Les enfants, c'est fait pour grandir [Tour VII - Terminé]
Sujet: Les enfants, c'est fait pour grandir [Tour VII - Terminé] Dim 21 Juil - 14:35
Le retour de Jon et de nos hommes a été… comment dire… un véritable soulagement, il faut bien l’admettre. Outre l’ambiance beaucoup plus vivante de la forteresse, je dois avouer que la pression pour moi est beaucoup moins importante. Bien sûr, j’ai toujours des obligations, mais j’ai l’impression que les choses sont plus détendues pour moi. Ou alors c’est moi-même qui diminue cette pression ? Peut-être… Toujours est-il que je peux me concentrer bien plus à mes apprentissages, en attendant que le printemps arrive et que je puisse descendre à Fort-Darion.
Petit à petit, c’est une nouvelle routine qui s’est mise en place. Avec le retour des hommes, la garnison a été remaniée, et avec elle mon entrainement. Également, je n’ai plus à être présent pour recevoir les doléances, ce qui me permet de passer plus de temps avec les hommes de la milice. Petit à petit, je sens les progrès, même si les « leçons » me laissent souvent fourbu et courbaturé.
Après l’entrainement, j’ai pris l’habitude récemment de me diriger vers les cuisines. Quand j’étais petit, je le faisais quotidiennement, parfois avec l’aide de Jeyne ou d’Alys, pour chaparder des douceurs. J’avais un faible pour les gâteaux aux noix et au miel et ceux aux pommes. J’entrais discrètement dans les cuisines, invisible aux yeux des cuisiniers, et me servaient sur les plateaux dès que l’occasion se présentait. Ce n’est que bien plus tard que j’ai réalisé que ces menus larcin n’étaient un secret pour personne, et que les cuisiniers prévoyaient toujours un peu plus pour moi. Maintenant que j’ai grandi, je ne peux plus me permettre ce genre de chose, mais je suis toujours très bien accueilli, d’autant plus que la plupart des femmes des cuisines m’ont connu très jeune et se souviennent probablement de cet épisode.
Mon entrée ne passe pas inaperçue, puisqu’à peine ai-je passé la porte, qu’Yssila me salue et commence à beugler à moitié.
« Nora, le prince l’est là pour toi »
Je sens le rouge me monter aux joues. Je ne viens pas vraiment « pour » Nora…
Nora est une jeune fille des cuisines. Elle a à peu près mon âge, mais n’est arrivée ici qu’avec l’hiver, lorsque les familles des villages les plus isolées sont venues passer la mauvaise saison à la ville. Elle a fini par trouver un travail aux cuisines du château. Elle a des cheveux noirs légèrement frisés, un visage enfantin, de grands yeux bleus…
Bon… d’accord, je viens peut-être un peu pour elle aussi…
Elle s’approche en souriant, j’essaie de répondre par un sourire, mais je ne sens qu’un rictus gêné se dessiner sur mes lèvres. Un sourire idiot, voilà qui correspond bien à la situation, parce que c’est vraiment ce que je ressens en ce moment. Comme d’habitude, nous n’échangeons pas un mot. Elle me tend juste un petit panier, dans lequel se trouvent des gâteaux aux noix. Je me sers, parviens à peine à articuler un merci, puis me sauve sans demander mon reste, avant que la situation ne devienne plus gênante qu’elle ne l’est déjà. Toujours la même rengaine. Sauf qu’aujourd’hui, en partant, je croise un visage connu.
Enfin, je percute serait un mot plus juste. Puisqu’à regarder mes pieds plutôt que regarder devant moi, je n’ai pas vu la silhouette du Sénéchal du Nord dans les cuisines. Il faut dire aussi que je ne m’attendais pas à croiser quelqu’un. D’habitude je suis tout seul à errer dans les cuisines.
