Les vagues sont loin maintenant.

Les vagues sont loin et tout ce qu'elle connaît aussi. Le sommeil est dur à trouver dans ces conditions où tout est étranger. Il l'était moins lorsqu'elle pensait qu'elle retrouverait un jour ce qu'elle a bien volontiers délaissé. Eira roule sur le côté, soupire, regarde le mur, le plafond. En tendant l'oreille, elle remarque que les vagues ont été remplacées par des rires et le silence de sa demeure par une agitation constante. Ce qui lui plaisait beaucoup lors de son arrivée ici. Ce qui lui plaît toujours, bien que tout ait un goût différent désormais. Éphémère.

Eira finit par se lever, fatiguée de tourner en rond éternellement. Avec les années, elle s'est spécialisée dans l'art de l'exploration. Un grand écart d'âge avec ses frères et sœurs l'ont contraint à la solitude. Les aventures ont toujours été seules à lui tenir compagnie. Elle use de ce talent un peu trop souvent hors et en les murs de Fort-Darion. Être étrangère à cet endroit a ses avantages, tout est à découvrir et elle ne manque pas de temps à sa disposition. Alors elle en passe, du temps, à s'immiscer là où elle ne devrait pas.

- Eh bien, j'en doute, messire.

La pièce en question regorge d'ouvrages, sent la poussière et le papier. Eira en déduit qu'il s'agît d'une bibliothèque. Elle a toujours trouvé les bibliothèques oppressantes, pleines de savoirs qui n'ont fait que la mépriser durant toute son enfance. Celle-ci a quelque chose de différent, probablement parce qu'il ne s'agit pas d'une bibliothèque mais bien d'une pièce dans laquelle elle n'a rien à faire.

- Voyez vous, je souffre d'un mal que l'on appelle communément "terrible ennui" et qui me pousse à déranger les braves gens dans leurs obligations.

Elle n'a pas souvenir d'avoir déjà vu cet homme, ou peut-être au détour d'un couloir, sans y prêter attention. Eira n'a jamais été très observatrice et les dernières semaines l'ont poussé à se murer dans un silence qui ne lui ressemble pas. Elle a vaguement conscience qu'elle devrait s'excuser et déguerpir d'ici au plus vite mais la curiosité a le don de la pousser à l'inconvenance. La jeune femme referme la porte derrière elle et avance dans la pièce, l'observant un peu mieux une fois le seuil de la porte dépassé. Elle s'approche d'une des étagères, en parcourt le contenu des yeux. Rien d'intéressant, qu'elle décrète. Eira soupire et se détourne des livres pour s'intéresser à l'homme qu'elle dérange dans ses activités nocturnes. Son physique ne correspond pas à l'idée qu'elle se fait des érudits, ce qui rend cette rencontre suffisamment intrigante pour faire briller un peu ses yeux. Ce qui n'était pas arrivé depuis un moment.

- Si vous permettez d'être dérangé, évidemment.

Son insolence a ses limites, tout de même.

- Écrivez vous des ballades ou des contes ? Je sais que l'inspiration peut être capricieuse, et choisit mal ses heures.

Son indiscrétion en revanche, beaucoup moins. Elle aimerait que ce qui s'apprêtait à couler de cette plume relève de belles histoires et non de guerre et préoccupations barbantes qu'elle ne saurait comprendre. Elle aimerait, mais sait que les esprits qui s'agitent dans cette forteresse sont tous préoccupés d'affaires qui la désespèrent.

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Pando

La voix qui lui répond est sûre, ferme, un brin autoritaire. Habituée à donner des directives, sans aucun doute. Ces intonations la font sincèrement sourire. Elle a été confronté à l'autorité toute sa vie et a toujours su s'en défaire, d'une manière ou d'une autre. Mais il n'est pas question d'invectives ici, seulement d'un peu d'ironie et d'habitudes difficiles à perdre. Un défi, en quelque sorte.

- Et vous avez raison, qui sait quels dégâts je pourrais causer.

