Imperial Court of Yi-Ti

Voguer à travers les océans déchainés pour passer d’un maitre à un autre, mon corps ballotté par les flots, passé de mains en mains, voilà qui semblait l’état constant de ma vie. Y penser m’aurait sûrement donné envie de pleurer si mon cœur déjà bien maltraité n’en avait pas perdu la capacité bien des années plus tôt. Oh, comme cela était étrange, pourquoi donc ce voyage m’attristait-il autant ? Il n’était pourtant pas le premier que je connaissais… J’avais d’abord connu le voyage de l’exilé, de l’enfant fuyant après le crime et la mise à mort de sa mère. Puis il y avait eu le voyage de la réjouissance, de celle à qui l’on n’a enseigné qu’un seul rôle et qui va enfin pouvoir le remplir, qui accueille son destin la tête haute. A cela suivi le voyage de la désabusé, celle trahie et maltraitée, au cœur trop meurtri pour se préoccuper de ce qui l’attendrait au bout du voyage. Enfin il y eut le voyage du désespoir, le seul qui m’offrit une destinée heureuse.

Oh, peut-être était-ce pour cela que mon cœur me faisait tant souffrir. Après avoir gouté à la douceur de la liberté et d’une vie faite d’autre chose que la servitude que seule une femme envers un homme peut offrir, il me semblait plus difficile encore d’accepter le retour à l’état de d’esclave et de chose.

“醒来！”

Le hurlement d’un des hommes responsables de ma capture alors que ce dernier ouvrait violement la porte me surpris mais je l’accueillais avec grande joie. La visite des hommes dans la cale où les autres esclaves et elle-même avaient été installés était souvent synonyme de l’arrivé du repas où d’un moment d’exercice sur le pont du bateau.

Ainsi j’observais les autres femmes se jeter avidement sur le pain et la soupe à peine différente d’un bol d’eau qui nous étaient à toutes servies, attendant mon propre tour la tête haute et le dos droit. Peut-être était-ce simplement de l’orgueil mais je souhaitais au moins conserver le peu d’âme propre qu’il me restait après tous les sévices et les tortures que j’avais subies, le peu qu’il me restait me séparant de la bête. Mais alors que l’homme nous distribuant la nourriture se rapprochait, j’observais une autre de mes compagnes d’infortunes patienter pour son repas, ses fragiles mains tâtonner à la recherche de son pain et son bol. En effet, plus que son visage fin et pâle révélant de nobles origines d’une contrée de Westeros plus froide que celle que j’avais connue, c’était sa cécité qui m’avait intéressé chez cette personne. Je ne pouvais m’empêcher d’éprouver une certaine pitié face à cette femme. Ne disait-on pas souvent qu’il n’y a que près des foyers les plus doux que peuvent survivent les chatons nés faibles, alors comment cette noble dame pourrait-elle survivre loin de sa cité d’origine.

«  请再给我们一份面包！ 我担心我朋友的健康！ 她脆弱到随时都有可能死去…… 损失惨重，这少女娇艳如月. »

De l’index, je désignais la jeune aveugle en espérant par sa cécité attirer la pitié et reçut, à ma plus grande joie, deux pains supplémentaires que je cachais rapidement dans les plis de ma robe en espérant ne pas avoir été vue par les autres captives. Avec un peu de chance, trop occupées à manger, elles n’auraient rien remarquer.

« 自己吃吧。 你比这些外国母狗更值钱。 »

Je secouais la tête aux paroles de l’homme mais gardait les lèvres closes. Qu’importe la raison, cette ration supplémentaire me serait d’un grand réconfort pour survivre à cette traversée. Mais pas seulement. Ainsi lorsque l’homme quitta la pièce en prenant bien soin de replacer la planche nous empêchant d’ouvrir la porte, je me levais pour m’asseoir auprès de la dame. Ainsi à ses côtés, je me saisissais de sa main et lui ouvris les doigts pour déposer le pain supplémentaire au creux de sa paume.

« Mangez, vous en aurez bien besoin pour survivre à ce qui nous attend. »

Je pris ensuite moi-même une bouchée de mon pain, observant les femmes qui s’agitaient autour de nous.