« Ho Bowen… vous êtes là… Désolé je ne vous avais pas vu. »
Quelque chose me frappe alors. Je n’ai pas eu à aller bien loin avant de croiser Bowen… Ce qui veut dire qu’il était déjà dans les cuisines… J’espère… qu’il n’a pas tout vu… Comme si la situation n’était pas assez ridicule comme ça… discrètement, je cache le gâteau dans un des plis de ma tunique, avant de chercher un moyen de m’éclipser discrètement…
« Je… heu… je reviens de l’entrainement et… Si vous voulez bien m’excuser… »
Sujet: Re: Les enfants, c'est fait pour grandir [Tour VII - Terminé] Mer 24 Juil - 22:58
La neige se teinta de sang alors que le pommeau de son épée heurtait le nez d’un Garde-Loup, l’envoyant valser à terre. Immédiatement, son voisin referma la brèche, faisant reculer Bowen à coup de bouclier vigoureux. Les deux lignes s’entrechoquaient et les coups pleuvaient, alors que les jambes étaient recouvertes de blanc et que le froid s’infiltrait par les interstices des armures, malgré les protections. Et pourtant, au milieu de cette mêlée, le Glover souriait, houspillant ses propres hommes tandis que le capitaine face à lui en faisait de même. Bientôt, malgré la température, la sueur commença à perler sous les casques et les bleus couvrirent les corps déjà fourbus, mais point encore éreintés. Cela faisait plusieurs heures qu’ils s’entraînaient durement, et les efforts commençaient à prélever leur dû, même parmi ces vétérans d’élite. Pourtant, aucun ne flanchait, démontrant une fois de plus la solidité nordienne, à moins que ce ne soit son obstination farouche. Et les cris reprenaient, les encouragements, les insultes aussi, car on n’obtenait pas forcément de serrer les rangs via la douceur. Il fallait savoir complimenter quand il le fallait, et houspiller quand c’était nécessaire. Enfin, après ce qui parut une éternité, Bowen fit signe d’interrompre l’exercice. Aussitôt, certains se laissèrent tomber au sol, tandis que d’autres enlevèrent leurs cervelières, certains leurs protections. Et ça se congratulait virilement, ça s’entrechoquait comme des gamins en se provoquant, ça se cherchait … ça parlait des femmes aussi, du fait que la jolie Bethy n’allait pas aimer que son galant vienne la voir avec la tête de travers, de la colère de la terrible Jenna. A ces mots, Bowen se joignit volontiers à la meute, riant avec ses pairs et réussissant à ne pas trop rougir quand certains, heureux de lui rendre un peu la monnaie de sa pièce, insinuèrent que ses courbatures ne venaient pas de l’entraînement, mais de toute l’activité de chambre qu’il pratiquait. Depuis que Maedalyn s’était jetée à son cou lors de leur retour, la plupart des Gardes-Loups adoraient taquiner leur Sénéchal. Ce dernier n’en prenait pas ombrage – du moins, tant que cela restait dans une certaine limite. A vrai dire, il avait conscience que certains de ces hommes l’avaient vu littéralement grandir, et qu’une part d’eux trouvait amusant de voir le môme qu’ils avaient côtoyé désormais marié, père, et manifestement très satisfait de sa situation, comme une collection d’oncles bruyants. En tout cas, Bowen avait été sincèrement touché quand ils s’étaient cotisés pour lui offrir ce chiot pour son garçon, car même s’il ne saurait remplacer un Conrad Omble à leurs côtés … il avait la sensation d’être accepté. Et pour quelqu’un souffrant d’un doute perpétuel sur sa place, il n’avait rien de plus appréciable.
Une fois rentrés dans les quartiers des Gardes-Loups, Bowen entreprit un rapide briefing de ce qu’il avait vu avant de permettre à chacun de rompre définitivement les rangs. Lui-même se dirigea vers ses appartements et entreprit de se changer tout en comptant plaies et bosses. Une fois débarbouillé, son estomac gronda, et le Glover se rendit compte de la faim qui le tenaillait. L’heure n’était pas encore à manger, néanmoins, il trouvait l’attende un rien longue et résolut donc, comme à son habitude, d’aller chercher aux cuisines de quoi se sustenter. Traversant les couloirs de Winterfell dans lesquels il lui était impossible de se perdre tellement il en connaissait chaque recoin par cœur, il salua les quelques têtes qu’il reconnaissait, non sans se retrouver parfois surpris des révérences qu’on lui faisait, ou du respect nouveau témoigné à son égard. Il avait été invisible une large part de son adolescence, avant de recevoir des œillades emplies de pitié après la guerre contre les sauvageons. Et là … tout était différent, et il sentait la pesanteur de ses responsabilités sur ses épaules. Elles ne l’écrasaient pas, toutefois. Elles l’encourageaient simplement à se montrer à la hauteur de sa tâche, de l’honneur qui lui était conféré. Et de ne pas faillir.
