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Elle était ici chez elle, depuis toujours. Megara avait été enfantée en ces lieux, avait fait ses premiers pas au sein des appartements monarchiques, avait appris à parler en mimant les doux mots d'amour que son royal paternel lui murmurait au creux du cou, avait observé sa mère tenir audience pour s'enseigner à elle-même comment se tenir et se comporter en société. La Forteresse était grande, si grande qu'il était aisé de s'y perdre. Elle était peuplée de coins et de recoins, d’alcôves, de cours intérieures et de salons privatifs, d'anti-chambres débouchant sur une nouvelle anti-chambre, et en tant que Princesse, aucun accès ne lui avait été refusé, jamais. C'était tout simplement qu'elle n'avait pas eu à s'aventurer dans certaines zones, là où elle n'avait rien à faire et où on ne rencontrait pas que des personnes dotées de bonnes intentions. Les légendaires et mythiques cellules léonines étaient au rang de ces lieux. Mais comme pour compenser cette réalité la privant de pouvoir se dire connaître la Forteresse royale jusqu'au bout des doigts, la jeune femme pouvait se targuer d'être parfaitement au fait des nombreux passages dérivés et raccourcis secrets qui peuplaient une bâtisse telle que celle-ci. Les hypothèses allaient bon train pour expliquer l'existence de ceux-ci, oscillant entre besoin de faciliter les déplacements de la domesticité, nécessité de permettre aux gardes d'assurer leur mission de protection et histoires plus ou moins sordides et croustillantes se rapportant aux premiers habitants des lieux et aux ancestraux fondateurs du Royaume de l'Ouest. Mais de tout ceci, Megara se souciait guère, bien qu'elle n'avait jamais rien eu contre le fait de se faire chanter les aventures et le passé de ses aïeuls plus ou moins lointains. Elle préférait, et de loin, profiter du fait d'être parmi les quelques personnes informées, sans être ni domestique ni membre de la garde, de l'existence de ces passages dérobés, de leur disposition et de leur réseau de connexion. Cela avait d'ailleurs pu faire partie des jeux d'enfants qu'elle avait partagé avec son frère aîné et sa sœur cadette, lorsque, par exemple, leur but commun était d'être le premier des enfants de Loren à réussir à le rejoindre, bien qu'il fallait souvent d'abord le trouver.

Les jeux avaient cessé, et l'âge de l'enfance était derrière elle. Loren n'était plus de ce monde, là où Lyman était désormais celui qui ceignait la couronne. Quant à Nymeria ... Il restait encore douloureux de penser à elle, même après tous ces mois, mais il serait encore plus déchirant de ne plus passer un seul jour sans songer à elle. Le tout était rendu plus compliqué pour Megara de par son état actuel et de par les circonstances du tragique trépas de sa sœur. Fort heureusement, elle ne s'était jamais prise pour Nymeria et avoir toujours su qu'elle était sa propre personne, tout en ayant, en parallèle, tant de réalités concrètes à gérer, officiellement et plus personnellement. Des réalités qui, pour au moins trois d'entre elles, ne cessaient de grandir et de se manifester. Il y avait chacun de ses fils jumeaux, bien sûr, Tybalt et Cadwyn continuant d'être de vrais fournisseurs de rires, d'attendrissements et de préoccupations, de par leur propension à tant ressembler à leur père dans leur fougue et énergie perpétuelle. Parfois, Megara soupçonnait son époux d'avoir passé avec eux un pacte secret, avant son départ pour le Front, afin de ne point lui laisser de répit ... Et puis, il y avait ce nouvel enfant qui grandissait en elle. Qui continuait, jour après jour, d'arrondir son ventre, de sorte à ce que la position adéquate pour s'endormir la veille ne l'était plus forcément aujourd'hui, quand Megara n'était tout simplement pas saisie d'une envie pressante ou d'un besoin urgent de bien vite trouver un récipient avant de rendre ses tripes sur le sol. Cependant, si l'on pouvait penser que telles mésaventures pouvaient la dégoûter de la nourriture, il n'en était rien, bien au contraire. D'autant plus quand sa grossesse actuelle lui causait moins de désagréments quant à des mets dont elle ne tolérait plus l'odeur ou le goût. Une sorte de contre-balancement au fait qu'elle était bien plus fatiguée, courbaturée et malade que lorsqu'elle attendait les jumeaux.

Depuis le départ de Gareth, il n'y avait pas un soir où Megara trouvait rapidement le sommeil. Cette nuit n'y faisait pas exception, bien que cela n'avait présentement rien à voir avec un dos qui la faisait souffrir, une vessie qui n'était jamais maîtrisée ou une irrépressible et primaire envie de plaisir charnel. Car si être enceinte soulageait quelque peu les crises dont souffrait la Princesse, cela ne les éteignait pour autant pas totalement. Et sans Gareth ... Mais nulle préoccupation de la sorte cette fois-ci. Non, en réalité, bien plus trivialement, Megara avait faim. Ou plutôt mourrait-elle d'envie de manger du pain. Et de la confiture de fruits rouges. Et du miel. Alors, non sans d'abord s'assurer que les jumeaux dormaient à poings fermés, dans la nurserie accolée à ses appartements, elle avait enfilé un peignoir par dessus sa chemise de nuit, et avait tenté, sans grande application, de mettre un peu d'ordre dans ses cheveux, tout en se rendant aux cuisines en empruntant quelque raccourci, afin de s'éviter de croiser quelque garde s'inquiétant de sa sécurité, ou quelque domestique qui risquerait de s'empresser de tout vouloir lui apporter. Car, dans les faits, elle avait autant faim qu'elle avait envie de directement sentir les douces odeurs de nourriture préparée en avance pour le lendemain. Fort heureusement pour elle, elle ne croisa donc personne, et put donc s'emparer, pas vue pas prise, d'une miche briochée qui finissait de cuire à douce chaleur pour être fraîche et chaude, et non brûlante, au petit matin. Une brioche fondante, douce et moelleuse en bouche, aux saveurs miellés et aux doux fruits bien sucrés et juteux. En ces lieux, en cet instant, elle n'était plus Princesse mais simplement Megara, femme enceinte aux envies gourmandes et nocturnes, et qui, en croyant entendre quelqu'un venir la rejoindre, se saisit de la brioche entamée pour se dissimuler dans une ombre, une joue quelque peu gonflée par un délicieux morceau de pâtisserie, les doigts sucrées de miel et les cheveux détachés, tombant en cascade autour de son visage et jusqu'au relatif décolleté de son peignoir ...