« Au fait mon nom est Lin et vous ? »

Codage par Libella sur Graphiorum

Imperial Court of Yi-Ti

Je mangeais lentement, avalant bouchées après bouchées les morceaux de ce que les hommes me tenant prisonnière nommaient pain. Moi qui avais pourtant connu bien d’autres repas de miséreux et n’était pas connu comme une personne difficile, il me semblait que ce pain aurait été bien plus apte à assommer quelqu’un tant il était dure comme un roc. Mais ce n’était pas tant l’aspect de mon repas qui me coupait ainsi l’appétit. Ma faim et mon besoin de reprendre des forces étaient tels que j’aurais pu sans problème manger ma part ainsi que celles de tout ceux emprisonnés avec moi dans cette cale. Ce n’était pas non plus l’odeur qui régnait en ces lieux. Elle était pourtant fétide mais pas plus que celles que j’avais connues au cours de mon voyage entre la demeure de mon premier maitre et le bordel où j’allais un temps séjourner, pas pire non plus que le lourd mélange d’encens, de parfum et de sexe qui ne quittait jamais le bordel et semblait à force vous coller à la peau.

Non. C’était la peur qui me nouait ainsi l’estomac.

Etrangement, j’étais presque heureuse de me sentir ainsi inquiété par ce qu’il m’attendait à l’arrivée de ce long périple. J’avais connu bien des voyages dans ma vie. Des optimistes. Des apeurés. Des abandonnés. Le dernier avait été le plus terrible car l’abandon est le rien, le rien et la mort. Si Arianne ne m’avait accueillie à la fin de ce voyage alors je serais devenue un de ces fantôme qui errent parmi les vivants sans en faire partie, attendant sans un cri que vienne leur tour. La peur c’est la vie.

« Ne vous inquiétez pas, j’ai mangé. Les hommes m’ont donné en plus et vous avez besoin de prendre des forces. »

Son nom ne fit que confirmer son origine dont jétais déjà presque sûr, compte tenu de son apparence et de chacun des détails de sa personne, jusque dans son élégante manière de tourner la tête. Elle avait des allures d’une biche trop fragile, surprise et prête à s’enfuir au moindre bruit. S’en était presque attendrissant. En quelque sorte, elle ressemblait à celle que j’avais été avant que la vie ne marque ma chair et mon cœur.

Sans un bruit j’acceptais la moitié de pain que me tendit la jeune dame et la glissais dans un pli de ma robe sans savoir encore exactement ce que j’en ferais. Mieux valait être prudente et ne pas bêtement gaspiller ses ressources. Former des alliances. Observer, aussi bien les hommes nous ayant capturé que ceux avec moi dans la cave. Survivre. J’avais survécu si longtemps et connu enfin un instant au service d’Arianne qui, malgré ses dangers, avait été pour moi de répits. Alors je comptais bien survivre jusqu’à de nouveau retrouver ma place à Dorne.

La main de la jeune dame sur la mienne me surprit mais je la laissais faire, caressant même doucement le dos de sa main avec mon pouce pour essayer de la rassurer. La pauvre enfant devait être bien effrayée, loin de sa douce maison et incapable de voir.

« De ce que j’ai entendu ils vont nous emmener à Yin-Ti pour nous vendre, certaines de nous auront la chance d’être présentée pour servir dans la cité de l’empereur mais je ne peux dire ainsi pour tous. Si cela peut vous rassure, avec votre grâce et votre visage pâle vous serez sûrement envoyé au palais de l’empereur. Mais… »

Je me mordais les lèvres un instant, me demandant si mes propos ne risquaient pas de choquer cette jeune noble.

« Vous y serez peut-être accepté en tant que concubine. C’est une place très importante là-bas, une vie qui peut être très confortable et douce si vous avez les grâces de l’empereur. Vous avez de la chance d’être très belle, d’autres ici n’ont pas de si belles perspectives. »

Je passais une dernières fois mon pouce sur sa peau, sentant ses doigts si doux contre les miens. Il était évident que cet enfant n’avait jamais connu les travaux manuels ni la guerre.