Arrivé aux cuisines, il se fit accueillir comme à son habitude par les dames de séant ainsi que les valets, et entreprit de picorer des bouts de gâteaux préférés, calé dans un recoin pour ne pas gêner, même s’il avait conscience que tous savaient qu’il était là, ne serait-ce que parce que certaines damoiselles quelque peu entreprenantes lui lançaient de temps en temps des œillades enflammées, sans parler des mollets ou cuisses dévoilées plus ou moins discrètement. Son mariage n’avait pas l’air de les arrêter. Aussi, en gentilhomme, Bowen se contenta bien vite d’observer le plafond d’un air aussi détaché que possible afin de manifester son désintérêt aussi poliment que possible. Son esprit dériva bientôt vers son fils, comme souvent ces derniers temps, mais ses rêveries furent interrompues par le beuglement d’une des cuisinières. Amusé, le Sénéchal observa donc le jeune prince Walton dans ses œuvres, se souvenant brutalement qu’il avait maintenant treize ans, qu’il allait sur ses quatorze, et qu’il n’était définitivement plus un enfant. Un instant, le Glover eut un choc en imaginant le petit garçon de trois ans qu’il avait connu chanter la sérénade à cette jolie naïade qui lui lançait des regards laissant peu de place à l’imagination, et se sentit comme un frère aîné contemplant les premières œuvres viriles d’un cadet. Cela lui fit tout drôle, et une expression attendrie apparut sur son visage, qu’il s’efforça de tempérer bien vite. Aussi discrètement que possible, il se décida à quitter les lieux discrètement et au moment où il pensait s’être échappé, un poids le percuta. Reculant légèrement sous l’impact, Bowen mit dix secondes à comprendre ce qui s’était passé, avant de sentir son sourire s’élargir tandis que Walton semblait singulièrement mal à l’aise en le voyant. Il manqua d’étouffer l’hilarité qui montait en lui, et se contenta de hausser un sourcil notoirement taquin :
« Ce n’est rien mon Prince … votre vue était sans doute trop occupée par … les délices des cuisines. »
Mettant une main derrière le dos du jeune garçon, Bowen continua :
« Cela tombe bien, j’allais partir aussi. Rien ne vaut les gâteaux au sirop après un bon entraînement matinal n’est-ce pas ? Je faisais la même chose à votre âge … et je le fais toujours d’ailleurs. Si nous devisions ensemble en revenant sur nos pas ? »
Et de les mener tous deux vers un coin plus tranquille. Et finalement, de demander gentiment :
« La jeune Nora est ... une douce damoiselle, vous ne trouvez pas? »
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Sujet: Re: Les enfants, c'est fait pour grandir [Tour VII - Terminé] Lun 30 Sep - 20:43
Je sens le rouge me monter aux joues quand Bowen évoque « les délices des cuisines »… Autrement formulé, il a tout vu… Pourquoi fallait-il qu’il voie ça ? Je sais que je ne devrais pas me sentir gêné, surtout avec Bowen Glover… il est sans doute ce qui se rapproche le plus d’un ainé pour moi, probablement plus que Jon… mais il faut dire que je ne me suis pas montré très conquérant à l’instant, c’est le moins que l’on puisse dire… Et puis, il y a aussi le fait que si par malheur cet épisode devait remonter aux oreilles de Jon, je pense que j’en entendrais parler jusqu’à la fin de mes jours, si ce n’est plus. J’imagine déjà sa réaction… Et en même temps, je ne peux pas demander à Bowen sa discrétion, ce serait un aveu, ni plus ni moins.
Et malheureusement, cela ne semble pas vouloir s’arrêter. Après m’avoir gratifié d’une tape sur l’épaule, il m’indique vouloir discuter avec moi en chemin. Moi qui espérais pouvoir m’éclipser et attendre que cela passe, me voilà coincé. Je me contente donc de hocher la tête et de suivre le Sénéchal du Nord, en espérant qu’il ait une véritable raison de vouloir me parler. Nous marchons quelque temps, et je laisse le silence s’installer. Ce n’est pas un silence tranquille, mais bien un silence gêné qui s’installe, rythmé uniquement par le bruit de nos bottes. En tout cas, c’est comme ça que je vis la chose. Ce silence ne dure que quelques minutes, mais il suffit pour me forcer à cogiter. Sur ce que Bowen a pu voir, ce qu’il en pense, ce qu’il veut me dire. J’ai toujours été du genre à cogiter, en particulier sur ce que les autres pensent de moi. Aujourd’hui ne fais pas vraiment exception. Et même si j’ai une entière confiance en Lord Glover, ou peut-être justement à cause de ça, son avis m’importe plus que d’autres.
