L’innovation et le progrès ne viennent pas toujours des inventeurs et des savants de ce monde, pas plus que des soldats qui s’adaptent, ou des fermiers qui tentent de combattre les éléments ou de repousser les épidémies. Parfois, il n’y a que l’accident et le coup du sort.

Au Val, la population avait été largement réquisitionnée par la marine et l’armée, la première comme vecteur de développement économique du Royaume, la seconde pour sa défense face aux ambitions impériales. Le royaume en était presque devenu plus commerçant que productif. Et pourtant, il restait nombre de fermiers, de métayers, des artisans aussi pour continuer d’œuvrer dans les forges et arsenaux du royaume. Des mineurs, aussi. C’est de l’un d’eux que vint l’idée de miner dans des montagnes jadis abandonnées, car le fer et l’or s’y étaient taries depuis le Temps des Héros. Désespéré, sans le sou, Mashel était un homme bon et aventureux. Il se rappelait des histoires de son grand-père, contant que jadis on trouvait des émeraudes et des saphirs dans la rivière s’écoulant des monts brumeaux de l’ouest. L’endroit restait dangereux, car zone de chasse des barbares des clans des montagnes… Plus personne n’y allait, après la mort de plusieurs prospecteurs et l’absence totale de résultats de ceux qui avaient réussi. Mais Mashel avait besoin de se renflouer, des dettes de jeu à la taverne du village lui avaient tout coûté, et sa femme menaçait de partir avec leurs enfants chez ses propres parents, et de ne jamais revenir.

Mashel prit son courage à deux mains.

Il gravit les monts brumeux, le paquetage sur le dos. Il passa trois semaines à fouiller les ruisseaux et torrents qui dévalent les pentes rocailleuses de ces hauteurs maudites. Il subit la faim et le froid. Et une attaque de barbares, dont il ne dû sa survie qu’à son habileté à la pioche. Dans les eaux glacées d’un cours d’eau encaissé entre les sapins et la roche, Mashel aperçut quelque chose du coin de l’œil. Un reflet, un éclat. Il lui fallut tout l’après midi pour trouver ce qui l’avait obsédé d’un coup d’œil. Une pierre aux milles reflets, grosse comme la taille de son poing. Prudent, méfiant, il rentra à son village. Un butin si gros, si important, pourrait lui valoir bien des soucis… Alors il décida deux amis à remonter avec lui sur ces cimes désolées pour l’aider dans sa quête, mentant pour dire que son premier gain avait été volé par des montagnards mais qu’il y en avait forcément d’autres. En remontant le cours d’eau sur plusieurs jours, le groupe de mineurs parvint à retrouver une pierre. Et encore une. Et une autre. Ensemble, ils purent défendre leur butin, et contre les garanties de leur propre prospérité, proposèrent au châtelain local de produire, sous sa protection, les fruits de cette nouvelle mine.

Et bientôt, entre le développement des activités minières, de l’artisanat qui se renforçait et de la logistique de ces exploitations, les premières retombées fiscales commencèrent à se faire sentir sur le trésor du Royaume, qui en avait bien besoin en ces temps de guerres et de misère.