J'étais exténuée. Par l'angoisse pour mon père. Par ce climat bien particulier au sein du Conflans, sur les terres des Tully. Par l'incertitude. Je savais que cette famille allait bientôt rejoindre la nôtre par le mariage de Jon avec la fille Tully, mais je savais aussi qu'ils n'étaient pas mes alliés pour autant alors que les Lannister continuaient de ne pas se mouiller dans toutes ces affaires. Mon beau-père, le roi Loren, faisait route vers Vivesaigues pour venir nous chercher, Gareth et moi, et nous ramener dans l'Ouest après toutes ces péripéties. J’ignorais la teneur des échanges entre Loren et Lyham Tully, nouvellement roi du Conflans, simplement par la grâce de mon père, mais cela avait été houleux. Pourtant, je n'étais pas prisonnière. Enfin... j'étais tenue en résidence ici, profitant de l’hospitalité de nos hôtes. L'armée impériale avait essuyé une terrible défaite et père était revenu gravement blessé, passant à deux doigts de la mort. Et parallèlement, un mariage allait être célébré en ces lieux, la demoiselle Tully devenant ainsi reine du Nord. Quelle ascension pour la fille d'un simple riverain... J'ignorais tout cela quand elle et sa mère avaient rejoint notre convoi des semaines plus tôt, avant que nous ne soyons attaqués et sauvés par ma belle-mère et son dragon. Des échanges de ce voyage, j'avais gardé une certaine sympathie pour Eléonor qui était sensiblement du même âge que moi. Mais est-ce qu'elle ferait une bonne épouse pour Jon ? Est-ce qu'il l'apprécierait et apprendrait à l'aimer ? Je l'ignorais.

Des coups frappés à la porte me tirèrent de mes pensées. Père était désormais réveillé et à priori, hors de danger. J'espérais que c'était réellement le cas. En général, les Mestres étaient prudents dans ce genre d'affirmation, justement pour ne pas provoquer de faux espoirs. Le Vieux Loup était passé par une belle porte, mais était trop coriace pour rendre son dernier souffle maintenant. Je m'étais montrée attentive avec lui, essayant de l'aider à guérir, en me faisant soigneuse dévouée, mais j'avais besoin de souffler et de prendre soin de moi... et de mon bébé. Bébé qui prenait de plus en plus de place. Et qu'il me tardait de sentir bouger en moi. C'était encore un peu tôt pour cela. J'avais eu énormément de chance de ne pas le perdre lors de l'attaque. Et je savais aussi que la fatigue pouvait m'être préjudiciable. Je tentai donc de manger correctement et de me reposer désormais. Nous resterions à Vivesaigue jusqu'au mariage de Jon et Elénor. Et ensuite, je prendrai la route pour le Roc et tournerai le dos aux miens, après un acceuil assez déconcertant de leur part, me rappelant que si les Lannister n'embrassaient pas leur cause... ils étaient des ennemis et moi avec. Mais malgré cela, Jon m'avait demandé personnellement d'assister à son mariage. Malgré notre dispute et nos rancœurs. Parce qu'il était mon frère et que j'étais sa sœur. Et parce que nulle dispute ne saurait me tenir éloignée de lui dans un moment aussi important de sa vie.

« Entrez. » Je me redressai pour avoir entrer Lady Tully donc. Je me fendis d'un sourire. Mes cheveux étaient un peu défaits. Je m'étais assoupie et réveillée quelques minutes plus tôt. Je remis de l'ordre dans mes vêtements, amples pour masquer l'arrondissement de mon ventre et me portai à sa rencontre. « Lady Eléonor, je vous remercie de votre sollicitude. C'est effectivement un homme fort et les mestres sont plutôt optimistes à ce sujet. » Je hochai la tête. « J'espère que votre père ne tardera plus à revenir. Il y a un mariage à célébrer après tout. » Je souris doucement, l'invitant à s'asseoir dans un des fauteuils alors que j'y prenais place moi-même. Je l'observai. Je me souvenais très bien de mes propres sentiments à l'idée de me marier. Alors que c'était la guerre, que des hommes mourraient. J'avais été choquée par ce décalage de souhaiter faire la fête alors que tant pleuraient leurs défunts. Avant de comprendre que c'était aussi de l'espoir à donner que de célébrer une union pérenne. Eléonor était-elle aussi terrifiée que moi à l'idée de sa nuit de noce ? Nous n'avions point parlé de mon frère ou d'épousailles durant le voyage alors que j'ignorais ce contrat. Et n'avions guère eu l'occasion de nous entretenir de nouveau. « Souhaiteriez-vous en discuter avec moi ? Nous allons devenir belles-sœurs. Si je peux vous être d'un aide quelconque... »