« Si vous avez d’autre question vous pouvez me les poser. C’est parce que je viens moi-même de Yin-Ti et que je parle la langue des hommes sur ce bateau que je sais ces choses. »

Codage par Libella sur Graphiorum

Imperial Court of Yi-Ti

«Ne portez aucun préjudice envers nos autres compagnons de voyage, s’ils ne viennent pas vous parler c’est parce que leur esprit est déjà bien occupé par la peur et l’attente de ce qui les attends à l’arrivé de ce voyage. Ils sont sûrement aussi seuls que vous madame. »

Je me reculais alors un peu plus pour pouvoir s’asseoir contre la cale du bateau, sans toutefois avoir à lâcher la main de mon amie. La position n’était pas bien confortable et le bois n’offrait aucune douceur contre mon dos. Cependant depuis des jours déjà, l’inactivité lié à mon état de captivité entrainait diverses douleurs dans toutes les parties de mon corps et seulement ainsi assise, je parvenais à en calmer une partie. Moi qui, entre ma vie dans un bordel et mon voyage à bord du navire de dame Arianne, n’avait jamais connu de vie me demandant de longues marches, je ne rêvais à présent plus que de cela. De nouveau marcher sur la terre ferme et sous le soleil du ciel clair, voilà tout ce que je souhaitais à présent.

« C’est parce que ne crains pas là ou nous allons être emmené que je peux offrir ma main à ceux qui sont perdus dans l’obscurité. »

En vérité, cette phrase était un mensonge. Car bien que pour des raisons différentes, je craignais autant que mes compagnons le retour à Yin-Ti.  Si cette région était la mienne, je l’avais en vérité quitté depuis si longtemps que les souvenirs du palais impérial étaient à présent très flou dans mon esprit. Serais-je encore capable de reconnaitre le palais de la beauté ? Pourrais-je croiser dans les couloirs un visage familier, d’un prince avec qui j’avais grandi ou d’une vieille nourrice ?

« Non en effet, je n’ai connu de votre continent que la région de Dorne et n’ai appris du Nord que les informations générales qui se trouvaient dans les livres. »

Je ne connaissais en effet du Nord que de vagues description où l’on y parlait d’une région froide et blanche, d’hommes vêtus de peaux de bêtes et d’animaux étranges capable de vous tuer d’un coup de patte. L’endroit ne m’avait jamais semblé bien attirant s’il me fallait être honnête. La douceur et l’ingénuité de ma compagne me faisait cependant reconsidérer l’image que mon esprit avait formé des nordiens.

« Le palais saura bien ce qu’on fait les pirates pour nous capturer je le crains. Car pour se procurer de nouvelles concubines, de nouvelles… Mm… Epouse n’est pas le terme mais, femme… Oui les femmes de l’empereur sont souvent d’autres nobles mais il arrive que l’empereur fasse entrer des esclaves ou des servantes en tant que concubines lorsque ces dernières sont très belles… Moi… Je me débrouillerais ne vous inquiétez pas. »

Honnêtement, je préférais ne pas être prise en tant que concubine. D’une part parce que l’empereur actuel était possiblement mon demi-frère et d’autres pars parce que je n’avais aucune envie de me retrouver à encore devoir servir un homme au lit. Non, tout sauf cela. Mais alors que je me tournais vers la nordienne, deux hommes entrèrent violement dans la cale, sur les ordres d’un troisième sur le pont leur demandant de ne pas en prendre une trop laide. Mon ventre se noua alors d’angoisse devant cette scène que j’avais vu bien trop souvent mais qui m’était toujours aussi difficile, plus malade encore à l’idée que je ne puisse rien y faire. Mais en entendant la voix tremblante de ma compagne je sus qu’il me fallait être forte, pour les autres. Je la tirais contre moi, sa tête contre mon épaule et passais lentement mes doigts dans sa chevelure comme on l’aurait fait avec un enfant.

«  Ne vous inquiétez pas petite dame, ils ne vous prendront pas. Maintenant essayez de vous reposer un peu… Je crois que nous arrivons bientôt. »

Codage par Libella sur Graphiorum

Imperial Court of Yi-Ti

Les premières lumières du jour filtrèrent dans le large espace sous la porte de la cale où nous étions retenus. Même ce faible rayon fut amplement suffisant pour me tirer du sommeil agité qui avait été miens toute la nuit. J’avais passé le début de la nuit à veiller sur cette jeune dame que je n’avais pu empêcher mon propre cœur de prendre en pitié et dont la main, que je terminais si fermement, me rappelais étrangement la douceur de celle des enfants que je n’avais jamais eus. Et lorsque le sommeil était venu me chercher, c’est empli de cauchemar, de visions d’un palais dont les souvenirs bien qu’abimés par les années n’avaient jamais quitté ma mémoire. Des monstres d’or et de jade. Des concubines au visage oublié pendu. Des hommes et des femmes sans visages, personnages d’une pièce que j’avais en partie oublié mais qui me terrifiait pourtant toujours.

