Je connaissais parfaitement ce chemin, je l’empruntais dès que je souhaitais m’évader de notre demeure, me donnant l’impression à chaque fois que je partais à l’aventure. Sur le chemin, j’imaginais diverses péripéties, une jeune femme prise aux mains par un groupe d’hommes malintentionnés ou des bandits cherchant à détrousser les braves gens de passage. Chacune de ces histoires se terminaient bien sûr par une de mes victoires et par l’arrivée au sommet de ce mont. De là, je pouvais admirer le paysage, le fief de ma famille, les Morrigen. Nous étions là depuis tant d’années, une famille fidèle à la famille royale, les Durrandon. Jamais il n’a été question de trahison ou de remettre en question cette dernière au sein de notre famille, une famille discrète mais fidèle, voilà ce que c’étaient les Morrigen, et bien sûr toujours prêt à se battre. Mon regard fixé sur notre demeure, nid-de-corbeaux, disparut soudainement derrière un rayon lumineux, celui-ci fut si fort que je fus obligé de fermer les yeux pour ne pas que ses derniers brûlent.

Lorsque je les rouvris, ce n’était pas mon fief mais Neuf-Doigts qui se trouvait face à moi. “Lève toi le blond ! Les dothrakis sont là !” Tout ça n’était qu’un rêve, retour à la réalité, à mon présent, celui de mercenaire au sein de la compagnie Les hommes de la Pucelle, une compagnie dont la tradition était toujours d’avoir une femme à la tête. “Chienne de heaume nous attends”. La tête dans les vapes, je me redressais, à cet instant je sentis une main glisser sur mon torse. Mon regard se posa sur la propriétaire de cette dernière. Une belle jeune femme, une des quelques compagnes de chevaliers faisant parti de la compagnie. Celles-ci les suivaient lors des campagnes militaires, d’autres accompagnaient, mais celles-ci cherchaient à faire fortune tenant compagnie aux hommes. Les jours avant une bataille, ces derniers avaient toujours besoin de se détendre dans les bras d’une autre, une manière d’oublier l’idée que demain pourrait être le dernier et de profiter du moment présent. Pour ma part, j’avais décidé d’être charitable et de tenir compagnie à une femme dont l’homme avait été envoyé en éclaireur pour vérifier les positions des dothrakis. Un sourire se dessina sur mes lèvres, ce chevalier avait bien de la chance, sa femme connaissait de nombreuses choses sur le corps des hommes et sa peau était si douce au toucher. Cette nuit n’avait pas été reposante physiquement mais mentalement j’étais prêt pour une bataille. Une de plus, je ne les comptais plus depuis que j’ai posé les pieds sur ce continent, Essos, aux côtés de mon Roi, Argilac Durrandon… C’était il y a tant d’années. Nous étions venus pour combattre aux côtés de Bravos. Cette guerre gagnée nous permit de remplir les coffres du royaume. Pour ma part, écuyer à l'époque, je découvris les horreurs du champs de bataille, les morts en grand nombre, mais aussi la lumière, celle des vainqueurs, ou encore mieux, cette excitation qui se dispersait dans tout le corps, celle qui permettait de comprendre qu'on était encore bien en vie. Et sincèrement rien ne pouvait rivaliser avec cette sensation.

Je me présentai, habillé de mon armure, en haut de la colline où la compagnie avait pris position. D’autres compagnies, engagées par Qohor, avaient aussi pris position à nos côtés. En face, on pouvait voir les cavaliers dothrakis qui faisaient des cercles sur leurs montures, nous criant dessus en levant leur sabre, insultant sûrement celles qui nous avaient mis au monde.. De vrais barbares, ils se jetaient au combat sans se poser de question, bien différent de nous, ouestriens, où la tactique était très importante. Le silence venait de prendre place dans la plaine au bas de la colline… les ennemis se mirent en ligne. Ma respiration se ralentit, mon coeur tapait plus fort dans ma poitrine, puis soudain le silence disparut sous le bruit des sabots des cavaliers ennemis qui attaquèrent la colline. Les lanciers se mirent en place en première ligne, attendant la première charge. Pour ma part, je sortis l’épée de son fourreau, les cavaliers n’étaient plus qu’à quelques mètres… puis ce fut le choc et le chaos du combat s’étendit à toute la colline. Une dernière fois je prononçais ces derniers mots : « Oh, Maître de la Lumière, nous t’implorons, jette ton œil ardent sur nous et garde-nous saufs et chauds, car la nuit est sombre et pleine de terreurs. » Ce fut à Volantis que je fus pour la première fois en contact avec une prêtresse de R’hllor. Son feu me consuma en un seul instant et depuis ce jour je priais ce Maître de me donner de la force pour terrasser mes ennemis. J’embrassais le médaillon à mon cou puis, à la tête de mon groupe, j’entrai dans la bataille.

De retour à Qohor après notre victoire, nous n’étions pas très beau à voir, beaucoup périrent durant la bataille. L’avantage de la colline nous avait permis de compenser notre infériorité numérique, mais le grand nombre de dothrakis avait réussi à enfoncer nos premières lignes, donc ce fut une boucherie au sol. C’étaient que des barbares avec un mode de vie très sommaire mais il fallait avouer que c’étaient de sacrés guerriers au combat. La première chose que je fis, ce fut d’aller boire un breuvage à la taverne avec mes compagnons, mais sur place je n’eus pas le temps de finir ma première d’une longue série que mes yeux se posèrent sur Ser Raymund Morrigen, le frère de mon père. Ce fut un tel plaisir de le voir, mais celui-ci fut de courte durée lorsqu’il m’apprit que mon père et mon frère étaient décédés et que le Bief avait conquise une grande partie des Terres de l’Orage, toutes les marches à l’ouest du royaume. Je n’arrivais pas à le croire, ce n’était pas possible, à l’époque où j’étais parti nous avions l’avantage. Retourner là-bas, je n’avais pas prévu ça. Je demandai où était mon mon second frère et mon oncle m’apprit qu’il était parti rejoindre les guerriers de la Foi, trahissant son royaume et sa famille. Ainsi je compris, alors que ce n’était pas mon destin, je fus désigné pour prendre la tête des nôtres. Quelle ironie que me jouait le Maître de la Lumière, moi qui avait fui ce royaume avec toutes ses règles de noblesse, je me retrouvais obligé de plonger dedans pour ne pas laisser tomber les miens.