concours d’archerie … quelque chose de traditionnel, mais fastueux, à même de montrer la grandeur des Lannister et de l’Ouest. »
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Sujet: Re: Moderato cantabile [Tour VI - Terminé] Mer 9 Mai - 2:07
Les apparences étaient trompeuses, ou en tout cas, il ne fallait pas les pousser jusqu'à l'extrême, au risque de se prendre un retour de bâton en bonne et due forme, ou de tomber de haut, de très haut. Se prendre les pieds dans le tapis ne devait pas être une sensation très agréable, et cela ne devait pas non plus être très bon concernant l'estime personnelle. Sans parler du regard des autres, de leur jugement, et de tout ce qui s'en suit. Ainsi, certes, Megara était la plus calme, la plus patiente et sans doute la moins déraisonnable de sa fratrie. Mais il fallait aussi dire qu'avec Lyman et Nymeria, elle aurait eu fort à faire, niveau concurrence, si elle aussi, elle avait voulu se lancer dans l'aventure, si l'on peut dire les choses ainsi. Sans doute avait-elle compris, très jeune, qu'elle ne représenterait jamais vraiment une menace pour son frère aîné, et que, donc ... Donc, elle n'avait pas à apprendre dès toute petite à lui montrer les crocs. Elle avait une place de choix, également, en étant la cadette. Elle était au milieu, l'enfant qui n'était ni l'aîné ni la benjamine. Elle n'avait pas exactement sur ses épaules le poids des responsabilités futures, le poids de l'héritage qu'il faudrait assumer, en temps voulu, le poids du devoir à accomplir là où la vacance du pouvoir royale ne se devrait jamais de pouvoir ni exister ni être ressentie. De la même façon, elle n'avait pas vraiment à prouver qu'elle n'était pas l'enfant de la fratrie, qu'elle n'était pas non plus la troisième roue du carrosse. Cela lui avait donc permis de se développer et de s'épanouir confortablement. Mais elle était tout autant née lionne que sa petite sœur, et elle était tout autant que son frère de la Lignée des Lions. Il avait donc toujours été hors de question pour elle de n'être qu'un gentil petit chaton qui, plus tard, deviendrait jolie chatte. Sa mère ne l'aurait pas permis, de toute façon, et son père aurait compris que cela ne siérait point, en dépit de l'affection incommensurable qu'il éprouvait pour Megara et qui devait sans doute parfois quelque peu aveugler son jugement. Megara était née lionne, et si ses griffes et ses crocs n'étaient ni aussi acérés ni aussi létaux que ceux de sa mère, elle demeurait une digne représentante des Lannister. Alors, non, il ne fallait pas croire, mais la jeune femme avait elle aussi son petit caractère. Sans doute en fallait-il, de toute façon, pour ne point se laisser dévorer par l'énergie sans limite qu'avait pu déployer sa petite sœur, et pour ne pas non plus se laisser écraser les pieds par les exigences et les prétentions toutes princières de son frère aîné. Elle n'avait que peu souvent eu besoin d'élever la voix pour se faire entendre. Cela devait dénoter une certaine propension de sa part à savoir s'imposer d'elle-même, sans avoir besoin de brasser de l'air en tous sens ou de grimper sur quelque objet que ce soit pour gagner quelques centimètres ou provoquer une réaction chez ses interlocuteurs. Quoi qu'il en était, oui, elle avait son petit caractère, et elle aussi possédait un certain orgueil, à moins qu'il ne s'agisse plutôt d'un orgueil certains.
❧ Je crois bien que Mère prépare quelque chose au sujet de mes dames de compagnie. Sans qu'elle ne m'est cependant mise dans la confidence. ❧ Souvent ... Souvent, et c'était quelque peu regrettable, en certaines occasions, Jordane Lannister prenait des décisions concernant ses enfants sans prévenir ou avertir ceux-ci. Présentement, ce n'était pas exactement le cas, mais Megara en savait peu, et, dans le fond, elle ne savait pas grand chose. Elle comprendrait tout en temps voulu. C'était plus ou moins la réponse qu'avait fourni sa mère à ses questions. Jordane était la Reine, après tout ... Mais dernièrement, Megara en venait parfois à se demander si cette dernière réalisait bien que sa fille n'était plus une enfant, mais bel et bien une future mère. Mais passons. ❧ Je te remercie de ta sollicitude, Lyman, mais je me dois de refuser. Du moins, concernant toutes les attributions princières qui ne nécessitent pas que je laisse trop de courtisans m'entourer, en dehors des grandes occasions, bien évidemment. Je suis enceinte, pas sur le point de mourir, et ... Il est de mon devoir de Princesse de ne point baisser les bras à la première contrariété. Il est déjà prévu que tout ceci se réduise peu à peu à l'approche de mon accouchement. ❧ Elle marqua un temps d'arrêt, avant de reprendre. ❧ Lorsque Père est venu m'annoncer son départ prochain, il m'a adressée toute une liste de recommandations. Et il n'a pas manqué de me signaler à quel point il se sentirait soulagé et rassuré de ne pas perpétuellement nous savoir distants l'un de l'autre. Cela lui semblait important, et ... Je crois que ça l'est, pour moi aussi, car je n'ai plus que toi. Alors ... Alors même si je sais que je peux tout à fait ne pas toujours être très divertissante en ce moment, si tu souhaites tout de même de la compagnie ... Je suis là. Sache le. ❧
C'était une proposition ouverte, qui n'engageait en rien et n'obligeait pas Lyman à lui répondre, que ce soit maintenant ou plus tard. Mais au moins, c'était dit, loin du devoir et des obligations. Megara s'était exprimée avec sincérité, vraiment. D'une certaine façon, sans doute le fait d'être prochainement mère lui ouvrait-il quelque peu les yeux, à moins que tout ceci ne soit également dû aux conversations qu'elle avait pu avoir à ce sujet avec son père ou bien encore avec son époux. Le fait qu'un fossé se creuse entre son frère et elle n'avait jamais été dans ses intentions. Et elle se refusait également à voir une muraille s'ériger entre eux sans rien faire pour quelque peu faire s'écrouler l'édifice, ou tout du moins pour le faire chanceler. Lyman pouvait et devait pouvoir avoir confiance en elle. Car si les Lions ne peuvent s'appuyer les uns sur les autres, et bien ... Il n'était pas surprenant que ce genre d'animal ne vive qu'en harde. Bien que, la plupart du temps, il existe également des lions solitaires, pour la simple et bonne raison qu'une harde était majoritairement composée d'un bon nombre de lionnes, de leurs petits, et de seulement quelques mâles. Les autres représentants du genre masculin étaient alors chassés, de grès ou de force, les contraignant à se battre pour s'imposer, ou à éliminer la concurrence pour se créer leur propre harde, ou en dérober une à un opposant qu'ils auraient au préalable exécuter. Le règne animal pouvait être terrible. Mais combien de fois Megara avait-elle pu entendre ses parents leur expliquer, à sa fratrie et à elle, qu'il en allait également de la sorte concernant l'espèce humaine ? Certes, Megara serait jamais