Le Val d’Arryn connaissait bien des chamboulements ces dernières semaines, depuis la fin mouvementée du pèlerinage du Roi Ronnel. Il se murmurait qu’il y avait des points de tension entre la Reine-Mère, la renommée Sharra Arryn, et son jeune souverain de fils. On disait aussi que le Val tentait encore de louvoyer entre l’Empire et les Puissances Centrales. Les rumeurs de guerre, d’un côté ou de l’autre, se répandirent plus vite que d’éventuelles décisions prises. Le Roi venait de modifier la composition de son conseil. Il avait aussi fait mander ses nobles aux Eyrié pour leur exposer la situation.

Le jeune Arryn découvrit alors l’équilibre subtil auquel s’adonnait sa mère depuis des années, depuis le début de sa régence. Le pays restait tiraillé entre maisons révérant les Sept et maisons fidèles aux Anciens Dieux. La distinction religieuse s’était faite tension avec l’appel à la croisade du Grand Septon, qui avait provoqué des échauffourées entre voisins. Plus encore, la fondation de l’Empire tout proche et les circonstances qui l’avaient vu naître avait fait mettre au jour de profondes divisions entre les maisons nobles du Val. Le Roi devait donc composer avec des factions définies par leur religion, par leur préférence pour ou contre l’Empire, et parfois un détonnant mélange des deux.

Désirant sauver la paix en ses terres, le jeune homme prit conseil de Lord Royce, un homme avisé… mais trop heureux de voir l’Edit que préparait le Roi. Il était question de protéger chaque religion et de garantir la neutralité du pouvoir royal en matière de Foi.

Lorsque la chose fut rendue publique, elle eut l’effet d’un coup de tonnerre.

Les croyants des Anciens Dieux louèrent le Roi pour sa sagesse et quelque part, sa protection. Les menaces pesant sur eux du fait de la Croisade et de la course à l’évangélisation poursuivie par le Grand Septon mettaient leur pratique en danger et le Roi les mettait d’un coup sur un pied d’égalité avec les fidèles des Sept, ce qui les mettait sous protection des Arryn…

Au grand dam des plus rigoristes des fidèles des Sept. Eux espéraient presque que le Roi se rallie de leur côté et ne fasse la guerre à l’Empire, qui prônait la même tolérance religieuse hérétique. Ou à tout le moins, cette noblesse belliqueuse et revendicatrice attendait du pouvoir royal qu’il ferme les yeux sur les efforts de conversion des païens ralliés aux Anciens Dieux, et qu’il ne s’occupe pas d’affaires liées à la Foi. Après tout les Arryn n’avaient-ils pas embrassé la Seule Vraie Foi ? Celui que ces maisons voyaient comme un allié naturel avait pris le parti de défendre tout le monde. Pis encore, le Grand Septon appelait lui-même à une croisade qui était désormais illégale en terre du Val et de la Montagne. Mais comment pouvaient-ils tolérer que la parole du représentant des Dieux sur Terre soit bafouée par un Roi, qui était sensé régner au nom de ces mêmes divinités ? Pis, cela voulait-il dire que le Val se rapprochait de l’Empire, porteur des mêmes idées ?


L’affaire fit grand bruit. Une grande confusion régnait, entre espoir et déception, entre attentes et demande d’explications. Il était encore trop tôt pour dire si la réforme serait finalement bienvenue, puisqu’elle apaisait une partie de la société, mais elle réveillait aussi les extrémismes et les chantres d’une seule religion en Westeros.