Finalement, sa voix me tire de mes pensées. Nora ? Pourquoi parle-t-il de Nora ? Si jamais j’avais encore des doutes, au moins, maintenant il n’y en a plus… Il a tout vu, et il ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. Peut-être trouve-t-il cela inconvenant ? Non je ne pense pas. Bowen est peut-être l’homme le plus galant que je connaisse, je ne ressens pas une once de reproche dans le ton qu’il emploie. Après… Il n’a pas tort… Mais puis-je vraiment l’admettre ? Ce serait reconnaitre à quel point ma conduite de tout à l’heure était peu glorieuse… Et en même temps, au point où j’en suis, est-ce qu’il ne vaut mieux pas le dire et rester aussi digne que possible ? Dans le doute, et alors que je me sens devenir aussi rouge qu’un écorché Bolton, j’essaie de mettre fin à la discussion en feignant l’ignorance… Malgré ma propre voix, hésitante, qui semble prendre un malin plaisir à me trahir et à dévoiler mon embarras tandis que mon regard file à l’autre bout du couloir, ne pouvant braver celui du Sénéchal, et que mes doigts tricotent nerveusement dans mon dos…
« Si… Si vous le dites… je n’ai pas remarqué… »
Inutile de se voiler la face, je ne pense pas que Bowen y croit une seule seconde. À vrai dire il faudrait sans doute être idiot pour y croire et ne pas se rendre compte de ce que j’essaie de faire. Et je sais pertinemment que Le Sénéchal n’est pas un homme stupide. Tout ce que j’espère, c’est que cela me laissera un peu de répit, voir changera de sujet… même si j’ai l’impression que le Sénéchal n’a pas l’intention de s’arrêter là…
Sujet: Re: Les enfants, c'est fait pour grandir [Tour VII - Terminé] Dim 13 Oct - 1:09
« Oh ? J’aurai cru. Elle, en tout cas, pense que vous êtes un joli garçon, mon Prince. Si jamais vous aviez envie de la remarquer … »
Entre les joues rouges et le regard fuyant, Bowen se trouvait devant un tableau assez ressemblant de lui-même à l’âge de Walton, à tel point que c’en était troublant. Et il avait l’étrange impression d’être dans les chausses de Torrhen, quand il se nommait Stark, qui aimait parfois le taquiner sur certaines jolies filles, simplement pour avoir en retour des balbutiements ou une fin de non-recevoir. La différence était qu’à l’époque, il n’était que l’héritier d’un lord encore peu important, alors que celui qui se trouvait face à lui était un Prince, et cette donnée changeait tout, car on n’aurait pas la même tendresse face à sa timidité. Probablement plus tôt que le Glover, le dernier des Loups devrait devenir un homme. Et à cette pensée, une réelle compassion naquit dans le cœur du Sénéchal, qui n’eut plus le cœur à sourire, encore moins à taquiner. Il se demandait si le jeune garçon avait conscience du poids qui pesait sur ses épaules. Sans doute oui, après tous ces mois à régenter Winterfell. Mais d’autres réalités encore lui faisaient face : la grossesse de la Reine était difficile, ce n’était un secret pour personne. Si elle venait à perdre l’enfant, ou si elle mettait au monde une fille, Walton demeurerait l’héritier du royaume pour un moment encore. Et le troisième-né glissait peu à peu, comme lui-même, vers les marches du pouvoir, ce qui impliquait des devoirs nouveaux. Il avait treize ans. C’était assez. Jon et lui en avaient discuté, longuement, et s’il était d’accord, il appartiendrait au Prince de connaître la fureur du sang. Et là, il ne faudrait point fuir. Son regard devenu plus sérieux, il contempla donc son cadet et finit par déclarer, la voix nettement plus grave :
« Ceci étant dit … Je désirais vous parler, mon Prince. Si vous en avez le temps, accepteriez-vous de me suivre jusqu’à mon bureau ? »
Il n’y avait pas de doute quant à la personne qui s’exprimait, à cet instant : il ne s’agissait pas de Bowen, mais du Sénéchal des armées du Nord, et si Walton n’était pas obligé de venir, évidemment, il devinerait sans doute qu’il s’agissait tout de même d’une affaire importante. Et ça l’était, assurément. Simplement, surprendre le jeune garçon dans une telle position lui avait rappelé qu’ils devaient tenir une conversation importante. Certes, il aurait pu attendre que Jon le fasse, mais une forme d’honneur venu du fond des âges lui intimait néanmoins de proposer en personne, et de ne point se cacher derrière son Roi. Peut-être que le soufflet reçu par le gamin Reed lui restait en travers de la gorge. Quoiqu’il en soit, il avait pris sa décision. Le Prince était un homme en devenir, le voir à lorgner les jeunes filles le lui avait rappelé, ainsi qu’à ses devoirs. Une guerre était à préparer. Et à travers elle, l’avenir du royaume. Aussi le trajet se fit dans un silence pensif, avant de pénétrer dans la pièce que lui avait alloué Jon pour diligenter tout ce qui avait trait à ses fonctions de Sénéchal. Une fois la porte refermée, Bowen se râcla la gorge, cherchant un peu ses mots, avant de commencer :
« Vous allez bientôt atteindre l’âge d’homme, mon Prince. Mais, précisément en vertu de votre rang … cela n’aura pas exactement la même signification que pour le reste d’entre nous. Je veux dire … jusqu’à la naissance d’un fils du Roi, vous êtes l’héritier du royaume. Et vous n’ignorez pas que la grossesse de la Reine est difficile. Très difficile.
