Que serait un souverain sans ses fidèles guerriers dévoués tout entier à sa noble et sacrée cause ? Bien peu de choses en réalité car sans la force des armes la plupart des discours fussent ils débordant de justesse comme d'acuité n'en demeurent point foncièrement creux aux esgourdes hypocrites de ceux qui les entendent. Aussi, le prince Moran Garland anticipant sa déclaration de prétention à la couronne princière a pris l'initiative alors qu'il n'était encore que le prestigieux seigneur de la vénérable et ancienne maison Toland d'envoyer quérir tous les braves gentilhommes désœuvrés de la Principauté. Son altesse confia cette périlleuse et audacieuse mission à son fils spirituel et cousin Daemon Sand le Dragon des Sables car il connaissait l'effet que ne manquerait de produire la réputation de ce dernier sur les esprits des téméraires mécontents du ralliement de la Principauté tant au camp Braenaryon qu'à celui des Valtigar. Le prince Moran prouva ainsi qu'il était capable de choisir le meilleur de ses éléments pour chaque tache dévolue. Ce qui s'avérait une qualité hautement précieuse pour un suzerain. Car la délégation représentait une fonction essentielle de la charge de dirigeant. L'on me rapporta que le jeune Daemon rallia aisément à force de discours guerrier vibrant d'un hommage sincère au seul noble capable d'épargner à Dorne l'humiliation éternelle d'un joug étranger et ils vinrent à lui. Par dizaines dans un premier temps puis par vingtaines et finalement une bonne centaine de preux et vaillants combattants harnachés de pied en cap. Cependant ce ne fut nul autre que notre éclairé prince qui mena en personne ses féaux équipés de plates jusqu'à la forteresse de ses aïeux. Ils débarquèrent par une nuit plus ténébreuse que le cœur d'un Valyrien dans un tonnerre de sabots et de cliquetis de métal. Les solerets tintaient abondamment avec fracas tandis que les heaumes à nasaux ouvragés révélaient des trognes aussi diverses que variées allant du blond au sombre du teint clair des montagnes à celui plus tanné du désert les uns aussi irradiants de beauté et de vitalité que les autres manifestant l'expérience et la sagesse. Seulement, tous ces facies de héros glorieux des temps anciens étaient profondément troublés. La nouvelle de la purge de l'ancienne capitale par l'usurpateur Valyrien de la maison Valtigar n'avait manqué d'assombrir les âmes de tous ces braves car qu'importe le degré de barbarie auquel la guerre puisse nous accoutumer nul patriote ne put se montrer insensible face au sort tragique de tant de ses frères et sœurs. Une fois de plus Dorne la rebelle, la fière, la radieuse saignait violée en son sein par les conquérants étrangers ne la prenant que pour un vulgaire marchepied vers une gloire future. Néanmoins, le prince Garland disposait désormais de l'élite de sa future armée. Le fer de lance de son unification princière. Le poing armé de sa cause. Le spectacle chatoyant de toutes ces cuirasses et ces sabres fit rapidement sensation à travers le fief. Et je dois bien confesser que pareille équipée me procura un brin d'émoi.