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Pendant tant d'années, la perspective de devenir mère avait paru très loin à Megara, tout autant qu'elle lui avait paru redoutable et redouté. Bien qu'on ne lui avait évidemment pas tout expliquer de la façon dont on créait la vie et de la façon dont on enfantait cette même vie, pour lui éviter toute la trivialité des choses, elle n'avait tout de même pas été sans ignorer que cela n'avait rien d'une sinécure ni même d'une expérience comme une autre, glissant sur votre peau comme l'eau glisse sur les plumes d'un canard. Il y avait en effet eu ces quelques servantes qui, bien enceintes, n'étaient plus jamais reparu une fois l'accouchement débuté. Et il était impossible que toutes aient été envoyées loin de la forteresse royale, et il était encore moins possible qu'elles aient pu trouver une meilleure situation. Non, en réalité, Megara s'était doutée, à l'âge où son esprit avait pu commencer à relier entre eux les points, que la maternité pouvait être le symbole de votre trépas, et que cela n'épargnait en rien les jeunes femmes de bonne famille. La Princesse se souvenait ainsi assez bien de cette lettre que sa mère avait dû envoyer en direction de la Dent d'Or, lorsque Tissaia Lefford s'en était allée, fauchée après avoir enfanté d'un enfant qui n'avait guère survécu. Mais fort heureusement, toutes les maternités ne s'achevaient pas ainsi, et avant, ou non, de connaître un triste sort, il y avait toute la période de la grossesse, faite de hauts et de bas, d'aléas plus ou moins agréables et contraignants. D'une certaine façon, jamais la jeune femme ne s'était sentie plus connectée aux petites trivialités bien primaires de la vie que lorsqu'elle portait la vie, que ce soit pour se retrouver avec une vessie incontrôlable, un estomac se retournant à la moindre odeur désagréable, un dos qui la tirait comme si elle avait encore et encore fait la course dans toute la Forteresse pendant des heures ou, de façon plus agréable, lorsqu'elle avait la sensation d'avoir des grenouilles dans le ventre, en ne se sentant pas toujours rassasiée. Et là encore, Megara se doutait bien que sa grossesse n'avait rien d'une exception dans les brusques envies et besoins qu'elle provoquait. Elle le savait et n'avait point eu besoin d'attendre cet instant précis pour en avoir la preuve, l'arrivée de Jeyne, accompagné d'Alys, n'étant donc qu'une preuve supplémentaire de la réalité des choses.

Il existait sans doute milles et une raisons pour lesquelles on pouvait juger la décision et les actions de Megara plus qu'imprudentes. En premier lieu, elle s'était rendue seule aux cuisines, sans y être accompagnée d'un garde, ou même de Jinx. En second lieu, elle aurait très bien pu se faire assommer par un cuisiner armé d'un rouleau à pâtisserie si elle en avait surpris un en plein travail sans faire suffisamment de bruit pour qu'il l'entende arriver. En dernier lieu, Megara ne s'était pas montrée très sérieuse en ne prévenant personne de son départ de ses appartements, que ce soit pour indiquer où elle allait ou pour s'assurer qu'on veillerait sur les jumeaux. En temps de guerre comme actuellement, une telle décision pouvait virer à l'inconscience cruciale, mais, égoïstement et trivialement, elle avait pensé avec son ventre et non avec sa tête. Et puisqu'elle était loin d'être coutumière du fait, sans doute pouvait-on l'en pardonner, pour peu qu'on en vienne à tout savoir de ses actions présentes. Quoi qu'il en était, le soulagement retomba sur ses épaules dès que son regard reconnu ses deux belles-sœurs, celles auxquelles elle était liée de part et d'autre de sa famille. Jeyne était l'épouse de son frère, et elle se trouvait elle-même être l'épouse du frère d'Alys. Elle n'avait pas besoin de leur faire promettre quoi que ce soit pour savoir qu'elles n'iraient rien rapporter à qui que ce soit, sans doute parce que, elles aussi, elles n'étaient pas exactement censées être là, surtout Jeyne, dont le rôle officiel revêtait encore plus d'importance que celui de Megara. Alors la jeune femme finit de mâcher la bouchée briochée qu'elle avait en bouche avant de prendre la parole, sans reposer le morceau qu'elle avait encore dans la main. ❧ Ce sont ici les cuisines royales, Jeyne. Techniquement, ce n'est donc pas du vol ... ❧ Elle lui adressa un petit sourire, tant pour la rassurer que pour se justifier et se dédouaner elle-même. Car même si ses paroles n'avaient rien de plus vrai, on lui avait tout de même enseigné, petite, de ne pas manger en dehors des repas, et surtout, de demander à être servie plutôt que de venir se servir elle-même.