Votre frère pense que vous devriez vous préparer à tout ce que cela implique. Et j’y souscris. Je sais que vous vouliez aller à Fort-Darion rejoindre votre père mais …
Je vous propose de m’accompagner dans la campagne de Printemps. Comme mon aide de camp. De vous former comme votre père eut l’honneur de le faire à mon endroit, de vous transmettre ce qu’il m’a appris, et de vous familiariser avec les hommes de la troupe en partageant leur quotidien davantage que vous ne l’avez fait durant notre lutte contre les sauvageons.
Le Roi est d’accord, tout comme votre père l’Empereur. Mais c’est votre décision, mon Prince. Ce que votre cœur vous dicte, où vous pensez que vous serez le plus à même d’évoluer à votre convenance.
Néanmoins … ce serait un grand honneur que vous me feriez en acceptant. »
Guindé et solennel, il y avait de l’ancien Bowen sous la cuirasse du Sénéchal, plus qu’il ne l’aurait pensé, et il le laissait un peu trop paraître à son goût. Mais le jeune homme avait de l’affection pour Walton comme pour un petit frère, et il admettait que le former à devenir un soldat du Nord, comme Torrhen l’avait fait pour lui, lui semblait être une manière de repayer à son mentor, en quelque sorte, tout ce qu’il avait fait pour lui. Pour autant, il y avait aussi une nécessité stratégique à cela : comme il l’avait dit, le dernier des Stark se trouvait être l’héritier du Nord, par défaut certes, et dans tous les cas un homme qui serait amené à seconder son frère pendant l’essentiel de sa vie. Il fallait qu’il soit en contact avec la troupe, pas seulement comme Prince, pas comme le fils de Torrhen. Qu’il vive une campagne entière. Et peut-être aussi, qu’il choisisse s’il orientait son existence vers le Nord, ou vers le sud. Son visage se teinta d’un rien de tendresse, d’affection alors qu’il ajouta, reprenant son attitude nettement plus … bowenienne, si tant est que le mot puisse exister, alors qu’il ajoutait :
« Dans tous les cas … Sachez que je serais toujours là pour vous, Walton. Parce que … cette période que vous vivez, c’est peut-être la plus formatrice … mais aussi la plus solitaire. Du moins, elle l’a été pour moi, et j’aurai aimé avoir une oreille à qui … parler.
Alors … n’hésitez pas. Si vous en avez l’envie. Pour des choses sérieuses ou … plus légères. »
Et avec un dernier sourire à nouveau joueur, il ajouta :
« Comme les jolies damoiselles des cuisines. »
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Sujet: Re: Les enfants, c'est fait pour grandir [Tour VII - Terminé] Dim 27 Oct - 22:13
Je reste un instant silencieux, assimilant ce que Bowen vient de me dire. Après l’annonce de Jon qui m’a autorisé à partir à Fort Darion, et maintenant ça. À vrai dire, je n’y pensais même pas. Je me suis plus ou moins fait une idée de quel serait mon rôle à la forteresse impériale, et même si je ne pensais pas abandonner l’enseignement militaire, j’imaginais que je serais surtout attendu et entrainé sur les compétences en conseil, gestion ou diplomatie. J’étais parti sur cette idée en grande partie parce que c’est ce qu’on m’a confié à Winterfell dès que j’ai été en âge de le faire, et parce que c’est ce que j’ai fait pendant la dernière année. Je m’y étais plus ou moins résigné, en attendant de pouvoir partir de mes propres moyens dans quelques années. Et j’avais plus ou moins écarté un scénario où je partirais sur le front avant un long moment.
À vrai dire, la question de devenir aide de camp me taraudait un peu. J’avais entendu les rumeurs comme quoi le jeune seigneur Reed s’était vu proposer la même chose par Bowen et Jon, et je n’ai pas pu m’empêcher que le gamin avait fait une regrettable erreur en se privant de cette chance d’apprendre sur le terrain surtout avec quelqu’un comme Bowen. Après tout, il a été l’écuyer de Père. Or, malgré tous les griefs que je peux avoir avec lui, je suis toujours persuadé que Torrhen Braenaryon est un des meilleurs guerriers du Nord, et probablement de l’empire. Recevoir l’enseignement de Bowen, c’est comme recevoir celui de Père. Et je n’ai pas pu m’empêcher de ressentir une sorte de jalousie en l’apprenant. Je me suis dit que si on me l’avait proposé, je ne me serais pas montré ingrat, et j’aurais accepté sans hésiter l’opportunité.