Elle aimerait bien pouvoir être sérieuse mais à vrai dire, il existe bien peu de dégâts qu'elle peut se vanter d'avoir causé. Distraire les autres de leurs tâches importantes est sûrement le pire qu'elle ait pu faire, ça et quelques frasques de moindre envergure. Souvent de sombres affaires de fugue et d'animaux adoptés alors qu'il avait été expressément précisé que ce n'était pas permis. Néanmoins, Eira joue le jeu qu'on lui donne à jouer et ne bouge pas d'un millimètre lorsque le chevalier se rapproche. Se retrouver là n'était pas dans ses plans, c'est vrai, mais elle n'a de toute façon que peu de plans.

- Je m'appelle Eira. Et je suis enchantée de vous rencontrer, Ser Gawain, bien qu'un peu vexée de n'avoir que peu marqué votre esprit.

Elle lui sourit, n'est pas vexée. À vrai dire, elle n'a fait que peu d'apparition dernièrement et cette pensée ternit son visage. Elle devrait retourner au silence, à la nuit et au deuil. C'est là qu'elle appartient désormais, là où elle doit trouver la force d'élever la voix pour porter la cause de Salvemer aux oreilles de ceux qui peuvent peut-être la sauver. C'est ce que lui a demandé sa sœur du moins, et elle ne veut pas la décevoir. Au lieu de ça, elle se retrouve ici sans oser donner le nom de sa maison, à espérer trouver de quoi noyer ses pensées. Ridicule, mais elle n'esquisse pas un geste pour retourner sur ses pas. Son esprit est fragile, faible. Bien vite détourné de ses obligations par une discussion moins formelle que les autres.

- Oh, je vois. Un chevalier. J'ignore si je tourmente vos gardes... et si c'est bien le cas, alors je m'en excuse.

Eira hausse les épaules, mine faussement contrite, elle ne sait pas du tout de quels gardes il parle. Elle n'est que peu observatrice pour ces choses-là. La rousse fait l'immense effort de se décoller du mur contre lequel elle s'était adossée, s'avance et frôle le chevalier en le contournant par la droite. Elle rejoint ainsi le bord du bureau abandonné par Gawain et conserve sa réputation d'emmerdeuse qui ne tient pas en place.

- Je me doute que vous devez avoir beaucoup de travail, qu'il faut sauver les demoiselles en détresse, les chatons dans les arbres, terrasser les dragons... je me trompe sûrement pour les dragons.

La jeune femme sourit à nouveau, fière de ses bêtises et surtout heureuse de se retrouver un peu. Son regard s'anime d'une lueur joueuse alors qu'elle jette un coup d’œil derrière son épaule à l'ouvrage laissé sur le bureau. Elle ne peut pas s'en empêcher, ne connait pas l'homme en face d'elle mais le trouve bien trop sérieux. Le faire sourire est son défi du soir, en quelque sorte.

- Mais écrire des histoires ne doit pas en faire partie. Dommage.

Elle soupire, un brin théâtrale.

- Dites moi seulement qu'il ne s'agit pas de chiffres. Je les tiens en horreur. Il n'y a rien de plus ennuyant.

S'il s'agit de chiffres, elle sera dans l'obligation d'emporter le livre maudit pour l'éloigner de sa victime et l'empêcher de devenir aussi barbante qu'eux. Au moins. Mais le peu qu'elle a pu voir d'où elle se trouve n'indique rien de cette sorte, un soulagement.

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- Il m'est bien difficile de contrôler les dégâts que je cause, sachez-le.

Après tout, elle n'a aucun impact réel sur le niveau de concentration de ceux qu'elle dérange. Ce sont eux qui choisissent de se détourner de leur activité, n'est-ce pas ? Du moins, c'est ainsi qu'elle se réconforte et se persuade qu'elle n'est pas en train de perturber quelque chose de trop important. Quoi qu'il en soit, comme un chat empêtré dans une énorme pelote de laine, Eira n'est pas prête de délaisser ce nouveau jeu qui lui est présenté.

- Exactement.

Normalement, il ne devrait pas l'oublier, après ça. Bien qu'en vérité et une fois dépourvue de toute insolence, Eira n'a aucune ambition d'être inoubliable pour qui que ce soit. Elle a longtemps considéré que sa seule particularité était de faire mourir ses fiancés sans même le souhaiter, ce qui n'avait rien d'enviable. Elle n'est pas éloquente, seulement terriblement joueuse. Elle appuie d'ailleurs sur le mot, simplement parce qu'il faut bien tenir tête à cet impertinent de chevalier.