 
Les nuages s'amoncelant dans les cieux dominant les montagnes de craie du fief de la maison Toland semblaient noircir chaque jour un peu plus. Car, deux tempêtes d'une violence inouïe ravageait la Principauté l'une descendant de l'ouest et l'autre venue de l'est lointain aussi oriental que mystérieux. Cependant, son altesse notre vénéré prince Moran de la jeune et neuve maison princière Garland premier du nom n'avait aucunement crainte des vents contraires. Montagnard né, il n'avait eu de cesse depuis sa naissance d'explorer la rocaille butée de ses monts faisant de la garigue son terrain de jeu favori. Il n'avait eu de cesse de contempler la fureur océane depuis l'escarpement souffreteux de la cote de nacre. De ses observations naquit un profond respect mâtiné d'une pointe d'effroi pour l'élément maritime capable de basculer de la paisibilité la plus relative au chaos le plus implacable en l'espace de quelques fugaces instants au gré des humeurs des fonds abyssaux ou des houles encouragées par le vent. Mais ce ne fut point uniquement sa défiance profonde envers la mer de Dorne qui lui enseigna durement l'humilité mais également la magnificence inatteignable des sommets rocheux tout aussi dangereux pour les néophytes que les vagues immenses pour les marins d'eau douce. Les montagnes se dressaient immuables en reines éternelles sans se préoccuper le moins du monde de l'insignifiance des mortels aussi braillards que pathétiques car tellement éphémères à l'échelle du monde. Or, si le prince Moran était un véritable Dornien dans tout ce que cela comportait de plus typique que ce soit en caractère, en gout, en attitude et en réflexion il n'en demeurait point profondément du nord est avant toute chose. Car, cette écume moqueuse et cette tranquillité de la roche millénaire il les possédaient en lui au creux de son intérieur. Ce qui expliquait pourquoi il ne manifesta pas la moindre parcelle de peur primitive devant son premier conseil princier. Face à ses conseillers, ses officiers, ses alliés tous liés à lui par le sang ou l'amitié -le reste des pairs de Dorne ayant prouvé une fois de plus leur absence de valeur- il n'afficha guère le moindre doute. La couronne d'or et de saphir qu'il avait faite préparer pour l'évènement ne se trouvait point encore sur son front que son altesse prouvait déjà qu'il avait les épaules et la carrure pour régner. En effet, là ou ses proches et ses aides soulignaient dépités les relents de la faiblesse nobiliaire le prince répondit à toutes les remarques d'un ton égal avant de rappeler qu'il avait d'ores et déjà entamé des négociations avec des puissances étrangères car sans alliés nulle cause ne pouvait espérer prévaloir d'ennemis aussi redoutables. Puis, ce dernier déballa avec une vigoureuse rigueur son programme de développement de la Principauté Garland et suite à cette oraison éclairée fit choir le silence le plus admiratif sur l'assemblée intime. Chaque point de la gestion d'une contrée avait été soupesé, analysé et murement réfléchi par la cervelle princière. Aussi tout ce beau monde se retrouva particulièrement coi devant la maitrise absolu du projet titanesque de leur suzerain. Je gage que feu le pater de son altesse eut hoché du chef de satisfaction l'œil illuminé d'une fierté certaine. Le prince Moran ne craignait point les bourrasques. Il avait en lui la stabilité du mont et la fureur océane. Il souhaitait lui-même représenter une tempête. Plus forte, plus vive, plus imposante capable d'engloutir les deux autres dans son cyclone...

 
Spectremont rayonnait de mille feux parée de tous ses atours les plus luxueux dressé sur son promontoire avec l'orgueil d'une impératrice de Yi-Ti. Rien n'avait été négligé pour rendre les évènements à venir aussi somptueux que mémorable. Qu'importe que le comité de soutien soit minime avait lancé son altesse cette journée restera gravée dans les annales de l'Histoire comme celle de la naissance officielle de lignée Garland. Et ses ordres furent respectés à la lettre tandis qu'une certaine fièvre s'emparait du fief. De la plus haute tour du beffroi à la dernière masure des faubourgs de la bourgade nul recoin ne fut épargné par la magnificence imposée par la couronne princière. Les préparatifs furent exécutés avec une célérité empreinte de dévouement envers notre suzerain et les