Les derniers jours avaient été plus que rudes pour toute le monde. La confiance n'avait pas forcément faiblis entre les uns et les autres mais ce qui s'était passé à Accalmie avait été un véritable chamboulement il fallait bien l'avouer. Elle respirait encore, elle n'avait rien eu, elle n'avait même pas été blessée ni même menacée par qui que ce soit, mais elle avait été touchée, profondément. Car cela avait atteint des personnes qu'elle appréciait, des personnes avec qui elle avait passé de bons et beaux moments, et parce que l'une d'elle était de cette famille qu'elle essayait de reconstruire, de retrouver alors qu'elle avait été renié de sa famille qui l'avait vu naître, parce que son père avait eu le désir de la marier à Béric Swann. Quand le Bief et l'Orage s'étaient déclarés la guerre, alors elle avait compris qu'elle ne faisait plus partie de ce tout, elle était le mauvais petit canard, celui qui avait trahis la maison Goldwyne à cause de l'homme qu'elle avait épousé. Pendant, trois ans, elle n'avait alors connu que son époux, ainsi que le frère de celui-ci. Mais malheureusement, Béric était mort à la bataille de Beaupré, un mois tout juste avant qu'elle ne donne naissance à l'héritier qu'il attendait depuis tant d'années, avec la désillusion de ne pouvoir devenir père avec sa première femme, puis la déception certes minime mais existante d'avoir eu une fille avant d'obtenir ce fils, essentiel pour passer le flambeau, pour transmettre le nom et le fief à la chair de sa chair.

A Fort-Darion, elle avait retrouvé son frère, celui dont elle avait toujours été le plus proche et dont elle avait été séparé par la haine d'un père contre son fils. Trois longues années sans nouvelle, et alors qu'ils avaient tous les deux eu des parcours très différents, ils s'étaient retrouvés là, au tournant d'un couloir alors qu'elle essayait de rattraper sa petite fille qui s'était enfuie pour pouvoir jouer avec sa mère. Il s'était marié, il allait même devenir père. Et puis tout cela c'était finalement effondré. La tentative d'assassinat des enfants impériaux n'avait pas atteint son but, c'était une chance, une formidable chance que deux enfants innocents ne soient pas les victimes de ce que les adultes pouvaient s'infliger les uns contre les autres car ils n'avaient pas la même façon de voir les choses. Cependant, pour que eux puissent vivre, d'autres personnes étaient mortes. Dont sa belle-soeur et l'enfant qu'elle portait. C'était un crève-coeur personnel, et elle se sentait pleinement incapable de faire quoi que ce soit pour pouvoir soulager la douleur que pouvait ressentir Garlan.

Ils allaient bientôt quittés Accalmie, Mina était fatiguée, mais elle tenait bon. C'était dans des moments comme cela qu'elle avait peur d'avoir une rechute de sa maladie alors que son corps était malmené par le voyage et également par le chagrin qui était le sien. Elle avait promis à Bâal de faire attention à elle, bien qu'elle n'allait pas écouté son conseil de rester à l'abri, loin des dangers des combats. Elle s'était engagée auprès du couple impérial, auprès d'Argella et la cause de l'Empire comme de l'Orage et c'était une chose qui faisait sa joie et sa fierté. Alors qu'elle était en train d'écrire une missive en direction de Fort-Darion pour pouvoir prendre des nouvelles de ses enfants et de donner quelques conseils aux personnes qui étaient restées auprès d'eux, on lui dit qu'elle avait de la visite. Elle fronça les sourcils alors qu'elle se demandait qui voulait bien la voir, elle fut encore plus étonnée en apprenant le nom de la personne en question. Ses mains se mirent à trembler alors pendant quelques instants qui lui sembla être une éternité. Elle fit signe à sa femme de chambre à ce qu'on réarrange sa toilette, pour pouvoir se présenter dignement devant lui, alors que cela faisait plusieurs mois que le beau-frère et la belle-soeur ne s'étaient pas vus … Depuis son départ pour Accalmie avec le nouvel héritier de la maison Swann et qu'elle avait voulu protéger de l'ambition du frère de son défunt époux. Une fois qu'elle fut prête, elle se décida à le faire entrer dans ses appartements, inclinant le visage devant celui-ci quelques instants avant de plonger son regard dans le sien. « Edmund … Je ne pensais pas vous voir à Accalmie … Vu l'urgence à  Pierheaume ... »