« Il n'y a aucun mal. » Je m'étais suffisamment reposée. Et si je m'étais écoutée, j'aurai passé ma vie à dormir, ce qui n'était pas du tout acceptable. Et n'était pas non plus du tout dans mon tempérament au demeurant. Preuve que la grossesse avait tout de même des répercussions sur ma santé. Et qu'il était temps de retourner dans l'Ouest afin de terminer ma grossesse dans un milieu confortable et sans trop d'efforts. Même si encore une fois, ce n'était pas du tout dans mon tempérament. C'était déjà un miracle de ne pas avoir fait de fausse couche lors de l'attaque il y a plusieurs semaines... Cet enfant était solide. Et moi aussi, fort heureusement. Mais mieux ne valait pas trop tirer sur la corde. J'invitai donc ma future belle-sœur à s'asseoir. Si elle était venue, ce n'était pas pour simplement prendre des nouvelles et par pure courtoisie. Elle devait avoir envie de discuter un peu. Ses noces approchaient. Et elle allait épouser un quasi inconnu. Je ne me souvenais que trop bien de ce sentiment, même si j'avais pu passer quelques moments privilégiés avec Lyman, me rassurant ainsi sur notre alchimie. J'étais inquiète pour mon père, mais il semblait avoir passé la phase critique. Il était en convalescence et je pouvais enfin souffler non ? Eléonore semblait d'accord avec moi sur ce point d'ailleurs.  Je hochai la tête à son affirmation. Et je mis les pieds dans le plat en parlant de son père, parti se battre et du futur mariage avec mon frère, lui donnant ainsi l'opportunité de s'épancher si elle le souhaitait. Lyham Tully était devenu roi et un nouvel ennemi du Noir. Un dissident qu'il fallait éliminer pour rappeler la puissance de Harren à mon sens. C'était comme s'il avait une cible sur lui. Si j'étais Harren, je ferai de ce rebelle un exemple. Si je désirais conserver le Conflans, je le détruirais, pour calmer toute velléité de rébellion de la part des autres seigneurs encore frileux.

« C'est sans doute vrai. Mais n'importe quel roi qui s'oppose au joug tyrannique du Noir est en danger. » Mon père en était un parfait exemple. Un exemple qui ne devait pas vraiment rassurer Eléonore cela dit, vu dans quel état il était rentré. Mais plus Harren avait d'ennemis, moins il pouvait se concentrer sur un seul, il devait se disperser et même s'il avait nombre de troupes, elles n'étaient pas infinies et étaient affaiblies en étant divisées. Donc, c'était une bonne chose pour les Stark. Très égoïstement. « Je me porte plutôt bien au vu des circonstances. Le Nord est un pays rude où la faiblesse n'a pas sa place. » J'étais solide et mon enfant le serait aussi, il ne pouvait en être autrement. J'eus un petit sourire attendri à la suite : « Cela commence à peser effectivement. Je dors mal la nuit et j'ai sommeil la journée, au point de m'endormir sitôt allongée. » Difficile de cacher mon ventre de plus en plus rond. Et pour le sommeil, j'avais d'autres sources de tracas. Ma grossesse n'était pas le seul élément perturbateur.

Et mon sourire demeura quand Eléonore sauta sur l'occasion de parler de son mariage et de chercher une sœur en moi, me rappelant mes propres peurs et demandes. J'avais eu la même attitude avec Megara, n'ayant pas de sœur moi non plus. Même si j'avais Lynara. Mais quand on rejoignait une famille, on souhaitait s'y intégrer et y trouver des alliés. Des amis. « Avec plaisir... » Je penchai la tête, malicieuse : « Vous me rappelez tellement moi quand j'ai épousé Lyman. J'ai tant souhaité faire de mes belles-sœurs des alliées, des amies, des sœurs. C'est tellement terrifiant de se retrouver projetée dans une famille inconnue, loin des siens. » Oh oui, je ne connaissais que trop ce sentiment. Et j'aurai aimé pouvoir parler librement du moment délicat de perdre ma virginité dans les bras d'un homme qui était déjà expérimenté. Alors je ne m'offusquai pas des questions de la jeune femme. « Cela est étrange... Je suppose que tout dépend de la délicatesse de l'homme et de la façon de vous y préparer. Cela fait mal, mais... La douleur peut vite être oubliée sous le plaisir. Il faut... Se détendre. Se laisser porter par les sensations et ne pas vraiment réfléchir. Jon sait comment donner du plaisir à une femme, il vous guidera. » Je n'allais pas mentir, Jon avait eu des amantes, un bon nombre. Comme beaucoup d'hommes. Et j'avais des oreilles, j'avais entendu certaines servantes jacasser ou glousser. Jon semblait froid, mais il était passionné. « Jon est un guerrier. Il a été élevé ainsi. Il ne fuira jamais devant un affrontement. Il aura besoin d'un foyer où se reposer et se ressourcer. D'une épouse attentionnée, de bras ouverts, d'une oreille attentive. D'une femme qui le soutiendra et saura lui prodiguer avec doigté quelques conseils et le rassurer sur sa façon de guider les siens. Il n'est pas aisé de grandir dans l'ombre de Torrhen Stark. » Je ne voulais pas faire passer Jon pour faible ou révéler ses fragilités, mais je devais tout de même orientez Eléonore du mieux que je pouvais pour que Jon ai une épouse qui lui corresponde. « Il a besoin d'une alliée, mais aussi de tendresse. Mais tout cela prendra du temps, le temps de faire fondre la glace. Gagnez son respect. Puis son affection. »