- Je ne me fais que peu d'idées des chevaliers, messire. Je n'ai guère eu l'occasion de discuter avec beaucoup d'entre eux.

La rousse hausse les épaules, omettant le fait que tout ordre lié de près ou de loin aux Sept n'a plus que sa méfiance depuis que des croisés ont brièvement envahi son fief. Elle n'avait apprécié ni leur attitude, ni leurs mots, mais avait subi leur présence puisque acceptée par le maître des lieux. Maître qui n'est plus, désormais. C'est donc avec une certaine curiosité que la Mallister étudie le spécimen qu'elle a sous les yeux, sans trop le montrer.

- Oh, vous écrivez donc l'Histoire ? Intéressant. Plus que des livres de compte, du moins.

C'était l'une des rares disciplines à avoir son attention, à vrai dire. Bien qu'elle n'ait jamais rien retenu des dates que l'on essayait de lui apprendre. Les récits historiques avaient au moins pour mérite de la captiver l'espace d'un court instant, avant qu'elle ne retourne à ses occupations. Futiles, selon son paternel. Le Ser Gawain semble par la suite la menacer, avec un air trop sérieux pour qu'Eira n'en rit pas ouvertement.

- Oh mais je vous en prie, faites moi donc visiter les terribles geôles de Fort Darion. Je ne crains pas les rats, ni l'obscurité.

Eira hausse un sourcil, croisant les bras. Tous ses cauchemars sont déjà devenus réalité et à vrai dire, se laisser dépérir quelque part a déjà été une possibilité sérieusement envisagée.

- Peut-être la faim, je l'avoue.

La jeune femme soupire et se laisse finalement tomber dans un siège, celui en face du bureau du chevalier.

- Je ne suis pas fatiguée, et votre invitation est bien trop gentiment formulée pour être refusée.

Bien qu'elle non plus ne soit pas certaine d'avoir besoin d'un verre de vin.

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Ce jeu l'amuse, bien qu'il ne devrait sans doute pas. Le chevalier a de la répartie, c'est déjà beaucoup plus que ce qu'elle espérait trouver en poussant cette porte. La parenthèse lui permet d'être à nouveau elle-même, quelque chose qui n'était pas arrivé depuis trop longtemps et qui lui manquait. Pour cette raison, elle préfère largement se souler au vin en compagnie d'un inconnu que retrouver les fantômes de ses appartements.

- Vous insinuez donc que notre discussion impromptue n'est pas importante, je vois. Je vous trouve fort présomptueux, sir Gawain.

Eira hausse un sourcil en l'avisant. Il n'y a rien de plus présomptueux que ce qu'elle est en train de raconter, c'est au moins une certitude.

- Vous pourriez après tout être surpris, en quoi êtes vous persuadé que notre conversation ne débouchera pas sur des avancées incroyables dans le domaine... de la sécurité de cette forteresse.

Sûrement parce qu'elle n'est en rien formée en la matière et qu'elle ne compte en aucun cas s'informer sur le sujet. Ce que Gawain peut sûrement deviner. Quoi qu'il en soit, il semble que le bouchon n'est jamais poussé trop loin.

- Qui laisse à désirer, je trouve.

Elle ne sait même pas exactement de quoi les Sombryndor sont censés s'occuper, et n'a probablement aucun conseil à donner. Peu importe, Eira fait de son mieux pour avoir l'air plus futée qu'elle n'est et persiste dans son mensonge. Pendant ce temps, le vin est servi et la rousse observe le liquide sombre être versé dans sa coupe avec un certain intérêt. Elle ne buvait pas à Salvemer, n'ayant que très peu d'occasion de célébrer quoi que ce soit. Mais après avoir perdu la quasi intégralité de sa famille, sans doute peut-elle s'accorder un verre ou deux sans avoir besoin de se justifier.

- Comme quoi, tout peut arriver.

Eira lui sourit en se saisissant de sa coupe, et écoute le toast qui est porté en son honneur avec attention. Un toast et une menace, la voilà terrifiée.

- Encore une fois, je n'ai pas peur de vos geôles. Et je vais réellement vouloir finir les visiter, si vous continuez à les mentionner ainsi.

Elle renifle un peu son verre de vin avant d'en prendre une gorgée. Un peu âcre, mais pas désagréable. Le vin n'est certainement pas suffisant pour venir à bout de son ennui, une visite des prisons en revanche... peut-être.