Et de fil en aiguille, cette pensée en a entrainé une autre : pourquoi me proposerait-on de devenir Aide de camp ? Après mes exploits à la Mort-Aux-Loups, j’avais plus ou moins abandonné l’idée. J’avais désobéi à un ordre direct, et j’avais pris un risque inconsidéré en fonçant dans la mêlée. Certes, c’était dans l’emportement de la bataille, et j’ai été puni pour ça, mais les faits sont là. Nous aurions été dans le Sud, je serais devenu écuyer, et la question ne se serait pas même pas posée. Mais ici, cette tradition n’existe pas. Et je ne voyais pas quel seigneur accepterait de gérer le fils de l’empereur et frère du roi en sachant que ce dernier est prompt à risquer sa vie. Je pense qu’inconsciemment, j’avais déjà intégré cette idée, et je ne me posais même pas la question. J’avais trouvé une alternative en m’entrainant tout seul, puis avec la garnison. Mais en entendant cette rumeur sur le jeune Reed, cela m’est revenu en mémoire.
D’où ma grande surprise, surprise d’autant plus forte que je ne m’attendais pas à ce genre de nouvelle. Il me faut quelques secondes après que le Seigneur de la Motte ait fini de parler avant de reprendre la parole à mon tour et lui donner ma réponse. Sans même le vouloir, je me surprends à redresser la tête et à bomber un peu le torse. Mon visage se veut sérieux, mais je ne peux m’empêcher de sourire.
« Ce… C’est pour moi que serait l’honneur Bowen… Je veux dire Lord Bowen ! Je ferais en sorte de faire honneur à mon nom, aux armées du Nord, et à la charge qui pèse sur mes épaules. »
Bowen évoque ensuite la solitude qu’il a pu connaitre à mon âge, et je dois avouer que cela m’étonne un peu. Vu la proximité de Bowen avec Jon et Jeyne, je n’aurais pas imaginé qu’il puisse se sentir isolé. Même si je dois avouer que je ne suis pas étonné d’apprendre que Père n’a pas offert une oreille attentive à son aide de camp. Je n’ai toutefois pas l’occasion de réagir à cela, qui Bowen revient à la charge à propos de Nora, de façon à peine déguisée… je sens à nouveau mon visage devenir rouge. Je baisse à nouveau les yeux, mal à l’aise avec ce genre de conversation…
« Je… heu… Je crains qu’il n’y ait pas grand-chose à dire… »
Sujet: Re: Les enfants, c'est fait pour grandir [Tour VII - Terminé] Lun 18 Nov - 19:52
Un instant, Bowen attendit que le couperet tombe, s’imaginant déjà recevoir un énième soufflet – métaphorique bien sûr – pour lui signifier un refus poli mais ferme. En même temps, à choisir entre Fort-Darion et la boue du Conflans … il aurait pu comprendre que le jeune garçon refuse. Mais non, finalement, Walton sembla inspirer profondément, pour exprimer sa joie face à la proposition, et son désir, donc, de l’accompagner. Même si le Glover n’aurait peut-être pas dû, compte tenu de son rang, ressentir un tel soulagement presque puéril, il ne put s’empêcher de bomber légèrement le torse lui aussi, tandis qu’un sourire sincère illuminait son visage. C’était idiot, mais après le Reed, il avait eu du mal à reprendre confiance en lui, se disant assez souvent que si un gamin considérait sa place illégitime, alors tous, dans son dos, devait dire la même chose. Et en soi, il les comprenait, seulement … il aurait aimé leur démontrer qu’ils avaient tort, qu’il avait appris auprès du meilleur, qu’il était lui aussi, malgré son jeune âge, un vétéran de la guerre contre le Noir, du moins de sa fin, qu’il avait survécu à de nombreuses batailles également, qu’il était un Lord, d’un territoire particulièrement vaste, et qu’il n’avait en définitive rien à leur envier, si ce n’étaient quelques cheveux gris.