Un garçon... Ce serait formidable. Cela assoirait ma position au Roc. Déjà avoir un enfant était un pas en ce sens. Mais un héritier serait l'idéal, même si les femmes étaient loin d'être délaissées ou méprisées dans l'Ouest. Je souris légèrement, un peu rêveuse : « Je l'espère en tous les cas. » Eléanor me proposa alors gentiment de l'essence de Valériane pour m'aider à trouver le sommeil et je hochai la tête avec gratitude : « C'est gentil, merci. » Pourquoi ne pas essayer après tout ? Et cela permettait à ma future belle-sœur de se rapprocher de moi. Au delà de la gentillesse, il y avait sans doute ce désir profond de nouer des liens avec la sœur de son promis. Elle semblait vraiment très intéressée par ma grossesse et je passai une main sur mon ventre, arrondi de jolie façon, bien qu'encore assez discret. Je n'avais pas pris beaucoup de poids pour le moment, sans doute à cause des soucis. Et peut-être parce que cela n'était pas dans ma nature. A moins que je ne me rattrape à un moment donné ? « Non, pas encore, nous n'avons pas vraiment eu l'occasion d'en discuter avec mon époux. » J'étais partie pour cette mission diplomatique qui était loin d'être couronnée de succès avant que cela ne soit vraiment concret malheureusement. « Non, mais cela ne saurait tarder à ce qu'on m'a dit. »

Et j’enchaînais avec le mariage à venir d'Eléonor avec mon frère, bien consciente que cela devait être source de bien des questions chez elle, comme j'en avais eu quand j'avais été fiancée à Lyman que je ne connaissais pas. Nos situations étaient fort semblables. Je n'avais cependant pas vraiment pu me renseigner auprès des sœurs de mon époux pour me faire une idée. J'avais directement interrogé le principal concerné, rencontrant un homme au caractère bien différent du mien, mais qui semblait moins réticent à m'épouser après quelques entretiens, alors que l'attirance entre nous avait été assez rapide, facilitant l'idée de devoir lier nos vies. « Un peu. Je suis partie dans l'Ouest avec ma cousine et nous nous sommes retrouvées projetées dans un monde fort différent de celui dans lequel nous avions grandi. » Je fis un peu la moue à ce souvenir. Cela avait été difficile, bien sûr... Le déracinement, le mal du pays. Difficile de quitter tout ce que l'on a connu, n'est-ce pas ? « Mais je partageais déjà une certaine complicité avec mon époux. Et m'entendais bien avec certaines personnes de son entourage. » Je n'avais pas été abandonnée sitôt arrivée au Roc. Ce ne serait probablement pas le cas d'Eléonor. Jon repartirait en guerre. « Et puis, la sœur de Lyman, Megara, s'est montrée très gentille avec moi. Petit à petit, je me suis faite des relations. Des amis. Même si le poids des regards des Nobles ouestriens reste difficile. » Ils me jugeaient, me jaugeaient, bien entendu. « Je suis une barbare du Nord pour beaucoup. » Je haussai une épaule, alors que je trouvais cela totalement stupide. Mais même Lyman ou Gareth avaient eu cette réflexion, alors... « Je n'ai que peu connu Nyméria, elle est partie au Val rapidement, pour épouser Ronnel Arryn. Mais oui, elles ont été bienveillantes et je suis leur exemple aujourd'hui. »