Dans l'équation, sans doute Alys dénotait-elle quelque peu. Au-delà du fait qu'elle était la seule tête non couronnée de la pièce, elle était surtout la seule à ne point être enceinte, et à ne point donc pouvoir plaider la fringale nocturne de future mère. Mais dans le même temps, Megara se doutait bien qu'elle était également la seule à ne pas avoir eu l'idée de venir ici. Dans tous les cas, cela ne se résumait donc pas à des retrouvailles et à une discussion seulement entre Jeyne et elle. Tournant les yeux vers la troisième membre de ce trio nocturne, Megara lui sourit donc avec charme et douceur. ❧ Bonsoir Alys ... ❧ Visiblement, Jeyne avait tout de même été un peu plus sérieuse qu'elle en se faisant escorter, quoi que la Kenning n'était pas non plus un homme d'arme ou un garde ! S'enquérant de répondre au mieux à la sollicitation de la plus âgée de ses belles-sœurs, la Princesse prit tout de même le temps de réfléchir à sa réponse, afin d'éviter toute indication erronée. ❧ Je suppose que oui. Les cuisines sont supervisées par Marilde. Elle a toujours à cœur de toujours avoir une longueur d'avance sur les mets que l'on souhaiterait se voir servir. ❧ Telle une enfant, la jeune femme se sentit emplie d'une douce chaleur en songeant à la matrone qui officiait en ces lieux. Elle avait toujours associé les cuisines à la gironde et énergique figure de Marilde, qui provoquait déjà milles tempêtes du temps de l'enfance de son propre père Loren. Enfournant alors un nouveau morceau de brioche, elle sourit quelque peu béatement avant de se reprendre, son sourire se faisant plus amusé et moins enfantin, en observant Jeyne partir en quête de gâteau au citron comme on partirait en quête d'un trésor légendaire et ancestral. Il ne resterait donc, pour quelques instants, qu'Alys et Megara. Ce qui était loin de tendre la jeune femme ou de lui être désagréable, bien au contraire. ❧ Je vais aussi bien que l'on puisse aller, ou tout du moins vais-je un peu mieux que ces dernières semaines. ❧ Posant sa main libre et non collante de sucre et de fruits sur son ventre arrondi, elle soupira quelque peu, sans se départir de tout sourire cependant. ❧ Il n'y a point à douter de la paternité de Gareth ! ... Cet enfant est toutefois un peu plus turbulent que ne l'étaient les jumeaux, aussi surprenant que cela puisse paraître. Et je traverse cette grossesse plus éprouvée et fatiguée que lors de la précédente. Je suppose que le fait que je reprenne quelque appétit, y compris en pleine nuit, ne peut être vu que comme un bon indicateur ! ❧ Peut-être Alys le mentionnerait-elle dans sa prochaine missive à son frère, de sorte à ce que Gareth comprenne bien que Megara ne cherchait en rien à faussement le rassurer ? ❧ Jeyne a donc su être convaincante pour venir jusqu'ici en dépit de l'heure bien inhabituelle ? ❧ Finissant de déguster sa part de brioche, Megara s'essuie les mains sur le torchon le plus proche.

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Megara avait toujours connu ces lieux. Elle y était née, elle y avait grandi, et il n'était pas exagéré de dire qu'elle y était chez elle, de par le simple fait qu'il s'agissait de la Forteresse royale, et que cette dernière appartenait à la monarchie des Terres de l'Ouest. En ces lieux était née une multitude de rumeurs et de légendes. En ces lieux se dissimulaient nombre de mystères pour qui n'en était pas natif, et pour qui n'en avait pas l'accès illimité ou presque. D'une certaine façon, Megara n'échangerait son logis pour rien au monde, et ce même si celui-ci était parfois bien grand et effrayant, surtout la nuit, quand tout le monde dort, ou est censé dormir, et que, soudainement, la moindre lueur projette des ombres quasi mystiques, se mouvant sur les murs, les pavés et sur votre propre silhouette aussi. Alors peut-être se sentait-elle plus en sécurité qu'elle ne le devrait car, après tout, des temps plus ou moins récents avaient prouvé que la sécurité totale et ultime n'est qu'une vile utopie, le trépas de son propre père en était témoin. Mais, quoi qu'il en était, elle ne s'arrogeait pas de droits qui lui échappaient, jamais. Alors, oui, d'une certaine façon, ce qu'elle avait commencé de faire et ce que Jeyne s'apprêtait à faire ne s'apparentait en rien à du vol. Juste à un emprunt. N'est-ce pas ? En tout cas, elle savait très bien que si Marilde découvrait qu'il y avait eu du maraudage dans les cuisines, elle ne serait guère joyeuse, mais que si elle en venait à comprendre que Megara en était à l'origine, elle saurait se radoucir et diriger ses humeurs contre quelqu'un d'autre. Il fallait dire qu'elle avait toujours eu un joli penchant pour la jeune princesse ... Observant a belle-sœur s'éloigner sans plus se faire prier, elle eut un doux sourire, avant d'accorder toute son attention, ou presque, à Alys. Il fallait dire qu'une partie de son esprit en était encore à apprécier la dégustation de sa bouchée, là où une autre tentait toujours de demeurer en connexion avec les sensations éprouvées et ressenties par son corps au sujet de ce fameux futur enfant. ❧ Hmm, je me doutais bien que mes gênes n'étaient en rien responsables de cette turbulence et que ceux de Gareth étaient les seuls à blâmer ... ❧ Une certaine lueur mutine et taquine illuminait son regard, car, dans les faits, elle était après tout elle aussi la sœur d'une boule d'énergie. Du moins l'avait-elle été, concernant Nymeria, et ce bien que Lyman n'avait pas exactement non plus été en reste !

