À nouveau malade ?

Eléanor avait dû gérer pas mal de coups durs ces derniers temps, aussi, quand elle avait appris que Lady Khaley Ardoise était malade, elle s’était d’abord contenté de demander de ses nouvelles au Mestre. Ce dernier ignorait tout de l’état de la jouvencelle et s’en étonna car il était généralement au courant le premier de ce genre de choses, quand à la Reine, elle n’y prêta pas plus attention que ça, mais demanda à Ingheam si elle était au courant de quelque chose. La Sorcière des Bois lui dit que c’était elle qui s’occupait d’elle et qu’elle n’avait pas à s’inquiéter pour la jeune aveugle sans pour autant dévoiler son secret, bien sûr. Elle en conclut qu’il s’agissait peut-être d’un problème spécifiquement féminin que la guérisseuses savait soulager grâce à ses plantes et dont Khaley préférait parler avec une femme qu’avec un homme. Elle pouvait comprendre et ne s’en inquiéta donc pas.

Cependant, quand la Harclay quitta Winterfell afin de suivre le cortège funèbre de Maedalyn, la jeune Reine du Nord s’inquiéta pour la Ardoise. De plus, même si le chagrin était toujours immense pour la perte, coup sur coup, de sa mère et de son amie, Lady Glover, elle même allait mieux, physiquement au moins et le Mestre lui avait dit qu’elle pouvait reprendre sa vie normalement. Elle comptait bien profiter de son rétablissement total pour prendre soin en premier lieu de sa fille et de sa famille bien sûr, mais aussi de la Maisonnée comme l’aurait fait sa mère. Sigyn venait de téter et ses plages de sommeil s’allongeant peu à peu, elle se dit qu’elle pouvait rendre visite à Khayley tandis qu’elle dormait. Elle demanda à la nourrice de veiller sur la toute petite fille et de la faire appeler dès qu’elle se réveillerait. Avec l’aide de sa cousine, elle enfila une robe de taffetas rouge ornée de perles et un manteau de velours bordeaux gaufré avec des entrelacs floraux t ourlé de fourrure blanche. Elle vérifia dans le miroir que son chignon de tresses était toujours présentable et sortit pour rejoindre l'hostellerie où étaient logés les invités.

Maintenant que la plupart des Seigneurs et des soldats étaient rentrés chez eux ou repartis pour la guerre et que ceux qui restaient avaient suivi le cortège funèbre, le bâtiment semblait bien vide. La rouquine frappa doucement à la porte dans le silence assourdissant qui régnait en ces lieux. Jenny vint et lui demanda d’attendre avec tous les égards dus à une Reine, ce que la Stark fit bien volontiers. Elle s’en voulut même de ne pas avoir pensé à prévenir avant de venir demander des nouvelles directement à l'intéressée qui n’était peut-être pas en état de la recevoir. Jenny la fit enfin entrer et elle croisa les mains devant elle avec un sourire tandis que Khayley lui faisait une révérence. Mais voyant que celle-ci semblait très faible, elle la rattrapa doucement par le bras de peur qu’elle tombe et la guida pour qu’elle puisse s’asseoir sur la chaise près de la fenêtre. Elle prit place en face d’elle sur une autre chaise disposée là par Jenny très certainement.

__ Je vais très bien Lady Ardoise, mais je suis confuse, j’ignorais que vous étiez si malade. Ingheam m’a dit de ne pas m’inquiéter et j’ai pensé que ce n’était qu’un malaise passager, mais vous êtes si pâle. Sans vouloir vous offenser, vous faites peur à voir. Ce n’est pas moi qui devrais être là, mais Mestre Roshar.

La native de Vivesaigues se tourna vers la servante et dit.

__ Jenny, allez le chercher je vous prie. Je reste là avec Lady Ardoise jusqu’à ce que vous reveniez.

À nouveau malade ?