Je me réveillais tremblante et en sueur, prenant soin de vérifier qu’aucun homme ne se soit glissé dans la cale au cours de la nuit. Lorsque le petit oiseau se réveilla, elle vient immédiatement vérifier ma présence et je serrais sa main pour la conforter.

« Vous êtes une princesse impériale… »

Je ne suis quoi répondre.  

Comment ?

« C’est un des vôtres qui est sur le trône, pas vrai ? Combien de temps j’ai dormi ? »

Comment pouvait-elle ? Mon regard tenta de chercher des réponses à mes questions dans le blanc de ses pupilles qui ne m’en offrait aucune. Je me saisissais pourtant de son visage, chercher dans le moindre de ses traits une réponse. Cette femme possédait-elle le don de vision ? J’avais déjà entendu contes et rumeurs sur des femmes dotées de tels pouvoirs mais n’en avait jamais rencontré en vraie. Oh ! Était-ce une bénédiction des cieux pour affronter le terrible terrible qui nous attendait.

« Je ne saurais vous dire petite dame, ici chaque minute devient heure et chaque heure, jour. »

Je la laissais me parler, laissais son espoir tremblant me toucher sans jamais pourtant m’atteindre, et lorsque son visage retomba contre mon épaule, mes doigts se retrouvèrent naturellement à caresser sa chevelure. Moi qui n’aimais parler de mon enfance et des choses que j’avais vécu durant cette dernière eu soudainement l’envie poussée de tout lui dire. Bien qu’une enfant encore, elle était douée de pouvoirs et de tels êtres inspiraient mon respect et ma confiance.

« Je suis bien née au sein du palais de l’empereur. Ma mère était la première concubine certes et l’empereur actuel doit être sûrement l’un de mes demi-frères mais ma mère… A été trop gourmande… On l’a pendu quand je n’étais qu’une enfant, si jeune que je ne me souviens même plus de son visage. »

Je secouais la tête.

«  Je n’ai pas grandi dans ce palais et en ai depuis longtemps oublié les us et coutumes, il ne me reste que la langue car on a continué à me l’enseigner à Leng mais le reste n’est que brouillard. »

Mais alors que je terminais ma phrase, un bruit monta de l’extérieur de ma cabine, des ordres que l’on hurlait mais que je ne pouvais clairement comprendre de l’intérieur, des pas et un important remue-ménage. Même sans les mots, je comprenais immédiatement ce qui se déroulait. Nous arrivions

Codage par Libella sur Graphiorum

Imperial Court of Yi-Ti

La lumière m’aveuglait.

Chacun de mes sens, retournés par ces sensations qu’ils n’avaient plus retrouvés depuis ma tendre enfance, me rendaient presque malade.

Pourtant il me fallait avancer, me tenir droite pour offrir une épaule contre laquelle la jeune dame pourrait se reposer. Ne surtout pas montrer le moindre signe de faiblesse, ni à cette enfant ni à ces gens qui nous observaient. Ces yeux, ces visages qui pour la première fois depuis bien des années étaient semblables aux miens, le visage de mon peuple et ma partie.

Je me saisissais soudainement du poignet de la petite dame pour attirer son attention et la secouer, ce n’était peut-être pas le plus tendre de mes gestes mais il m’était impossible de la laisser se mettre dans un danger inutile et se laisser abattre.

« Pas de révolution petit oiseau ! Sauf si vous voulez voir votre petit corps pendu au bout d’une corde ! »

Mais la violence de mes propres propos me firent peur et je relâchais subitement son poignet, regardant avec dégout ma propre main.

« Pardon petite dame. Mais ne tentez pas une telle folie, je vous en prie. »

Je fermais les yeux un instant pour chasser de mon esprit la seule image qu’il me restait réellement de ma chère mère, cette image de son corps froid et sans-vie au bout d’une corde.

« Tenez bon et survivez-vous comprenez ? Quelque soit les épreuves que l’on vous impose et les horreurs que vous avez à traverser, il faut toujours tenir bon et survivre. Maintenant marchez… »

Mais alors que nous traversions une rue, je sentis soudainement une poigne solide me saisir hors de la marche, attirant la jeune dame avec moi. L’homme qui m’avait attiré me saisit soudainement le visage et l’approcha du siens pour mieux en inspecter les traits, vérifier ma qualité et le prix qui lui semblait acceptable pour ma personne. Et bien que mon cœur me hurlât de me débattre et de cracher sur ce monstre à l’haleine fétide je ne plus me dérober lorsqu’il me força de ses doigts imposants à lever mes lèvres pour montrer la qualité de ma dentition. Il hocha la tête, semblant heureux de ce qu’il observait. Mais il était hors de question que ce dernier me possède. Lorsque sa poigne sur mon visage montra le premier signe de faiblesse, je me retirais de sa prise et hurlais aux hommes dont j’étais captifs dans la langue de

« Je parle et lit cinq langues messieurs, j’ai voyagé de Yin-Ti à Westeros en passant par les cités libres d’Essos et je connais chacune de ces cultures ! Ma dernière maitresse a déboursé très chère pour posséder mes talents d’interprète et je sais que l’empereur en fera de même ! »

Deux des hommes c’étaient approchés en m’entendant et se regardaient, semblant se questionner mutuellement sur l’action suivante à prendre.

« Ne me vendez pas comme simple catin, je vaux bien plus que cela. Vous comprenez ? » Je prononçais ses derniers mots en westerite, pour leur prouver que je ne mantais pas sur mes connaissances linguistiques. « Cette enfant aussi, c’est une dame noble pour qui les hommes les plus riches se battent dans son pays, ne faites pas l’erreur de la vendre comme une vulgaire putain. »

Codage par Libella sur Graphiorum

Imperial Court of Yi-Ti

Autour de moi se dessinait un paysage me semblant à la fois si étranger mais aussi si familier, faisant ressurgir en moi des souvenirs que je pensais depuis longtemps emportés au loin par la remue des années. Mère, me voilà de nouveau dans cet empire dont vous m’avez éloigné au péril de votre vie et bientôt, je traverserais de nouveau ce palais qui était jadis le nôtre. Mais aujourd’hui, vous n’êtes plus présente à mes côtés pour m’y guider, votre ferme et solaire présence vers qui je me tournais chaque jour pour guidance n’est plus là et c’est moi-même qui me retrouve à guider cet enfant dans ce véritable enfer. Comment puis-je être à votre hauteur ma chère mère ? Vous étiez un soleil et ma lumière est aussi pâle que celle de la lune.

Pourtant il me faudrait faire de mon mieux pour que cette lumière la guide. Pauvre enfant semblait me suivre avec bien des difficultés, buttant et trébuchant sur le chemin, et je ne pus qu’observer la peur et le malaise du petit oiseau lorsque l’homme se saisissa de son visage pour mieux la détailler. Il était évident que nul homme n’avait jamais osé poser ainsi ses mains si crûment sur son doux visage. Douce innocence.

Je me mordis la lèvre à l’idée ce que ce doux enfant aurait bientôt à affronter.

Soudainement au détour d’une ruelle, notre groupe fut séparé du reste des autres esclaves qui avaient fait la traversé jusqu’à Yin Ti à nos côtés. Avec nous, je notais quelques des plus belles dames capturées ainsi que certains capturés aux traits étrangers, d’autres qui comme nous seraient présentés au palais de l’empereur pour leur beauté où leurs talents. J’offrais mentalement une prière à ceux ayant été éloignés car leurs destins seraient assurément bien plus terribles que les nôtres. Ainsi séparé, nous continuèrent à remonter le long de la ville pendant encore une bonne dizaine de minutes sous les regards curieux des passants. Alors que je soutenais le petit oiseau, je me laissais observer ces gens avec curiosité, ces gens qui auraient dû être les miens mais qui me semblaient si étrangers.