petites mains semblaient bien décidés à rivaliser de bien des manières afin de soulager notre prince de sa déception relative aux réactions détestables des pairs de la Principauté. Son altesse quant à elle s'isola en compagnie de sa future compagne dans ses appartements à l'issue de la présidence de son premier conseil. Au regard du caractère bienveillante et accessible de notre souverain, il ne fit aucun doute qu'il eut préféré se mêler à ses gens afin de les soutenir moralement dans l'effort voire même en y mettant du sien. Mais un prince se doit de se jucher au dessus de la masse afin de bien rappeler à tous son statut exceptionnel. Ce qui se déroula dans cette vaste pièce dominant la forteresse de plusieurs pieds nul ne le sait si ce ne sont les principaux intéressés. Toujours fut il que ce fut paré d'une tenue d'une élégance sans nom aux couleurs de sa nouvelle maison et l'épaule gauche couverte d'une chlamyde d'or que se présenta Moran de la maison Garland devant la haie d'honneur de ses deux cents chevaliers le sabre dressé bien haut et le nasal fuselé sur le crane. Posté sur le dos d'un étalon massif aussi nerveux qu'ombrageux à la robe plus sombre que l'encre, le prince s'avança au pas avant de descendre gracieusement de son compagnon équestre. Une fois dans le septuaire, il incarna si bien la figure d'autorité que le silence se fit durant tout le monologue du septon Barth jusqu'à ce dernier ne posa le diadème sur son front. Aussitôt, l'explosion du tonnerre rugit tel le râle d'un monstre millénaire soudainement réveillé de son repos hivernal. Puis, la promise s'avança dans une toilette aux nuances écarlates et dorés de sa future maison nobiliaire d'un pas assuré prouvant aux yeux de l'assemblée qu'elle n'était point une veule roturière dénuée de raffinement et de prestance. Le prince à présent couronné proclama alors d'une voix puissante la naissance de la maison DesDunes dont elle serait la dame. Le sceptre d'argent bleui frappa les épaules puis la tète de la jeune marchande qui se releva de sa génuflexion noble et promise à un prince. Les applaudissements furent cette fois bien plus mesurés car certains murmuraient contre le choix de notre prince de prendre pour épouse une femme du commun. Ce choix lui serait préjudiciable affirmaient ils... Les autres maisons déprécieraient la cause du prince... Les alliés pointilleux comme le Bief ou la Foi méjugeraient ce choix... Un prince devrait épouser une princesse ou une noble de premier plan... Le Garland balaya tout cela d'un revers du bras impérieux prouvant qu'il se moquait comme d'une vulgaire guigne des avis de ses ennemis et quant à ceux de ses alliés considéra que cela ne les concernait en rien. La dote de la promise fut généreuse en or de son activité prospère de marchande, deux comptoirs commerciaux dont l'un dans l'Ouest et l'autre à Dorne, deux étalons de la plus réputée race de chevaux du sud et enfin des capacités commerciales sans équivalent... Tout cela semblait bien peu pour les langues vipérines mais aux yeux du prince cela suffisait amplement. Avec l'or il développerait sa Principauté ou achèterait des mercenaires. Les comptoirs commerciaux feraient rentrer de l'or dans ses caisses. Les étalons étaient dignes de leurs statuts. Et les capacités personnelles de sa compagne représentaient autant d'opportunités à exploiter... Aussi lorsqu'elle s'approcha de lui pour la cérémonie d'union le futur époux veuf de sa précédente union rayonnait de mille feux à l'instar de sa cité. Vibrant d'amour sincère partagé, le mariage fut scellé d'un baiser et de l'échange des anneaux après la profession des paroles rituelles. Ce fut main dans la main le dos couvert d'un manteau aux couleurs du sautoir de la maison Garland que l'épouse et l'époux quittèrent le septuaire pour la suite des réjouissances. Je ne m'étendrais point sur l'ampleur inédite de mémoire d'anciens des festivités tant le capharnaüm fut terriblement extraordinaire. Je conclurais simplement par le fait que la cérémonie du coucher se soit si bien déroulé que notre princesse fut bénie des Sept pour sa piété, sa droiture, son dévouement à son mari par une grossesse très rapide. Cependant, cette célébration ci devrait attendre car le couple princier s'en alla dès le lendemain récolter les fruits des erreurs de jugement Valyrienne.