- Des gens y sont-ils réellement enfermés ?

Des ennemis de l'empire, sûrement. Elle ignore de quel type, toutefois. Et n'est toujours pas décidée à avoir une conversation sérieuse. Eira se penche légèrement en avant, intriguée.

- Sont-ils dangereux ?

S'ils le sont, alors un séjour dans les geôles ne pourra lui être que bénéfique. Elle aussi a besoin d'apprendre à être un peu dangereuse, apparemment.

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Quelque chose de mémorable. Eira incline la tête, essayant de se demander ce qui pourrait bien l'être. Elle n'a eu que peu de moment mémorable dans sa vie et n'est pas certaine d'être le genre de femme à marquer les esprits.

- Ma présence ici ne suffit pas ? Je suis donc si facilement oubliable...

La rousse acquiesce, se fait faussement résignée et sirote son verre. C'est justement celui-ci qui est visé par le chevalier, ou tout du moins sa prétendue incapacité à le terminer. Le vin n'a pas très bon goût, pourtant elle termine son verre d'une traite sans se faire prier. Un défi est un défi.

- Vous ne faites que me sous-estimer, Ser Gawain. Cela m'est fort déplaisant.

Même s'il n'a pas tort. Le vin lui monte vite à la tête et elle ferait mieux de l'éviter à l'avenir. Mais un défi est un défi, et celui-ci est relevé. Elle s'abstiendra seulement de boire celui qui suivra, au risque de réellement écourter sa soirée. Le reste est abordé avec un sérieux inébranlable, elle n'en attendait pas moins. Eira marque une pause, regardant longtemps le chevalier sans dire un mot.

- Vous êtes définitivement beaucoup trop sérieux.

Son coude confortablement installé sur l'accoudoir, elle sourit entre ses doigts et se relève, incertaine de ce qu'elle fabrique.

- Le danger a quelque chose d'attrayant, il vaut bien mieux que l'ennui selon moi. Ou l'attente.

Et attendre, elle a fait ça toute sa vie. Inutile de préciser qu'elle a assez. Eira avise à nouveau le chevalier et se demande si elle risque réellement quelque chose à le déranger ainsi. Si ce n'est qu'être ligotée dans sa chambre, elle survivra. La rousse fait quelques pas en arrières, avisant la porte non loin.

- À voir voir ainsi vêtu, il me parait impossible que vous puissiez me rattraper si je décide de courir.

Les hommes se trimballent sans cesse avec une quantité ridicule de métal, ce qu'elle ne comprendra jamais. Cela doit être fort peu pratique pour se déplacer, et très peu discret. Elle en revanche, a abandonné jupons et autres armatures barbares. Elle est parfaitement libre de ses mouvements, exactement comme elle aime l'être.

- Et je pourrais alors aller visiter vos précieuses geôles. À cette heure-ci, je suis presque sûre que les gardes dorment à poing fermé.  

Rien n'est moins sûr en vérité, mais ça lui est égal. Ce qui compte, c'est de le provoquer assez pour qu'il se déride enfin un peu. Elle estime que ce sera son défi du soir, à défaut d'avoir la chance de rentrer dans l'histoire et de voir son nom inscrit sur ce foutu registre.

- Au moins, vous ne vous préoccuperez plus que de dormir après ça.

Qu'elle répète mot pour mot, gentille pique en réponse à celle qu'elle a reçue. Ses yeux sont toujours aussi joueurs, et il y danse en effet une lueur particulière. Son attrait pour le danger, sûrement.

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Elle s'en amuse, c'est une certitude. Comme un chat ravi d'être tombé sur une grosse pelote de laine, la rousse malmène le Sombryndor de sa présence encombrante. Son sadisme ayant tout de même ses limites, la jeune femme a bien conscience qu'il faudra un jour mettre fin à cette entrevue et prier pour qu'il ne répande pas la rumeur (pourtant avérée) qu'elle passe ses nuits à importuner de braves hommes alors qu'ils tentent du mieux qu'ils peuvent de faire leur devoir.

- Je n'ai jamais su faire les yeux doux à qui que ce soit, en vérité. Ou du moins, pas volontairement.

Bien sûr que si, elle sait le faire. Et parfaitement volontairement.

- Je dois avouer être percée à jour.