Evidemment le réflexe de la Reine pour rattrapper la jeune aveugle, malgré toute la douceur qu’elle mit dans son geste afin de ne pas lui faire peur ni mal, fut une surprise pour cette dernière qui ne put rien voir venir. Heureusement, elle put s'asseoir sans problème et tout rentra dans l’ordre rapidement. En revanche, Jenny semblait très réticente à l’idée d’appeler le Mestre, chose que la riveraine eut du mal à comprendre. Quand on était malade on allait voir le Mestre. Evicement Ingheam avait sa façon bien à elle de prendre soin de ses patientes, elle était plus douce, plus attentive à certains détails et elle ne divulguerai pour rien au monde les secrets de Khayley ou les états d’âme d’Eléanor. Mais elle n’était plus là, donc Mestre Roshar restait la seul option possible. Les potion d’Ingheam ne semblaient d’ailleurs pas avoir eut l’effet escompté vu la mine de détaré que la jouvencelle affichait. Ce mystère autour de sa maladie commençait à poser question à la Stark et si elle ne voulait pas se mêler de ce qui ne la regardait pas, elle ne savait pas trop si l’état d’une fille noble hébergée dans sa Maisonnée ne la concernait pas un peu. Elle se mit à imaginer le pire, que la Ardoise meure par exemple, ou tombe dans un profond coma, que diraient ses parents, ils pourraient fort bien en vouloir à la Maison Stark, à elle ou pire, à leur Roi. La née Tully devait veiller sur sa maisonnée, la bonne tenue de Winterfell, l'accueil des hôtes et aussi, le cas échéant, leur santé, en faisant appel au Mestre si nécessaire. Bref, avec les hésitations de Jenny et l’absence d'explications clair de la part à la fois d’Ingheam et maintenant de Khayley elle commençait à se demander ce qui se tramait dans le coin. Cependant, la servante finit tout de même par s'exécuter et quitta la pièce.

__ Je suis heureuse d’apprendre que vous allez mieux aujourd’hui, mais rien ne…

Eléanor se stoppa net. Elle avait pensé à Maedalyn qui était en forme jusqu’au jour de la fausse couche qui lui avait coûté la vie et au fait que la plupart des gens ici ignoraient son état et avaient appris qu’elle était à nouveau enceinte en même temps que sa mort. Alors la Glover était enceinte, oui, et de son époux, cela ne faisait pas le moindre doute. Mais soudain, malgré le fait que la Ardoise ne soit pas mariée et n’ait pas à la connaissance de la Reine le moindre amoureux, elle fut saisie par la logique d’une grossesse. Le secret, Ingheam et ses potions, pas de Mestre qui sans nul doute informerait Jon du problème dans l’heure. Le fait que Jenny ne veuille pas y mêler trop de gens et enfin que Khayley lui demande de n’en rien dire à Lyanna. Elle se sentit soudain très mal à l'aise, mais si tel était véritablement le cas elle ne pouvait pas continuer à l’ignorer plus longtemps, ce serait une catastrophe, rien de moins. La question sortit toute seule, elle ne put que la poser sans fard.

__ Vous êtes enceinte ?!

L’infini ressort dramatique d’un telle situation lui fit froid dans le dos. D’abord, qui était le père de cet enfant illégitime. Khayley avait-elle été violée. Voulait-elle le garder ou avait-elle fait appel à Ingheam pour s’en débarrasser ce qui était, la née Tully le savait, très dangereux et expliquerait aussi son état, tout autant qu’une grossesse qui l’affaiblirait. Les question tournoyaient dans sa tête à une vitesse folle. Il faudrait marier la jouvencelle en urgence, et donc nécessairement prévenir ses parents de la situation afin qu’ils prennent les disposition. Ou la renvoyer chez elle en hâte afin qu’ils puisse cacher sa grossesse. Mais il faudrait aussi retrouver le père, soit pour qu’il assume son rôle, soit pour qu’il réponde de son crime. Elle en avait la nausée à force de réfléchir au conséquences d’une telle tragédie pour la Maison Ardoise, pour la Maison Stark, pour toutes les personnes impliquées de près ou de loin, Ingheam compris si elle avait tenté d’avorter la jouvencelle et que celle-ci y laissait la vie. Elle reprit soudain son souffle, ayant oublié de respirer tout ce temps....