 
Tandis que le couple princier se dirigeait vers les colonnes de rescapés et de réfugiés ayant abandonné l'ancienne capitale de la maison suzeraine déchue Nymeros Martell en compagnie d'une puissante escorte ainsi que d'un convoi de vivres, de biens de première nécessité et d'autres ressources ses instructions concernant son territoire princier furent mises en œuvre par son frère cadet et nouveau seigneur de la maison Toland première partisane de sa couronne pour des raisons fort logiques. Lord Tremor Toland secondé de sa vigoureuse et capable mater dame Asharra Toland née Dalt surnommée depuis son plus jeune âge la Rose de l'Est tant pour sa beauté que pour son caractère particulièrement mordant lança toutes les mesures décidé par son glorieux ainé lors du conseil princier. Toute la population du domaine fut mise à contribution les anciens encore capables d'offrir leur expérience écrasante du poids des années aux plus jeunes encore parfois trop empotés ou au contraire dissipés mais débordant de vitalité revigorante sans oublier les femmes d'ordinaires cantonnées à certaines taches ingrates par la loi des Hommes. Chacun se devait de mettre la main à la patte afin de faire émerger le tableau mirifique d'une ambition nécessaire de notre prince. Les travaux de fortification furent entamés avec les ressources disponibles, les multiplications de masures et de foyers furent également débutés sous de bonnes auspices, les artisans se mirent à produire davantage autant d'outils que possible afin d'anticiper le matériel aux futurs arrivants, les réserves de nourriture furent stockées avec soin et comptabilisées, les agriculteurs se mirent à creuser les grands bassins à flanc des montagnes et à tenter de faire pousser les nouvelles semences désignées par la couronne, les mines furent excavées dans la roche claire et les bergers œuvraient également à la défense du fief en accord avec les ordres transmis. Et tandis que tout le territoire vibrait d'une énergie conquérante que la milice saisissait des navires de commerce dans la rade au nom du prince les réquisitionnant pour les besoins de la Principauté Garland des chants s'élevèrent dans l'air brulant de cet été suffocant. Des chants oui mais point n'importe lesquels car il s'agissait d'un hymne nationaliste et ce fut au rythme des strophes honorant la cause du prince que la sueur ce sang des travailleurs rejoignait l'aride sol sacrée de la mère patrie pour se mêler aux ancêtres bienveillants. Alors que notre souverain s'aventurait au sud afin de rallier les cœurs des martyrisés de Lancehelion à sa cause légitime, ses terres elles portées par le souffle de la grandeur et de l'espérance chevauchaient vers le statut de capitale provisoire d'une Principauté naissante. Spectremont grandissait, s'épanouissait, se renforçait afin de manifester sa puissance aux yeux du monde. Serait ce suffisant ? Il le faudrait bien car elle faisait à présent parti du jeu des trônes. Et le jeu des trônes ne pardonnait point les timorés...

 
Les vastes étendues des plaines alluviales de la Sang Vert teintaient ce décor désertique à la sécheresse maladive d’une nuance sainement verdoyante proprement saisissante que je redécouvrais d’un œil neuf tandis que nous cheminions tranquillement vers notre destination derrière notre prince. Ce dernier éclatant de majesté à l’instar d’un représentant vivant de l’astre flamboyant nous dominait de sa stature et de sa morgue aristocratique. Cet homme dans la fleur de l’âge semblait avoir été taillé pour cette tache aussi bien que ce rang tant cela paraissait éminemment naturel chez lui. Il émanait de sa personne une aura aussi intimidante que réconfortante qui poussait les soldats à le respecter et rechercher sa compagnie et les petites gens à l’admirer et le louer. Et il savait s’y prendre avec les gens notre prince. Il s’agissait là d’un bel euphémisme car nul manant ne l’ayant rencontré n’avait été conquis par sa bienveillance innée qu’il accordait avec grâce et générosité à l’instar d’une outre d’eau offerte sans une once d’égoïsme au voyageur égaré. Nous arrivâmes finalement dans une grande plaine donnant sur des contreforts rocheux peu impressionnants contrairement aux montagnes rouges et ses sommets redoutables. Au loin derrière se dressait un modeste fort faisant office de castel pour les autorités locales. Et entre les deux une foule de réfugiés particulièrement erratiques offrant un spectacle qui serrerait même le cœur le plus glacial. Des femmes aux regards meurtries en écrasante majorité accompagnées de marmots braillards ou au contraire par trop silencieux pour des enfants de leurs âges.  