Une Mademoiselle, un Monsieur, un Monsieur en devenir [Tour VI - Terminé]
Sujet: Une Mademoiselle, un Monsieur, un Monsieur en devenir [Tour VI - Terminé] Jeu 12 Mar - 1:21
L’hiver n’allait pas tarder à être une vieille saison, qui ne reviendra de plus belle que bien plus tard. D’ici là, hommes et femmes du Nord allaient profiter d’un temps plus doux et clément pour, ironiquement, préparer le nouvel hiver à venir. Pourtant, au milieu de ces préparatifs, les jeux et quelques plaisirs n’étaient pas exclus et les petits lutins ne tardaient pas à hanter les forêts ou champs ou tout autre parcelle de terre que l’épaisse et glacée neige n’obstruait plus et que le Soleil éclairait faiblement ou vivement selon ses caprices et ses humeurs. Lyanna Stark faisait partie de cette clique, quand elle pouvait s'évader sans subir les foudres de quiconque.
Pourtant, le Soleil n’était pas le seul seigneur du ciel. Un autre astre le chassait tous les soirs, éclairant avec un peu plus de constance la terre, aidée de ses mille petites lumières. Si le Soleil guidait les pas de bien du monde, la Lune semblait toucher davantage le cœur de ceux qui ne dormaient pas ou ceux qui rêvaient les yeux ouverts. Lyanna était l’une de ces nombreuses âmes nocturnes qui vagabondaient, jusqu’à ce que le sommeil veuille bien les visiter.
L’une de ses activités favorites, lorsqu’elle ne trouvait pas le sommeil ou qu’elle avait été réveillée par un bruit quelconque – la nature l’avait octroyé d’un sommeil très léger –, était de se promener dans la vieille et solide forteresse pour ensuite rêvasser devant un bon feu, ou encore marcher sur les remparts jusqu’à la fatigue et l’air frais viennent engourdir son corps. Ce soir, elle avait opté pour le grand air, désireuse d’inspirer pleinement dans ses poumons cet air promettant un beau Printemps, et surtout profiter du beau paysage offert par une Pleine Lune ravissante.
« Printemps ». Une saison qu’elle attendait avec impatience comme avec méfiance. Certes, elle promettait le renouveau, mais celui-ci pouvait aussi bien concerner les rires et la saison des amours que le sang et la saison des guerres. Ainsi c’était sans surprise qu’elle avait eu vent qu’un certain nombre d’hommes allaient quitter le Nord pour aller à tout endroit où leurs aides étaient la bienvenue. Ils allaient partir pour défendre des terres et des idées, pendant qu’elle resterait là.
« Mais il y a toujours un Stark. Et surtout, c’est Jon qui reste ». La présence de ce cousin qu’elle admirait et aimait autant était un baume au cœur considérable, même si elle était toujours un tantinet froissé par sa décision de vouloir la marier. Elle savait qu’il agissait en Roi, et qu’elle devait lui obéir et pourtant, elle se sentait toujours aussi impuissante et frustrée.
Emmitouflée dans son manteau, ses pas finissent par croiser ceux d’un autre, chargé d’un bébé de surcroît. Elle ne tarde pas à reconnaître la figure de cet étranger, malgré la pénombre. Même s’il ne porte pas le nom Stark, il avait été suffisamment présent pour que la jeune louve le considère comme un membre à part entière de la Maison. Ses hauts faits n’avaient que renforcé davantage la place qu’il occupait. Cet homme n’était personne d’autre que Bowen.
Un sourire vint illuminer le visage pensif de Lyanna.
- Une balade nocturne entre père et fils … Est-ce que vous accepteriez qu’une Dame se joigne à votre charmante compagnie ? glissa-t-elle avec malice. La question était évidemment rhétorique car elle savait parfaitement qu’il ne dirait jamais non. Il était bien trop poli et courtois pour ça. Et puis ils tombaient à pic. « Vous » était à l’intention des deux, optant bien souvent pour le tutoiement quand elle ne parlait qu’à Bowen.