D'une certaine façon, sans doute était-il trop aisé de porter les responsabilités sur Gareth pour s'en dédouaner soi-même, et surtout alors qu'il était le grand absent de l'histoire. Mais en quelque sorte, cela revenait un peu à lui faire partager ce quotidien, et ce même si c'était à distance et en le faisant s'incarner dans les moindres petits détails sans qu'il ne puisse vraiment pouvoir donner son opinion sur la chose. Et si l'on disait que les absents avaient toujours tord, Megara n'oubliait en rien que le fait que son époux ne soit point à ses côtés ne relevait en rien d'une décision personnelle de l'un ou de l'autre. Le devoir envers le Royaume et son Roi avait sonné le tocsin, et Gareth avait dû y répondre. ❧ Il est en tout cas très intéressant de récolter de telles informations concernant mon époux ... Je saurais m'en resservir à besoin, tout en préservant, bien entendu, l'identité de mes sources ! ❧ Un léger éclat de rire fusa d'entre ses lèvres, avant qu'elle ne secoue la tête de droite à gauche, quelque peu nostalgique. ❧ Tybalt et Cadwyn étaient plus calmes en leurs instants en mon sein, au point de me faire tout ignorer du fait que j'attendais des jumeaux, et ce même si la circonférence de mon ventre aurait dû me mettre la puce à l'oreille, mais ils ont depuis bien su se rattraper ! Et leurs caractères respectifs ne cessent de s'affirmer en ce sens. J'en viendrais presque à douter du fait que leur père n'a absolument pas passé le moindre pacte avec eux avant son départ ... ❧ Cela lui faisait de plus en plus une pointe au cœur à chaque fois qu'elle parlait de Gareth ou qu'elle songeait à lui, et ce n'était pas non plus sans quelque peu lui labourer les entrailles. Mais il n'y a rien qu'elle ne pouvait faire pour changer les choses, à son niveau, si ce n'était de s'assurer de remplir au mieux le moindre de ses responsabilités officielles, tout en veillant à suffisamment se ménager pour ne point se placer en une position précaire concernant sa grossesse. D'une certaine façon, avoir Alys au cœur du Roc, c'était un privilège bien doux et appréciable. ❧ Je n'hésiterais pas, promis. Surtout que les jumeaux adorent recevoir de l'affection ... ❧ La jeune mère ne mettrait jamais le moindre obstacle en la présence d'Alys aux côtés de ses fils, pour peu que cela n'entravait pas la tenue de leurs devoirs princiers. Mais comme ils étaient encore bien trop jeunes pour en avoir, nulle barrière n'existait, présentement.

Finalement, Jeyne en venait à les rejoindre, étant visiblement parvenue à mettre la main sur quelques douceurs bien venues. La concernant, Megara était rassasiée, du moins, pour un temps, et son enfant à venir n'avait pas encore décidé de trop se rappeler à ses bons souvenirs, ce qui était appréciable tout autant que c'était un répit pour un temps. Offrant un regard entendu à ses deux belles-sœurs, la jeune femme prit un temps pour tenter d'observer la situation vue de l'extérieur. Elles devaient tout de même offrir un spectacle quelque peu particulier, en ces lieux, en cette heure, et en cette posture. La Reine, la Princesse et la Dame de Compagnie. Trois belles-sœurs, avant toute chose, en cet instant. Peut-être que, finalement, Megara ne toucherait mot de tout ceci à son époux ... Ou peut-être qu'elle le ferait, en omettant délibérément de l'informer du fait qu'aucun homme d'armes ne les avait accompagnées ou ne devait s'assurer de leur sécurité. Quoi qu'il en était, Jeyne semblait vraiment trop craintive des conséquences qui pourraient découler de leur présence si tardive, ou si matinale, tout dépendait, au sein des cuisines. Ou peut-être, comme Alys, pensait-elle surtout à la survie de tous les mets préparés pour les repas de la journée à venir. ❧ Et bien allons-y ... Le personnel de cuisine ne va de toute façon pas tarder à arriver, autant ne point perturber leur travail ! ❧ Observant alentours, elle constata qu'elles ne laisseraient derrière elles que peu de traces de leur passage. ❧ Je n'ai rien contre, mais il faudra peut-être m'aider à me redresser, au besoin. Le centre de gravité, l'équilibre et la souplesse, cela ne cesse d'être perturbé lorsque l'on est enceinte ! J'en fais souvent l'amère expérience, malgré l'habitude ! ❧ Plissant les yeux, à la fois amusée et contrite, elle dirigea son regard vers Jeyne, qui devait tout autant savoir qu'elle à quel point tout s'en trouvait bouleversé, à chaque instant, lorsqu'on attendait un enfant.

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La guerre était en cours, c'était indéniable. Mais, d'une certaine façon, elle était là sans être là, dans le sens où si elle avait déjà raflé bien des vies d'honnêtes et preux hommes de l'Ouest, elle n'en était pas encore arrivée à frapper à la porte de la Forteresse royale. Castral Roc n'était point encore assiégée, et donc point encore directement menacée. Dans le même temps, les combats se menaient dans un lointain suffisamment éloignés pour que les seuls échos qu'on puisse en entendre soient uniquement ceux rapportés dans les différentes missives et les différents rapports qui arrivaient par voie ailée ou équestre. De quoi, en quelque sorte, permettre de bien dormir, même si il pouvait parfaitement être compréhensible, compte tenu de la situation, que la sérénité d'esprit n'était pas forcément au rendez-vous, pour certaines personnes plus que pour d'autres. Megara ne pouvait en effet pas ignorer l'absence de son époux à ses côtés, de façon concrète à ne pouvant point se serrer contre son corps la nuit dans leur couche, et de façon un peu plus parallèle en sentant bien le manque d'une paire de bras supplémentaire lorsque les jumeaux décidaient de se réveiller en même temps et de pousser une petite colère simultanée. À tout bien y réfléchir, depuis le départ de Gareth pour le front, la jeune femme n'était pas bien persuadée de pouvoir affirmer qu'elle était parvenue à dormir une nuit entière, du coucher jusqu'au lever, sans être réveillée par l'un de leurs fils ou par une pensée parasite et nuisible. Et si elle savait que son époux était loin de miraculeusement pouvoir résoudre tout ceci, elle était tout de même persuader que l'avoir auprès d'elle aurait toutefois simplifier bien des choses et fait disparaître bien des tracas. Cependant, la situation était présentement telle qu'elle était, sans qu'il semble que l'un comme l'autre puisse y changer quoi que ce soit. Alors, malgré tout, et avec un certain sourire nostalgique aux lèvres, Megara ne put qu'approuver les paroles de sa royale belle-sœur lorsque cette dernière revint de son petit périple plus en amont dans les cuisines. Il n'y aurait rien eu de répréhensible ou d'anormal à dormir à cette heure-ci. Mais ce n'était pas ce qu'elles étaient actuellement en train de faire toutes les trois. Ooops ... Toutefois, si la jeune femme était restée dans la retenue à l'évocation de ce qu'elles étaient censées faire à l'heure actuelle, elle ne se priva pas de quelque peu grimacer à la perspective de ressembler à l'un des culbutos avec lesquels jouaient les jumeaux et leur cousin. Tourner sur ses fesses en étant incapable de se redresser du fait de l'arrondi de son ventre, de son poids supplémentaire et de ses bouleversements d'équilibre, c'était ... Disons que, au moins, Alys pourrait passer un bon instant de fou rire, étant la seule de leur trio à être épargnée d'une situation de grossesse !

