Yael Allyrion attendait patiemment derrière le pont sur la Sangvert, qui menait à la Grâcedieu. La cité était toujours majoritairement en ruines, depuis les combats et l’incendie qui l’avaient ravagée, quelques mois plus tôt. Si la cité avait tenu contre l’armée du Prince Roward, et l’avait repoussé avec de lourdes pertes, il n’y avait cette fois nulle défense pour accueillir l’armée de la Pique et du Soleil. Les cavaliers Martell avaient mis pied à terre, et s’étaient prudemment approchés quand ils avaient noté l’absence apparente de soldats pour leur faire payer le prix de leur conquête. Ils suspectaient un piège, car les Allyrion s’étaient montrés prodigues dans ce domaine particulier… Mais non, ils ne trouvèrent rien d’autre que la matriarche de la maison qui attendait, au milieu de quelques hommes de confiance au bout de ce pont, et de sa plus jeune fille, Nymeria Allyrion, jeune sœur de la cheffe rebelle Mahée.

Aucune résistance d’aucune sorte, rien. Et la matriarche qui annonçait simplement aux éclaireurs qu’elle entendait rendre la ville sans combattre. Le Prince Roward apparut bientôt à la tête du gros de ses troupes, tous équipés de pied en cape pour un nouveau combat sanglant, qui pourtant n’aurait pas lieu, cette fois.

Son armée prit possession de la ville, largement désertée. Ne restaient que des civils dans leur masure délabrée par les combats ou l’incendie qui avait dévoré la ville lors de la bataille, et quelques gardes qui déposèrent les armes. Roward prit ses quartiers dans le château dominant la cité rebelle. Il établit un campement strict de ses forces, pour ratisser la ville à la recherche d’indices ou de pièges. IL ne trouva rien, pas plus qu’il ne mit la main sur quantité de vivres ou de marchandises que la cité était sensée contenir.

Il venait de faire tomber un symbole… Mais où était l’armée rebelle, le corps de bataille principal des Allyrion ? Lors de sa précédente tentative de prendre la ville, le Prince avait identifié des compagnies entières de cavalerie légère et lourde, de l’infanterie des levées féodales de la ville et des vassaux félons des Allyrion. Ils avaient aussi constaté que leurs forces avaient été considérablement renforcées de centaines de mercenaires, voire plus. Et pourtant, il n’avait trouvé que quelques gardes autour de la vieille Allyrion. Rien de plus. Aucune des ressources que la fière cité rebelle promettait.

Alors, il interrogea Yael, et les civils trouvés sur place. Personne ne souhaita parler… Même pas devant l’impatience brutale des hommes du Prince, peu ménageant vis-à-vis des rebelles qui avaient massacré tant de leurs camarades, et essayé encore, dix jours plus tôt, de répandre la mort dans leur camp en pleine nuit. Il fallut s’en prendre à la jeune Nymeria, et de proposer de la jeter du haut des murailles, pour que la vieille ne se mette à parler. Que lâcha-t-elle ? Cela ne quitta pas la pièce. Il n’y eut pas de témoins. Mais en sortant, le Prince était furieux, et envoya ses précieux otages vers Lancehélion sous bonne garde, avant de laisser une modeste garnison, de proclamer la fin de la rebéllion à la Grâcedieu, et de se mettre en route avec sa troupe.

Sans bataille, Roward Martell avait pris la Grâcedieu, l’épicentre de la rebéllion à Dorne. Sa chute était symboliquement importante, car la nouvelle servit immédiatement la cause et la propagande de Lancehélion dans toute la Principauté. Les Allyrion étaient incapables de protéger leur peuple et leur demeure, alors comment prétendre protéger Dorne toute entière ? La nouvelle fut accueillie avec rage et désespoir, en particulier à Bois-Moucheté, qui se retrouvait totalement isolée par les armées princières.


Mais le coup porté à la rebéllion n’était que politique, en fin de compte. Un coup de tonnerre… Mais qui laissait les forces Allyrion intactes. Leur armée était libre de ses mouvements, et partie guerroyer ailleurs en s’abritant des jours entiers derrière le leurre qu’était la cité vidée de ses forces. Mahée Allyrion n’avait-elle pas sacrifié sa demeure pour un dessein plus grand ? Le Prince, lui, ne tirait nulle fierté de sa « victoire », car il savait bien que pendant qu’il donnait un coup dans l’eau ici, à La Grâcedieu, les rebelles frapperaient sans nul doute ailleurs, et préparaient un bien vilain coup.

Points de Dorne
+20pts Ville majeure conquise

Points de l’Empire
-20pts Ville majeure perdue