Le sujet de parler ou non de l’état de Khayley à Lyanna passa complètement à la trappe, en revanche, la Reine se dit que la Stark savait peut-être quelque chose...

À nouveau malade ?

Eléanor fut soulagée d’entendre que Khayley n’était pas enceinte et si elle aurait pu avoir encore des doutes, car avouer une chose pareil n'était pas simple, sa réponse, la façon qu’elle eut de la formuler la convainquit. Cela n’expliquait toujours pas ce qui lui arrivait, ni la raison de sa maladie, ni les mystère que Jenny et Ingheam faisait autour de ça, mais le Mestre serait bientôt là pour s’occuper de la santé de la jouvencelle. En revanche, la Stark ne comptait bien évidemment pas rester. Cela ne la concernait que s’il y avait un danger, sanitaire ou moral, pour la jeune aveugle ou pour la Maisonnée, mais elle laisserait l’homme de science travailler en paix et n’était certainement pas assez intime avec la Ardoise pour rester avec elle pendant qu’il l’auscultait.

__ Très bien. Vous me rassurez grandement effectivement.

La née Tully n’avait pas noté que la jeune femme soit spécialement courtisée ou qu’elle même tourne autour des hommes. Mais elle avait été longuement alitée, enfermée dans ses appartements ou presque et bien occupée à se disputer avec son époux puis à s’occuper de sa fille pour y prêter attention. Elle était à présent assurée qu’elle ne était pas trompée sur la Ardoise et elle pouvait avoir confiance en Jenny pour ne rien laisser advenir de la sorte. Cependant, Khayley semblait gênée, mais peut-être tout simplement par la question de la Reine qui avait été plutôt abrupte et soudaine. Elle grimaça, regrettant d’avoir mis l’aveugle mal à l’aise, mais elle devait néanmoins se féliciter d’avoir posé la question et d’avoir eut une réponse ferme et nette, elle n’aurait pas pu continuer à ignorer la situation avec ce doute qui s’insinuait dans son esprit.

__ Sigyn va très bien Lady Ardoise, je vous remercie.

La rouquine ne s’étala pas sur le sujet, cependant, un sourire avait soudain éclairé son visage et le ton de sa voix c’était fait plus joyeux et doux que jamais. L’amour infini qu’elle ressentait pour ce petit être sorti de ses entrailles était si fort que, quoi qu’elle fasse, elle ne pouvait le cacher à personne, pas même à une non voyante. Dans son couple marqué par la froideur, dans ce Royaume aux hivers d’une rudesse inégalée et dans toute la grisaille de son existence, sa fille était son rayon de soleil et elle brillait si fort qu’elle faisait même fondre la glace du cœur de Jon. Elle ne lui en voulait pas d’être comme il était, mais elle en souffrait néanmoins.

__ Oh non je vous remercie. Je reste avec vous jusqu’à ce que Mestre Roshar arrive afin de m’assurer que tout ira bien jusque là, mais je ne vais pas m'éterniser, la Princesse aura tôt fait de me rappeler à mon devoir de mère.

Fit la Reine en souriant. Effectivement, Jenny semblait prendre tout son temps, en même temps, il fallait traverser la moitié de la forteresse pour aller de l’hostellerie jusqu’à la Tour du Mestre où il passait le plus clair de son temps. Mais s’il n’y était pas, elle devrait l’attendre, donc cela pouvait prendre un certaine temps avant qu’ils reviennent tous les deux. La Stark ne s’en inquiéta donc pas et tiendrait compagnie à la jouvencelle aussi longtemps qu’il le faudrait.