Les hommes en minorité remarquable semblaient sur les nerfs mais néanmoins voutés sous le poids du drame qu’ils avaient traversés. Nous étions un peuple fier et orgueilleux or cette fierté leur avait été arraché par les envahisseurs d’outre détroit qui avaient inondé de leur sang autochtone le sol de leur ancienne capitale. En tant qu’écuyer du prince de Dorne de la maison Garland, je me situais proche de notre suzerain dans le convoi aussi je pus pleinement mesurer sa réaction face à cette offense suprême à notre mère patrie. Notre souverain marqua le coup physiquement comme s’il avait été personnellement victime et témoin des atrocités de l’ennemi comme s’il se rongeait de culpabilité d’avoir été impliqué dans le débarquement de pareils monstres sur nos terres. Un long silence plana autour de nous avant que mon chevalier ne se reprenne en main. Quelques instants plus tard, son visage n’irradiait désormais plus rien d’autre qu’une froide détermination nimbée d’un puits de considération. Ses ordres claquèrent comme un fouet dans l’air brulant de ce début d’après-midi. Les chevaliers démontèrent et aidèrent notre princesse et ses suivantes à installer un point hospitalier duquel les vivres et les soins pourraient se voir distribués avec plus d’aisance. Je suivis pour ma part les gardes du corps personnel de mon illustre cousin alors que celui-ci fendait la foule pour distribuer des mots de réconfort aux exilés bafoués et orienter ces derniers vers son épouse gironde qui s’échinait d’ores et déjà à soulager leurs peines aussi bien moralement par ses paroles empreintes de douceur que ses gestes médicaux marqués par l’expérience. Tout se passait de la plus formidable des manières et la foule se faisait de plus en plus massive autour de notre équipée sans que le moindre incident n’ait à venir entacher notre mission. Les réfugiés tombaient sous le charme du couple princier pour des raisons évidentes. Et, je me figurai que si les ennemis de la maison Garland venaient à vaincre sur le champ de bataille il se trouverait des milliers de partisans qui seraient ravis de cacher nos dirigeants pour les préserver de la vindicte adverse. Il ne faisait aucun doute que le cœur de ces martyrs politiques battait d’ores et déjà pour la cause Garland. Et cela ne sembla guère plaire aux miliciens locaux puisque ces derniers entreprirent de saper nos efforts de séduction de fort virile manière. Mes yeux se levèrent au ciel instinctivement face à une telle attitude. Ces imbéciles n’étaient guère plus qu’un ramassis de portes glaives décharnés et en guenilles en comparaison de l’escorte lourdement armée de notre royal parent. Ou puisaient-ils le courage de s’opposer frontalement avec autant d’insolence aux volontés princières ? Cela, je l’ignorais pertinemment. Dans les cieux saturés de brulure climatique un aigle plana un instant en cercles concentriques avant de fuser sur une proie quelconque à l’image d’un signe du destin. Lorsque je reportai mon attention sur Moran l’expression de celui-ci avait changée du tout au tout. Je sentis lestement que l’injure à son autorité ne resterait guère impunie. Le Garland n’hésita pas une seule seconde et fit se diviser ses forces en quatre groupe de cavaliers l’un dirigé par son connétable et cadet Milo Toland l’autre par son oncle et premier protecteur Lyonnel Sand et moi-même à mon plus grand étonnement. Pour la forme et prouver qu’il n’était guère un sanguinaire assoiffé de sang