Mina avait pris le soin de sa toilette, elle avait eu le désir de se présenter sous son meilleur jour, après des mois et des mois loin de Edmund, loin de Pierheaume et loin de l'Orage. Edmund avait respecté le deuil de la jeune femme, alors qu'elle était plongée dans sa chambre noire, qu'on craignait pour sa vie et celle de son enfant à naître. Il ne s'était guère intéressé à elle, entre le moment où ils avaient eu l'annonce de la mort de Béric sur le champ de bataille, à Beaupré, et l'instant fatidique de l'accouchement qui avait manqué de lui coûter également la vie, si elle n'avait alors pas entendu le cri de son nouveau né, et le Mestre lui annoncer qu'elle venait de mettre au monde un fils. Lord Béric Swann était peut-être mort, mais celui-ci avait un héritier, un petit garçon bien portant, un petit homme bien portant qui se faisait déjà entendre dans les couloirs de la cité de Pierheaume. Elle avait dû garder le lit après la naissance de son second enfant, l'accouchement et la tristesse de la disparition  l’obligeait à se reposer toute la journée durant. Elle avait fait en sorte que ses deux enfants soient constamment ou presque dans ses appartements. Harlan ne quittant presque jamais la chambre dans laquelle se trouvait sa mère, car elle sentait, au plus profond de son être un certain malaise, une crainte qui augmentait petit à petit, jusqu'à étrangler sa gorge. Le futur lord de la maison n'avait que quelques jours, n'avait que quelques heures ; le chemin, jusqu'à l'âge béni qui lui permettrait de succéder à un père qu'il ne connaîtrait jamais, était encore très très lointain. Et elle, elle n'était qu'une veuve, une veuve étrangère, d'un royaume qui était en guerre avec sa famille d'adoption. On pouvait donc chercher à lui nuire, et à nuire à ses enfants pour de très nombreuses raisons.

Alors qu'elle se remettait progressivement de son accouchement, elle avait discuté avec Edmund de son projet de développement des mines de la famille Swann et de son envie d'aller défendre leurs possessions et leurs capacités directement auprès de leur souveraine mais également auprès du couple impérial. Ce qu'elle n'avait pas dit à Edmund, c'est qu'elle prenait ses deux enfants avec elle jusqu'à Fort-Darion et il s'était alors un peu retrouvé devant le fait accompli. Puis tout s'était enchaîné, sans qu'elle ne maîtrise plus rien : sa maladie durant le voyage, son réveil dans la capitale impériale, la promotion qu'Argella Durrandon lui avait offerte pour l'Orage et enfin son soutien au couple impérial et son retour à Accalmie pour pouvoir servir son royaume et l'Empire. Les enfants étaient restés loin de la guerre mais elle, elle était bien là et Edmund avait quitté Pierheaume pour pouvoir venir à leur encontre, ce qui était clairement de la folie quand on prenait en compte la situation actuelle, mais elle pouvait comprendre l'intérêt d'une telle rencontre et d'une certaine façon, son urgence également. Mina portait toujours les habits du deuil, pour encore quelques semaines. Elle n'en restait pas moins une femme des plus élégantes, qui ne voulait pas montrer le moindre signe de faiblesse en fasse de lui. Elle redoutait quand même cette rencontre, alors que tellement de choses avaient été chamboulées. Quand elle se sentit prête de se présenter à lui, on la conduisit alors dans le bureau dans lequel il l'attendait. Arrivée, face à lui, et elle s'inclina légèrement avant de faire quelques pas dans sa direction, venant à prendre doucement ses mains dans les siennes pour les serrer quelques instants avant de laisser ses mains revenir sur sa robe. « Nos vies nous emmènent parfois sur des chemins qui nous éloignent des nôtres ... » Elle eut un sourire triste, comme si à cet instant, ils étaient tous les deux alliés dans la douleur de la perte. « Ne vous inquiétez pas pour moi … Je vais parfaitement bien … Si l'accouchement ne fut pas un moment des plus agréables de mon existence, j'ai eu la chance de m'en remettre. » Sans doute était-il au courant de la fièvre qui l'avait accablé pendant plusieurs semaines à Fort-Darion et qui aurait pu lui coûter la vie. « Harlan grandit sereinement, malgré la disparition de son père, il va bientôt avoir un an, vous rendez-vous compte ... Un an que Béric a disparu déjà … »

