Je savais que les choses n'allaient pas être simples, mais je ne voulais pas être ailleurs qu'ici. J'avais réussi à convaincre le roi Jon que je pouvais être utile en les accompagnant, en même temps, je ne lui avais pas franchement laissé le choix non plus. Je ne m'étais pas imposée non plus, mais ma présence est appréciée. De toutes façons, que ce soit lui ou Lyham, ils étaient suffisamment occupés pour ne pas se soucier de ce que je pouvais bien faire. J'avais plusieurs objectifs en tête et je comptais bien les mener à bien. J'ai l'habitude de ce genre de situation et malgré le fait que je puisse reprocher pas mal de choses à Yoren, le fait qu'il m'est laissé l'accompagner malgré la grossesse, m'est bien utile aujourd'hui, je sais ce que je dois faire et je m'arrange pour ne pas déranger les souverains. Je suis là au besoin et les deux le savent.

Cela dit, j'attendais l'arrivée d'Eira d'un jour à l'autre. La jeune demoiselle avait accepté de m'épauler dans cette tâche et j'allais en avoir besoin au vu de chaos qui règne entre ces murs. Pierremoutiers était une ville importante et être là, c'était une bonne chose pour nous tous, un espoir de nouveau. Salvemer avait aussi été reprise et je me disais que les choses avançaient bien, avec l'aide de l'Empire. Le pire reste à venir bien entendu. J'étais contente de sa venue, parce que ce n'était pas si évident que ça d'être la seule femme ou l'une des rares dans le coin. Et puis, comme ça, je pourrais apprendre à la connaître. Elle m'avait fait forte impression à Fort Darion. Je sais qu'elle était sur la route et j'espérais vraiment qu'elle arrive sans encombres à destination. Même si les routes sont sûres pour les principales, on est jamais vraiment à l'abri non plus.

La guerre était omniprésente autour de nous et j'étais en train de lire une lettre que je venais de recevoir quand j'entends une voix crier mon prénom dans le couloir. Je lève la tête et vois la rouquine qui avance vers moi, traînant ses malles tant bien que mal derrière elle. Je donne la lettre au jeune homme qui se tenait à côté de moi et lui indique de la poser dans mes appartements et de faire en sorte que les malles de la jeune demoiselle soient prises en charge. Puis je m'avance vers elle. Ses mots me font légèrement froncer les sourcils, malgré la joie de la voir. " Je suis contente de vous voir aussi Eira." Puis elle reprend la parole et ajoute qu'elle a été attaquée. " Doucement, déjà, vous allez bien ? Ils ne vous ont pas touchée ?" Parce que je sais comment sont les hommes quand ils voient une femme en temps de guerre. Mais elle semblait aller bien, ne pas avoir de marques. Mais j'eu tout de même un sourire amusé. " La force et la ruse, tout à fait ce qu'il convient à une femme pour mettre en déroute des hommes la intentionés !" Et c'est peu de le dire.

Elle me demande comment je vais et en toute franchise, je ne sais pas. J'ai vu mieux, j'ai vu pire. Je suis occupée et ça m'empêche de laisser mon esprit vagabonder. " Je vais bien, malgré le surmenage et la pagaille apparente des lieux." Voyant des hommes en train de courir venant dans son dos, je lui prends le bras pour qu'on ne reste pas dans le chemin. Ils nous saluent tout de même, parce que nous sommes des femmes et ils sont curieux et surpris, mais ils ne s'attardent pas. " J'espère que vous êtes prête, parce que ça risque d'être mouvementé !" Je passe mon bras sous le sien et je prends la marche. " Allons dans un coin plus calme. Vous avez faim peut-être ?" Après de telles péripéties, cela ne serait pas étonnant.

Je l'observe de longues secondes à la recherche de blessures, de bleus ou de quelques blessures que ce soit, mais visiblement elle va bien physiquement. C'est plus que rassurant, parce qu'en temps de guerre, personne n'est à l'abri, pas même une dame comme elle. Plus de peur que de mal donc visiblement et je souris légèrement amusée par le ton qu'elle emploie. Sa présence me fera du bien, je n'en doute pas un seul instant, même si je ne sais absolument pas ce qui m'attend dans les prochains jours. Ni même les prochaines semaines. " Je vous crois volontiers." Il arrive que les gens changent après avoir croisé la mort et s'ils en rééchappent. J'ai aussi eu de la chance après mon empoisonnement, même si cela a tué mon bébé, j'ai failli succomber aussi. Je ne suis plus la même depuis lors, intérieurement, une partie de moi est dévorée par le désir de vengeance, de retrouver celui qui m'a enlevé mon enfant à naître. L'autre part de moi est soulagée et résignée en même temps et se concentre désormais sur le Conflans, mais la vengeance n'est jamais loin. Même s'il n'y avait aucune chance que je l'obtienne un jour. Je suis très rancunière de nature. Autant je peux pardonné pas mal de choses, autant ça, je ne peux tout simplement pas. Elle assure une fois de plus qu'elle va bien et je sors de mes pensées. Je lui souris alors. " Bien, parce que je vais avoir besoin de vous très chère amie." Je ne la connaissais pas depuis longtemps, mais l'entente était bonne entre nous et avoir une présence féminine ne pouvait être qu'un plus pour moi.

Je regarde autour de nous, comme elle était en train de le faire et c'est vrai que les circonstances étaient particulières. Mais il m'en faut plus pour me déstabiliser et je suis presque comme un poisson dans l'eau dans ce genre d'environnement. Même si là, ce n'est plus en tant que reine que je dois ma présence ici, mais comme envoyée par l'Empire, comme dame du Conflans. La fille Bracken enfin rentrée chez elle. Me reposer serait une bonne chose, mais il y a tant à faire que les journées et certaines nuits sont trop courtes pour avoir le temps de tout faire. " Il y a tellement de choses à faire Eira..." Tellement de choses à régler pour faire en sorte que le roi Jon et le roi Lyham ne s'engueulent pas à la moindre occasion, les aider l'un ou l'autre, aider les gens du peuple, répondre aux missives, ça demande du temps et de l'énergie. Mais je sais dans quoi je me suis engagée et si je dois y sacrifier quelques heures de sommeil alors ça en vaudra la peine au bout du compte. Du moins, je l'espère. Elle ajoute être prête à me seconder et je lui souris pleinement en hochant la tête. Son aide me sera précieuse, je n'en doute pas une seconde.

En route pour la cuisine parce que je me doutais bien qu'elle avait faim, on traverse des couloirs et je la vois qui regarde autour de nous avec curiosité. " Il va y avoir un mouvement de troupes prochainement, mais nous, nous restons ici pour le moment. Il y a fort à faire dans le coin et nous pourrons alors aider le roi comme il se doit." Peut-être même qu'elle viendra avec moi à Haye-Pierre quand je pourrais retourner sur mes terres, voir ma mère et ma soeur et leur expliquer la situation. Je leur dois bien ça après tout. " Tout va bien se passer, je vous le promets." Enfin, on va essayer de faire en sorte que ça aille. Après quelques minutes de marche, on arrive finalement aux cuisines et les bonnes odeurs se font sentir. " De quoi avez-vous envie tout de suite ?" C'était assez calme pour le moment, donc autant en profiter pour satisfaire notre petite faim en attendant le prochain repas.