Reine, sauf si un grand malheur survenait. Et elle n'était en rien une figure rivale, pour Lyman, n'est-ce pas ? Dès lors, oui, elle devait lui assurer qu'elle lui était loyale, fidèle et dévouée, en tant que soeur plutôt qu'en tant que Princesse, d'ailleurs. Etre Princesse était un titre, un titre avec lesquelles arrivaient bon nombre de responsabilités, mais ... Mais on devenait autant Princesse de l'Ouest par le mariage que par droit du sang. Et à ce compte là, en suivant le raisonnement de Jordane Lannister elle-même, le droit du sang devait toujours s'imposer sur le mariage, dans le sens où ... Où la traitrise était encore moins acceptable quand elle émanait d'un être issu de votre lignée. Et dans le sens où une femme ne devait jamais oublier de là d'où elle venait, et de la Lignée dont elle était originaire. Un instant, Megara se demanda s'il serait possible, un jour, pour Nymeria, de devenir plus faucon que lionne ... Quoi qu'il en était, le ton grave et assez solennel de Lyman faisait naître en Megara bien des questions. Elle ne savait pas, de visu, ce qu'avait pu connaître et endurer Lyman, lorsqu'il était partie vers le Nord. Mais elle le trouvait tout de même changer, et avait présentement l'étrange impression que, peut-être, sans le vouloir, il parlait en connaissance de cause, concernant ce jugement qu'il émettait sur elle, et sur les habitudes de vie qu'elle connaissait depuis toujours.
❧ Je ... Lyman, entre toi et moi, en tant que mon frère, j'entends, est-ce que ... Est-ce que je dois m'attendre à ce que Gareth revienne différent ? Dois-je me préparer à ... A quelque chose en particulier ? Que dois-je faire pour ... Pour ne pas commettre d'impairs, si jamais ? Tu ... A ton retour, la dernière fois, tu étais plus le Prince que le frère, quand nous nous sommes revus. Et je n'ai alors peut-être pas entièrement saisi la portée des changement survenus pour toi, au-delà de ton simple mariage. Je te prie de bien vouloir m'en excuser, si tel est le cas. ❧ Peut-être était-ce ainsi qu'elle devait procéder, si elle voulait se rapprocher de lui ? Peut-être devait-elle se présenter à lui comme sa sœur plutôt que comme Princesse du Roc ? Ou peut-être tout ceci était-il trop naïf et trop puéril, à ses yeux à lui ? Peut-être qu'il ne tarderait pas à lui demander du sérieux, de la maturité et du réalisme ? Mais, sans essayer, Megara ne pouvait point savoir, n'est-ce pas ? Quoi qu'il en était, elle se devait de continuer à faire preuve de patience et de tolérance vis à vis de son frère. Tout comme elle se devait d’acquiescer au mieux à ses décisions. Alors, face aux plans que semblait déjà élaborer son frère, Megara ne put qu'incliner discrètement du chef, un petit sourire aux lèvres. ❧ Père appréciera, j'en suis sûre. Et il sera en effet de bon ton de célébrer la réunion de toute la famille royale de l'Ouest, après toutes ces semaines de séparation. Le pouvoir serait de nouveau au complet, et il ne manquera plus aucun des joyaux de la couronne. ❧ Mais ... Mais Nymeria ne serait pas là, n'est-ce pas ? A cette pensée, son cœur se serra quelque peu.
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It’s the family name that lives on. It’s all that lives on. Not your honor, not your personal glory, but family.
Megara Lannister
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Sujet: Re: Moderato cantabile [Tour VI - Terminé] Dim 3 Juin - 18:31
« Mais … Nous ne sommes pas distants. »
L’expression de son visage, la tonalité de sa voix, l’ourlet de sa bouche … Tout montrait à quel point la surprise que Lyman affichait n’était pas feinte. Déstabilisé par cette assertion, par l’idée que son propre père puisse considérer que son fils aîné n’avait peu ou prou que faire de sa sœur cadette, le Prince se trouvait véritablement désarçonné, coupé dans son élan, comme fauché en plein vol. Il n’arrivait même pas à concevoir comment quelqu’un pouvait penser cela, n’ayant jamais ressenti réellement un tel sentiment à l’égard de ses liens fraternels. Il n’était pas proche de ses sœurs, au sens amical du terme, mais parce qu’ils n’avaient tout simplement ni les mêmes centres d’intérêts, ni les mêmes caractères, ce qui lui semblait normal au sein d’une fratrie, surtout avec des sexes différents ! Leur éducation avait également été divergente, leurs cercles intimes l’étaient également. Megara avait ses dames de compagnie, qu’il n’avait certes pas dédaigné dans sa jeunesse, mais pour des motifs plus galants qu’amicaux. Il aimait la liberté d’avoir ses propres proches, ceux qu’il avait choisi en dehors précisément de sa famille, de son chef, pour qui il n’était ni fils ni frère mais un jeune héritier, un poète … Ce n’était pas égoïste, non, que d’aimer cultiver son jardin secret ? Cela ne signifiait pas pour autant qu’il ne gardât pas un œil sur ses sœurs ! Sinon, il n’aurait pas arrangé leurs mariages avec tant de soins ! Seulement … Il ne partageait pas la passion de Nymeria pour les armes et la chevalerie, au contraire même. Il n’avait pas forcément les mêmes goûts que Megara. Elles étaient ses sœurs, il les aimait. Avait-il besoin de le crier à tout bout de champ ? Avaient-elles pensé qu’il les dédaignait par mépris ou autre ? Qu’il ne s’intéressait pas à elles ? Une telle pensée le peinait, creusant dans le sillon de son cœur une plaie à vif, dont il essaya de contenir la douleur. Semblait-il si indifférent à sa propre famille ? Etait-il donc à ce point le digne fils de sa mère ? Manifestement. C’était juste son caractère, son éducation. Lyman était agréable avec tout le monde, mais ne s’épanchait que peu. Il appréciait le calme, le travail, et lorsqu’il se laissait aller à quitter son bureau, il ne désirait rien tant qu’être Lyman, et non autre chose, ce qui expliquait sa propension à organiser de petites collations dans un cadre privé où il profitait de son entourage, lorsqu’il ne partait pas retrouver sa femme pour se ressourcer auprès d’elle et dépenser son énergie de manière autrement plus agréable. Pour autant, il n’avait pas coupé à un seul de ces interminables et monotones repas de famille. Il accordait du temps à ses sœurs, il venait leur parler de temps en temps, il faisait la conversation à la tablée Lannister, il veillait sur elle, s’enquérait toujours discrètement de leur santé, de leurs activités … Il était toujours parti du principe qu’elles n’auraient pas supporté l’ombre étouffante d’un frère trop présent. Elles avaient déjà Jordane pour cela, pas besoin qu’il se rajoute ! Non vraiment, il ne comprenait pas … Et il avait du mal à savoir ce qui lui était plus douloureux : de savoir que sa sœur pensait cela, ou alors d’apprendre que son père était convaincu qu’il était nécessaire qu’il enjoigne sa fille à lui parler, sans le voir, sans lui faire confiance manifestement. Mais tous le prenaient-ils pour cet être frivole qu’il affectait dans la Cour pour que tous baissent leur garde ?