Mina n'était qu'une jeune femme aux bonnes attentions, elle était née pour servir, d'une façon ou d'une autre et elle avait décidé que se serait la même chose une fois qu'elle serait mariée. Il est vrai qu'elle avait appris à se faire confiance, se rendant bien compte qu'elle ne passait pas inaperçue, d'une beauté naturelle qu'elle savait mettre en valeur par certaines astuces que les jeunes filles se confiaient au cours de leurs discussions lors de ses longues après-midis dans les beaux jardins du Bief, chez les Tyrell où elle avait fait la majeur partie de son éducation. Béric était clairement une chance désespérée pour Mina, mais il pouvait se révéler être autant son maître que son bourreau, il fallait bien avouer que tout homme n'était pas que douceur et attention à l'égard de sa jeune épouse, l'idée n'était pas là, et elle savait parfaitement la place qu'elle devait avoir, et qui était naturellement la sienne. Mais, elle avait conversé avec son époux, elle s'était intéressée au patrimoine qui était le sien, pas par vénalité, par envie et par cupidité, mais par intérêt sincère et un attachement de plus en plus grand à l'égard de son époux. Ils se complétaient, malgré les années qui pouvaient les séparer, et sans doute que sa première grossesse avait permis encore d'attirer un peu plus de tendresse de Béric à son égard. Son époux n'avait jamais eu d'enfants avec sa première femme, malgré plusieurs années de mariage. Elle avait fini par lui donner une fille et il avait repris espoir pour l'avenir de sa lignée. Même s'il avait un frère, et que celui-ci était donc son héritier, il avait toujours eu le désir d'avoir un fils. Un fils qu'il n'avait jamais pu prendre dans ses bras, mort un mois jour pour jour avant que Harlan puisse pousser son premier cri de vie.

L'accouchement avait été difficile et douloureux, on avait craint pour la mère et l'enfant pendant de longues semaines. Mais les deux avaient fini par s'en sortir, et Mina avait alors pris peur de ce qu'il se passait dans l'Orage, de la guerre qui était en train de se rapprocher de Pierheaume. Les mines, les mines deviendraient alors leur salut ou leur condamnation. Il fallait qu'elle les mettre au profit du royaume, au profit de l'Empire, si elle démontrait l'importance du lieu, l'évidente nécessité de la production minière de la maison Swann, alors l'armée viendrait protéger la cité de Pierheaume et les personnes qui peuplaient ses rues et la faisaient vivre. Edmund avait été favorable à tout cela, bien qu'il avait émis le souhait de garder les enfants avec lui, ou au minimum Harlan, il était si jeune, un si grand voyage pourrait être dangereux, mais Mina ne pouvait se refuser à laisser son nouveau-né derrière elle, elle avait emmené Harlan et Lenora, et les avait laissé aujourd'hui, en sécurité à Fort-Darion, loin de la guerre qui se rapprochait inexorablement. La présence d'Edmund, ici, lui demandant des comptes n'était pas pour la rassurer, était-il ici en ami ou en ennemi ? Elle glissa son bras autour du sien, avec un sourire tout aussi sûr au visage, ne montrant aucunement un quelconque trouble au vu de la situation. Ils s'installèrent alors, dans une promiscuité qu'elle ne désirait nullement avoir avec lui. « C'est un enfant extrêmement joyeux, il ne manque pas d'avoir de belles joues roses, et il babille avec douceur du matin jusqu'au soir. Il s'émerveille de tout, comme si le monde n'était que douceur et beauté. Je prie que dès que la guerre sera derrière nous, mes enfants puissent regagner Pierheaume, et grandir là où vous et leur père ont eu la chance de le faire. Et ainsi, vous offrir l'opportunité de vous lier à votre neveu. » Elle hocha doucement la tête aux paroles d'Edmund, ne remettant nullement en cause les liens qui avaient pu unir les deux frères. « Il n'a jamais été question de vous mettre dans une mauvaise position Edmund, j'ai défendu auprès de notre souveraine, ainsi que de l'Empereur, l'importance des mines de la maison Swann, un trésor que nous pourrions utiliser pour être d'un bout à l'autre de la production, de l'extraction jusqu'à la fabrication d'armes qui serait un atout pour l'Empire et pour la guerre. Il y a eu de nombreux événements. Au sein de la capitale impériale, j'y ai retrouvé mon frère, j'y ai gagné une place au sein du Collège Impérial, j'ai perdu un ami, prétendant au trône du Bief que j'avais connu dans ma jeunesse avant de me voir fiancer à Béric. Je cherche justement au mieux à défendre le nom et l'honneur de la maison Swann, ce n'est en rien un combat contre vous. » 