« Cinq et nous deux, petite dame. »

Enfin nous arrivèrent à la porte du palais, une des discrètes entrées dessinées dans la muraille peinte de rouge et de verte entournant le palais impérial. Des gardes me rappelant mon enfance nous laissèrent passer et nous nous retrouvèrent dans une partie du palais que je ne reconnue pas mais que je devinais immédiatement comme réservée aux serviteurs. Quelques hommes et femmes, jusque là occupée à préparer différents plats au milieu de la cour, se tournèrent vers nous. Mais nul temps pour la discussion avec ses derniers que les femmes du groupe furent déjà trainées dans un petit bâtiment de bois où une épaisse vapeur et odeur de savon et d’huile émanait de baquets d’eau brulante. Si l’idée d’un bon bain m’apparaissait comme une délivrance, je me tournais vivement vers les hommes de crainte que ces derniers ne nous forcent à nous déshabiller devant eux. Mais alors que l’un de hommes coupaient nos liens, les autres se dirigèrent vers l’extérieur. Enfin, lorsqu’il fut à mon tour d’être libérée, l’homme pris la parole en la langue locale.

« Traductrice, dit aux femmes de se laver et d’enfiler les robes qu’une servante viendra déposer. Et dit leur que si elles n’obéissent pas il nous faudra les tuer. »

Je hochais la tête avant de répéter les paroles en westerosite aux femmes et lorsqu’enfin tous les hommes quittèrent la place, je vis certaine femme commencer à se déshabiller et se saisir avec joie des cuillères de bois et se verser de l’eau chaude sur leurs corps nus.

« Les hommes sont partis petite dame, vous pouvez vous laver sans crainte. Venez. »

Me saisissant de son bras, j’amenais sa main à un des basques remplis d’eau pour qu’elle puisse se repérer. Ainsi, je commençais de même à me laver, profitant avec grand plaisir de retrouver savon et huiles essentielles après un si long voyage, de ne plus avoir à supporter ni la puanteur de ma propre personne ni la crasse dans ma chevelure. Enfin la servante annoncée par les hommes entra pour nous tendre à chacune des simples mais belles tenues, chaque composée d’une première robe intérieur blanche, suivie d’une seconde robe aux motifs de fleurs et finalement une jupe vert émeraude que j’enfilais avec plaisir. Depuis combien de temps avais-je porté une telle tenue, si différente de celle des femmes de Westeros. Enfin habillée et après avoir aidait certaine des femmes autour de moi à se vêtir, ces dernières ne sachant pas exactement comment porter les vêtements locaux, je profitais d’un des peignes de bois présents pour me coiffer et retenir ma chevelure en chignon.

Lorsque toutes les femmes furent habillées, un des hommes ouvrit la porte et nous ordonna de les suivre ce que chacune obéit. Ainsi nous furent de nouveaux forcés à marcher, mais cette fois-ci les mains libres, et remontèrent différentes discrètes allées du palais. Nul ne ressemblait à celles que j’avais connue durant mon enfance, les quartiers des concubines préférées se trouvant à l’opposé des quartiers des serviteurs pour éviter que le vente ne porte les odeurs de nourriture jusqu’à leurs palais. Mais bientôt un jardin me sembla familier. Oh… Quel était son nom déjà… Jardin de… Des carpes ? Non… Impossible de me souvenir de son nom quel ennui. Je serais la main de l’enfant.

« Nous somme bientôt arrivées petit oiseau. »

Et mes paroles se révélèrent vérité lorsque l’on nous mena au sein d’un bâtiment bien noble mais que je doutais être le palais principal dont le souvenir était bien plus noble et impressionnant. Au milieu de la pièce avait été tendu un drap blanc pour nous séparer de ceux derrière. Si en plissant les yeux je distinguais la silhouette d’hommes et de femmes assis de l’autre côté, il nous était impossible d’observer leurs visages plus en détail et sûrement que cela était l’objectif ; nous empêcher nous pauvre esclave de pouvoir poser nos sales regards sur leurs divines personnes. Alors que toutes les femmes furent à l’intérieur, un vieux servant nous fit signe de nous asseoir sur des coussins qui avaient été disposés à même le sol et j’aidais donc la petite dame à s’assoir. Puis un homme passa derrière nous et nous força toutes d’une main violente à baisser la tête par respect. Finalement, l’esclavagiste pris la parole en la langue de ce royaume.