Dornien, il décida d’envoyer sa compagne enceinte tenter de convaincre les représentants adverses de se rallier à sa bannière et ce malgré sa terreur d’exposer son aimée à une mission bien dangereuse. Ainsi fut fait. La princesse Jasmyne se rendit en carriole à mi-chemin de la position des sergents encadrée par six chevaliers dont un porte étendard. Cependant, mon seigneur devait se douter de l’issue fatidique de cette tentative de conciliation car il donna des ordres implacables aux trois autres groupes de cavaliers d’élite avant de prendre la tête du dernier. Puis l’enveloppement fut lancé alors que la coterie ennemie s’était réfugiée en hauteur. Au moment où les sergents d’armes des Carène et des Brook refusaient platement de rejoindre notre cause et que les protecteurs de notre suzeraine dégainaient l’acier pour les punir de cet outrage autant que pour la préserver d’un danger potentiel en décapitant les envoyés je galopais à la tête de ma division filant par l’est vers les collines proches. Le tonnerre de nos sabots fit trembler la vallée d’une assourdissante clameur annonciatrice de notre fureur vengeresse. Le passage du ruisseau vit voleter une myriade d’éclaboussures en tous sens tandis que je faisais littéralement s’envoler mon destrier immaculé en avant bien déterminé à verser le premier sang de ces arrogants gueux. Et les Sept me récompensèrent de la meilleure des manières puisque ce fut ma division qui parvint la première au sommet de la colline. Mes lippes juvéniles se serrèrent sur un rictus macabre à l’idée de venger ser Dared qui était mort à cause des traitres Allyrion. Ma lance s’abaissa en faisant claquer le tissu de l’étendard Garland pendant que j’hurlais mon cri de guerre personnel : Montbrun Dorne et Garland pour les Sept ! Le choc fut incroyablement violent cependant nous pénétrâmes dans la formation adverse sans la moindre difficulté au regard de la faiblesse des troupes ennemies. Plusieurs de mes hommes virent leur monture se faire empaler et passèrent cul par-dessus tête là ou quelques-uns furent blessé mais tandis que nous massacrions des dizaines de lanciers et de tireurs les autres divisions s’enfoncèrent dans la troupe Allyrion sans le moindre ménagement. Un trait d’arbalète ricocha sur mon heaume tandis que je vis mon cousin sabrer trois soldats d’affilée drapé d’une rage punitive auréolé de gloire martiale. En quelques minutes tout fut achevé… Et des cris railleurs accompagnèrent la retraite honteuses des téméraires anéantis. Seul l’épuisement de nos compagnons équestres nous priva d’une chasse sanguinaire afin de priver complètement l’usurpatrice Allyrion d’une partie de ses soutiens sur la Sang Vert. Le prince vint poser une main gantée de fer et tachée de sang encore chaud sur mon épaule cuirassé avant de me féliciter pour ma célérité foudroyante. Un sourire de fierté illumina mes traits alors que nous prenions les blessés en croupe sur nos montures avant d’ovationner notre souverain pour cette victoire qui bien qu’aisée avait été obtenue en raison de sa capacité à diriger ses forces avec efficacité sans la moindre hésitation. Les fers d’armure s’entrechoquèrent avec fracas alors que nous célébrions notre première victoire de la guerre de libération que nous avions lancée en nous engageant par serment envers le Garland. La clameur libératoire s’éleva jusqu’aux cieux azurs avec l’allant d’une marée inexpugnable. Finalement, nous quittâmes le champ d’honneur au pas sans nous presser le moins du monde tels des matamores surs de leur force et orgueilleux au point de toiser sans une once de respect de notre dos les défenseurs locaux apeurés. Cheminant dans le sillage du vainqueur de cette escarmouche marquant la première bataille de la campagne de la maison Garland, j’échangeais un regard avec Milo et mon cousin ne manqua de me taquiner sur ma performance martiale. Cependant, je ne mordis guère à l’hameçon car suite à cette boucherie je me sentais étonnement plus tranquille. J’avais pu venger ser Dared et à ce sujet mon cousin avait tenu sa promesse.  