Mina ne se sentait pas à l'aise en face d'Edmund, elle n'aimait pas ce lieu confiné dans lequel il l'avait invité pour pouvoir converser avec elle après des mois loin l'un de l'autre, elle n'aimait pas le regard qu'il venait à poser sur elle, et elle aimait encore moins avoir à lui rendre des comptes sur ses agissements et sur ce qu'elle comptait faire ou non de ses enfants, enfin surtout de son fils. Mina ne se faisait guère d'illusion, elle se doutait bien que Lenora n'avait aucun intérêt pour son oncle. Il avait même eu l'air de l'apprécier, c'était une fille, et avec une fille comme seul enfant de Béric, la gestion du domaine, de la maison, tout lui revenait alors et Lenora ne serait garder que le temps qu'il faudrait, comme un poids à gérer avant qu'elle ne soit très rapidement mariée, une fois qu'elle aurait atteint l'âge pour cela. Cela permettrait une bonne alliance pour la famille tout au plus et il écarterait définitivement le souvenir de son frère aîné. Mais Mina avait forcément contrecarré ses plans, même si elle ne remettait pas en cause le lien fraternel qui avait pu exister entre Edmund et Béric Swann. Mais alors que le premier né venait à mourir, que le second venait à se déclarer comme digne successeur, elle avait donné naissance à un fils, et les cartes avaient alors été redistribuées. Edmund était forcément freiné dans son ascension sociale, là où Mina était enfin libre de faire ce qu'elle désirait. Son père l'avait renié, elle n'avait donc plus rien à lui demander ; ses frères n'étaient pas présents, elle n'avait plus aucun contact avec eux. Et à présent elle était veuve, elle était la mère du futur lord de Pierheaume et pouvait donc se prévaloir de gérer le domaine sans avoir à rendre des comptes. Si elle n'avait pas eu son fils, alors sans doute qu'Edmund aurait pu avoir le pouvoir sur elle. Mais de cela, il en était clairement hors de question. Elle avait derrière elle la reine de l'Orage, elle pouvait sans aucun doute compter sur le couple impérial et elle savait également, que Baâl serait là pour la protéger et défendre son honneur si elle venait à être mise en cause.