Pour autant, son enthousiasme se tempéra vite, car il devait être certain que Walton comprenne bien ce à quoi il renonçait … et ce pour quoi il s’emballait. Parce qu’il n’était pas son frère, ni son frère, et que, s’il était Prince, il réduirait au maximum les traitements de faveur. Lui avait été entraîné à la dure par Torrhen, en dépit de son rang nobiliaire, et il estimait qu’in fine, cela lui avait fort profité. Surtout, il ne pourrait être sans cesse avec le jeune homme, à le surveiller, alors qu’il serait à la tête des armées du Nord, y compris sur le champ de bataille. Il fallait donc que le jeune Stark soit conscient des difficultés qui l’attendaient, et du fait qu’une autre Mort-aux-loups n’était absolument pas souhaitable, et ce pour eux deux, car Bowen tenait à conserver son chef solidement sur ses épaules. Cela permettrait également au jeune homme de se fondre plus facilement dans la masse des soldats, mais aussi d’être préparé à leur contact parfois … rugueux. « Je tiens à ce qu’une chose soit très claire entre nous, mon Prince. Je ne vous ménagerai pas, et vous n’aurez aucun traitement de faveur, du moins, dans la mesure du possible, car je ne puis vous exposer sur le champ de bataille. Mais pour le reste … vous partagerez le quotidien de nos hommes, en entier. Jusqu’aux latrines. Et vous serez soumis à la même discipline.
Si cela est acceptable … alors, nous avons un accord.
Et pour l’honorer, vous serez demain au lever du jour dans les quartiers de la Garde-Loup, équipé, et vous participerez aux entraînements matinaux en extérieur pour vous familiarisez avec nos vétérans. Et j’attends que vous reveniez couvert de bleus et entièrement courbaturé, sans quoi, comme disait mon prédécesseur quand j’avais votre âge, ce ne sera pas un entraînement réussi. »
Au moins, on ne pouvait pas reprocher à Bowen de ne pas être franc. Et bien sûr, il ne serait pas aussi brutal que Conrad Omble avait pu l’être, parfois, avec lui, cependant, il avait aussi conscience qu’il n’y avait rien de tel pour développer les muscles … et l’humilité. Ainsi, face à de vrais adversaires, on avait moins peur, et on était prêt à tout, parce qu’on n’avait déjà été habitué à serrer les dents et à tout faire pour éviter une nouvelle rossée. Ce n’était pas forcément délicat … mais c’était la manière nordienne, et les hommes du royaume, à l’image de leur chère contrée, n’avaient rien de tendre. Heureusement d’ailleurs, parce que cela leur permettait de ne pas avoir les pudeurs des sudiers au moment d’étriper le combattant d’en face. Evidemment, cela avait son lot de problèmes, comme de produire des taiseux qui n’aimaient pas parler d’eux, de leurs sentiments … quoique, en la matière, Walton semblait tenir autant de son frère que son père … A se demander d’où Jeyne tenait sa faconde en la matière. Le beau sexe était peut-être finalement bien différent des mâles … Sauf que, s’il le suivait, la réalité risquait de le rattraper. Et mieux valait peut-être, là encore, parler en toute franchise.
« Pour le reste, s’il n’y a pas grand-chose à dire … alors, il n’y a pas grand-chose à dire. N’oubliez point, néanmoins, que dans les semaines à venir, vous serez entouré d’hommes seuls, passablement en manque de femmes, prêts à n’importe quoi pour se mesurer les uns aux autres, aux tours parfois pendables … et avec quelques cantinières trop heureuses d’être payées quelques sous pour leur donner de l’agrément, parfois autre que servir de la bière.
Alors … si par le plus grand des hasards, et je ne dis pas que c’est le cas, mais si vous aviez une douce amie à Winterfell, profitez de ces moments, en gentilhomme, car ils vous aideront à supporter les aspects les moins glorieux de la camaraderie virile, ou à vous éviter quelques déconvenues si la solitude se fait trop présente, et les dames trop accortes. »
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Sujet: Re: Les enfants, c'est fait pour grandir [Tour VII - Terminé] Lun 9 Déc - 23:28
Je déglutis un peu quand Bowen m’évoqua le programme qui m’attendait… La Garde Loup… J’aurais bien été tenté de dire que je m’entrainais déjà avec les hommes de la Garnison de Winterfell, mais je savais bien que ce n’était pas le cas. Même si ça n’enlève rien à leur mérite, les hommes de la garnison sont pour beaucoup des civils mobilisés, plus que des soldats de métier. Ils compensent leur manque d’expérience par une force physique à toute épreuve… Mais la Garde Loup… C’est autre chose… Ils sont l’élite de l’armée du Nord, des soldats de métiers triés sur le volet pour assurer la protection du Roi. Autrement dit le niveau est loin d’être le même… Et pourtant… Pour être franc, cette nouvelle m’effraie autant qu’elle me réjouit. Certes, j’anticipe déjà les douleurs et les railleries face à un adolescent d’à peine 14 ans tentant tant bien que mal de suivre le rythme. Et en même temps, la Garde Loup ! Les meilleurs soldats du Royaume réunis au même endroit ! Moi qui suis en quête permanente de nouvelles opportunités de m’améliorer, je pense que je ne pourrais pas demander mieux que ça. Je pense que je regretterais ces pensées demain soir, quand je serais épuisé et fourbu de courbature, bleus et autres blessures. Mais à l’heure actuelle, je ne vois que l’opportunité qui se présente à moi. Ça n’empêche toutefois pas ma voix de trembler un peu alors que je réponds à Lord Bowen.