Toutefois, cela ne l'empêcha en rien Megara de suivre ses deux belles-sœurs sans se faire priver, laissant Jeyne glisser l'un de ses bras dans le creux de l'un des siens. Rester ici, dans les cuisines, n'aurait représenté aucun risque pour elle, dans le sens où nul ne pouvait se douter qu'elle s'y trouvait, dans l'éventualité où on voudrait s'en prendre à elle. Et dans le même temps, aucun personnel des cuisines ne serait venu la réprimander, sauf peut-être Marilde elle-même, mais surtout pour lui reprocher de ne pas avoir envoyé qui que ce soit la réveiller plutôt pour la contenter personnellement de l'une de ses fameuses pâtisseries. Mais la Princesse savait qu'elle passerait un bien meilleur instant en compagnie de l'épouse de son frère et de la sœur cadette de son époux. La proximité qu'elle partageait avec elles de par les liens du sang et du mariage se complétait d'une certaine proximité amicale absolument pas feinte, ce qui ne pourrait présager qu'à un nouveau moment agréable ensembles. C'était entre autres pour cette raison qu'elle n'eut absolument rien contre le fait de répondre à la question posée par la toute jeune Reine de l'Ouest, là où il n'en serait pas allé de même si cette dernière s'était révélée n'être qu'une jeune femme de la noblesse, membre de la Cour. Ce n'était pas tant que Megara se montrait pédante et élitiste dans ses fréquentations, c'était surtout qu'elle ne savait que trop bien combien, malheureusement, on avait tendance à s'enquérir de votre état et à vouloir passer du temps auprès de vous lorsque vous vous trouviez arborer un titre princier. Surtout quand la dite personne ne vous était en rien familière et qu'elle ne cherchait même pas à montrer patte de velours avant de vous approcher ... La frontalité, cela se sentait à des kilomètres à la ronde dès lors qu'on avait l'habitude, l'entraînement et l'expérience pour ... ❧ Je ne dirais pas que c'est une exception, non, mais je ne passe pas non plus toute mes nuits à faire un petit passage en cuisine ! Cela varie selon mes besoins, ou plutôt devrais-je dire selon mes envies, subites, impromptues et quelque peu incontrôlées ... Les aléas de la grossesse, de fait rien qui ne puisse être incompréhensible j'imagine, lorsqu'on est soi-même concernée par la situation ! ❧ Il fallait aussi reconnaître que, parfois, Megara pressentait bien qu'elle risquait d'avoir un petit creux, et ce avant même d'aller se coucher, de quoi anticiper les choses et demander à ce qu'on lui amène quelques pâtisseries ou préparations boulangères, sucrées ou salées. Ainsi qu'un pichet de jus de grenade, puisque, les Sept en soient remerciés, pour cette seconde grossesse, son enfant à venir ne lui rendait pas insupportable sa boisson préférée, là où cela avait été le parfait inverse lorsqu'elle attendait les jumeaux !

Un sourire ne put que s'épanouir sur ses lèvres lorsqu'Alys se chargea de faire à Jeyne un petit résumé de ce sur quoi Megara et elle avaient pu échanger alors que la Reine faisait une petite razzia en cuisine. C'était presque toujours lorsqu'elle parlait des jumeaux, comme si son amour maternel la rendait incapable de conserver de la retenue. ❧ Peut-être pourrais-je demander à Lyman d'imiter la voix de Gareth, de sorte à voir si cela à un quelconque effet sur Tybalt et Cadwyn ? ... Mais je dois dire que si mon frère finit par faire fondre ses tentatives d'autorité dès que les jumeaux gazouillent, comme cela se produit avec mon cher neveu ... ❧ La jeune femme laissa un doux rire amusé filer d'entre ses lèvres, se gardant bien de songer un seul instant que parler ainsi de nul autre que le Roi pourrait lui valoir bien des ennuis si elle ne se trouvait pas être sa sœur. De la même façon, elle était l'une des seules privilégiées à pouvoir parler du monarque de l'Ouest en utilisant son prénom et non son titre. Finalement, les trois comparses finirent par atteindre les jardins, et ce fut un tout autre exercice qui débutait. Posant une main sous son ventre et cherchant à s'équilibrer en tendant l'autre bas, Megara s'installa avec le plus de grâce et de douceur possible, bien que cela pouvait apparaître bien lent et périlleux vu d'un œil extérieur. ❧ C'est cela, amusez-vous donc de nos déboires, jeune Alys ! Je ne manquerais point de vous rendre la pareille lorsque votre tour sera venu ... ❧ Bien sûr, il n'y avait rien de mesquin ni dans les paroles ni dans le regard de Megara envers sa belle-sœur, tout ceci tenant d'un juste retour des choses avec un certain amusement. De toute façon, sa réelle concentration se focalisa un instant sur son bébé, qui, visiblement, avait peu goûté aux tribulations maternelles et aux mouvements que cela avait causé. Fort heureusement, l'agitation interne, quoi qu'intense, fut suffisamment brève pour ne point inquiéter la future mère ou la faire quitter l'instant présent passé à trois. Ce qui lui permit de constater que la native de Kayce semblait toute à son observation du ciel étoilé. ❧ Enfant, j'étais convaincue que seuls les ressortissants de l'Ouest pouvaient apercevoir la Constellation du Lion dans le ciel, comme si c'était un privilège réservé aux miens et à leurs sujets. ... Je crois bien que c'est une conversation entre mon frère et le vôtre, Alys, qui m'en a détrompée ! ❧ Et puis, finalement, voilà que la principale concernée semblait réellement avoir la tête dans les nuages, poussant Megara à échanger un regard amusé avec son autre belle-sœur.