Sans doute Edmund se sentait-il menacé par les changements fulgurants qui s'étaient produits dans la vie de sa belle-sœur, alors qu'elle avait quitté Pierheaume moins d'un an auparavant. « Je dois partir avec l'armée d'ici peu … Mais je ne manquerai pas en effet de me présenter dans notre demeure et de faire taire les rumeurs qui courent, et qui sont parfaitement infondés. Je ne manquerai pas d'envoyer des ordres directement pour pouvoir vous assurer une première tranquillité, mes actions sont là pour vous aider et aider notre maison, pas pour créer une situation complexe. Quand tout sera fini, j'espère bien avoir la possibilité de faire grandir mes enfants sur les terres qui sont les leurs et qui les ont vu naître. » Elle se redressa un peu plus, son sourire avait disparu mais elle gardait un air respectueux sur son visage à l'attention de son beau-frère. « Oui les choses ont porté leurs fruits, l'Empire s'engage à nos côtés, et la reine de l'Orage connait parfaitement mon attachement pour notre cité, et me soutient dans les propositions faites. Je ne doute pas que nous saurons sortir plus grand encore des difficultés qui se présenteront à nous. Quant à ma situation personnelle, il semblerait que Béric avait parlé de moi en termes élogieux, et qu'il avait su démontrer à sa Majesté la personne de confiance que j'étais, c'est pourquoi lors de ma présence à Fort-Darion, elle m'a fait la proposition d'intégrer le Collège Impérial pour défendre la voix de l'Orage auprès des autres royaumes fédérés. Un grand honneur pour moi, pour la maison Swann. » Pour ce qui était du reste, il était hors de question qu'il vienne à apprendre qu'elle avait manqué de succomber à une forte fièvre, même si elle avait subis ce calvaire pour la famille qu'elle avait créé avec son défunt mari.

Ser Edmund Swann

Ser Edmund Swann est le beau-frère de lady mina Swann. Il est le frère de feu Beric Swann seigneur de Pierheaume. Les deux frères s’entendaient bien et le frère cadet du Lord a longtemps cru qu’il serait son héritier jusqu’au jour où Lady mina mis au monde son fils. Sachant la jeune veuve de son frère est de retour dans l’Orage, il est tant pour les deux Cygnes de se revoir. La rencontre se fait à l’initiative de Ser Edmund Swann

- Je suis bien heureux de vous savoir en si bonne disposition au regard de la Reine. Ce n’est, à n’en point douter, un grand honneur ! Je ne peux que vous remercier davantage de prendre de votre temps pour apporter un peu de confort à ma situation, à Pierheaume.

La Reine de l’Orage appréciait donc Mina Swann, et l’avait jugé suffisamment apte pour la représenter au Collège Impérial, rien que ça ! Evidemment, la situation ne plut qu’à moitié au Lord qui se voyait un noble héritage soufflé, mais qui comprenait aussi l’honneur dont était gratifié la maison Swann. Il ne savait pas s’il devait être heureux et fier de cette belle-sœur, ou colérique et méprisant au vu des manigances qu’elle avait mené en moins d’une année. Il sentait bien que le contrôle qu’il avait sur son domaine, le temps d’une absence de la dame, lui glissait doucement mais sûrement entre les doigts et risquait de disparaître si, par malheur, sa belle-sœur avait l’idée de se marier !

S’il pouvait souffrir qu’elle commande le domaine et qu’elle en fasse héritage à son fils, il ne pourrait pas supporter qu’un homme d’une autre maison devienne Lord de cette maison. Car oui, l’homme doutait peu qu’une belle femme ayant un beau domaine reste veuve bien longtemps. Elle était l’épouse parfaite pour tout homme qui souhaiterait s’établir ou agrandir un domaine, que la Reine de l’Orage soutienne ou non Mina Swann.  

Et puis, subitement, une question lui vint à l’esprit, qui ne concernait ni le domaine, ni le futur, ni les enfants. Une question davantage pratique, pour laquelle Mina pourrait sûrement apporter une vision plus claire à lui, l’intru à toutes ces nouvelles politiques qui se tramaient.

- Loin de moi l’idée de critiquer les choix de la Reine de l’Orage mais je dois admettre que cette nouvelle politique est bien … novateur, et source de bien d’interrogations. Nous sommes donc maintenant un royaume fédérée, si je comprends bien. Est-ce que cela veut dire que nous sommes placés sur un même piédestal avec d’autres royaumes dans ce Collège Impérial ? Et lorsque vous dites que vous défendez notre royaume, soutenez-vous que nous rendrons compte à d’autre, que nous devons obtenir gain de cause pour agir à notre guise ?