__ Et vous ? Un peu de tisane peut-être ?

Il y avait sur le table une théière qu’elle avait remarqué. Elle se leva et pu constater qu’elle était encore chaude. Elle n’eut pas le cœur d'appeler un serviteur et versa elle même un peu de tisane dans une tasse avant de la donner à Khayley en prenant garde à ce qu’elle tienne bien le contenant avant de le lâcher. En se rasseyant, elle remarqua que de la fenêtre, on voyait le Bois Sacré et même l’imposant barral qui étirait ses branches d'albâtre au dessus de l’étang. La fenêtre ouverte, on sentait l‘humus du Bois. Le Bois Sacré de Winterfell semblait si solennel en comparaison de celui de Vivesaigues, hivernal à n’en point douter ils sentait le Nord quand celui de sa demeure natal était printanier, humant la menthe et les fleurs. Elle y avait prêté serments devant les Dieux et les Hommes lors de son mariage avec Jon et cela lui sembla soudain si lointain. Mais l’un comme l’autre avaient un effet apaisant sur elle, même si, dans celui de son enfance, elle avait fait les quatre cent coups et joué à cache cache, alors que dans celui-ci, elle ne le pourrait point, elle était femme faite et Reine. Peut-être que Sigyn sa fille, elle, le pourrait, se prit-elle à rêver avec un sourire.

À nouveau malade ?

La Reine hocha la tête avec ce même sourire qui l’animait quand elle parlait de sa fille. Cela faisait encore bien peu de temps qu’elle avait quitté sa chambre, mais elle avait envie, déjà, de revoir le visage serein de sa petite et la serrer dans ses bras. Cependant, elle avait promis de rester et tiendrait parole, les nourrices en qui elle avait toute confiance étaient auprès de la Princesse.

__ Oui...

La gorge de la riveraine se serra brutalement. Elle n’était pas certaine d’être une si bonne mère pour Sigyn, mais elle l’aimait de tout son cœur, ça, c’était certain. Cependant, ce n’était pas cela qui la chagrinait mais le fait que Torrhen lui, ait perdu sa mère, et que Brandon et Charrissa aussi. les deux Tully était grands, Alysanne leur manquerait terriblement, comme elle manquai à Lyham et à Eléanor, surtout tandis qu’elle devenait mère et avait tant besoin des conseils de la sienne. Mais heureusement pour elle et pour son frère et sa sœur, ils avaient leur père et leur tante ainsi que la grand-mère qui avait accompagnée sa petite fille à Winterfell. C’était précieux. En revanche, Torrhen, même s’il était bien entouré par les nourrices et par toutes les personnes ici présentes en réalité, il n’avait plus sa mère et son père était bien loin. Il n’aurait pas la chance de la connaitre, Lady Maedalyn, si douce, si bonne. Il était entouré d’amour, mais il lui manquerait cet amour là, l’amour maternel, si fort qu’il n’y avait pas de mots pour le décrire, si inconditionnel et durable, qu’il était un pilier pour un enfant, toute sa vie durant et même après la perte d’une mère telle qu’Alysane Tully. Ce petit être si fragile était déjà privé de quelque chose d'irremplaçable. Elle regarda les frondaisons de l’Arbre Coeur et écrasa une larme sur sa joue en espérant que les Anciens Dieux et les Sept épargnent son père, Lord Bowen Glover. La question de Khayley la sortit de sa méditation silencieuse et elle eut une réponse un peu réflexe :

__ Non bien sûr, pas si terrible.

La rouquine ne devait pas avoir été très convaincante, car pas convaincue elle même par ce qu’elle disait. La jeune ardoise était vraiment pâle et ses traits étaient tirés par le manque de sommeil et les difficultés à se nourrir. En vérité, elle ne semblait pas tant malade à bien y regarder, qu’effrayée. Eléanor aussi avait peur, mais pas au point de n’en plus dormir ni manger. Elle avait peur pour l’armée du Nord, pour son époux, pour sa fille, de retomber enceinte, de ne pas retomber enceinte, de ne pas donner de fils à la Maison Stark, d’y laisser la vie, que ses rapports avec Jon ne s’améliorent pas, de faire une énième bourde et de passer pour la gourde de service auprès de tout le Royaume, de faire honte à son père de faire honte à son Seigneur et Maître de Roi du Nord, de mettre à mal cette alliance si importante, de perdre son père, de ne plus jamais revoir son frère et sa soeur. Oui en ces temps troublés il y avait bien des raisons d’avoir peur, mais ce n’était pas une raison pour se laisser mourir ! Bien au contraire finalement, il fallait vivre à tout prix, afin de ne pas laisser la guerre emporter avec elle toute forme d’humanité et d’amour. Afin de ne pas laisser la mort de Lady Glover et de la Reine du Conflans assombrir un avenir qui restait à écrire.