« Enfin … C’est absurde ! Et que Père pense cela … »
Les mots s’étranglèrent dans sa gorge, la colère se mêlant maintenant à la tristesse et à la surprise qu’il ressentait, le tout se mêlant en lui pour former un limon putride qui envahissait son âme pour y déverser ce qu’il ressentait comme une injustice à son encontre, un reproche larvé qui lui était adressé de la part de leur géniteur par l’entremise de Megara. Comme s’il avait des leçons à recevoir d’un homme qui couchait avec la moitié de la Cour sous les yeux de sa femme ! Et après, c’était lui qui était distant ! Lui qui … La rage l’étouffait. Heureusement, son éducation royale, tout en contrôle, l’œuvre de Jordane, prit le dessus, et il se reprit avant de souffler avec toute la retenue dont il était capable :
« Nous avons chacun nos amis, nos centres d’intérêt, nos devoirs … Mais ce n’est pas parce que nous ne passons pas tout notre temps ensemble que je vous néglige, mordieu ! Je fais toujours attention à vous deux, Megara. Je sais ce que vous faites, je m’enquière de votre santé, je fais taire ceux qui auraient la langue un peu trop maladroite à votre égard … Simplement, j’ai toujours considéré que l’ombre de Mère était suffisante pour ne pas faire peser celle d’un frère aîné trop présent en plus. Je ne me vois pas régenter vos vies, et être sans cesse à vos côtés, car l’on dirait immanquablement que je vous surveille …
Mais … Je dîne toujours en votre compagnie, et je suis toujours venu vous voir de temps en temps, quand je sais qu’il n’y a pas forcément du monde pour vous entourer. Vous êtes ma famille. Mes sœurs. Peu importe si Nymeria est dans le Val à présent, cela ne change rien. »
Il s’interrompit, définitivement mal à l’aise, les regrets lui brûlant soudain la gorge.
« Pourquoi ne rien me dire ? Je suis toujours parti du principe que notre fonctionnement vous convenait, qu’ainsi, Nymeria pouvait s’adonner à tout ce que, sinon, j’aurais dû lui interdire par devoir et que je ne pouvais pas faire si je faisais semblant d’ignorer la teneur de ses passe-temps, et que toi … Tu étais heureuse d’être plus libre, en dehors de mon ombre. »
Même si la remarque s’était voulue innocente, Lyman devait admettre sortir véritablement secoué face à ce que cette assertion avait remué en lui, dans les reproches qu’il pressentait couver sous la proposition, dans la rancœur qu’il ressentait à l’idée que tous ressentent quelque chose à son propos sans lui en parler directement … Et surtout, il avait l’impression désagréable de se retrouver dans la position de l’accusé, d’être, in fine, un mauvais frère, un personnage détestable et qui renvoyait une image bien lointaine de ce qu’il éprouvait réellement. Nymeria était-elle partie dans le Val en se pensant négligé par son frère aîné, par celui qui, pourtant, s’était battu pour qu’elle épouse celui qu’il aimait ? La réponse ne pouvait être que positive, et ce constat achevait de concasser les miettes qui restaient de son cœur. Il ne lui restait donc qu’à être ce frère que manifestement, ses sœurs n’avaient jamais vu, pour un temps, avec une seule d’entre elle, la gorge serrée et le verbe moins fier.
« Si Gareth n’a pas outrageusement changé après la Mort-aux-loups, du moins en apparence … Je ne pense pas qu’une escarmouche altère réellement son être, sincèrement. Sois juste toi-même, et laisse-lui l’espace dont il a besoin s’il te le demande. Je pense que la perspective d’être père aura plus à voir avec un éventuel changement. »
Rien ne pouvait se comparer à ces milliers de corps s’entrechoquant durant la Mort-aux-loups, à cet océan interminable d’ennemis prêts à les faire saigner comme des porcs, à l’horreur ultime de cette bataille, et au sentiment effroyable de savoir que c’était cela, qui pouvait menacer l’Ouest, que c’était à cela qu’était le prix de la paix, que les décisions qu’il prendrait, un jour, pourraient aussi mener leur royaume au bord de la destruction. Ce jour-là, il avait compris, réellement, la charge de la couronne, parce qu’il avait vu tant d’hommes se lever le matin pour ne jamais connaître un autre jour. Il avait vu l’enfer, et su qu’il était capable de le provoquer.
« Mais ce que nous avons vu dans le Nord … C’était le désespoir d’une famille qui a vu tous les siens massacrés, femmes et enfants compris. Ce jour-là, quand nous étions tous autour de mon beau-père, à discuter de l’avancée sur les sauvageons, et que ce garçon de mon âge, hagard au-delà de tout, est entré et a commencé à parler … Quand j’ai vu leurs visages … C’était celui de la mort, Megara.
Et après … Cinquante mille sauvageons, étendus sur les plaines, qui hurlaient leur haine … Leurs prisonniers derrière, les femmes que nous avons récupérées dans … »
Il s’arrêta, conscient qu’il ne s’agissait pas de quelque chose qu’il pouvait exprimer devant sa sœur, par bienséance autant que par soucis de ne pas trop l’éprouver.
« J’ai vu ce que Père a vu quand il a défendu Castral Roc. Ce que je pourrais, un jour, amener sur l’Ouest à cause d’une mauvaise décision. Toutes ces vies qui s’éteignaient … Le même nombre, plus même, reposera un jour entre mes mains. D’un seul mot, je condamnerai des familles à la misère, faute de père, de fils ou de mari. Je ferai des veuves, des orphelins. Je créerai des champs dévastés, des infirmes. »
Son regard se porta sur cette main de décision, de pouvoir.
« Un jour, Megara, j’apporterai la ruine ou la prospérité sur le Roc. C’est une chose de le savoir et une autre de le comprendre profondément, dans sa chair. »
Il pointa son bras qui, sous les étoffes soyeuses de son pourpoint de velours portait toujours la cicatrice due à son engagement dans cette bataille.
« S’être vu mourir transforme notre vision de la vie … et du devoir. De ce que Père et Mère ont bâti, également. De l’héritage et du poids de la couronne. Et de l’immense chance que nous avons eu de ne connaître que la paix. »
Il était perdu dans ses souvenirs, dans le lointain, dans cette horreur qu’il ne désirait revivre à aucun prix, hanté par cette bataille infernale autant que par ce qu’elle disait de la paix et de la guerre et de son futur. Lyman avait toujours été fier d’être le Prince de l’Ouest, n’avait reculé devant aucun sacrifice pour être à la hauteur. Il avait toujours apprécié sa position, n’avait jamais douté de son bien-fondé, de ses talents. Mais face à la Mort-aux-loups, il avait pour la première fois le fardeau du pouvoir dans son aspect le plus douloureux.
Ce fardeau, il en souffrirait encore quand il mettrait son mariage en danger. Il délayerait autant que possible le moment où les décisions devraient être prises. Mais il ne pourrait le faire éternellement. Et ce jour-là arriverait trop vite, avec des conséquences trop douloureuses.
« Le temps lui manquera. »
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Sujet: Re: Moderato cantabile [Tour VI - Terminé] Jeu 7 Juin - 21:04
Le simple fait que Lyman puisse réagir ainsi, et bien ... Et bien, c'était tout à fait inattendu pour Megara. Non point qu'elle ait un jour pu imaginer son frère comme absolument incapable d'exprimer ses sentiments ou, pire encore, de ressentir quoi que ce soit. Après tout, certes, leurs parents avaient de nombreux points de divergence, et les différences ne manquaient pas entre eux, mais il était impossible de douter qu'il s'agissait là de deux êtres passionnés, qui ne réagissaient sans doute pas de la même façon face à ce que pouvait bien leur dicter leur cœur, mais qui ne s'étaient pas pour autant murer dans un quelconque mutisme et détachement quand à ce qu'ils pouvaient ressentir. Tous deux n'avaient donc jamais pu faire de leurs enfants des êtres totalement aseptisés, froids et distants, immunisés contre les sentiments, les émotions et les sensations. Et de cela, il n'y avait point à douter. C'était assez visible, d'ailleurs, mais chacun des enfants Lannister avait développé sa propre façon de réagir aux choses. Nymeria ne s'en laissait jamais compter. Lyman ne manquait jamais de rappeler à vos bons souvenirs qui il était. Megara éprouvait tout de façon décuplée et parfois même disproportionnée. Alors, non, la cadette de la fratrie n'avait jamais pensé que son aîné puisse demeurer totalement indifférent à tout, à toutes et à tous. Mais le voir réagir ainsi, de cette manière, si vite, presque en lui coupant la parole, d'ailleurs, si ce n'était d'ailleurs pas ce qu'il avait fait, et bien ... Et bien, cela décontenançait et déstabilisait profondément Megara. Elle l'avait peiné. Elle le voyait, autant dans ses yeux que dans sa façon de se mouvoir, et elle le percevait également dans le ton et le contenu de ses paroles. Ce qui la faisait quelque peu culpabiliser, car jamais il n'avait été dans ses intentions de blesser qui que ce soit dès lors que la personne face à elle appartenait à sa Lignée. En famille, il fallait se garder des coups bas, c'était une règle clairement énoncée, depuis toujours, une règle qu'elle avait fait sienne sans même qu'il soit question d'agir autrement.
Elle n'avait nullement chercher à le heurter, et encore moins à le blesser, mais visiblement, c'était le résultat qu'elle avait obtenu. A dire vrai, il ne lui semblait pas l'avoir déjà vu dans une telle situation, et dans une telle émotion. Le pire dans tout cela était qu'elle le comprenait autant qu'elle se disait que tout n'était pas non plus de sa faute. Ce qu'elle aurait préféré, et de loin, en revanche, c'est que cela n'inclue pas leur père, présentement absent et donc incapable de se défendre. Et Megara ne se prévaudrait jamais de pouvoir parler en son nom concernant des affaires aussi personnelles. Lyman devrait donc patienter s'il voulait en parler avec Loren, et Megara ne pourrait jamais que présenter son avis et son ressenti personnels concernant leur royal géniteur, alors que cela n’impliquerait jamais qu'elle. Et pendant ce temps, elle assistait, presque impuissante, à une volonté farouche de Lyman de s'expliquer, de se justifier, de se dédouaner. De lui exposer sa version des faits et son ressenti comme s'il se retrouvait acculé et qu'il refusait qu'il en soit ainsi, ce qui, dans les faits, ne devait sans doute pas être si éloigné que ça de la vérité. Elle pourrait l'interrompre, sans doute, pour éviter qu'il ne s'emballe, mais la politesse et le respect dont elle faisait preuve depuis toujours ne l'amenait pas à être de ces personnes qui coupent la parole. Elle préférait attendre, autant par respect que par réelle crainte que cela ne mette que de l'huile sur le feu, comme on dit. Lyman se sentait offensé, et il avait besoin d'exprimer ce qu'il ressentait, sans nul doute. Il avait besoin que cela sorte, et Megara n'était pas du genre à pouvoir lui refuser ça. En plus d'être plus âgé qu'elle, il était également et surtout son frère. Et son Prince, aussi. Une facette de lui qu'il ne faisait pas miroiter devant ses yeux, et elle en était bien aise. Le pire aurait en effet été qu'il se distance de tout ceci, qu'il place une barrière entre eux en lui rappelant son rang, ce qui était attendu de lui, et ce à quoi elle devait accepter de se plier et de sacrifier, elle, en tant que sœur et que jeune femme. Mais, tout de même, d'une certaine façon, c'était au tour de Megara que d'encaisser ce que lui disait Lyman, sans que les rôles ne se trouvent vraiment inversés. La discussion n'avait pas encore viré au malsain, et son frère ne semblait pas encore en proie à quelque envie de clore les choses ici, de la laisser là où elle était et de quitter les lieux, en claquant la porte s'il le fallait. Il fallait donc se garder d'en arriver à de telles extrémités, car cela ne serait alors profitable pour aucun d'entre eux, bien au contraire, même. Posant une main sur son ventre, et l'autre sur son cœur, comme pour apaiser son enfant et tenter de contrôler le rythme de son palpitant, la jeune femme essayait de souffler tant bien que mal, et de maintenir une respiration des plus régulières, alors que ... Qu'elle était quelque peu saisie par l'émotion qui l'étreignait face aux paroles de son aîné. Elle n'avait point voulu le placer dans une telle situation, tout comme elle n'avait point voulu le heurter. Et même si elle savait que son frère la connaissait suffisamment bien pour d'ores et déjà savoir cela, elle ne pouvait s'empêcher de le lui confirmer.
❧ Lyman, je te présente mes excuses ... Je ne voulais point t'embarrasser ainsi, ni même te faire de la peine. Tu le sais, n'est-ce pas ? ❧ Doucement, lentement et avec toute la grâce qui lui restait encore malgré sa condition de femme enceinte, Megara tenta une approche vers Lyman, se demandant si cela fonctionnerait pareil avec lui qu'avec Nymeria. Leur benjamine avait toujours été une vraie petite lionne énergique et quelque peu sauvage, mais Megara était toujours parvenue à mystérieusement pouvoir l'apaiser et la canaliser dès lors qu'elle s'approchait suffisamment d'elle pour ça, avec tact et douceur. ❧ Je n'ai jamais douté du fait que tu te préoccupais de nous, et que tu nous portais en affection, sois en assuré. Le simple fait que tu es choisi Gareth en lieu et place de tout autre, en tant que mon mari, me le prouve bien, et je ... Je t'en serais éternellement reconnaissante. ❧ Il était vrai que le jeune Kenning était loin d'être exempt de défaut, mais il n'était pas de ces hommes misogynes et irrespectueux envers les femmes. Jamais encore il ne lui avait imposé quoi que ce soit qu'elle n'avait point désiré elle-même. Même concernant cet enfant qu'elle attendait aujourd'hui. Une grossesse survenue plus tôt que prévue, mais qui n'était point le fruit d'une relation sexuelle imposée et non consentie. ❧ Mais reconnais le tout de même, il y a tant de choses que nous n'avons point partagé ensembles. Sans doute cela nous a-t-il surtout été imposé, sans que cela ne soit le fruit d'une inclinaison personnelle surgit instinctivement dès l'enfance. ❧ Sans forcément le sentir au bord des larmes, la jeune femme voulait absolument chasser de son esprit tout nuage trop gris qui menacerait de tourner à l'orage et d'emporter avec lui la relation qu'ils avaient tous deux. Peut-être était-elle poussée par son caractère habituel, ou peut-être tout ceci se teintait-il également d'un semblant d'instinct maternel qui s'éveillait en elle ? Et puis, elle avait fait une promesse à son père. Elle se devait de la tenir et de l'honorer. Glissant alors délicatement l'une de ses mains dans celles de Lyman, un geste si rare entre eux, elle se rapprochait encore plus de son aîné. ❧ Il m'est arrivé de ne point distinguer le frère, quand tu t'adressais à moi. Je sais que cela est dû au fait que tu es également mon Prince, mais parfois ... Parfois, j'ai pu vouloir ressentir plus d'affection directe venant de toi, et ... Sans ressentir mon mariage avec Gareth comme un ordre, il m'a paru dans ton regard que ... Que tu agissais en tant que Prince, avant tout. Je ... Père a si souvent été mon père avant d'être mon Roi, je crois que cela a toujours été plus fort que lui de ne point trop savoir me résister. Tu as bien plus hérité de Mère sur ce point là. Et, Mère, justement, a sans doute contribué à ériger quelque distance entre nous. En m'enjoignant de ne jamais oublier qui tu étais, et quelles seraient tes futures responsabilités, et sans doute aussi en ne t'encourageant jamais à trop faire preuve de débordements d'affection. Et je n'ai jamais voulu t'en parler, pour ne pas te peiner ou me sentir trop sotte de ne point savoir être suffisamment princière pour comprendre là où se situait notre devoir respectif. Mais encore une fois, je n'ai jamais cessé de ressentir un profond amour fraternel pour toi ... Même quand tu te piquais de quelque orgueil tout masculin et que je trouvais les garçons bien bêtes, quand j'étais encore une enfant ! ❧
En tentant cette petite pointe d'humour, sans doute essayait-elle de détente la situation, et de ramener leur entrevue et leur discussion sur des bases moins houleuses, et plus pacifiées. Après tout, quand il n'était encore qu'un enfant, Lyman aussi avait dû penser que les filles étaient bien étranges, et si différentes des garçons ... Ce n'était une nouveauté pour personne, l'éducation reçue par chacun dépendant de son rang autant que de son titre, de son futur devoir, et de son sexe. C'était un point commun à toutes les classes sociales, ça, d'ailleurs. Il n'y avait bien qu'à Dorne que les choses pouvaient sans doute quelque peu être différentes, et encore, la misogynie y avait là bas aussi cours, à ce qu'en savait Megara, c'est à dire peu de choses, tout de même, au final. En demandant conseil à Lyman, en s'enquérant d'ores et déjà auprès de lui de l'état physique et émotionnel dans lequel Gareth pourrait lui revenir, elle essayait également de tendre un pont entre son frère et elle. Mais ce n'était point forcé, car elle le savait réellement à même de pouvoir lui répondre convenablement. Et elle le savait, encore une fois, suffisamment proche de la situation, pour l'avoir vécu lui-même, ce qui n'engagerait en rien une réponse trop éloignée de la vérité. Peut-être voudrait-il la ménager, mais peut-être voudrait-il également ne point la laisser faussement se fourvoyer, s'il tenait à elle et refusait qu'elle se retrouve soudainement confrontée à une vérité bien dure une fois au pied du mur. En tout cas, si les premières paroles de Lyman la rassurèrent, la suite l'effraya et la peina quelque peu. Elle avait suffisamment d'affection pour son frère pour ressentir de la tristesse quand au fait qu'il ait pu être confronté à pareilles horreurs. Elle devait surmonter cela, c'était son rôle. Son rôle, parce que cela dépassait le simple fait qu'elle soit sa sœur, présentement. Elle avait face à lui tout cet être entier et néanmoins paradoxal qu'était Lyman : le frère, tout autant que le Prince héritier qui, comme il le lui indiquait justement, serait sans nul doute un jour appelé à succéder à leur Père, au lendemain du tragique jour du trépas de Loren Lannister, puisse cela survenir dans fort longtemps.
❧ Je suis sincèrement désolée Lyman. Tant que tu ai dû assister à tout cela que parce que cela semble t'avoir éprouvé. ... Et je ne peux point prendre quelque part de ce fardeau sur mes propres épaules, cela n'est point attendu de moins, et je n'ai pas ta force, ni celle de nos parents. ❧ Sa gorge la serrait, et déglutir lui fut, un instant, bien pénible, alors qu'elle sentait les larmes lui piquer les yeux et poindre aux commissures. Elle savait que pleurer était, pour certains, une faiblesse toute féminine, tout comme elle savait qu'il n'était jamais vraiment plaisant pour quiconque de se sentir responsable de quelques larmes. Sauf ceux qui prenaient du plaisir à voir et à faire souffrir, ce qui n'avait jamais été le cas de Lyman, et ça, Megara n'en doutait absolument pas. ❧ Mon rôle initial a toujours été d'un jour me marier à une puissance voisine et d'ainsi contribuer à la prospérité et à la survie du Roc en étant contributrice et responsable d'une alliance diplomatique. Les choses ne sont point ainsi, aujourd'hui, mais ... Je ne suis sans doute pas aussi expérimentée ni même préparée que toi à tout ceci, mais ... Mais je ne me considère pas sotte, et pas trop détachée de ce que sont les règles de la diplomatie et du devoir. Et même si, je l'espère, Jeyne sera à tes côtés pendant encore fort longtemps, je ... Je serais là, moi aussi, pour t'aider et t'épauler. Pas uniquement parce que je demeurerais Princesse et qu'en tant que ta sœur, je me devrais d'être là pour tes enfants si Jeyne et toi disparaissez. ❧ Une larme solitaire descendit doucement le long des courbes de sa joue, alors qu'elle détourna un instant le regard, par fierté. Elle ne voulait pas qu'il la pense faible, tout comme elle ne voulait pas qu'il se sente responsable de cela. En d'autres temps, sans doute aurait-elle mieux tenu le cap, mais elle était enceinte, et ses émotions lui devaient parfois presque entièrement incontrôlables. Et ce alors même que son coeur se serra, car Lyman avait raison : Jeyne n'aurait jamais suffisamment de temps pour ... Pour trancher. Pour savoir de quel côté de l'échiquier se positionner. Une vie n'y suffirait sans doute jamais entièrement, malgré toute la bonne volonté du monde. Car Megara concevait difficilement comment il puisse être possible de trancher dans le vif concernant ses origines. ❧ Je ne veux pas que tu te sentes seul ... Je m'en voudrais tant si c'était ce que tu ressentais, d'autant plus que ... D'autant plus que cela me tient à cœur, et que j'ai promis à Nymeria de ne point te laisser enfermé dans ton statut de Prince héritier et de futur roi. Elle me botterait les fesses, si jamais cela arrivait, tu sais comment elle est ... ❧
Hear Us Row
It’s the family name that lives on. It’s all that lives on. Not your honor, not your personal glory, but family.
Megara Lannister
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Sujet: Re: Moderato cantabile [Tour VI - Terminé] Lun 5 Nov - 19:31
« Oui bien sûr. Mieux valait en parler, de toute manière. Que cette … incompréhension mutuelle persiste aurait failli par être de mauvais aloi. »
Lyman n’en voulait pas à sa sœur pour avoir dit ce qu’elle pensait : après tout, la franchise était suffisamment rare en ce bas monde pour qu’il la dédaigne, et il ne tenait aucunement à accumuler autant de non-dits que les Stark ! Encore que, malgré tout ce qu’il se répétait souvent, manifestement, il n’avait rien à envier au foyer d’origine de Jeyne, en dépit des apparences. La réalisation n’en était pas moins douloureuse : à vrai dire, elle l’était davantage. Lui qui avait cru si fortement que, au fond, tout allait aussi bien que possible avec ses sœurs s’en trouvait quelque peu déstabilisé qu’elles n’aient apparemment pas eu le même ressenti vis-à-vis de leur enfance. Pour autant, une part de lui ne regrettait rien, car il n’était pas certain d’avoir agi différemment en le sachant : chacun des enfants Lannister avait pu grandir de son côté et développer son cercle. C’était peut-être mieux ainsi, et mieux aussi d’avoir habitué son entourage à la distance qui seyait à un futur Roi. La couronne sur la tête, il ne serait plus jamais le même, et ne devait pas l’être. Son beau-père avait raison sur une chose : on ne gouvernait pas avec l’amour, mais avec le respect. Trop de crainte tuait la loyauté, mais trop d’amour rendait le monarque faible et soumis aux aléas inévitables de la gouvernance. Certes, il n’envisageait pas de devenir sa mère … Mais jamais il ne serait un Loren Lannister, parce que cette présence qu’avait tant appréciée Megara, et que lui-même avait pu, encore tout enfant, aimer, avait été réalisée au détriment des affaires du royaume. Bien sûr que Loren avait été un bon père. Il avait été un mauvais gouvernant et cela, Lyman ne s’y résignerait jamais. Et une part de lui soufflait que concilier les deux ne seraient sans doute pas possible, pas tout le temps, parce que la raison d’Etat commandait aux sentiments, même les plus doux. N’avait-il pas sacrifié sciemment son meilleur ami, pour que sa sœur puisse être protégée dans le futur en raison de son affection ? Il l’avait élevé, certes, et beaucoup auraient tué pour avoir sa place. Le jeune homme ne pouvait s’empêcher de pense qu’à tout prendre, Gareth aurait peut-être aimé bien davantage rester dans son ombre et épouser la jeune femme qu’il aimait. Cela ne serait pas possible, par son désir. Et des choix de la sorte, il en aurait bien d’autres à faire. Parce qu’il était Lyman, mais surtout parce qu’il était le Prince héritier du Roc.