Les rumeurs étaient aussi nombreuses à ce sujet-ci, certaines vraies, certaines fausses. Si le Lord avait eu une explication un tantinet plus détaillée et plus réaliste de la situation, il voulait quand même obtenir une confirmation de sa belle-sœur qui était au premier plan même d’un nouvel ordre pour lequel il nourrissait bien des curiosités. Car ce qu’il entendait et ce qu’il comprenait lui semblaient un tantinet différent des plans que la Reine nourrissait initialement, du moins de ce dont il avait souvenir lors de quelques longues nuits où il conversait avec Béric sur la situation politique.

- Et plus important, que pensez-vous de ce choix ? J’ai l’impression qu’il y a bien des avantages, et vous avez su saisir les bonnes opportunités pour nos terres. Cependant, par expérience, je sais que pour tout système, il a également ses revers. Je veux savoir, pour mieux comprendre la situation actuelle et potentiellement future de Pierheaume.

Mina ne savait pas si elle devait profiter ou non du compliment qu'il venait de faire à son égard. Elle sentait une certaine pointe d'amertume dans le ton de sa voix quand il venait à lui répondre. La jeune femme n'avait jamais rien demandé de tout cela, elle avait perdu son époux pendant la guerre, et elle avait rapidement compris que celle-ci se rapprochait de Pierheaume, se rapprochait d'elle et de ses enfants. La maison Swann avait de nombreuses richesses, richesses qu'ils avaient obtenu en exploitant des mines. Elle avait alors estimé qu'il serait plus que dommage de perdre un bien aussi précieux que les métaux nécessaires pour la création de nombreux objets, comme des épées, des boucliers et des casques. Elle voulait agrandir les capacités de traitement du fer qui avaient été mis en place dans les mines, ne plus être seulement des extracteurs de minerais mais devenir également des artisans pour créer des armes qui seraient utiles à la guerre. Si elle venait à rendre le projet assez intéressant pour la reine Argella Durrandon, elle aurait peut-être la chance d'intéresser l'Empire et que de ce fait, ils prennent la décision de renforcer la sécurité à Pierheaume et de sauver sa demeure ainsi que ses habitants. Elle n'avait pas pensé à elle une seule fois, et quand elle avait eu comme proposition de rentrer au Collège Impérial, elle avait immédiatement refusé. Mais Argella avait insisté, et elle avait été touchée par cette attention à son égard, elle semblait avoir assez confiance en une autre femme pour pouvoir l'aider dans sa tâche. Alors Mina avait dit oui et voilà aujourd'hui où ils en étaient. Il n'y avait pas à avoir de la jalousie par rapport à tout ça, mais elle se doutait que le fait qu'une simple pièce rapportée devienne plus importante que le frère cadet de son défunt mari, cela pouvait être désagréable.

« Ce n'est pas moi qui ait pris la décision de rejoindre l'Empire, ce n'est pas moi qui ait signé la constitution qui a fait en sorte de lier l'Orage à tout cela, c'est la Reine Argella Durrandon en son âme et conscience. Le Collège Impérial où se réunit les différents représentants des royaumes fédérés est là pour pouvoir discuter de choses qui touchent tous les royaumes, pour se coordonner comme par exemple en ce qui concerne la guerre ou la politique extérieure. Pour ce qui est du reste, cela ne change rien, la reine est libre de décider pour son royaume. Je suis simplement là pour la conseiller. Ne vous inquiétez pas, l'intérêt de Pierheaume est toujours aussi important à mes yeux, et si je suis présente aujourd'hui à Accalmie, c'est que la reine a parfaitement compris que je ne me voyais pas rester à Fort-Darion, alors que notre royaume se prépare à reprendre les combats. » Ce qu'elle pensait de ce choix ne regardait qu'elle et elle ne pouvait rien y changer, elle pouvait seulement faire au mieux pour que tout le monde puisse y trouver son compte et assurer de véritables garanties à l'Orage. « Je vous ai dit tout ce que je pouvais vous dire à mon niveau. Je conseille, mais je ne prends pas les décisions. Si vous voulez demander des comptes aller demander audience à votre souveraine, comme je l'ai moi-même fait pendant que vous restiez à Pierheaume. Je suis patiente et respectueuse avec vous Edmund, mais je tiens à vous rappeler que vous n'avez aucun droit sur moi, que vous n'êtes ni mon père, ni mon frère, ni mon époux et que je n'ai pas à vous rendre de compte. Que je n'ai rien fait pour vous prendre une place qui aurait pu vous revenir après la disparition de Béric. Alors gardez pour vous votre jalousie à peine voilée. » Elle avait fini par exploser, reprenant alors son tempérament habituel. Elle n'était pas femme qui allait ainsi se faire contrôler par son beau-frère, il n'avait aucun droit sur elle.