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À n'en point douter, il y avait sûrement contexte et situation plus complexes et compliqués que ceux au sein desquels Jeyne comme Megara naviguaient toutes deux en tant que femmes enceintes vivant au cœur de la Forteresse royale. Si elles se trouvaient adoucies et simplifiées par toutes les facilités et tous les avantages liés au fait de porter couronne, les turpitudes d'une grossesse n'en demeuraient pas moins présentes et vivaces. Rendre son repas ou devoir courir aux toilettes étaient des plaies quotidiennes de femmes enceintes qui devaient tout autant peupler les journées d'une paysanne que d'une princesse, point de différence à ces sujets là ! Mais la jeune femme se savait couvée, aimée et protégée. D'une certaine façon, elle n'avait donc point particulièrement besoin et nécessité de l'aide et du soutien de ses belles-sœurs, mais égoïstement, elle refusait de se refuser tout de go à ne serait-ce qu'envisager de pouvoir y faire appel. ❧ Je ne manquerais pas de me souvenir de pareille proposition, le cas échéant. ❧ Elle inclina respectueusement et poliment la tête, avant qu'un grand sourire ne s'épanouisse sur ses lèvres. Tout d'abord en imaginant son frère ne savoir être plus résistant aux moues et bouderies enfantines que leur père en son temps, puis en s'imaginant le portrait d'une Jeyne mimant une voix suffisamment tonitruante pour duper les jumeaux. En ces temps complexifiés par les périls actuels et le bellicisme ambiant, il était plus qu'appréciable et doux de pouvoir se laisser aller à de la candeur et de douces idées. Songer aux cieux étoilés étaient de ces choses là ❧ C'est mon père qui me les a apprises, nul mérite de ma part ... Mestre Aethon a toujours dis que les constellations et les étoiles étaient l’œuvre des Sept, et qu'il ne fallait point chercher à y voir autre chose. Mais Père, lui ... Il me faisait regarder le ciel, en me disant que les Rois des siècles passés et tous nos ancêtres nous contemplaient du haut des étoiles, tels des guides. Que, quoi qu'il advienne, ils seraient là pour veiller sur moi, comme lui-même l'était et le serait toujours. Et qu'ainsi, j'étais et ne serais jamais seule ... J'ignore s'il y croyait réellement, ou s'il n'y avait pas également une volonté de sa part de titiller la Religion et Mère elle-même ! ❧ C'était là un souvenir doux amer, et en dépit des années qui avaient passées et du fait qu'elle n'était plus une enfant crédule de tout, c'était une perspective qui réconfortait Megara, là où elle se surprenait parfois à chercher l'étoile la plus brillante pour lui adjuger la personnification de Loren.

Toutefois, la jeune femme n'a point suffisamment la tête entièrement à cela pour faire abstraction de tout. Elle n'est pas seule, en cet instant un peu hors du temps, en un moment où, censée être en sécurité dans ses appartements et lovée comme elle le pouvait dans le creux de son lit, elle se trouvait plutôt en compagnie de ses deux belles-soeurs, caressée par l'air frais de la nuit. Et Megara étant celle qu'elle est, elle ne peut s'empêcher de d'ores et déjà s'en faire pour Alys, en dépit de l'incitation de cette dernière à ce qu'il n'en soit rien. Malgré tout, il était rassurant d'entendre la jeune femme aller tout de même plus loin dans ses explications, signe qu'elle ne se refermait pas sur elle-même et que, malgré ce qu'elle pouvait initialement bien en dire, il y avait tout de même quelque chose qui la préoccupait. Loin de vouloir brusquer Alys qui se livrait, elle la laissa finir, certes mutique mais néanmoins attentive. Il n'était agréable pour aucune d'entre elles de devoir vivre et évoluer dans leur monde actuel, là où, à des degrés divers, elles étaient tout de même pourvues de responsabilités et de préoccupations prioritaires sans toutefois être celles détenant l'ultime clef du pouvoir. Se redressant quelque peu et autant qu'elle le pouvait, Megara posa les yeux sur sa belle-sœur, en tentant au mieux de peser ses mots et de se faire réconfortante et déculpabilisante. ❧ Je ne peux parler que pour moi, en me basant sur mes propres expériences, mais ... Je crains fort qu'on ne puisse jamais faire abstraction de tout ceci, pas plus que l'on arrive à s'y faire ou à demeurer immuable. ... Gareth et moi n'étions mariés que depuis 3 lunes lorsqu'il a accompagné Jeyne au sein de cette délégation envoyée vers le Conflans. Je venais de me découvrir enceinte, nous balbutions quant à apprendre à vivre ensembles en tant que mari et femme, et voilà qu'il était envoyé loin de moi, quelques temps avant que j'apprenne que la délégation était tombée dans une embuscade. ❧ C'était une époque qu'elles avaient toutes trois connues, un point d'ancrage dans leur vie qu'aucune n'avait sans doute pu oublier. ❧ Brusquement, je me suis retrouvée à envisager toutes les issues possibles, sans rien pouvoir contrôler. Tout venait par vague, me prenant à la gorge, alors que je ne savais même pas ce que je ressentais réellement, ce qui tenait de la réaction instinctive, et ce qui était à mettre au compte des bouleversements hormonaux.  L'issue n'a pas été celle-ci, fort heureusement, mais j'aurais pu devenir veuve, à peine mariée, et attendre des enfants déjà orphelins alors que je n'en étais qu'aux prémices de ma grossesse. ❧ Était-cela qui l'avait faite passer à côté du fait qu'elle attendait des jumeaux ? Ou cela tenait-il plus d'un amas de dures expériences et d'épreuves éprouvantes, le trépas de Nymeria au nombre de celles-ci ?