 
Le pavillon princier se dressant plein de morgue et d'orgueil entre deux dunes non loin d'un point d'eau stratégique apparaissait comme une oasis de faste et de grandeur au milieu du dénuement ocre des sables environnant. Une véritable foule se pressait entre le banc confortable sur lequel se trouvaient le couple princier lové amoureusement l'un contre l'autre à l'instar d'un couple de jeunes tourtereaux à peine sortis du nid. L'ampleur de leur osmose était semblable à un baume sur le cœur meurtri de tout les réfugiés qui avaient décidés de suivre la maison Garland sur ses terres dans le nord de la Principauté. Territoire hors d'atteinte des ambitions voraces des envahisseurs d'outre détroit. Des enfants jouaient joyeusement entre des tentes se dressant par centaines à l'instar du camp d'un peuple en exode tandis que leurs parents tentaient de se rendre utile. Les hommes en œuvrant à quelques besognes et les femmes en recousant les tissus dévastés ou en préparant la pitance du soir à venir. Cette vie insouciante avait des airs de songes oniriques au regard de la tragédie ayant frappée toutes ces vies quelques semaines plus tôt. Le prince Moran encourageait autant que sa délicate mains fort courageuse épouse ses nouveaux sujets à se mêler à sa troupe ainsi qu'à se présenter devant lui pour échanger sur tous les thèmes. La journée avait vu défilée hommes et femmes de Dorne ayant préféré la voie du nouveau souverain à celle des adorateurs d'étrangers qu'étaient les Allyrions devant le pavillon situé en plein cœur du campement. Et Moran premier du nom de la maison Garland et sa compagne Jasmyne première du nom de la même maison avaient écoutés avec compassion et patience les doléances de leur peuple en ayant des mots pour chacun d'entre eux sans jamais se lasser de cet exercice politique qui leur semblait profondément inné tant l'aisance avec laquelle ils le faisaient était admirable. Les femmes avaient entourées leur princesse enceinte avec une affection toute féminine et avaient pris soin d'elle une bonne partie de la journée sous le regard quelque peu méfiant des chevaliers de la maison. Les hommes avaient interrogé leur prince sur l'étendue de sa volonté de revanche sur les Valyriens meurtriers et ses réponses leur avaient convenu. A présent tandis que la course du soleil était sur le point de s'achever le long de la ligne de l'horizon et que l'activité fourmillante de la vaste assemblée paraissait se faire aussi langoureuse que la complicité fusionnelle du couple princier de l'agitation se fit entendre à l'entrée nord du camp. Les hommes d'armes se mirent directement sur le qui vive et le son des sabres dégainés troublèrent la quiétude doucereuse dans laquelle étaient plongée la Principauté Garland en mouvement. Mais, l'alerte ne fut pas donnée car les nouveaux arrivants menés par un soldat de la garnison de la forteresse constituaient en une modeste mais néanmoins fougueuse troupe de jeunes gens bien déterminés à en découdre. Un sourire relativement triste se peignit sur le visage du prince. Sourire empreint de fierté quant à la bravoure de ces jeunes volontaires mais quelque peu mélancolique par la précocité de ces derniers. Quelques mots furent soufflés à son épouse à l'instar d'une mélodie contrite pleine de regrets pour le sacrifice nécessaire d'aussi innocents vaillants. Souvenir d'une promesse sincère quant à la préservation de l'enfance au milieu d'un pays ravagé par la guerre et ses affres les plus détestables. Le seigneur de Vaillance prononça un discours éloquent et fort humble mais néanmoins sans une once de faux semblant à ses jeunes maquisards. La langue de bois n'étant guère du gout de notre éclairé souverain en dépit de ses habilités courtisanes. Les combattants se virent promis la gloire des libérateurs mais également la fortune des audacieux non sans se voir épargnés les risques de trépas et de souffrance la plus abjecte qui soit. Une fois cet accueil chaleureux mais fort martial achevé le prince demanda à son peuple d'ovationner ces braves preuves que la valeur n'attendait point le nombre d'années. Bien entendu, son frère avait notoirement insisté sur le fait que la présence de ces orphelins désœuvrés risquaient de causer bien plus de mal que de bien d'où leur envoi auprès de lui. Une fois célébrés les nouveaux venus furent intégrés à la troupe par les puissants cuirassés de la couronne princière fleuron de la modeste armée princière. Et si l'itinérance politique avait été inscrite dans la constitution Garland il semblait que le temps de la conquête était arrivé. D'autres n'auraient certainement guère eu ce genre de projets en tète avec à peine un demi millier d'hommes sous ses ordres mais Moran Garland était différent... Le sourire roublard qui fleurissait sur ses traits résolument montagnards n'en témoignait que trop bien.

 
Juché sur son destrier aussi sombre que la plus ténébreuse des nuits sans étoiles, le prince légitime de la Principauté Garland se tenait fièrement face aux portes de la cité situées à quelques centaines de toises de sa position. Drapé dans son armure d'apparat finement ciselé d'or et d'airain décorée de versets à la gloire des Sept, le libérateur se tenait aussi droit qu'une statue de marbre impassible. Nulle expression ne semblait passer sur les traits de ce guerrier dans la fine fleur de l'âge. Et pourtant pourtant pourtant o combien tous les cavaliers lourdement harnachés l'entourant savaient pertinemment à quel point les émotions se livraient une intense et âpre lutte sans la moindre once de merci dans l'intimité de son cœur. L'image impavide et téméraire qu'il renvoyait farouchement n'était néanmoins guère un leurre qu'une nécessité impérieuse de respecter des critères immuables dans la voie qu'il avait fait sienne. Un chef de guerre se devait d'incarner un roc de certitudes et de fiabilité en toutes circonstances et ce encore plus dans une configuration aussi tortueuse et incertaine que celle de sa cause. Aussi, le prince Moran s'attelait à respecter cet enseignement inestimable et invariable qui lui avait été transmis dès son enfance par son propre pater l'ambitieux et sombrement redouté lord Toland. Pour autant, s'il n'en montrait rien son inquiétude pour ses hommes si peu nombreux mais si courageux et notamment pour le premier d'entre eux était si palpable qu'elle pourrait se voir trancher par le fil du rasoir. Son connétable. Son soldat le plus valeureux. Son frère préféré n'avait pas hésité une seule seconde avant d'accepter de réaliser le plan de son ainé. Or, Milo Toland n'était pas qu'un meneur d'hommes terriblement charismatique. Il était le plus proche ami et compagnon de vie de son frère. Si, jouer la vie de ses proches et de ses soldats représentait le lot quotidien des sang bleus le prince de Dorne se rendit compte en cet instant de l'amertume que provoquait certaines décisions. Le silence glaçant de l'obscurité nocturne de cette nuit fatidique fut déchiré par une clameur assourdissante provenant de la cité. Le plan était en marche. Moran Garland interrompit ses prières silencieuses à ses Dieux et étudia la cité d'un œil inquisiteur. De longues minutes défilèrent encore et encore dans une tension étouffante avant que son oncle paternel ne prit le parti de souligner l'évidence. Quelque chose clochait nécessairement. Les portes auraient déjà du être ouvertes par le commando. Quelque chose clochait et pourtant le dirigeant gardait fermement son masque de commandement en dépit de ses craintes légitimes. Finalement, le Garland comprit qu'il fallait aller soutenir l'opération ne serait ce qu'en offrant un répit à ses braves en détournant l'attention des défenseurs. Aussitôt, il éperonna son cheval impétueux et s'élança au trot vers la ville bien vite suivi de sa cohorte de fidèles armés jusqu'aux dents et assoiffés de pillage. Ses ordres avaient été clairs... Pas de débordements inutiles. Il se présentait en libérateur et non en conquérant. Seulement, les Dieux se rient profondément des projets des hommes aussi alors qu'il se trouvait à mi chemin de la place forte une volée de flèches enflammées transperça la voute céleste et avant que l'une d'entre elles n'accomplisse sa macabre besogne sur sa carcasse féline un terrifiant pressentiment s'empara de son esprit. Son frère était en danger de mort imminente. La flèche se ficha dans le défaut de son armure et brisa plusieurs cotes à l'impact le faisant choir de sa selle et atterrir durement sur le sable vespéral. Sa chute provoqua une succession de réactions en chaine. Il vit son oncle et ses cousins bondir de leurs montures respectives et hurler des ordres à la masse compacte d'assaillants qui déferlaient vers les portes à présent quasiment détruites. Le seigneur de Vaillance ne put que souffler ses instructions à ses officiers supérieurs. Sauvez son frère. Sauvez leurs hommes. Puis, ce fut le noir complet et la perte de connaissance.