Ser Edmund Swann

Ser Edmund Swann est le beau-frère de lady mina Swann. Il est le frère de feu Beric Swann seigneur de Pierheaume. Les deux frères s’entendaient bien et le frère cadet du Lord a longtemps cru qu’il serait son héritier jusqu’au jour où Lady mina mis au monde son fils. Sachant la jeune veuve de son frère est de retour dans l’Orage, il est tant pour les deux Cygnes de se revoir. La rencontre se fait à l’initiative de Ser Edmund Swann

Les paroles de sa belle-sœur avaient comme une gifle cinglante pour Edmund. Certes, il devait admettre qu’il n’avait jamais été apte à cacher ou à voiler cette jalousie et cette envie qui le rongent depuis de longues années, mais il était persuadé qu’il n’avait jamais manqué de courtoisie à l’égard de Mina – du moins, selon sa perception et son code de l’honneur. Les joues rougies par la colère, il ne cherche même pas à contrôler cette fureur naissante au fond de son cœur.

- Vous vous perdez, Mina ! répondit-il. Si certaines de vos paroles sont vraies à mon égard, d’autres sont bien fausses. Je suis certain que je ne vous ai pas manqué de respect, et que je n’ai pas agi plus différemment que durant le vivant de mon frère ! Il n’était pas question de demander des comptes, mais de comprendre ! Il n’était pas question de vous rabaisser, mais de comprendre les nouvelles armes que vous apportez à notre maison ! Et loin d’être honteux d’être resté à Pierheaume, j’en suis fier ! C’est la terre de mes ancêtres, et s’il y a une guerre, je ne peux pas l’abandonner sauf si la situation l’exige ou que mon Souverain ou que ma Souveraine face appel à moi.

Il s’était levé entre temps, d’un bond, et sa voix s’élevait toujours un peu plus, tout en se durcissant. Il était certain, voire persuadé, qu’il était dans son droit le plus légitime à cet instant-ci. Il était tenté entre claquer la porte et partir, ou rester et essayer de se réconcilier. Si la première option était tentante, la seconde le mettait dans bien des périls dans le futur – ou encore sa maison. Les dissensions n’étaient pas permises dans ce contexte chaotique, où les alliés étaient importants plus que jamais. Ainsi, malgré leurs désaccords ou leurs objectifs, ils s’accordaient sur un même objectif : la survie et la grandeur de leur maison, et de leur domaine.

- Voici une autre vérité, Mina : je désire ardemment quitter cette pièce. Mais c’est folie. Nous ne pouvons pas nous permettre qu’un conflit existe entre nous alors qu’à ce jour, nous avons besoin de l’un et de l’autre, pour sauvegarder ces terres que votre fils, et donc mon neveu, va hériter. Vous l’avez bien souligné : je suis resté ici, pendant que vous êtes allés voir la Reine. Une même personne ne peut pas être dans deux endroits différents, et nous ne pouvons pas abandonner ce domaine aux mains de cousins.

Chaque mot lui était un supplice alors qu’il mourrait d’envie de claquer cette porte pour évacuer toute cette colère. Une possibilité, s’ils avaient été en temps de guerre et que le temps n’était pas compté. Or, la situation n’était pas ainsi et si jamais il faisait un pas hors de cette pièce, c’était certainement pour rejoindre son poste laissé temporairement.

- Nous avons à continuer à nous aider, qu’importe nos … différents, finit-il par dire. Puis-je au moins vous faire confiance à ce sujet-ci, ou pensez-vous que je ne mérite même pas un semblant de respect que l’on accorde à des alliés ?  

