La déroute du Tigre et le départ des Fer-Nés avaient laissé le champ libre au retour de la piraterie dans les eaux des Degrés de Pierre, et le pavillon de noir et d'os flottaient de nouveau sur les îles minérales. Faute d'ordres et de pécule, sentant de nouveau le vent gonfler leurs voiles, les pirates avaient jeté aux flots salés la protection dornienne, qui devait maintenant nourrir les requins. Un jour pirate, toujours pirate, on ne se refaisait pas, une fois qu'on y avait goûté ... Battant le rappel des troupes, les esquifs diligentées pour rassembler les pirates locaux avaient récolté les lauriers de leur démarche, et bientôt, tout un chacun accostait ou mouillait aux Degrés de Pierre, formant une étrange cohésion quelque peu déstructurée mais néanmoins porté par les mêmes avidités : de l'alcool, du sexe et de l'argent. Si importer des barriques pleines et de jolies catins bien girondes ne constituait en rien une dure épreuve, amasser de l'or et des pierres précieuses se révélait bien plus complexe, les îles locales en étant dépourvues.

Peu concernés par les rivalités continentales qui agitaient tout Westeros, les pirates ne se sentaient en rien redevables de la Princesse Deria, qui, après tout, les avait poussés à recouvrer leur liberté, les laissant sans directives. Ou en tout cas était-ce ainsi que les pirates envisageaient-ils la chose, une vision qui les arrangeait bien, légitimant la reconversion du pavillon dornien en serpillère tout juste bonne à nettoyer les pontons. Quant aux autres puissances du continent, dont certaines avaient pourtant contribué à la mise en déroute du Tigre, et bien ... Et bien ils ne leur devaient rien non plus. Et c'était tant mieux. Car les ventres criaient famine, l'aridité venteuse des amas de pierres et de cailloux des Degrés empêchant l'existence d'une réelle agriculture ou d'un réel élevage, mis à part les quelques ovins se battant en duel et jouant aux équilibristes. Les caisses, elles, étaient vides, et les pirates ambitionnaient de retaper leur flotte afin de mieux se projeter dans l'avenir. Dans les deux cas, argent et victuailles manquaient à l'appel, localement.

La décision fut donc plutôt rapide, sans réellement soulever le moindre grand débat : il fallait se lancer dans des raids en direction des côtes continentales. Dorne ? L'Orage ? Le Bief ? Les pirates n'allaient pas faire la fine bouche, pour peu que leurs esquifs n'aient pas à trop s'éloigner des Degrés, afin de ne pas s'aventurer dans des flots trop tumultueux risquant d'endommager les coques et de tuer dans l’œuf cette tentative de s'offrir une nouvelle jeunesse. Le tout était d'être suffisamment rapides, vifs et imprévisibles, afin d'instiguer la peur chez les populations du littoral continental, et d'empêcher leurs seigneurs et souverains de pouvoir réagir à temps. A la lueur de l'aube, aux ultimes rayons journaliers du soleil ou en pleine journée, voilà donc la piraterie des Degrés de Pierre lancée en direction des côtes du Sud-Est de Westeros, dans des opérations de raid et de harcèlement, pour accoster, piller et s'enfuir en moins de temps qu'il ne fallait pour sonner l'alerte et allumer les feux de surveillance dans ces quelques petits villages littoraux. Piller, raider, ravager, pour mieux reconstruire, rebâtir et s'attaquer à de plus grosses cibles. Un jour pirate, toujours pirate.