__ Ne vous inquiétez pas, les nourrices sont au petit soin avec la Princesse, je peux rester avec vous un petit moment. De toute façon, je me refuse à vous laisser seule.

Fit-elle finalement en posa sa main sur celle de la jouvencelle avant de lui servir une tisane. Lady Ardoise demanda si elle pouvait faire quelque chose pour la soulager. Elle se demanda de quoi elle avait besoin d’être soulagée avant de repenser à tout ce qui la terrifiait dans cette nouvelle vie. Mais Khayley ne parlait probablement pas de ça, il lui aurait fallut quelques pouvoirs magiques et beaucoup d’herbes, comme Ingheam pour faire disparaître ses peurs. La Sorcière des Bois allait lui manquer d’ailleurs, elle pouvait tout lui confier, elle n’avait jamais trahi un secret et elle semblait comprendre tous les maux de l’âme, aussi étranges soient parfois ses réponses. Mais la Stark comprenait qu’elle ait dû retourner chez elle, il allait simplement falloir qu’elle continue à avancer seule, malgré le froid, malgré les ombres, malgré le chagrin.

__ Y’a-t-il des chansons sur les anciens Dieux, ou si le Nord, comme il vous plaira.

Répondit la née Tully, le regard perdu sur le Bois Sacré. Il fallait qu’elle comprenne cette culture si différente de la sienne, qu’elle s’en imprègne. Cependant, elle avait été élevée dans une culture majoritairement Andale, avec la chevalerie, la religion des Sept, la chaleur des étés. Tout semblait si différent ici. Elle n’était plus une Riveraine, elle n'était plus une Tully, même si elle restait attachée aux valeurs qui étaient les siennes et que son enfance dans le Conflans resteraient à jamais une partie d’elle même. Elle était désormais Reine du Nord et quelque chose l’appelait vers l’hiver sans qu’elle comprenne pourquoi. Elle avait longtemps cru que la Harclay pourrait lui apporter cette connaissance avant de se rendre compte que la blondinette portait avec elle des traditions qui étaient encore plus vieilles que celles usités dans le nord, si ancestrales et obsolètes, si mystiques aussi, qu’il y avait un décalage terrible entre sa vision des choses et celle de la plupart des nordiens, Jon compris. Certes elle portait en elle le même sang, celui des premiers hommes, comme la majorité des nordiens.

À nouveau malade ?

Vue sa réponse, Khayley devait avoir noté qu’Eléanor était hésitante. Alors la Reine prit le temps d’observer son interlocutrice pour savoir si elle faisait réellement peur à voir. Elle eut un rictus qui tendait vers l’affirmative et malgré la demande de Lady Ardoise, elle ne pouvait pas lui dire les choses telles qu’elle les pensait. Elle faisait peur à voir, oui, son visage était marqué, on ne saurait dire par quoi, mais il y avait à l'évidence un problème. Sa pâleur n’était pas uniquement due au fait qu’elle sortait peu ni au rude climat du nord, ses cernes creusées autour des yeux dans un ton bleu gris n’étaient pas uniquement dues à une seule mauvaise nuit, mais certainement à un manque de sommeil bien plus grave. Même la Reine après un accouchement qui avait failli lui coûter la vie et les nuits agitées de la petite Sigyn n’était pas si marquée. En tout cas, elle avait eut l’occasion de voir sa tête et même si son état aussi pouvait se constater sans peine sur ses traits, cela n’était pas aussi évident et surtout, cela n’avait pas duré. Elle avait rapidement repris des couleurs et grâce aux nourrices, put se reposer et retrouver un visage avenant de jeune mère.