« Je… Je vous remercie. »
Puis je reprends, d’un ton encore mal assuré, mais qui tente de l’être.
« Je sais que ce sera dur, très dur, probablement plus que les autres entrainements et apprentissage que j’ai pu connaitre… Mais je vous remercie pour cette chance que vous m’offrez… »
Après quoi, Bowen reviens, indirectement, sur Nora. Faut-il vraiment qu’on revienne sur le sujet ? je sens mon regard, jusque-là fixé sur le sénéchal du Nord, se dérober une fois de plus. En toute vérité, je n’ai jamais été à l’aise avec les autres, et ça n’a jamais été un secret pour personne. De notre fratrie, j’ai toujours été le plus isolé, le plus solitaire. Et à vrai dire, ça m’a toujours convenu, et je n’en ai jamais souffert. Ça fait partie de moi. J’aime cette quiétude qui accompagne la solitude… Pourquoi chercher auprès des autres ce que je trouve naturellement seul ? Donnez-moi un arc, j’apprendrais à tirer. Donnez-moi une épée, j’apprendrais à frapper. Donnez-moi un marteau j’apprendrais à forger. Donnez-moi un livre, je mémoriserais son contenu. Mais les autres…
Et les femmes…
« À ce propos… »
Comment aborder la chose sans perdre la face ? Là est la véritable question… « Puisqu’on parle d’entrainement militaire, il se trouve qu’il y a une arme que je n’ai jamais eu l’occasion de manier » ? C’est plutôt le genre de trait d’esprit qu’on pourrait attribuer à mon cousin plutôt qu’à moi. Moi je suis plutôt du genre à me taire. Et puis à qui je pourrais en parler d’abord ? À Jon ? Ce n’est pas comme si nous étions très proches lui et moi. Même si nos relations se sont apaisée, je ne pense pas que je me sente assez à l’aise avec lui pour aborder ce genre de sujet et lui demander conseil en la matière… Mais Bowen à raisons sur un point… Si ce n’est pas maintenant… Nora partira au printemps, et moi aussi… Seulement… encore faudrait-il que j’arrive à enchainer deux mots en sa présence… Je regarde Lord Glover, qui doit probablement attendre que je continue ma phrase. Même si ça me coute de l’admettre, j’ai besoin d’aide… Je soupire et fini par cracher le morceau.
« Je … crains de ne pas savoir comment m’y prendre… »
Sujet: Re: Les enfants, c'est fait pour grandir [Tour VII - Terminé] Lun 16 Déc - 20:54
« Et je ne doute pas que vous y ferez honneur. »
Intimidé mais déterminé, tel semblait être le jeune Prince tandis qu’il remerciait Bowen pour la chance offerte, même si sa voix défaillait légèrement, peut-être d’excitation ou de peur, ou encore d’un mélange des deux, perspective probable s’il en était, parce que quiconque avait vu les vétérans à l’œuvre ne pouvait qu’éprouver un tantinet d’inquiétude à se retrouver parmi leurs rangs, à les défier et à recevoir leurs coups, qui étaient avant tout fait pour éprouver et battre la bleusaille comme l’on battait l’acier pendant qu’il était chaud, pour les forger et en faire des armes au service du Nord. A son âge, il avait ressenti la même chose. Mais mieux valait compter plaies et bosses sur le terrain d’entraînement de Winterfell que de se retrouver brusquement nu devant l’ennemi, avec sa vie en jeu. Et peut-être que le jeune garçon trouverait de nouvelles amitiés parmi les jeunes nobliaux qui faisaient aussi leurs armes en prévision de la nouvelle campagne, sans parler des hommes du rang nouvellement intégrés car ayant l’âge de la conscription. Bien sûr, pour la deuxième catégorie, cela n’irait guère plus loin que la camaraderie du champ de bataille, du moins probablement, en raison de la différence de rang, mais aussi tout simplement d’éducation. