Les rayons mordorés d'une aube éclatante transpercent sans une once de pitié le tissu transparent scintillant de mes appartements au sein du palais princier de la capitale. Ces flèches vives illuminent la vaste pièce d'une lumière réconfortante suite à la domination ténébreuse de la nuit. Non, que je ne sois pas adepte de la protection offerte par l'obscurité. Bien au contraire même car c'est au cœur des ombres que se situe bien souvent le véritable pouvoir. Et les véritables joueurs du jeu des trônes ne manque jamais d'observer avec attention ces sombres recoins. De sombres recoins au creux desquels j'ai appris à me nicher afin de déployer mes serres dans toutes les directions dans l'optique de grapiller le maximum de choses pour la préservation comme l'élévation de mon nom et celui de ma maison. Pour autant, mon caractère me pousse à apprécier profondément le jour et la lumière des actions connues et dévoilées. Possédant en effet, cet éclat fantasque des grands personnages à l'instar de tout bon Dornien je ne rechignais jamais à briller.

Laissant mon valet d'arme le vieux mais néanmoins endurant et dévoué Nestor achever de me vêtir, j'interroge le chef de mon service d'espionnage personnel concernant les dernières rumeurs agitant la capitale. Posséder ses propres espions pouvait apparaitre comme un signe de défiance envers le pouvoir princier ou même de rivalité avec ce dernier. Cependant, je n'en avais strictement cure. Dorne traversait la période la plus troublée et à fortiori cruciale de son histoire et un homme d'état averti en valait cent aussi je n'avais point rechigné sur les moyens à mettre en œuvre pour me constituer un cercle de confiance particulièrement efficace. Mes ombres étaient capables de se faufiler partout du palais à la ville basse, des anti chambres du pouvoir aux culs de basse fosse de Lancéhélion. Et les dernières nouvelles faisaient état de disparitions notoirement inquiétantes des gardes du corps personnelles de ma chère amie et dirigeante Nyméria de la maison Gargalen. Cette information aussi tragique était elle au regard de l'information qu'elle révélait sur le climat délétère pesant sur la capitale représentait une opportunité en or pour le fin renard que j'étais.

En tant que membre du conseil princier, je pouvais approcher la jeune souveraine avec une aisance bienvenue. Congédiant finalement le chef de mes informateurs aujourd'hui déguisé en garde du palais, je prends le temps de m'admirer dans le reflet de la glace de plein pied me faisant face. Tout de brun et de vert vêtu, j'ai opté pour de la mesure et de l'humilité en dépit de mon rang. Tout n'est que calcul au sein d'un palais et seuls les fols se comportent en écervelés. Les fols, les jeunes ou les hommes dénués de la moindre ambition. J'aspire à transmettre compassion à travers cette composition vestimentaire. Le dénuement dans lequel se trouve notre peuple se retranscrit dans ces étoffes rudes et simples. Saisissant la coupe de vin du cru que me tend Nestor, je la porte à mes lippes en réfléchissant à la meilleure manière d'aborder Nyméria. Certes, il s'agissait de ma meilleure amie depuis de longues années à présent seulement cela ne suffisait pas à me permettre de l'approcher comme un droit absolu. Désormais, elle était la tète de Dorne et à ce titre le protocole imposait un soupçon de doigté.

...

Je me trouve devant la porte des appartements de la princesse les bras chargé d'un plateau que je suis moi même parti chercher au cuisine. Si la démarche peut sembler cavalière, elle se veut très réfléchie. L'abaissement auquel je me résous en agissant comme un serviteur souligne le respect que j'ai pour elle et vient quelque peu tempérer l'audace de ma présence en ces lieux. Aucun de mes chevaliers ni gardes du corps personnels dans mon sillage, je suis absolument seul face aux deux gardes de la princesse qui me toisent d'un air ou l'incompréhension le dispute à la surprise de contempler un membre du conseil agissant d'une manière aussi peu coutumière. Bien conscient que la Gargalen ne puit qu'être seule au vu de l'absence diplomatique de son impérial époux, je réfléchis aux arguments que je souhaite avancer au cours de la discussion à venir tandis que l'une des guerrières va m'annoncer dans la chambre. Mes yeux s'abaissent jusqu'au plateau comportant les mets préférées de la jeune femme.