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Sujet: Re: Une Mademoiselle, un Monsieur, un Monsieur en devenir [Tour VI - Terminé] Jeu 9 Avr - 18:50
Torrhen était un bébé adorable. Son passe-temps préféré consistait à faire des risettes à tous ceux qu’ils voyaient, et parfois à les accueillir en essayant de mouvoir ses petits bras potelés lorsqu’il n’était pas emmailloté mais simplement emmitouflé dans des langes et des peaux. Ses yeux vifs n’aimaient rien que de suivre les mouvements autour de lui, et des gazouillis s’échappaient inévitablement de sa gorge quand son père arrivait et se mettait à manipuler devant lui les petites figurines qu’il avait taillées pour lui durant toute la campagne du Conflans. Bien sûr, il y avait la petite amulette en forme de poing qu’il glissait en permanence auprès du nourrisson depuis son arrivée, qu’il avait béni suivant les rituels ancestraux de sa famille devant l’Arbre-Cœur, censée apporter la protection de tous les esprits des Glover sur le petit. Mais aussi une galerie de personnages taillés durant de très longues heures, avec une minutie extrême, et qu’il espérait peindre avec son fils, peut-être quand il serait plus âgé pour l’amuser – mais aussi lui apprendre de premiers rudiments guerriers, car l’éducation d’un enfant commençait toujours très tôt, plus encore quand il s’agissait d’un héritier. Pour le moment, néanmoins, il n’était point question de tels calculs : Bowen espérait simplement amuser son garçon, et passer du temps avec lui lorsqu’il lui en était donné l’occasion, ce qui diminuait aussi considérablement à mesure que les nouvelles du sud arrivaient à Winterfell. Bientôt, il le savait, il faudrait partir, et cela n’allait pas sans de nombreux préparatifs, aussi bien au niveau du royaume qu’à l’échelle de ses propres troupes, qu’elles soient de sa maison ou bien celles qu’il commanderait directement. Bref, ces moments précieux se faisaient déjà trop rares à son goût. Pour couronner le tout, depuis la veille, Torrhen n’arrêtait pas de pleurer. Il savait que le mestre avait été consulté, et que ce dernier avait été rassurant, plaidant l’apparition d’une première dent, peut-être, ou bien tout simplement de la capacité du petit à sentir l’agitation des adultes autour de lui. La première hypothèse se vérifierait avec un peu de temps, et en attendant, après avoir consciencieusement épuisé sa malheureuse nourrice puis sa propre mère, le démoniaque marmot avait décidé de se remettre à pleurer alors que les deux femmes étaient certaines de l’avoir calmé et de pouvoir, enfin, aller se coucher. Revenant des appartements royaux après un énième conciliabule portant sur divers sujets cruciaux – estimations des réserves de grains pour les semailles à venir, artisans disponibles pour plusieurs travaux d’infrastructures, état des fournitures du Train royal … - il avait donc trouvé une partie de sa maisonnée épuisée, et avait décidé de prendre sa part du fardeau familial, renvoyant la nourrice à sa couche et son épouse à la leur, lui promettant de revenir dès que Torrhen serait calmé, comme ils avaient remarqué que les longues promenades étaient bénéfiques à l’humeur du petit, d’habitude. Une preuve de plus qu’ils avaient à faire à un vrai petit nordien, il se languissait déjà du froid du dehors !