Posant un instant les yeux sur Jeyne, Megara reprit. ❧ Vous étiez menacée, Jeyne, votre enfant à venir aussi, et la vie de son meilleur ami était également dans la balance. Alors il fallait aussi que je compose avec ma farouche volonté de préserver mon frère ... ❧ Tendant une main délicate vers Alys, elle lui effleura l'une des joues. ❧ Vous n'avez point à culpabiliser, à vous sentir idiote, égoïste ou quoi que ce soit d'autre. Vous ne portez point malheur, et vous n'êtes point seule ... Je préfère, et de loin, vous entendre raisonner ainsi plutôt que de vous laisser à penser que vous devez garder tout ceci pour vous. Mariée ou pas, vous avez donné votre cœur à Lord Potter, il est donc normal que vous envisagiez un futur avec lui, tout en tremblant pour la possibilité qu'un tel futur prenne corps et vie. Il vous faut toutefois vous ancrer dans le présent, sans vous noyer dans le flot de possibilités loin d'être bénéfiques pour qui que ce soit. Cela ne vous apporte sans doute aucune solution miracle, mais je vous assure qu'il n'y a rien de plus que vous puissiez faire, si ce n'est vous en ouvrir, comme vous venez de le faire. Tout garder pour soi ne peut que ronger de l'intérieur, avec une corrosivité qui ne mérite pas de pouvoir s'en prendre à vos sentiments et votre cœur. ❧ Marquant un temps d'arrêt, elle reprit. ❧ Ce sont vos neveux, Alys, qui me rappellent à la réalité. Ils ont besoin de moi et sont trop jeunes pour comprendre quoi que ce soit d'autre que l'appel du berceau, des jeux, des câlins et de la nourriture. Alors j'épanche mes peurs dans mon journal intime, et je tente au mieux d'en laisser filtrer le minimum dans mes missives à Gareth. J'imagine les taquineries que mon époux n'hésiterait pas à m'adresser en tel ou tel instant de la journée, je songe à la fierté qu'il ne manquerait pas d'éprouver en voyant ses fils grandir de jour en jour et mon ventre toujours plus s'arrondir. Et puis ... ❧ Un petit sourire amusé prit place sur ses lèvres. ❧ Et puis je viens m'aérer les gambettes avec deux de mes belles-soeurs, après avoir fait une petite razzia en cuisine ... Cela aide, aussi. Beaucoup, même. ❧ Un instant, elle chercha du regard Jeyne, comme pour s'assurer qu'elle n'avait pas fauté. Après tout, cette dernière connaissait mieux Alys qu'elle, et Megara tenait à s'assurer qu'elle n'avait pas commis de faux pas.

Girls just wanna
have cake

La place qu'occupaient les femmes dans ce monde n'avait rien d'aisé, contrairement à ce que pouvait bien penser une certaine foule d'hommes bien mal intentionnés ou trop campés sur leurs préjugés et leurs certitudes pour accepter de faire évoluer leur vision autocentrée. C'étaient les femmes qui donnaient la vie, après un labeur rarement facile, évident et rapide, non sans que cela ne fasse suite à de longs mois durant lesquels inquiétudes et préoccupations ne les quittaient pas, même lorsque tout allait en se déroulant sans encombre. La moindre petite transformation dans leur quotidien devenait en effet source de crainte, parfois de façon irraisonnée, et parfois pas. Et puis il y avait les maux du quotidien, qui vous empêchaient de consommer normalement la nourriture que vous aviez l'habitude de manger, ou qui vous poussaient à ne jamais trop vous tenir éloignée des lieux d'aisance, au cas où. Il y avait ces nuits sans sommeil, ou au sommeil agité, cette position pour dormir qu'il fallait sans cesse adapter aux mouvements de l'enfant en vous. Oui, la grossesse n'était donc pas un passage facile dans la vie d'une femme, et ce même si l'issue, lorsqu'elle était favorable, était une source de bonheur infini. Tout ceci était sans doute la partie la plus compréhensible des labeurs tout féminins. Mais il existait également une multitude d'autres choses, d'autres domaines et d'autres expériences qui illustraient à loisirs ce en quoi l'on pouvait estimer que l'existence quotidienne était loin d'être un fleuve tranquille. Dans l'Ouest comme dans de nombreuses autres contrées, c'étaient bel et bien les hommes qui portaient livrée et armes, qui risquaient leur vie au Front, face à un Ennemi plus ou moins nommé et plus ou moins prévisible. Mais derrière chaque homme, il y avait bien souvent une fois, voire plusieurs. Des femmes qui se rongeaient les sangs et étaient souvent tenues à l'écart des informations fiables et concrètes. Des femmes qui, le plus souvent, ne pouvaient que s'imaginer ce qu'était l'horreur des combats à défaut de pouvoir l'avoir vu de leurs propres yeux. Ce qui était source de terreurs et de déformations de la réalité, jusque dans leurs songes. Reposaient également sur elles les responsabilités du quotidien dès lors que leur époux n'était plus là pour les assurer. Et garde à elles si elles s'avisaient d'être défaillantes en ce domaine, car les profiteurs étaient légions, là où les maris eux-même, de retour du Front, se montraient souvent bien critiques et avides de reproches. C'était là une facette que Megara n'avait jamais réellement connu, protégée et choyée qu'elle était par son rang et les prérogatives qui étaient les siennes. Mais elle avait des oreilles et était dotée d'une empathie l'ayant toujours poussée, dans la mesure du possible et du permis, de se soucier et de s'interroger sur ce qu'était le pain quotidien des femmes du peuple, alors qu'elle en prenait renseignements auprès de celles qui travaillaient au sein de la domesticité et du personnel de maison, ici, à Castral Roc. Et au-delà de cela, elle savait également que son statut de Princesse était un peu une exception à la règle, la plaçant hiérarchiquement au-dessus de tous, y compris de Gareth, à l'exception de son frère, de sa belle-sœur et de sa mère. Là où des épouses aristocratiques, elles, se trouvaient bel et bien dans la position d'exercer une certaine régence sur le domaine et les affaires de leur époux partis combattre, et ne se trouvaient pas exemptées de se voir vertement réprimandées, menacées et critiquées dans leur façon de faire.