Pénétrant dans la vaste pièce représentant le cœur du palais contrairement aux apparences clamant que ce dernier se situait dans la salle du trône, je jette un coup d'oeil en biais à celle que je considérais malgré tout toujours comme ma meilleure amie. Et ce en dépit du fait que les derniers évènements nous avaient quelque peu éloignés l'un de l'autre pour des raisons évidentes. C'était son ambition qui l'avait propulsé à ce rang opportuniste de nouvelle souveraine de notre Principauté. Et c'était également par ambition que j'agissais la plupart du temps. Certains hommes étaient ainsi faits que seule l'élévation représentait à leurs yeux une preuve de progression personnelle. J'étais de ceux là. Il y avait quelque chose de tragiquement cocasse dans le fait que ce trait commun à nos deux personnes et qui eut pu expliqué par bien des aspects les raisons de notre amitié si forte par le passé était à présent ce qui souillait désormais notre relation. 

Une relation née d'une rencontre entre deux jeunes gens à une époque à présent fort reculée. Je me souviens encore avec émotion de la manière dont j'avais été envoyé auprès de son pater le seigneur de la maison Gargalen l'homme de poigne ayant fait de moi un combattant chevronné et l'un des chevaliers les plus redoutés de l'est. Durant un instant, je revois la jeune lady au regard bien trop espiègle pour son propre bien débordant d'une intelligence calculatrice mais néanmoins capable de sentiment particulièrement pur. Chassant bien vite ces souvenirs puérils propres à me conduire sur la dangereuse pente de la mélancolie, j'obéis à son signe de la main et dépose mon chargement sur la magnifique table en bois d'acacia la plus proche.

Nyméria est princesse à présent et je ne suis qu'un seigneur de son domaine aussi les élans de spontanéité ne convenait plus aux deux adultes que nous étions. Je lui offre néanmoins un sourire plein de sincérité à travers lequel passe un peu de nos fusionnelles réactions d'autrefois. Un sourire solaire et sincère transpirant la fierté de voir mon amie à ce rang si prestigieux mais néanmoins dangereux au vu des fins atroces de ces derniers titulaires sans compter le bonheur de la voir aussi rayonnante et en bonne santé plus belle que jamais. Une véritable princesse dont je m'étais fort logiquement implicitement fait le protecteur dès sa nomination à ce rang. Je n'en avais parlé à personne car cela avait été inutile au sein de la cour. Tous mes pairs étant naturellement au courant du lien nous ayant uni par le passé. Ce serment faisait sens aussi logiquement que celui de suivre une maison menaçant de tous nous rôtir aux flammes de leurs monstrueuses bêtes. 

Et je n'avais nul besoin de le formuler à voix haute à la principale intéressée car cela eut été comme un manque de respect de sa part à mon encontre. J'étais le protecteur attitré de la princesse et c'était ainsi point. Mes ambitions personnelles n'entraient guère en contradiction avec ce fait aussi implacable que ferme. Peut être que notre lien n'était pas aussi fracturé que je ne semblais le croire car la dirigeante m'offrit une accolade bien fraternelle. Je lui rendis son enlacement avec une douceur pleine de prévenance avant d'aller jusqu'à déposer un baiser sur le sommet de son crane. Un parfum d'été et de frais, de bois et de fleur... Fragrance o combien rafraichissante au milieu d'un nid de vipère comme le palais. 


"Tout le plaisir est pour moi altesse ! Ou puis je me permettre de t'appeler par ton prénom. Risquerai-je un crime de lèse majesté. Bref, te voir rayonnée de la sorte est un don du ciel Nyméria." Son étreinte se desserra quelque peu et je pris le pas de rompre notre étreinte par prudence. Bien que nous trouvant au milieu de ses appartements, je n'étais pas le moins bien placé pour savoir que les murs avaient autant d'yeux que d'oreilles. "Eh bien princesse. Je me suis simplement dit que cela vous ferait particulièrement plaisir que de déguster ce met raffiné et en tant que votre serviteur le plus zélé il est de mon devoir de vous satisfaire." Ses yeux se plongèrent dans les miens et je me sentis soudainement comme mis à nu. Aussi, délaissant mon traditionnel comportement fantasque de charmeur invétéré j'entrepris de lui répondre franchement. "On entend des rumeurs préoccupantes mon amie. Vraiment préoccupantes. Je m'inquiète pour toi voilà tout."