« Votre divin empereur, votre divine impératrice. Je viens aujourd’hui vous présenter les femmes que nous avons capturés pour vos divines personnes. »

Codage par Libella sur Graphiorum

Imperial Court of Yi-Ti

L’enfant à ma droite semblait au bord des larmes, épuisée physiquement par le voyage à travers les mers et mentalement par cette soumission aux ordres que jamais sa noble personne n’avait du connaitre. Je n’étais nullement moqueuse de sa personne car moi aussi avait été jadis cet enfant noble et peu habituée à la rudesse de la vie hors d’un palais, la vie avait simplement choisi de m’éduquer à cette dure réalité bien plus tôt que la westerossite.

Très vite et malgré l’épaisseur de la tenture nous séparant des membres de la famille impériale, je pouvais sentir les regards de ces derniers se fixer sur ma personne. Je craignais bien vite que l’on me reconnaissance mais nul murmure ne parvenant à mes oreilles ne semblait évoquer cela. Non, j’étais pour eux une exotique curiosité. Au milieu de toutes ces femmes étrangères j’étais finalement pour eux la plus amusante des trouvailles des esclavagistes ; une femme partageant leurs visages et leur sang mais ayant voyagé à travers les continents et appris les langues des peuples y habitant, une voyageuse pouvant leur rapporter les histoires de ces lieux étranges.

Un serviteur de l’empereur s’approcha alors de ma personne et me força de la pointe de son bâton à relever le visage.

« Est-il vrai que tu as voyagé au-delà du continent ?
- Oui. »

Je répondais en ma langue natale, celle-là même qui me semblait aujourd’hui presque étrangère tant je ne l’avais peu pratiqué depuis des années.

« Combien de langue parles-tu.
- Celle de Yin-Ti et différentes variantes du Valyriens ne sont que des connaissances orales. Mais je sais lire et écrire la langue de Leng, le haut Valyrien et la langue de Westeros.
- Tu ne sais pas lire la langue de ton pays ?
- Non. Je l’ai quitté il y a bien longtemps et n’ai eu nulle occasion de le voir écrit depuis. Mais j’apprends les langues vites et si le divin empereur me faisait l’honneur de me laisser le servir en tant que traductrice c’est un manquement que je saurais vite oublier. »

Je sentis un instant la main du petit oiseau se tendre vers la mienne et caressais maternellement le dos de sa main de mon pouce, essayant du mieux que possible de la rassurer au milieu de cette salle où la pauvre enfant devait se sentir bien perdue.

Puis un mouvement que je remarquais du coin de l’œil, le serviteur me questionnant était repassé derrière la tenture, demandé par une femme siégeant juste derrière l’empereur. Une épouse ? Une sœur. Une mère…

« Tu es la fille de la concubine beauté, Lin n’est-ce pas… » Le serviteur me condamna finalement.

Mon sang se figea. Ainsi la mère de l’empereur avait finalement reconnu dans mes traits ceux de la femme qu’elle avait mis à mort. Allais-je en ce jour rencontrer la fin de mon existence ?

« Levez-vous. »

Malgré la peur, j’obéis à l’ordre et lâchais la main du petit oiseau.

« Votre cœur souhaites-il voir la mort de votre mère vengée dans le sang ? » La voix de la mère de l’empereur résonna soudainement et plongea la pièce dans un respectueux silence.

« Non. La vengeance est une chose d’homme. »

Je ne mentais pas, la tête baissée. Les murmures se firent de nouveaux entendre puis enfin, ma sentence.

« Tu serviras l’empereur en tant que traductrice. »

Puis de puissantes mains me poussèrent hors de la salle et j’abandonnais de nouveaux ma jeune amie.

Codage par Libella sur Graphiorum

Imperial Court of Yi-Ti

«Femme noble. »

La servante que l’on avait mis sous mes ordres à mon entrée au palais s’était un jour exprimée, en ma langue natale, auprès de ma personne alors que je terminais la traduction d’une lettre les plus pressantes nous étant parvenue de ceux s’état donné le nom de nouvel empire Valyrien.