__ Hé bien, Lady Ardoise, ce n’est pas vous qui faites peur, mais votre état de santé.

Finit-elle par avouer, contrite par cette vérité. Elle espérait ne pas blesser Khayley, mais elle ne pouvait se voir elle même, alors peut-être était-ce un mal pour un bien qu’elle sache que la mystérieuse maladie dont elle souffrait était visible. Il fallait en tout cas espérer qu’elle en prenne ainsi conscience et se laisse dorloter le temps de récupérer, qu’elle écoute les conseils du Mestre et surtout, qu’elle se remette rapidement. Eléanor n’avait pas envie d’envoyer une missive à ses parents pour leur annoncer la mort de leur fille.

La jouvencelle se mit à chanter d’une voix assez grave et la Reine du Nord écouta le conte mis en musique avec attention. C’était très beau, tant l'histoire que la mélodie et la voix de la jeune Ardoise. Quand elle eut terminé, la née Tully demanda en souriant :

__ Me l’apprendrez vous pour que je puisse la chanter à Sigyn ?

Lady Khayley attrapa un châle pour se couvrir les épaules et Eléanor se redressa pour l’aider, mais en vérité, elle n’eut pas besoin d’aide, aussi, elle se rassit. La jeune fille l’avait probablement entendue bouger, mais elle s’était ravisé. Il était bon d’aider ceux qui en ont besoin, mais il fallait peut-être laisser ceux qu’on voulait aider, imaginant qu’ils n'étaient capable de rien, se débrouiller quand c'était possible et à bien des égards, la Ardoise pouvait faire certaines choses par elle même. En revanche, elle se releva rapidement afin de fermer la fenêtre. C’est alors que l’aveugle proposa de chanter une autre chanson et la Stark fit un oui enthousiaste de la tête avant de dire :

__ Avec plaisir.

Si le temps paressait long à Lady Ardoise, cela ne faisait pas si longtemps en vérité, mais néanmoins largement suffisamment pour faire l'aller retour jusqu'à la tour du Mestre. La Reine se mit à son tour à se demander ce que pouvait bien fabriquer Jenny.

À nouveau malade ?

La nordienne était très jolie avant que la maladie creuse ses traits et blanchisse sa peau. Évidemment elle n’avait pas l’air de passer son temps dehors à chevaucher et à se battre comme Lyanna, mais cela ne l'empêcherait pas de trouver un époux et peut-être qu’Eléanor pourrait aider si elle le souhaitait. Mais avant il fallait absolument qu'elle se remette de ce mauvais rhume ou quoi que se soit.

__ Merci Lady Khayley.

Sourit Eléanor à la promesse de la jouvencelle de lui apprendre cette belle chanson et d’autres, dont probablement la berceuse qu’elle chanta à la suite et qui était très jolie aussi, toute douce. La Reine essaya d’en saisir la mélodie afin de pouvoir la fredonner à Sigyn dès son retour dans sa chambre qui ne tarderait probablement plus... Effectivement quand la jeune Ardoise eut terminé, des pas se firent entendre et Jenny entra suivie de près par le vieux Mestre dans sa robe de bure avec sa chaîne qui semblait peser une tonne.

__ Merci Jenny, ce n’est rien.

Fit la née Tully en se levant avant de s’adresser à l’homme de science qu’elle avait beaucoup côtoyé elle aussi à son plus grand désespoir, mais qui lui avait aussi sauvé le vie et à qui elle ne pouvait qu’être reconnaissante.

__ Bonjour Mestre.
__ Bonjour votre Majesté, comment vous portez vous aujourd’hui ?
__ Je vais très bien, je vous remercie.
__ Très bien. Jenny m’a dit que vous vouliez que j’examine Lady Ardoise.
__ Oui, on m’a dit qu’elle était malade et je la trouve très pâle. Faites le nécessaire pour qu’elle recouvre la santé je vous prie.

Elle se tourna vers l'intéressée et se penchant vers elle pour poser délicatement une main sur la sienne, elle ajouta :

__ Ma Dame, je vous laisse entre de bonnes mains. Cela m’a fait très plaisir aussi, votre voix est des plus ravissantes et vous le serez aussi très bientôt dès que le Mestre vous aura remise sur pieds. Je reviendrais vous rendre visite dans la semaine si le Mestre m‘y autorise.