« Les deux ne sont que très rarement dissociables. Je peux être un ami, un frère, un époux … Mais je ne cesse jamais d’être le Prince. Et je ne serai jamais comme Père, Meg, parce que s’il a pu être cet homme attentionné, c’est parce qu’il a abandonné ses devoirs à Mère … et en contrepartie, elle-même a été … ce qu’elle a été. Je pense qu’elle voulait que je ne sois pas comme lui. Du moins … pas sur certains points. »
Si les paroles étaient cruelles, elles n’étaient pas dénuées de fondement. Jordane Lannister n’avait pas manqué de vice à son égard et parfois, il se demandait si la sentence infligée à son premier amour n’avait pas été un moyen aussi de s’assurer qu’il ne prenne pas trop goût aux femmes, en tout cas pas autant que Loren. Quant à la fille de l’Amiral Rowlson … Cela n’avait sans doute qu’un dommage collatéral, et une manière de lui donner une bonne leçon. Castratrice, la Lionne ? Un peu, évidemment. A sa décharge, il est vrai que des années de cocufiage ouvert avaient de quoi rendre quelque peu tatillon sur la question. Surtout quand son unique fils avait manifesté très tôt un goût assez prononcé pour les jolies courbes de la gent féminine. Et de ce fils un peu fragile, et si doux, trop poète, elle avait voulu par tous les moyens faire un homme distingué, ce qui impliquait une certaine distance, celle-là qui se fait caressante ou amicale, mais n’est que rarement profonde, objectivement superficielle. Doucement, sa main se serra sur celle de sa sœur et il soupira :
« Moi aussi je t’ai toujours aimée Meg. »
Avec un sourire un brin cabochard, et pour chasser sa gêne face à cette confession délicate, il ajouta :
« Après tout, avec toutes tes dames de compagnie, tu m’as toujours fourni un vivier d’admiratrices qu’il eut été impie de chasser ! »
Par les Sept, les conversations à cœur ouvert étaient certes nécessaires, mais qu’elles étaient éprouvantes ! Heureusement qu’il commençait à avoir l’habitude, avec Jeyne, à cause de cette maudite franchise nordienne qui, cependant, faisait tout son charme, mais si Megara s’y mettait aussi, son pauvre palpitant n’allait pas forcément y survivre ! Il la laissa donc encaisser ses paroles, et essuyer une larme furtive qu’il fit semblant de ne pas avoir vu, parce qu’il demeurait un galant homme, et que face à une dame attristée, il convenait de détourner le regard si elle ne désirait pas que cela se voit, ou tendre un mouchoir si elle faisait grâce à son interlocuteur de ce moment. Il finit par conclure, pensif malgré lui :
« Je doute d’être prêt à quoi que ce soit. Ou en tout cas … prêt à ne pas être le Roi qu’il faut au Roc en ces temps de guerre. Nous ne serons pas trop de trois, quatre à vrai dire, car Gareth sera associé à tout cela pour … emprunter la meilleure voie possible, ou la moins pire.
Je veux gouverner … mais pas le faire seul. »
Doucement, il ajouta :
« Je ne suis pas seul. A vrai dire, à Goeville … J’ai vu à quel point je ne l’étais pas. Les Lions ne se mangent pas entre eux, et sont encore nombreux. C’est là toute notre force, et j’escompte à ce qu’elle perdure dans le futur. Y compris jusqu’à l’autre bout du continent. »
Un instant, Lyman ne put s’empêcher de penser qu’un tel déferlement d’émotions n’était peut-être pas bon pour une femme enceinte, et il s’en voulut un peu d’avoir fait se dérouler la conversation de la sorte, sans être totalement assailli par les regrets, car il était sans doute temps qu’il ait une conversation de cet acabit avec Megara.
« J’ai conscience que cette conversation a peut-être un peu … émotionnelle, surtout vu ton état. Désires-tu que je te laisse un peu ? Nous pourrons reprendre tout cela au dîner, ou quand tu le désireras. »
Avec une brève hésitation, il finit par déclarer :
« C’était … bien, de discuter de tout cela. Et de parler avec toi, Meg. »
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Sujet: Re: Moderato cantabile [Tour VI - Terminé] Sam 24 Nov - 0:34
Megara mentait très mal. C'était un fait. Elle était en tout cas incapable de ne pas se sentir ronger par le remord et la honte quand elle s'aventurait en de telles eaux. Ou bien alors elle rougissait plus que de raison, et ses traits s’empourpraient comme si on lui avait si fortement pincé les joues. La confiance de Lyman en sa franchise devrait alors lui être d'emblée acquise, mais la jeune femme préférait qu'aucun doute ne puisse planer au-dessus de leurs têtes à ce sujet. Car c'était en tant que Megara, sa sœur, qu'elle s'adressait à lui, et non point en tant que la Princesse Megara. Une nuance, certes, mais qui avait des airs colossaux. Puisqu'à mesure des années et depuis le début de ses maux, un certain fossé séparait Megara de la Princesse qu'elle était. Un fossé qui semblait n'avoir de cesse de s'élargir à mesure du temps qui passait. La Princesse ne mentait pas, mais elle dissimulait parfois ses réelles pensées, car, voyez-vous, l'égo qui se froisse peut avoir de funestes conséquences, surtout en présence de coqs et de dindes dont la Cour pouvait quelque peu regorger. Et puis ... Et puis, la Princesse mettait de la distance, distillée à de la froideur et un air détaché en présence de ceux qui n'étaient pas de son sang ni de sa plus proche proximité. C'était comme un instant de préservation, une nécessité qui s'imposait. Alors, quand Megara se voyait confronter à un dilemme, comme cela avait parfois pu être le cas, quand sa fratrie et elle étaient encore de jeunes enfants, elle avait dû puiser dans ses habitudes princières pour qu'elle parvienne à ne point se trahir face à un mensonge s'extirpant d'entre ses lèvres. C'était que, parfois, elle avait dû et voulu couvrir les arrières de sa cadette, ce qui n'avait jamais été une mince affaire. Mais ce qu'elle avait fait, quitte à ensuite se sentir quelque peu pétrie de remords d'avoir menti à l'un de ses parents ou bien encore au maître. Ce qui ne l'avait jamais empêchée de recommencer, car Nymeria valait bien cela, et qu'elle l'estimait bien trop conséquemment pour faire passer ses propres ressentis avant son amour inconditionnel pour sa petite sœur. Concernant Lyman ... Et bien, disons qu'il ne lui avait jamais vraiment donné de raisons de mentir souvent pour lui. Sans doute parce qu'il avait Gareth auprès de lui, prompt à passer pour un fieffé coquin si cela sauvait les princières fesses de Lyman ! Mais là n'était pas la question. Et Lyman avait raison. C'était même là une chose supplémentaire qui les séparait tous deux. Elle, elle pouvait se permettre de dissocier la jeune femme, la sœur, la fille, la princesse et aujourd'hui l'épouse qu'elle était, là où Lyman, en tant qu'héritier, ne devait sans doute pas se laisser aller à de telles scissions.