Femme Noble ou Femme Supérieur était, depuis mon entrée dans ce palais, devenue mon titre. S’il était possible de le traduire littéralement en la langue de Westeros, il ne prenait tout son sens véritable que prononcé dans celle de mes ancêtres car en cette terre le litre d’Homme Noble porte une signification toute particulière. Il est le titre réservé à l’idéal du sage, de l’homme qui pourrait même vivant dans la plus extrême des pauvretés être enrichi et élevé par son savoir. Et si certains prononçaient ce titre avec un amusement non dissimulé, trouvant l’idée d’une femme de culture des plus saugrenues, il était pour ma personne des plus honorable. Une Femme Supérieur, élevé des autres, moi qui avais si longtemps vécu dans le rôle le plus bas qu’une femme puisse porter portait ce titre comme la plus précieuse des couronnes.

« Son altesse l’impératrice-mère vous fait demander, femme noble. »

Je ne pus que froncer les sourcils en apprenant la demande de l’impératrice-mère de me recevoir dans son palais mais su que cette demande était de celle que nul ne peut refuser hormis l’empereur lui-même. Ainsi, reposant la plume qui me permettait de peindre avec agilité les traductions de chacun des ouvrages que me confiait l’Empereur, je m’étais donc rendue dans son pavillon, saluant cette dernière en m’agenouillant à ses pieds avant de prendre la place qu’elle m’avait désignée sur un fauteuil à sa droite.

« Impératrice-Mère. »

« Je n’ai eu pour l’instant entendu nul reproche fait concernant votre travail, Femme Noble Lin. »

« Vous m’en voyez des plus honoré Impératrice-Mère. C’est un honneur pour moi que de servir ainsi l’empereur et de permettre le rayonnement de l’empire. »

J’inclinais de la tête tout le respect nécessaire à la position de cette dernière. Mais si coulait dans mes veines le sang du précédent empereur comme celui de l’empereur actuel, dans mon cœur la fierté de venir d’un empire si ancien et si puissant, je ne sentais en vérité plus aussi proche que je l’aurais aimé de l’empire de mes ancêtres. Peut-être qu’au fond mon cœur n’avait jamais oublié ce que cet empire avait fait subir à ma tendre mère ? Ou peut-être avais-je si loin et si longtemps voyagé que j’en avais perdu le lien à ma terre natale.

« Mais j’ai longuement réfléchi à votre position… » L’Impératrice-Mère jouait de son doigt, orné d’un long bijou d’or contre le bois de son siège et je sentais à chaque bruit résonner mon cœur.

« Je suppose que vous n’en avez nul souvenir mais lorsque votre mère, la concubine Beauté, à tenté de mettre à mort mon fils et ma personne, son frère essayait en même temps de séparer la province dont il avait la responsabilité de l’empereur, une rebellion qui fut comme pour votre mère bien vite réduite en cendre. Malheureusement, sans oncle et sans frère, vous êtes la dernière personne pouvant hériter de votre famille. »

J’écoutais en silence, ne pouvant ressentir la moindre tristesse pour la mort d’un homme dont je n’avais nul souvenir.

« La disparition d’une grande famille comme l’était la votre n’est jamais une chose à souhaiter, il va donc falloir vous marier et produire des héritiers à votre famille au plus vite, oubliez ce rôle idiot de Femme Savoir. »

« Impératrice-Mère… » Je voulus m’opposer.

« Vous épouserez mon troisième fils. »

« Impératrice-Mère. »

« Ma décision est finale. »

Je déglutissais avec difficulté.

« Avec tout le respect que je vous dois Impératrice-Mère, je ne peux accepter cet honneur que vous me proposez. Je ne peux prendre nul mari et ne pourrais jamais, cela est final. »

« Vous osez vous opposer ? »

« Non Impératrice-Mère… Je sauve votre fils d’épouser une femme qui ne saura être à la hauteur de votre honorable fils. »

« Enfant. Vous ferez ce qui vous est demandé. »

J’inspirais longuement et finis par me lever sans attendre l’autorisation de l’Impératrice-Mère de faire.

« Je suis désolé. Je dois à présent vous quitter. »

Mais alors que je quittais à grande enjambée le palais de l’Impératrice-Mère, mon corps entier tremblant à l’idée du destin qui me serait réservé après avoir si effrontément osé m’opposer à la volonté de cette dernière, je croisais une femme dont le visage me sembla familier. L’oiseau du Nord.

« Petit oiseau. » Je l’appelais alors en notre langue.

Codage par Libella sur Graphiorum