Mina ne se souvenait nullement de la dernière fois où elle avait pu perdre son calme de la sorte, cela devait sans doute remonter à son enfance, ou peut-être aux années qu'elle avait passé à Hautjardin, quand Aleyna Tyrell se montrait trop souvent désagréable à son égard, par méchanceté ou juste pour pouvoir occuper son temps, et que la jeune fille de la Treille qui était sa dame de compagnie, ne venait alors à supporter une nouvelle brimade de la part de sa comparse. Mina avait appris à s'exprimer avec calme, mais pour autant avec fermeté, elle était d'une bonne volonté et faisait en sorte d'être le plus accommodante possible quand elle sentait que la situation se crispait un peu. Elle savait que les coups d'éclats ne pouvaient toujours rendre service à la personne qui venait à perdre son calme, et elle aimait à manier les mots avec plus du subtilité pour pouvoir faire comprendre son désagrément sans pour autant que la personne en face d'elle ne prenne tout cela pour une offense personnelle impardonnable. Pour autant, il y avait un moment où elle ne pouvait garder son calme, et l'esprit clair, et après les attaques à peine voilé de son beau-frère à son égard, elle n'avait pu retenir plus longtemps son agacement et elle l'avait laissé lui échapper pour venir retoquer les paroles d'Edmund. Il ne savait rien de ce qu'elle avait traversé, et Mina refusait de s'étendre plus sur les souffrances qui avaient été les siennes depuis la mort de son défunt mari, car cela ne le regardait pas et elle ne voulait afficher aucune faiblesse face à cet homme. Elle ne savait plus si elle devait ou non lui faire confiance, elle ne savait plus si elle pouvait ou non compter sur lui, mais s'il devait s'intéresser à quelque chose, c'était à la préservation de Pierheaume et pas à savoir que la lady avait eu une santé très fragile et qu'elle avait manqué d'y passer, et que malgré tout cela, elle avait gagné sa place au sein de l'Orage et cela peut-être en défaveur de son beau-frère, mais elle n'avait pas souhaité la mort de Béric, elle n'avait pas voulu partir pour la capitale alors qu'elle avait manqué mourir lors de son accouchement. Elle l'avait fait parce qu'elle pensait qu'elle pouvait proposer quelque chose d'intéressant.

Mina s'était finalement levée en même temps que lui, le regardant droit dans les yeux, elle ne voulait pas être dans une position assise où il pouvait la dominer de sa hauteur. Elle le fixait avec une certaine tension, et elle se doutait que cette année devait avoir été aussi longue pour lui qu'elle ne l'avait été pour elle. « Je ne vous reproche pas d'être resté à Pierheaume, loin de là, nous étions d'accord quand je suis partie pour Accalmie de ce que je devais proposer à Argella Durrandon, et je sais que vous y étiez favorable. Je ne pouvais prévoir que tout cela m'emmènerait jusqu'à Fort-Darion, que je rencontrerai l'Empereur et son épouse et que j'aurai cette chance-là de pouvoir compter dans une société qui m'a bien souvent méprisé, pas seulement parce que je suis une femme, mais également parce que je suis née dans le Bief et que je suis donc considérée comme une ennemie par des Orageois que je tente de soutenir du mieux que je peux … Nous devons en effet protéger les terres de Pierheaume pour mon fils, le fils de votre frère et je n'ai pas envie de me dresser contre vous, loin de là. Quoi que vous pouvez pensez, je suis heureuse de vous revoir. Mais je ne peux vous expliquer tout ce qui incombe à notre souveraine et expliquer les choix qui ont été les siens, l'Empire était déjà créé quand j'ai pris mes fonctions au Collège Impérial. » Elle soupira doucement. « Si vous le désirez nous pourrons nous voir un peu plus tard … Je suis fatiguée et j'ai besoin de me reposer pour le moment ... » Elle s'inclina doucement avant de s'éloigner pour pouvoir retourner dans sa chambre, cette rencontre avait été riche en émotion et elle sentait qu'elle était réellement au bout de ses forces.