La Stark quitta les lieux laissant place au Mestre pour qu’il ausculte la jeune fille, ce qu’il fit. Il constata qu’elle avait de la température, qu’elle semblait très fatiguée et qu’elle était effectivement trop pâle, mais il eut beau chercher, il ne trouva pas la raison de sa maladie. Il inspecta aussi les plantes séchées dans le bocal près de la théière et n’eut qu’à les sentir pour savoir qu’il s’agissait d'herbes médicinales. Il connaissait bien Ingheam ayant déjà travaillé avec elle, entre autre pour la Dame de Winterfell et hocha la tête. Le choix de la tisane lui paraissait judicieux, mais le fait que l’état de la patient ne s’améliore pas malgré ce traitement lui semble encore plus étrange. Il finit donc par interroger Jenny sur ce qui pouvait bien avoir causé cette fatigue excessive et la dénutrition apparente de la jeune fille.

À nouveau malade ?

Les traces de doigts étaient visibles sur le bras de Lady Ardoise. Quelqu'un l’avait sans aucun doute possible agrippée à cet endroit. Mais qui, pourquoi, et comment se faisait-il que personne ne soit au courant d’une telle agression ? Si des altercations pouvaient éclater entre Jon et Lyanna par exemple, du fait de leurs forts caractères, il était hautement improbable qu’une telle chose puisse se passer envers Khayley. Et pourtant, pour que la jeune femme n’ose pas en parler à personne, c’était certainement un noble. Jenny avait beau soutenir que personne ne lui avait fait de mal, le Mestre ne la croyait pas, impossible que cette trace soit dû à un sommeil agité. En revanche, il voulait bien croire en la naïveté de la servante et en son innocence, mais pas si facilement. Hélas, quand il voulut interroger Khayley, elle sembla s’être endormie et étant donné son état de fatigue apparente, il n’eut pas le cœur de la réveiller.

Mestre Roshar n’aimait pas rester ainsi dans l’ignorance, ne pas comprendre ce qu’il se passait et ne pas pouvoir soigner quelqu’un. Quoi qu’il en soit, même une agression n’avait aucune raison d'empêcher quelqu’un de manger et d dormir, à moins qu’elle soit particulièrement violente. Comment se pouvait-il qu’il ne soit au courant de rien. Il avait bien sûr, tout comme la Reine, pensé qu’elle pouvait être enceinte, mais en palpant le ventre, rien. Il faudrait éventuellement faire des analyses plus poussées, mais pas tout de suite. Cependant, il devait tirer cette histoire au clair au plus vite. Il dit en ronchonnant.


__ Continuez à lui donner des tisanes autant que possible et si elle peut les avaler, du bouillon de poule et des soupes. Et vous me donnerez son urine dans ce récipient au plus vite.

Il n’avait aucune raison de faire part de tout ça à la Reine avant d’avoir de véritables réponses, en revanche, il se demanda en sortant de la chambre, toujours bougon, s’il devait en parler au Roi dès son retour qui ne tarderait pas. Le mystère était tel qu’il lui était difficile de ne pas l’en aviser et en même temps, il n’avait que des questions et aucun élément concret ou si peu. Jon était terre à terre, ce mal mystérieux qui rongeait la jouvencelle et qui lui faisait des traces sur les bras en forme de main risquait fort de l’agacer plus qu’autre chose et il avait suffisamment à s’occuper pour ne pas l’embêter avec ça avant d’avoir pu enquêter. Comme Ingheam semblait en savoir un peu plus long que lui, il lui enverrait une missive afin d'apprendre ce que la Sorcière savait. Il ignorait qu’elle ne savait ni lire ni écrire, tant cela lui semblait impossible pour une noble demoiselle, aussi étrange et humble soit-elle mais qu’importe, car sa mère au moins savait lire et peut-être quelques autres dans le village. Mais la Harclay révélerait-elle les secrets d’une patiente aussi facilement ?