Noirmont était une ville martyre. Elle avait été le centre des opérations de l’armée du Prince Roward Martell, au début de la guerre contre le Bief, un lieu de rassemblement des armées de la Principauté. L’endroit avait dû être abandonné après un douloureux combat d’arrière-garde et la ville assiégée, puis prise dans le sang par les bieffois et les croisés qui avaient mis à sac la cité. Annexée au Royaume du Bief par le traité de Boycitre, la ville se reconstruisait peu à peu, et reprenait la culture des vignes et des agrumes poussant sur les rives de la Torrentine… Pourtant un orage se profilait déjà. Le passage du corps expéditionnaire impérial non loin, les survols de dragons et enfin les rumeurs de batailles et de combats cruels au sud, vers les Météores, avaient raison du semblant de paix qui régnait à nouveau dans la cité.

Ser Royle, commandant du millier d’hommes qui protégeait la place au nom du Roy, apprit la défaite des armées du Bief et des forces de Croisade du Grand Septon. Il reçut des ordres par missive portant le cachet de son Roi. L’endroit, malgré sa tranquille apparence, fourmillait d’espions depuis la paix. La contrebande était florissante et les dorniens n’avaient pas oublié les sévices endurées des mains de la soldatesque alors que la ville était livrée au pillage. Suspicieux, Royle savait fort bien que sans l’armée battue aux Météores, sa position était extrêmement avancée face aux forces de la Principauté Fédérée de Dorne, et qu’il ne pourrait bénéficier d’aucun soutien.

La rumeur se répandit parmi la population que la garnison était sur le départ, et la plus grande panique commença à se répandre. Les dorniens ne savaient que trop bien quels ordres pouvaient accompagner un départ des bieffois…

Qui, évidemment, incendièrent avec leurs réserves de fourrage tous les greniers et silos, et laissèrent librement le feu se répandre dans les habitations alentours. La population avait forcé massivement le passage pour s’enfuir de la ville livrée aux flammes et il y eut bien quelques violences, mais les bieffois étaient surtout concentrés sur leur rassemblement et leur départ rapide car déjà, les pointes de cavalerie légère de l’armée Allyrion étaient repérées dans des villages plus au sud… Ser Royle fit hâter le pas de ses forces, pour évacuer avant la nuit ses positions.

Rassénéré, le peuple meurtri de Noirmont retourna en ville avant la nuit pour éteindre les derniers foyers de bâtiments endommagés, essentiellement des étables, des granges et des dépôts de denrées, mais aussi des forges et d’autres échoppes d’artisans impitoyablement pillées.

Au loin, de l’autre côté du fleuve, des hommes d’armes du Bief passaient les vignes et vergers à la torche, déchaînant les cris de rage et de désespoir des habitants de la cité qui avaient vainement gagner leur libération à bon compte.