Nous nous étions rapprochées, alors qu'elle me tenait les mains. J'évoquai alors la nuit de noce, source d'angoisse pour beaucoup de jeunes filles. Je ris à sa question. « Oh si ! J'avais peur de ne pas lui plaire, de le décevoir... Je voulais que cela se passe le mieux possible et j'étais tétanisée de peur. Mais il s'est montré encourageant et ma peur a fini par refluer... » J'espérais vraiment que Jon se montrerait aussi prévenant avec Eléonor. Je pensais que oui. Je connaissais mon frère et derrière ses airs rustres, il avait bon cœur. Au pire, je pouvais lui glisser un petit mot, en lui rappelant que j'étais aussi terrifiée il y a quelques mois. Qu'Eléonor avait besoin qu'il soit patient et attentif... Et qu'il lui fasse oublier de réfléchir aussi. Pouvais-je parler de ça avec lui ? Peut-être... En attendant, je pouvais essayer d'aider Eléonor à comprendre mon frère, qui devait être assez fermé avec elle. Je souris aux confidences de la jeune femme. « Nous sommes toutes de petites sottes... Même si nous savons où va notre devoir, nous espérons toutes être heureuses en ménage et que notre cœur batte pour notre époux... Parfois, un miracle se produit et l'amour naît entre les époux. Je pense que Lyman a su gagner mon cœur et j'ose croire qu'il a gagné le mien. Je ne suis probablement pas objective, mais il n'est pas exclu que vous ravissiez celui de mon frère, quand vous vous connaîtrez mieux. »

« J'ai eu la chance de ne pas prendre beaucoup de poids les premiers mois. Mais désormais... » Je ne terminai pas ma phrase. Maintenant, je ne pouvais plus monter, ce serait inconvenant et dangereux et je désirais préserver mon enfant à naître malgré tout. J'eus une petite grimace. « Je ne sais pas si je pourrais rester sage tout ce temps. Je n'ai jamais été une Lady passive. » Ce n'était pas peu dire. J'avais eu de la chance de pouvoir faire autre chose que des travaux de femme à Winterfell, même si j'y avais apprit mon rôle de Dame de Winterfell et princesse du Nord. Je ris pourtant alors qu'elle s'inquiétait de mon appétit. « Oui, merci. La nourriture est excellente ici. Il faut juste faire avec les nausées. » Hélas, cela me coupait parfois l'appétit pendant de longues heures. Surtout le matin. Mais cela allait mieux maintenant que le premier trimestre était terminé. J'en étais soulagée.

Je lui parlais de mon propre mariage, de mon expérience, qui s'était mieux déroulée que je n'aurai pu l'espérer. Je pensais que mon père m'envoyait épouser un inconnu aux manières tellement différentes des miennes que je ne saurais l'apprécier, mais c'était tout le contraire... Et je contai cela à Eléanor qui semblait boire mes paroles. « Je ne sais pas si je suis une exception... Mais nous sommes tous deux tombés d'accord sur le fait que nous avions tout intérêt à faire en sorte que cela fonctionne. » Que nous puissions agir de connivence et en bonne intelligence, au lieu de sans cesse nous chercher des poux. « J'essaie de le comprendre et il fait de même et nous apprenons à tolérer les défauts de l'autre. Je ne dis pas que cela se passe sans heurts. » Je souris de nouveau, amusée. Bien sûr qu'il y avait des disputes et des prises de bec. C'était ce qui faisait le sel de notre relation. Malgré tout, je craignais que l'éloignement n'émousse notre attirance. Enfin, moi, j'étais toujours très attachée à lui, mais lui... il restait un homme, avec des besoins d'homme. Mais je ne pouvais rien y faire.

C'était plus facile de la rassurer concernant la nuit de noces que de penser à ce que pouvait faire mon époux loin de moi... « Il n'est pas question de courage... Nous sommes toutes terrifiées quand arrive la nuit de noce. C'est aussi ce qui gâche parfois les épousailles, à mesure que la nuit avance et que le moment fatidique approche. » Et que l'angoisse montait... Cependant, je comprenais sa peur, Jon n'était pas forcément très sociable ou chaleureux. Eléanor avait du travail pour l'apprivoiser, mais il ne serait pas brutal avec elle, de cela j'étais certaine. Et si jamais il se comportait mal, il m'entendrait ! En attendant, il n'appartenait qu'à la jeune Tully de l'apprivoiser et l'amener à l'apprécier. Je ne pouvais que lui décrire la mentalité du Nord et de mon frère. A elle d'user de ces conseils de façon avisée. « Et quel est votre caractère ? » Je penchai la tête, amusée. Qu'est-ce qui pouvait déplaire à Jon chez cette jeune noble ? Je grimaçai quand elle me rapporta les propos de mon frère. « Je vois. Vous auriez du lui rétorquer qu'il serait préférable pour vous deux d'entretenir de bonnes relations comme vous allez être amenés à partager votre vie. » C'était ce dont on avait convenu avec Lyman après tout. Je souris tout de même alors qu'elle avouait trouver mon frère beau garçon. C'était déjà ça. « S'il vous plaît physiquement, c'est déjà une bonne chose et cela aidera grandement lors de votre nuit de noce. Ce serait bien plus pénible s'il vous rebutait. »