Sans doute, alors, les situations étaient variables selon chacune. Et sans doute alors aussi n'y avait-il aucune position plus enviable qu'une autre, entre les hommes et les femmes, chacun devant composer avec ce qu'il avait et ce qui faisait son quotidien. En était pour preuve, par exemple, les préoccupations entremêlées et conjointes que mettaient en paroles les quelques complaintes et prières à la Mère, pour qu'Elle sauve les fils de la guerre, pour qu'ils puissent déposer épées et flèches; et puis pour qu'Elle aident les filles à traverser les luttes quotidiennes, au milieu d'une fureur et d'une colère tout autant à apprivoiser qu'à apaiser. Les choses évoluaient et se transformaient à mesure des années, des expériences et des preuves. Loin de Megara l'idée de vouloir juger Alys, donc, qui débutait dans ce qui étaient les affaires de cœur, visiblement, ou en tout cas dans celles qui se montraient des plus concrètes et qui amenaient alors invariablement leurs lots du quotidien. L'essentiel était, en cet instant, que Jeyne et elle aient tenté quelque peu de la rassurer et de lui prodiguer quelques conseils quant aux préoccupations qu'elle venait de leur présenter. Il n'y avait nul besoin de créer entre elles quelque concurrence que ce soit. Leur quotidien était déjà jonchée de suffisamment de difficultés comme cela sans qu'il n'y ait besoin d'en rajouter. De plus, la concernant, Megara n'avait jamais eu un caractère la menant à se montrer jalouse, envieuse ou emplie de rancœur. Elle n'avait pas été élevée ainsi et avait toujours su où était sa place. Pendant de longues années, oui, elle avait probablement été éduquée pour devenir un jour Reine, au côté du prince héritier ou du Roi qu'on lui aurait fait épouser, mais cela ne s'était pas réalisé sans que cela ne la plonge dans le désespoir le plus total ou ne fasse naître en elle quelque récrimination que ce soit. Jamais, donc, elle n'en viendrait à convoiter la place qu'occupait Jeyne et toutes les prérogatives qui allaient avec. Jamais, non plus, elle n'en viendrait à lui reprocher de ne pas être née ici et donc de garder en son cœur le souvenir des contrées qui étaient initialement les siennes. Après tout, elle aussi aurait pu se retrouver dans une position similaire ... Et puis la jeune femme aimait son frère, sincèrement et profondément, et il ne lui viendrait jamais à l'idée de vouloir lui faire de la peine en se comportant mal avec la jeune femme dont il était amoureuse et qui avait la grande chance d'être son épouse. Alors, non, Megara n'était absolument pas envieuse de sa belle-sœur, bien au contraire. Sa position ne pouvait être qu'infiniment compliquée en ce moment, et sans que cette dernière ne l'explicite mot pour mot, la Princesse de l'Ouest comprenait bien que son cœur ne pouvait être que déchiré par la situation.

Choisir entre un frère et un époux était ... C'était là un choix que Megara ne saurait jamais faire, sans doute parce qu'elle ne s'était jamais trouvée en position d'avoir à le faire, ou pour des choses si légères qu'elles n'en étaient qu'enfantines et sans impact. On ne pouvait en effet comparer le fait de se trouver sœur et épouse de deux hommes en guerre l'un contre l'autre et le fait d'avoir à choisir avec qui danser en premier ... Mais elle n'en dit rien, de ce qu'elle ressentait, Megara, ne voulant pas toutes trois les plonger dans quelque désarroi que ce soit, tout comme elle ne voulait pas attirer le moindre nuage noir au-dessus de leurs têtes. Elle estimait que, de toute façon, les gestes du quotidien valaient souvent plus que milles mots maintes et maintes fois répétés ou appris par cœur et récités. Elle laissait aux courtisans le soin de vouloir bien se faire voir de leur Reine en lui offrant platitudes et banalités. Elle, elle saurait agir en conséquence, avec franchise et honnêteté, pour que Jeyne ne doute jamais de pouvoir compter sur elle comme sur une alliée fiable et de qualité. Fut-ce pour des broutilles, comme le fait de s'occuper de Martyn si elle avait besoin de repos, par exemple, bien qu'elle ne doutait pas qu'Alys aussi saurait se montrer volontaire ! Qui pouvait, après tout, résister à la délicieuse petite bouille du prince héritier ? C'était l'instant présent qui importait, sans calcul politique ni volonté de jouer des coups comme sur un plateau de Cyvosse. Et l'instant présent était délicieux et chaleureux, poussant la jeune femme à offrir un grand sourire à ses belles-sœurs. ❧ Dans ce monde à l'heure actuelle bien belliqueux, il est en effet essentiel de serrer les coudes, d'être là les unes pour les autres. N'en déplaisent à certains hommes, mais un petit escadron de femmes peut tout autant être efficace et redoutable qu'un autre constitué uniquement d'hommes. ❧ Cela était valable à l'échelle personnelle comme officielle, particulièrement dans leur cas, de par leur rang, leurs accointances et leurs proximités familiales et affectives. ❧ Je le jure devant les Sept, seules des circonstance exceptionnelles me tiendront loin de vous. Et même dans une telle configuration, vous pourrez toujours compter sur moi, pour le banal comme pour le plus important. Pour le sérieux comme pour le futile. J'en fais le serment. ❧ Elle plongea tour à tour son regard dans le leur, en hochant la tête positivement et avec fermeté. Avant d'observer le ciel, comme pour y décrocher l'assurance que les Sept se montreraient fermes avec elle si elle devait un jour se parjurer. Et comme pour s'assurer qu'Ils sauraient faire en sorte que cette sorte de pacte soit de ceux qui tiendraient le plus longtemps possible et qui seraient les plus effectifs.

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