La tentative d’Heda de persuader les gens à quitter Pierremoutier tant qu’il était encore temps afin d’éviter un massacre n’avait finalement conduit qu’à une amère défaite. En plus comme si cela ne suffisait pas d’avoir perdu de valeureux guerriers inutilement, aussi bien d’un côté comme de l’autre, sa sœur avait également été blessée dans leur fuite. Tant bien que mal, Ivar avait tenté de préserver le moral de ses hommes, tout en évitant de se faire rattraper par les éventuels poursuivants qui pourraient être tentés de terminer le travail. Inquiet pour sa petite sœur qui avait risqué sa vie pour ces imbéciles voulant à tout prix rester sur ce continent maudit, le Lord de la Maison Volmark fut des plus prudents à chaque arrêt pour le ravitaillement, surtout que les risques d’une mauvaise rencontre étaient de plus en plus grands au fur et à mesure qu’ils se rapprochaient de la mer.

Fort heureusement, au bout de quelques jours, Heda reprit finalement conscience. Endormi, assis à ses côtés, s’octroyant une petite pause bien méritée, Ivar sursauta en se réveillant lorsqu’il entendit la voix de sa sœur. Un large sourire de soulagement put se lire sur son visage. La remise sur pied d’Heda était certainement le meilleur moyen pour les hommes de retrouver le moral et rapidement, avec son aide, elle se montra aux yeux de tous afin de les rassurer. Le boutre qui avait été particulièrement silencieux durant les derniers jours, retrouva un peu de vie. Evidemment, cela n’allait pas suffire pour tout effacer mais bon, c’était le début du renouveau.

Posant sa fourrure sur le dos de sa sœur pour la garder au chaud, Ivar se tient debout à côté d’elle, observant la brume tout comme elle. Son air froid et sombre semblait penser à la vengeance et lorsque Heda lui demanda ce qu’il pensait de la situation, il ne put s’empêcher de grogner.

« Maintenant que tu es sur pied, le moral des hommes va s’améliorer. Si on a réussi à quitter Pierremoutier, ce n’est pas encore gagné pour autant car si l’Empire est dans le coin, ils ne manqueront pas de nous tomber dessus. Yoren n’est pas non plus du genre à nous laisser partir sans chercher à nous tuer. Tu le sais très bien, on doit se méfier aussi bien de ce qui nous attend, que de ce qui nous suit. »

Ivar posa sa main sur l’épaule de la jeune femme, laissant échapper un soupire.

« Je suis content que tu sois encore en vie … mais le plus dur est devant nous. Pour la suite, on devrait retourner à l’intérieur. »

Le moral de l’équipage était encore fragile et discuter de leurs prochaines difficultés devant eux ne risquait pas d’améliorer les choses, que du contraire. Tout cela sans parler de la situation à Volmark qui devait être particulièrement tendue si la nouvelle de leur coup d’état était déjà connue. A n’en pas douter, les vautours ne manqueraient pas d’apparaître.

Ivar a toujours suivi les idées de sa sœur et pour cause, elle était particulièrement perspicace dans ses analyses. Toutefois, le danger était maintenant tout autre et cette fois, elle avait bien failli y rester. Ils devaient donc être particulièrement prudent dans leur prochain mouvement et ne pas se laisser piéger bêtement. Une fois de retour à l’intérieur, les oreilles indiscrètes étant restées dehors, Heda commença son analyse de la situation, sous l’oreille attentive d’Ivar qui regardait la carte afin de visualiser les différents problèmes qui se poseront face à eux.

« Yoren n’est pas stupide, les informations qu’on peut avoir seront obsolètes dans quelques jours à peine. Je ne pense pas qu’il s’inquiète de nous voir tomber entre les mains ennemies. Par contre, il veut clairement notre mort pour faire un exemple. Tu sais bien que sa position est fragile vis-à-vis de la Flotte de Fer et beaucoup lui préfèrent clairement Eren comme souveraine. Si une Maison des Ile de Fer comme les Volmark restent impunis après une trahison, cela ne ferait que l’affaiblir. Son but ne sera certainement pas de nous capturer, mais juste de nous tuer. A chaque ravitaillement, à chaque village que nous croiserons, nous devrons nous attendre à une embuscade. »

Ivar indiqua les différents villages le long du fleuve et y alla de ses commentaires.

« Si c’était moi, je tenterai quelque chose ici et là. Ces deux villages sont situés à des endroits où le fleuve rétrécit et où il n’est pas très difficile d’être à portée de flèches. Nous devrons donc éviter de nous arrêter à proximité et surtout, nous devrons essayer de passer au plus vite, tout en nous mettant à l’abri. »

Calmement, Lord Volmark prit un bouchon et le fit tourner dans ses doigts, avant de reprendre la parole.