Après avoir emmitouflé convenablement le nourrisson, Bowen sortit donc de ses appartements, berçant Torrhen et lui parlant de tout et de rien, comme si ce dernier pouvait comprendre quoi que ce soit. Au moins, les préparatifs avaient accaparé son attention et il avait arrêté de gémir, promenant désormais ses yeux écarquillés sur les murs de la forteresse. Heureusement, à cette heure, il n’y avait plus âme qui vive, hormis les gardes en faction, ce qui éviterait une rencontre fâcheuse. Finalement, à mesure qu’il marchait, son pas parut définitivement calmer le bébé, qui laissait échapper quelques petits gazouillis parfois, et dont les paupières papillonnaient de temps en temps, ce qui laissait espérer à son paternel quelque peu fatigué que l’endormissement viendrait bientôt, et avec lui son propre sommeil une fois revenu dans ses quartiers. S’autorisant une pause un instant, il se prit à contempler les alentours de Winterfell et de la ville d’Hiver, encore entourés par un immense manteau blanc à perte de vue. La bise résonnait autant qu’elle frappait les extrémités, emportant parfois les hurlements des prédateurs tapis dans les bois, à moins que ce ne soit son imagination qui galopait tel un cheval au galop à cette heure.
Alors qu’il reprenait sa marche, son périple fut interrompu par une voix, ce à quoi il ne s’attendait pas, féminine de surcroît. Masquant sa surprise, Bowen cala son fils contre lui, avec son bras gauche, et se pencha autant que possible devant la princesse pour lui faire un baise-main, sans bien entendu toucher la main, règle première de l’étiquette. L’entreprise était un rien gauche, encombré qu’il était de Torrhen, et il se remit un peu trop rapidement droit, pour mieux tenir le petit qui avait piaillé. Ce dernier, soudain revenu dans sa position initiale, coupa la parole de son père, qui avait ouvert la bouche pour répondre aux salutations de la jeune femme. Un éclat affectueux passa dans ses yeux, alors que le bébé s’agitait doucement dans ses peaux, particulièrement attiré par une mèche de cheveux de la dame.
« Je crains que ce ne soit plutôt nous qui nous joignions à votre charmante compagnie, lady Lyanna. Vous venez de séduire un tout jeune homme, et vous conviendrez qu’il a le goût sûr malgré son jeune âge. »
Compliment enrobé dans une boutade, mais compliment tout de même : Bowen savait être gentilhomme. Si l’on en croyait certains, dont le Roi en premier lui, il excellait même dans ce domaine. Au moins, sa mère avait réussi dans son entreprise de dégrossir au moins un de ses fils et de l’éduquer à un peu moins de rusticité que la moyenne nordienne. Encore que, il avait eu l’occasion de voir par lui-même que, comparé à beaucoup de sudiers, il restait un rustre de première. Il était capable de faire illusion un temps, mais il devait admettre que les sommets de raffinement de certains, comme plusieurs traits de leurs cultures en général le laissaient pantois. Enfin, il n’allait ni changer, ni se renier.
« Vous me pardonnerez de ne point pouvoir vous offrir mon bras, mais il est déjà accaparé par quelqu’un qui a l’air de beaucoup vous apprécier, décidément. »
En effet, Torrhen n’avait cessé de fixer la princesse de ses yeux bleus. Un petit gazouillement joyeux lui échappa à nouveau alors qu’une petite main venait de parvenir à trouver son chemin dans le fatras de langes et de peaux qui le recouvrait. Doucement, Bowen ramena l’aventureuse bien au chaud, avant de reporter son attention sur son interlocutrice. Pour lui, le vouvoiement était de rigueur, bien qu’il puisse passer au tutoiement après un certain temps. Néanmoins, il maintenait, comme dans sa jeunesse, le respect dû à l’ensemble de la famille royale, rigide certes, mais néanmoins salutaire : on ne pouvait jamais savoir quelles oreilles traînaient, et surtout, un garde savait être bavard après quelques verres, surtout quand il s’agissait de répandre des bruits inconvenants. Sans doute finirait-il par relâcher ses efforts, surtout s’ils quittaient le chemin de ronde. Voilà qui n’était pas une mauvaise idée : le froid était mordant, du reste.
« Je pensais redescendre pour éviter que Torrhen ne soit trop exposé au vent, et aller jusqu’au Bois Sacré. Le trajet devrait l’endormir … enfin je l’espère, car sinon, je vais finir par avoir des courbatures.
Désirez-vous nous accompagner, ou profiter encore un peu de la vue ? Nous y serons plus à l’abri. »
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Sujet: Re: Une Mademoiselle, un Monsieur, un Monsieur en devenir [Tour VI - Terminé] Dim 12 Avr - 15:50
Lyanna observait avec un certain émerveillement l’énergie et la vigueur dont faisait preuve ce petit garçon pour tenter de se défaire de ses langes et saisir une mèche de ses cheveux. Aussi joueuse que ce bambin, elle promène ladite mèche quelques secondes sur la figure de l’enfant qui tantôt grimace, qui tantôt s’agite davantage.
- Cette personne, au goût effectivement sûr, a davantage besoin de votre bras que moi, répondit-elle calmement.
Il serait sûrement difficile de croire que les deux étaient liés d’une belle amitié, nullement teinté d’une quelconque ambiguïté ou intrigue. Une amitié qui, pourtant, alternait le vouvoiement et le tutoiement selon les humeurs de Bowen ou encore selon le lieu où ils se trouvaient. Il y a bien longtemps qu’elle avait abandonné tout effort pour changer cet homme, qui devait faire partie de ces rares preux chevaliers dont les contes chantaient les louanges à l’infini. Il était noble, il était courtois, il était poli… Bien différents de la majorité des hommes du Nord, aussi nobles soient leur sang.
- Au contraire, je serais ravie de me rendre au Bois Sacré avec vous.
Sans plus attendre, elle emboîta le pas du père et du fils, observant de loin cet étrange spectacle. Elle se demandait, un court instant, si son propre père l’avait porté dans ses bras dans ce chemin de ronde, une belle nuit comme celle-ci, et s’il avait posé un regard à la fois si doux et si aimant à son petit minois. Ou alors avait-il été un de ces pères qui ignorait leur progéniture, surtout si c’était une fille, ou qui était bien trop absorbée par la guerre ? Sa mère avait longtemps soutenu qu’il n’avait pas été si insensible, mais qu’il n’avait pas pu être aussi présent qu’il aurait voulu en raison des guerres et des batailles. Que Lyanna Stark avait été cette enfant qu’ils n’espéraient plus avoir, tant elle avait tardé pour eux.
Cependant qui donc croire ? Une mère aveuglée par un amour perdu, et qui avait dû affronter bien seule toutes ces longues années entre des murs fantômes chargés de souvenir ? Un oncle qui était bien souvent de passage, et qui avait des souvenirs bien différents sur ce père inconnu ? Ou alors les on-dit des serviteurs ? A cet instant-ci, elle maudissait un tantinet toutes ces incessantes guerres qui arrachaient toujours un homme valeureux à sa famille, condamnant la génération suivante à errer continuellement sur des « si » sur ses origines et sur ses pères.
Elle espérait que Torrhen Glover ne partagerait pas son destin, et qu’il héritera du fief de son père suite à la mort par vieillesse de ce dernier. Sauf que, malheureusement, elle n’avait pas grand espoir. La guerre prenait, plus qu’elle ne donnait.
- Serait-ce trop impertinente de demander votre première sensation, lorsque vous avez pris votre enfant dans votre bras ?
Et davantage car l’enfant était d’une union heureuse et amoureuse. Tous les mariages arrangés n’étaient pas condamnés à des incompréhensions et à des méprises au sein du couple. Il n’était pas rare que des amitiés ou des amours sincères naissent. Or, pour Bowen et Maedalyn, ces deux êtres semblaient être faits l’un pour l’autre. Partageant une même vision noble, et dotés d’une douceur propre à chacun, elle appréciait passer du temps avec l’un ou l’autre – le premier étant comme un gardien, alors que la seconde était une grande-sœur qu’elle n’avait jamais eu qui l’aimait autant qu’elle la grondait.
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Sujet: Re: Une Mademoiselle, un Monsieur, un Monsieur en devenir [Tour VI - Terminé] Lun 6 Juil - 21:28
« Cette fois, je vous le concède bien volontiers, ma dame. Allons-y donc. »
Portant son précieux fardeau tout en marchant d’un bon pas pour éviter que sa compagne d’une nuit ne piétine, Bowen s’avança donc, quittant les remparts pour s’engouffrer dans l’une des tours avec l’escalier interne à cette dernière qui les ramènerait vers l’intérieur du château, et vers la cour qui permettait de s’enfoncer dans le Bois Sacré. Ce chemin, il le connaissait par cœur, comme probablement tous les recoins de la forteresse, compte tenu des heures passées à l’intérieur de cette dernière à baguenauder dans sa jeunesse, souvent pour se cacher à la vue du reste de la cour, particulièrement de Jon et de ses camarades de l’époque. Ce n’était pas tant qu’il en avait peur, mais la crainte de mal répondre, ou d’être humilié par un des jeunes roquets soucieux de plaire au jeune Prince ne lui seyait guère, et il préférait éviter de se mêler à ce genre de jeux, y préférant la solitude nostalgique qui l’envahissait à mesure qu’il s’enfonçait dans quelque recoin perdu du château. Souvent, il lui arrivait de prendre une tablette de cire et un stylet, afin de préparer ses courriers, et ainsi de passer quelques heures, tranquillement installé dans le recoin confortable d’une voûte de fenêtre, à composer les longues lettres qu’il envoyait à sa famille, sa sœur en particulier. Il lui racontait ses peines, ses joies, ses doutes, et en retour, aimait à savoir ce qu’il se passait à Blancport, comment elle s’acclimatait, elle aussi, à une existence loin de Motte-la-forêt, de ces tertres millénaires et de ses conifères à perte de vue, qui paraissaient une mer au moins aussi lointaine que celle qui bordait les côtes de leur domaine familial. Puis, souvent, il abandonnait son ouvrage et restait, pied ballant dans le vide, à regarder le soleil rougir ou la neige tomber, suivant la saison, perdu dans des contemplations qui n’avaient jamais regardé que lui, et qu’il ne confiait à personne. Là, il pouvait rêvasser à son aise d’un autre monde, se croire héros des temps anciens comme imaginer une vie plus simple, plus rude aussi probablement, mais ces détails-là ne percent guère l’imagination folle d’un jeune garçon qui atteint l’âge d’homme. Brièvement, il se demanda si son fils ferait de même, plus tard, et tenta d’en peindre un portrait mental, en mélangeant ses traits et ceux de son épouse, ce qui aboutissait peu ou prou à un Bowen plus blond et au sourire plus facile. Son esprit se mit à galoper alors que la silhouette reposait dans une fenêtre qu’ils venaient de dépasser, pour déplier une longueur impressionnante alors qu’une voix féminine l’appelait, et qu’il s’en allait. Oui, un jour, son fils ferait comme lui, avant de courtiser des jeunes amies, ce qui n’avait guère été son cas. Mais il serait fils de Sénéchal, ou d’un ancien Sénéchal, dans tous les cas, il aurait un rang, une importance. Cela viendrait avec ses propres défis, car à trop être en vue, on finissait par avoir du mal à distinguer les flatteurs des amis.
Peut-être que la réponse à la question que Lyanna lui adressa se trouvait dans ces quelques songes. Être père, c’était soudain devoir regarder l’avenir, quoiqu’il en coûte, y compris pour un homme aussi happé par le passé que Bowen. C’était pouvoir se perdre dans des rêveries d’un avenir doux, où une personne semblable et différente vivrait sa propre vie, continuerait la lignée, vivrait des expériences similaires, se tromperait aussi. C’était la promesse qu’un jour des petits-enfants viendraient, pour réchauffer les vieux jours d’un guerrier vieillissant, et lui assurer que son nom ne mourrait pas avec lui. C’était, plus intimement, l’assurance qu’il pourrait parler des siens, que leur souvenir perdurerait grâce à la transmission de cette mémoire de leur lignée. Difficile, néanmoins de décrire autant de sentiments, d’espoirs, de doutes aussi parfois de parvenir à cet équilibre tant désiré, en quelques mots. Bowen continua à faire quelques pas tout en berçant Torrhen dans ses bras, cherchant la bonne manière de répondre. L’interrogation ne lui semblait pas intrusive : c’était la curiosité de la jeunesse qui s’exprimait et, il voulait le croire, aussi celle d’une jeune femme qui grandissait et commençait à s’intéresser aux duretés du monde des femmes et hommes faits, certes, mais aussi à leurs ineffables et indicibles joies. Soupesant ses paroles, il se mordit la lèvre, avant de dire, lentement :
« Les mots me manquent pour décrire une telle sensation, Princesse. C’est … une joie semblable à nulle autre que de comprendre, physiquement, qu’on a donné la vie, et qu’une vie aussi fragile dépend de nous. Qu’on la regardera évoluer, grandir. Faire des erreurs. Se redresser. Quitter le monde de l’enfance pour endosser nos propres devoirs. Les exploits militaires, les grandes découvertes, ce sont … des choses d’une vie. Mais contempler sa place dans une longue chaîne de mémoire, de souvenirs, de traditions millénaires, qu’on transmettra à son tour, en y ajoutant les nôtres propres … Il n’y a pas de plus grand honneur, dans une existence, comme d’événement qui vous rendent aussi humble. Car mes actes façonneront en partie qui mon fils sera. Et j’ai conscience, en le regardant, de n’être qu’une poussière dans l’œuvre des Anciens Dieux. »
Dans un murmure, il conclut :
« J’étais heureux de savoir que les esprits de mes parents pouvaient contempler leur petit-fils. »
Le Bois Sacré s’ouvrait devant eux. Les pieds dans la neige, Bowen avança, replaçant les couvertures autour de Torrhen pour que celui-ci ne souffre pas du froid, même s’ils étaient très abrités. Une fois arrivés devant l’Arbre-Cœur, le Glover l’observa un moment, avant de murmurer quelques salutations rituelles aux dieux, pour lui-même. Puis, une fois certain que sa comparse avait rendu ses devoirs, si elle le souhaitait et qu’il n’allait pas déranger une conversation intime entre la jeune fille et leurs déités, Bowen demanda, autant sur un ton de taquinerie que par réel intérêt :
« Pourquoi cette question ? Cette floraison de naissances à Winterfell vous donnerait-elle des envies maternelles, Princesse ? »
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Sujet: Re: Une Mademoiselle, un Monsieur, un Monsieur en devenir [Tour VI - Terminé] Sam 1 Aoû - 20:21
Lyanna pourrait se rendre d’un bout à l’autre de la Forteresse, sans aucune chute ou trébuche, les yeux bandés. Elle avait tant arpenté de long en large comme escaladé de bas en haut ces vieilles pierres, et par moment les yeux fermés par jeu avec Khayley - l’amie aveugle - qu’elle connaissait chaque irrégularité, chaque défaut et chaque beauté. Enfant, elle avait aussi rêvé certaines scènes où son Père et elle se promèneraient entre ces pierres grises, main dans la main. Des rêveries auxquelles elle avait cessé de s’y prêter, las que le visage du père soit une face lisse sombre et que le corps soit changeant au gré des descriptions floues des uns et des autres.
La réponse donnée par Bowen, des plus complètes, n’avait guère plu à la demoiselle. En effet, voilà qu’elle avait davantage de questions ! L’homme avait donné plus de sujets de réflexion. Malheureusement elle n’eut pas le temps de les poser : ils approchaient grandement de leur destination.
Lorsqu’ils arrivèrent au Bois Sacré, la jeune fille ne put réprimer un semblant de frisson. Malgré les années, l’atmosphère des plus particuliers du lieu saint restait inchangé. La solennité et le silence obligeaient les visiteurs à réprimer toute folle et inutile énergie et à se décharger de mauvaises pensées afin qu’ils puissent apprécier pleinement ce calme et s’accorder un temps de réflexion. La gamine se souvenait des longues retraites de sa défunte mère en ce lieu : un fantôme qui priait les Anciens de lui accorder le repos. Un fantôme que l’enfant suivait le sillage avec cette peur étouffante d’être arrachée à sa mère à tout instant. Ainsi, elle aimait comme elle détestait le lieu, divisée entre cette paix goûtée et cette nostalgie amère. Ses prières étaient donc un tantinet irrégulières. Tantôt elle priait, tantôt elle s’y refusait. Ce soir, il semblerait qu’elle désirait parler aux Anciens, leur adressant tour à tour ses plus intimes pensées.
- Non !Répondit-elle à la question malicieuse de son ami.
La réponse fut immédiate, et tout aussi tranchante qu’une lame d’épée. Consciente que cette spontanéité pourrait être mal interprétée, même par un proche ami, elle reprend la parole - quoique les joues bien rouges.
- Je m’excuse si mon attitude vous a surpris. Je ne doute pas un seul instant de vos paroles et de votre amour pour votre enfant. Ne vous y trompez pas : j’aime cet enfant, mais assurément moins que vous.
Les paroles étaient maladroites mais les sentiments étaient palpables, vibrant dans son ton, se dessinant sur ses traits et brillant au fond de ses prunelles. Elle était nerveuse et gênée à la fois. Elle s’apprêtait à dire quelque chose mais semblait chercher ses mots à grand effort.
- Je n’ai jamais connu mon père, alors ... je me suis toujours demandée ce qu’il avait bien pu penser, à ma naissance. Mon cousin a eu une fille mais il est Roi : mon père n’a jamais prétendu à une telle position. Je ne sais pas vraiment s’ils peuvent partager une même vision, et un même bonheur.
Jon était Roi. S’il était incontestable qu’il aimait sa fille, ce bonheur devait être terni - d’un ton, au moins - par l’absence d’héritier. De plus, la première grossesse de la Reine fut très compliquée, et certains soutenaient que la seconde pourrait être de même. Des esprits bien défaitistes allaient jusqu’à supposer une grossesse « mortelles ».
- Et vous, en qui j’ai une grande confiance, avait eu un fils. Je ne sais pas si l’on ressent la même chose pour un fils que pour une fille, comme premier-né. Vos paroles ... semblent supposer que, peut-être, j’ai été une déception. Je ne suis pas autorisée à porter l’épée, ou à partir en guerre ou à l’aventure, à accomplir de grands exploits ... je ne peux donc pas perpétuer grand chose. Je ne devais donc guère représenter à ses yeux, si ce n’est une fille à marier plus tard.
Le poids des traditions pesait sur les épaules, comme l’humeur, de Lyanna. Elle avait entendu dire que dans certains Royaumes, une femme pouvait gouverner et se battre. Pourquoi n’était-il possible au Nord ? Certes, la Dame pouvait prétendre à un semblant de gouvernance s’il manquait un héritier mâle, mais à terme c’était toujours l’époux, le fils ou le frère qui portent tout. Une question qu’elle pourrait relever à son cousin. Elle en connaissait déjà la réponse. La seule variante serait l’humeur de ce dernier, selon le ton que la Louve pourrait employer.
La conversation ne continue pas. Chacun se mure dans son silence et dans ses réflexions, interrompu par le bambin qui souhaitait son lit chaud, et un changement de couche. Lyanna laisse partir le père et le fils, et profiter encore un peu de cette solitude.
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Sujet: Re: Une Mademoiselle, un Monsieur, un Monsieur en devenir [Tour VI - Terminé]
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