La Mallister en rit un peu, alors qu'elle admet en effet n'être pas du genre à se souler durant des soirées entières. Elle reste avant tout, et ce malgré tous ses défauts, une Lady. D'une maison qui n'est pas des plus importantes, dont il ne reste plus grand chose, mais une Lady tout de même. Ce qui implique forcément une certaine conduite, qu'elle ne suit pas tout à fait ce soir. Pas pour longtemps, elle le craint.

- Vous ne l'êtes donc qu'avec moi ?

Ce qui serait particulièrement vexant. Si le chevalier se décide à n'être rabat-joie qu'en sa présence. Peut-être souffre-t-il des mêmes maux qu'elle, n'a jamais su être suffisamment strict, suffisamment appliqué pour les exigences de ce monde ? C'est une possibilité, mais elle en doute.

- Entre ce que les gens sont censés faire et ce qu'il font véritablement, il existe bel et bien un monde entier, Ser Gawain.

Ils sont bien placés pour le savoir, alors qu'ils se trouvent dans une situation opposée à ce qu'ils sont censés réellement faire. Elle, dormir. Lui, travailler, ou peu importe ce qu'il fabriquait avant son arrivée. Rendre compte de l'histoire, apparemment. Pour ce qu'elle retient, l'histoire pourrait bien disparaitre des mémoires de toutes âmes qui vivent qu'elle n'en verrait aucun inconvénient. Sa nouvelle question la laisse pensive, bien moins prompte à l'humour qu'elle ne l'était auparavant.

- Que proposez-vous, dans ce cas ?

Le danger est partout, y compris dans des questions comme celles-ci. Eira ne cherche pas à badiner avec de jeunes hommes dans l'espoir que, peut-être, dans leur infinie bonté, ils se décideraient à l'épouser. Elle ne veut pas épouser qui que ce soit, mais ne sait pas non plus ce qu'elle cherche. Peut-être qu'elle n'a jamais su. Elle sait seulement que le danger est partout, mais qu'elle n'en a plus peur.

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Quelque chose lui dit qu'en quelque sorte, la patience du chevalier est épuisée. Un fait auquel elle a sans aucun doute très largement contribué. Quoi qu'il en soit, Eira n'a plus l'impression d'être la bienvenue dans cette pièce en laquelle elle n'avait, certes, pas été invitée le moins du monde. Elle le comprend tout à fait. On ne peut pas jouer éternellement, et leur jeu a assez duré.

- Hum, c'est bien possible.

Qu'elle lui accorde. Sérieuse, elle ne l'a jamais été. C'est d'ailleurs ce qu'on lui reproche, souvent. Mais les choses changent et à présent, Eira a vaguement conscience qu'elle aussi devra changer. Cette soirée était simplement l'occasion pour elle de se rappeler de ce qui était et de ce qui ne sera bientôt plus. Et elle était agréable. Bien plus agréable que ses insomnies incessantes, à fréquenter les morts plutôt que les vivants.

- Je vois. Je n'ai donc aucune chance face à leur vigilance accrue, j'y penserai lorsque j'aurai de nouveau envie de commettre un crime.

Ce qui ne lui arrive pas aussi souvent qu'elle le dit, bien heureusement. Auquel cas, elle serait sûrement déjà enfermée elle aussi. C'est seulement l'ennui le plus extrême qui la pousse à fomenter d'affreux plans machiavéliques, qu'elle ne met d'ailleurs que rarement à exécution. Mais qu'elle le veuille ou non, les geôles ne sont apparemment pas un endroit qu'elle pourra visiter.  

- Je vais devoir décliner cette charmante proposition, on dit déjà suffisamment de choses sur moi sans que j'ai besoin d'en rajouter. Mais je vous en remercie.

En effet, elle retrouvera le chemin seule. Si elle commence à traverser Fort-Darion sur les épaules de ses chevaliers, alors les mégères du coin ne tariront plus à son sujet. Et à vrai dire, elle se passerait grandement de toute cette attention. Alors la rousse prend le chemin de la sortie, pour de bon cette fois, et se contente d'un sage signe de main en direction de l'insulaire.

- Bonne nuit, Ser. Tâchez tout de même de dormir un peu.

Après tout, les morts peuvent attendre que les vivants se reposent un peu avant de faire leur entrée dans l'histoire.

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