« Lyle Salfalaise, si tu savais comme je l’ai maudit pour sa trahison … Et maintenant, nous sommes comme lui … Quelle ironie … Tu penses que c’est une bonne chose de trouver asile chez l’Empire ? La Maison Volmark va certainement être rayée de la carte, si on fait cela. Après, il y a de fortes chances que l’information soit déjà arrivée jusqu’aux Iles de Fer … Espérons qu’on sera les seuls à répondre de nos actes. En tout cas, Lyle Salfalaise est sans doute une option crédible mais bon, es-tu certaine qu’on ne va pas tout simplement servir de monnaie d’échange contre son retour en grâce aux Iles de Fer ? »

La question méritait d’être posée car au final, Ivar ne connaissait absolument pas les motivations de Lyle Salfalaise. Comme bien d’autres Lords fer-nés, il avait reçu un courrier de déclaration d’intention mais bon, aux yeux de tous, cela ne serait que l’association de deux groupes de traîtres aux Iles de Fer. Jamais son désir de voir les Fer-nés chassés les Hoare ne prendrait vie s’il venait à laisser les Volmark le rejoindre et c’était un risque considérable à prendre vu l’état d’Heda.

« Le principal pour le moment, c’est de rejoindre la mer afin qu’on soit moins exposé. Nos boutres sont plus rapides et du moment qu’on peut passer un éventuel blocus de l’Empire, on aura l’avantage pour les semer au besoin. J’ai l’inventaire des armes qu’on a et des flèches. »

Ivar tendit le bout de papier à sa sœur, histoire qu’elle puisse se faire une idée de leur situation.

Comme le disait Heda, certaines informations valaient encore un sursis à leur exécution par l’Empire et ils se devaient de les monnayer avec savoir-faire le cas échéant. Ivar écouta sa sœur ruminer sur l’inaction du Bief et sur les ambitions d’Eren, cherchant sans doute à justifier son action aux yeux d’un homme vis-à-vis du quel ce n’était pas le moins du monde nécessaire. Sans doute qu’avoir trahi Yoren était une des choses les plus difficiles qu’Heda avait dû faire dans sa vie mais bon, peut-être qu’un jour ce dernier ouvrirait les yeux.

« Yoren te connaît, je suis certain qu’il finira par comprendre si sa paranoïa ne prend pas le dessus. Si tu veux mon avis, le problème est peut-être que tout le monde voit notre action comme un soutien à Beron Hoare, et non comme une tentative de sauver ce qu’il reste des Fer-nés. »

Le passage sur leur Maison qui allait subir les foudres vengeresses de Yoren fit soupirer Ivar qui fut en quelque sorte soulagé de n’avoir ni femme, ni enfant aux Iles de Fer et même s’il pouvait craindre que son fils à Dorne soit en danger, il espérait que sa mère ne laisserait rien lui arriver. Il y a à parier que son action aurait été plus réfléchie si sa progéniture avait été face à une menace immédiate. Enfin bon, ce qui reste de leur famille devait maintenant être en prison ou simplement mort mais bon, peut-être que certains avaient réussi à s’échapper avant l’arrivée des soldats. En attendant, il n’était plus Lord de rien et rigola à cette idée. Lui déjà bâtard à l’origine, ne pensait pas une seconde devenir Lord et maintenant, il retrouvait sa liberté d’une certaine façon.

« Il est clair que l’exemple de Lyle Salfalaise est assez parlant pour en déduire suffisamment sur ce qu’il s’est passé à Volmark … Peut-être que ta mère a été épargnée … »

Les deux Volmark continuèrent leur discussion stratégique et Heda souleva un problème important sur leur moyen de locomotion et effectivement, Ivar avait complètement oublié que leurs boutres n’étaient pas aussi performants en mer.

« Oui mais où veux-tu trouver d’autres boutres ? Ce n’est pas comme si nous avions ce luxe … Le moindre arrêt irréfléchi pourrait nous coûter la vie. En plus, nous ne trouverons pas de boutres par ici, au mieux on aura un bateau classique. »

Heda confirma son idée de se rapprocher de l’Empire afin de se protéger dans un premier temps de Yoren et son incertitude ne manqua pas de faire sourire l’ancien Lord Volmark.

« On aura toujours plus de chance que d’implorer le pardon de Yoren en tout cas. Tu penses que Dorne ne nous livrera pas à Yoren alors que la Princesse Arianne Martell est encore à Pierremoutier ? Si Yoren apprend qu’on se dirige vers Dorne, il l’utilisera certainement pour mettre la main sur nous. En tout cas, on a pas beaucoup de choix … En tout cas, un moyen de communiquer est indispensable quoi qu’il arrive. Je te fais confiance comme toujours ! Essayons ça et on avisera si cela ne se passe pas comme prévu ! »