La victoire, ou la mort. Finalement, si j’arrive à aller à la rencontre de l’une ou de l’autre de ces destinées, je serais assez chanceux. Plus les mois s’écoulent, et plus j’amasse les erreurs militaires. Je suis trop prudent, avare en moyen et, surtout, manque cruellement d’anticipation. Tous les paris que j’ai pris n’ont été que des pertes et des échecs ! Je ne sais même plus quoi écrire à mes alliés – s’ils le sont, véritablement. Est-ce que ces missives pour l’Ouest, le Bief, les Iles de Fer et le Grand Septon apporteront une quelconque aide ? Est-ce que je vais empêcher que le Val ne connaisse un funeste destin comme celui de la Principauté, ou l’Orage ?

Je rumine de moroses pensées, dans un bureau étroit des Portes Sanglantes. Terrible humeur que seul mon conseiller ou mon épouse sont témoins. Autrement, face aux hommes ou aux nobles, je tente de maintenir un visage calme. Mère répétait souvent qu’un Souverain ne doit pas laisser la moindre émotion, sans qu’il ne le veuille – et n’en use pour quelques fins politiques. La théorie est une chose, la pratique en est une autre. Et je dois avouer qu’il est difficile de maintenir ces faux-semblants dans l’intimité de mes appartements avec Ysilia, ou après de longues heures de réflexion avec Asher.  

Par ailleurs, ce dernier arrive. Je ne le salue pas, je ne le regarde pas.
Mon regard se perd sur ces deux lynxs qui s’amusent à malmener une souris trouvée.

- Mes lynxs sont plus efficaces que moi pour traquer et tuer leurs proies, finis-je par dire, brisant ce silence. Entre temps, je reporte mon attention sur l’invité. Voici les rapports sur les Trois Sœurs, sur la bataille du Trident ou sur les dernières nouvelles fracassantes du Westeros, notamment au sujet du Grand Septon, de l’Ouest et de ces nouveaux arrivants d’Essos

Du menton, je lui montre la pile de feuilles. J’en profite pour lever le regard vers le plafond et la fixer longuement. J’imagine la carte du Westeros et je place les différentes armées ici et là. Déjà, je les vois bouger. Pourquoi, par les Sept, je me rate autant dans mes prédictions ? Agacé, je reporte mon attention sur mon conseiller.

Nous allons réduire considérablement les dépenses d’espionnage. Nous devons nous concentrer sur la frontière immédiate, soit l’Empire et sur un projet nécessaire, la reprise de Sortonne dans les plus brefs délais.

A nouveau, je me mure dans le silence.
Mes traits se crispent.

- Le prochain chapitre du Val se joue à travers ces quatre missive à nos prétendus alliés. Il est temps de nous enquérir sur leurs projets. Et leur considération pour le Royaume. Alors, nous aviserons.

La missive de l’Ouest longue … et nullement agréable. Soit la Maison Lannister va apporter une réponse claire, soit j’aurais causé mon premier incident politique.

La missive du Bief n’est ni longue, ni courte. Concise et efficace, je sous-entends une participation sans réserve – quoique tardive – de mon armée. Nul mensonge, car déjà j’ai griffonné des ordres. Il ne manque plus que l’avis d’Asher.

La missive du Grand Septon est courte. Je m’enquiers sur son humeur, cherchant à deviner si je dois craindre un troisième appel à la Croisade – et si oui, dans quels termes et envers qui.

Enfin, j’ai conclu par une missive aux Iles des Fers. Quand comptent-ils s’impliquer militairement et non uniquement commercialement ? S’il a projet de convertir sa flotte de Fer en flotte marchande, je me dois de trouver un moyen – ou une raison – pour le forcer à se joindre à nous.

- Nous avons beaucoup à parler. L’avenir du Royaume se jouera sur ce mois. Nous cesserons, dès aujourd’hui, de jouer au chat et à la souris avec l’Empire et y mettrons tous les moyens sans concession. Et nous n’attendrons plus l’aide des alliés. Un plan doit être établi dès maintenant. S'ils sont réticents, nous les forcerons et les menacerons.

Ma voix est dure, tranchante même.

- Vous vous interrogiez ce que je suis pret à faire pour le Val. Nous avons une chance de tout gagner, ou de tout perdre. Le temps des demi-mesures est révolu.  

@Asher Royce

Maigres succès.

Nous n’avions aucune véritable victoire. Notre position unique aurait pu jouer grandement en notre faveur si, et seulement si, nos alliés s’étaient rué nos frontières. Or, hormis le Bief - que nous avons failli de fournir suffisamment en hommes – je n’ai rien vu. Mes cotes sont prises d’assaut, sans que je ne voie un seul voile ami ! Cependant, je ne rejette pas toute la faute à la Maison Lannister ou Hightower. Mon manque de préparation et d’expériences ont largement joué contre moi, également.

Missive.

Encore et toujours des missives. L’ironie veut que les lettres de mes alliés promettent des illusions, là ou mes ennemis présentent des faits et du concret. Que faire, dans cette situation ? Asher peut aisément envisager de nouvelles options car ce n’est pas sa tête, sa Maison ou sa propre autorité qui sont en jeu. Ma main ne tarde pas à se poser sous le menton, tentant de retenir une caboche lasse, fatiguée et défaite.

- Si je comprends bien, nous avons uniquement deux choix. Soit nous faisons confiance aux futures missives de nos alliés, et nous allons nous battre jusqu’à ma mort, dis-je, sans la moindre accusation ou agressivité dans le ton. Je n’énonce qu’un fait. Soit nous devons admettre notre défaite, sans avoir offert une réelle résistance et en offrant deux nouveaux points d’étau et de menace sur le Val à l’Empire ? , demandais-je, ne pouvant pas contenir cette colère froide.

Cette dernière ne trouve aucun repos depuis les dernières nouvelles de l’Ouest.

- Je ne pardonnerai pas la Maison Lannister, Lord Asher. L’affront qu’ils ont fait au Val ne peut être lavé que dans le sang, et l’or. Ils nous ont poussé contre l’Empire, avec de bien beaux arguments. Et maintenant, ils nourrissent de nouveaux Dragons dont l’appétit n’est pas dissimulé, qui rêvent de s’emparer de Peyredragon … Le tout, sur la carcasse de Deria et, bientôt, sur la mienne.

Là, je ne maitrise plus ce tremblement haineux dans ma voix. Non loin, les lynx s’excitent, tournoyant qu’avec plus de force dans la pièce. Ils sont encore trop petits pour effrayer – mais le spectacle sera beau et intimidant dans quelques mois, à n’en point douter !