Les paroles d'Eléanor étaient rassurantes, pourtant... Elle demeurait une femme, pas son époux à qui il lui fallait plaire pour demeurer la seule dans son cœur et son lit. Et les femmes étaient toujours plus indulgentes concernant les rondeurs de la grossesse que les hommes. J'étais forcément inquiète de l'image que je pouvais renvoyer à Lyman, surtout parce qu'il n'avait pas assisté aux changements de mon corps. J'avais peur du choc que cela pouvait lui provoquer, vraiment. Je ne cessais de me tracasser à ce sujet, ce qui ne servait à rien, sinon à me miner le moral avec foules d'hypothèses. Je ne serais fixée qu'en rentrant. Dans quelques semaines. En attendant, je devais être prudente, afin de ne pas perdre l'enfant. Le voyage d'aller avait été mouvementé et j'avais été malmenée, mais il semblerait que cet enfant soit aussi solide que les loups de ma famille. Pourtant, je sentais la fatigue s'emparer de moi, il m'arrivait d'avoir mal au dos, à la poitrine, de chercher le sommeil... Je devais me montrer sage, même si cela n'était pas dans mon tempérament et il me tardait déjà de pouvoir tout faire comme avant. « Je n'ai pas l'intention de mettre cet enfant en danger. Ni ma propre vie, rassurez-vous. » J'étais fougueuse et impétueuse, mais pas inconsciente. « Oh je l'espère en tous les cas ! » Je serai fort malheureuse de ne pouvoir manger comme je l'entendais pour les mois à venir. Même si au moins, comme ça, j'éviterai peut-être de devenir aussi grosse qu'une vache.

La conversation continua sur le mariage. J'évoquai ce que je connaissais à savoir, mon propre mariage, plus heureux que ce que j'aurai pu imaginer. Comme Eléanor, j'avais secrètement rêvé de pouvoir tomber amoureuse de l'homme qui me serait destiné, à défaut de me marier par amour en l'ayant choisi moi-même. Et la réalité égalait mes rêves. J'espérais ne jamais redescendre de mon nuage, alors même que je tentais de me montrer circonspecte et ne pas trop m'emballer afin de ne pas être trop déçue si Lyman venait à ne plus être à la hauteur de l'image que je m'étais faite de lui. L'avantage avait été que nous étions suffisamment intelligents tous les deux pour nous parler et arriver à une bonne entente. L'affection était venue ensuite, complétant ainsi le désir que nous éprouvions l'un pour l'autre et le respect également. « Il y en a eu... Lyman est habitué à jouer de secrets et de tromperie, c'est ainsi qu'il a été élevé, quand je suis beaucoup plus naturelle et franche... trop probablement. » Oui nous avons eu des points de désaccord, bien entendu, mais rien d'insurmontable. Et il était facile de lui pardonner quand il se donnait la peine de me plaire...

J'étais moins convaincu par la bonne volonté de Jon. Je connaissais mon frère et plaire à son épouse ne serait pas sa préoccupation première. Il la traiterait bien, ça je le savais, mais si elle s'y prenait mal, elle pourrait se heurter à sa froide courtoisie et ce, pour un long moment. Je penchai la tête sur le côté quand elle me livra son caractère, répondant avec espièglerie : « Parce que vous avez l'impression que je ne sois pas enjouée, impulsive ou bavarde ? » Ce n'était pas parce que je n'avais pas le même caractère que Jon que nous ne nous entendions pas bien. Le tout était d'être différents intelligemment, de capter quand il n'était pas d'humeur à parler, de savoir déceler quand il disait ne pas l'être mais n'était pourtant pas contre ma compagnie. « Ne désespérez pas. Battez vous. Il n'en aura que plus de respect pour vous. C'est un loup, il faut mériter son attention, sa loyauté et son affection. C'est un combat long, subtile, mais qui est loin d'être perdu d'avance... »