❧ Entre vouloir quelque chose et pouvoir l'obtenir, j'imagine qu'il y a donc bien de profonds ravins, parfois ... N'oublie jamais cependant l'homme que tu es. Je sais bien que Père n'est point exempt d'erreurs et de maladresses, mais jamais personne ne pourra lui enlever le fait qu'il a su nous montrer ce qu'étaient l'amour et l'affection, et à quel point il était important pour un enfant de se savoir en être entouré, dès son plus jeune âge. Surtout quand il est de sang royal, et encore plus quand il sera sans doute amené à régner. ... Cette si grande forteresse est notre repère, ou bien notre tanière, comme diraient certains. Une forteresse faîte de pierres, et érigée si à pic, et pourtant, aucune de ces pierres ne m'a jamais parue froide, inhospitalière ou menaçante, parce que la chaleur de notre foyer a toujours contré tout ceci. ❧ Elle ne cherchait en rien à lui faire la morale. Après tout, elle était loin d'être la Princesse si parfaite que tous, au sein de ce royaume, pensaient pouvoir avoir en elle. Et puis, elle n'oubliait pas que Lyman était son aîné, qu'il était né homme, et elle femme. Mais Mère ne leur avait-elle point appris que la force des Lannister était entre autres de pouvoir compter les uns sur les autres pour se soutenir et se conseiller ? Quoi qu'il en était, elle ne put s'empêcher de sourire et de laisser fuser un petit rire en voyant et en entendant son frère, justement, lui faire montre de cette lueur d'espièglerie qu'elle lui avait tant connu plus jeune. ❧ Tu ne devrais point t'en réjouir ! Tu leur as brisé le cœur en te mariant et voilà qu'elles ne peuvent même plus espérer se rabattre sur tes amis pour tout de même se frayer une place non loin de toi ! ❧
Dans la nature, les lions vivaient en groupe. Ou plutôt un ou deux lions étaient-ils entourés de nombreuses lionnes et des petits qu'ils leur faisaient. Les femelles solitaires ou rejetées n'avaient jamais de difficultés à s'intégrer, mais les mâles vagabonds, eux, ne pouvaient jamais espérer que de tuer un lion dominant pour lui usurper et sa place et sa position au sein de sa troupe. C'était là l'une des forces de lions. Le fait d'avancer ensembles, et non désunis. Le fait de pouvoir également compter sur des femelles efficaces, qui ne rechignaient jamais à participer au bon fonctionnement et à la bonne cohésion. Et si, certes, les Lannister n'étaient pas à la pointe de la modernité en accordant autant de pouvoir à une femme qu'à un homme, le fait était tout de même qu'une héritière ne pourrait jamais être mise de côté au profit de l'un de ses oncles. Alors, là où les gestes et les serments valaient parfois bien plus que les longs discours, Megara escomptait fortement que son frère ne doute jamais de sa loyauté et du soutien qu'elle lui apporterait toujours.
❧ Tu as raison : présentement, il semble évident que notre Lignée n'est pas sur le point de s'éteindre, comme Jeyne et moi pouvons en attester en toute connaissance de cause. Les murs ont déjà tremblé mais jamais vacillé face à nos rires et péripéties d'enfant. Je ne me fais aucune crainte quand à leur propension à continuer de s'élever bien haut, malgré l'arrivée de lionceaux qui s'annonce. Restera à savoir quels parents nous ferons, chose sur laquelle il est pour l'heure impossible de s'avancer ... Mais nous ne manquerons point de nous entraider sur ce point là également, je suppose. ❧ Poussant un petit soupir, comme pour relâcher cette émotion qui lui avait quelque peu écrasé le cœur, la jeune femme ne manqua pas d'esquisser un petit sourire, doux et chaleureux, de ceux qui ne fleurissaient jamais vraiment sur ses lèvres lorsqu'elle érigeait son masque princier. Et un instant, elle se sentit bête. Bête, ridicule et enfantine, que d'avoir pensé que la distante entre son frère et elle ne pourraient jamais être qu'actée et infranchissable. Elle avait comme oublié le poids des responsabilités qui pesaient sur les épaules de Lyman, ainsi que les contraintes que cela faisait naître pour lui. Il l'aimait, elle le savait, et l'avait toujours su, au fond. Et elle saurait être reconnaissante et méritante de cet amour fraternel, elle se le jurait. Non sans se sentir attendrie et touchée de la prévenance de son aîné à son égard. ❧ Un peu de repos ne me fera en effet aucun mal. Mon sens de l'équilibre et ma résistance aux coups de fatigue sont de plus en plus des maîtrises qui me font défaut. Et je serais ravie de reprendre cette conversation à tout instant, selon nos possibilités respectives. ❧ Lui adressant de nouveau un grand sourire, elle finit par porter l'une des mains de son frère contre l'une de ses joues, avant d'en embrasser la paume ouverte. Un geste qu'elle accordait régulièrement à leur père mais qui, étrangement, était rare entre eux. ❧ Je suis actuellement sujette à bien des émotions contrastées, de part le contexte et ma condition, mais ... Mais tu as réchauffé mon cœur, mon cher frère. ❧
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Megara Lannister
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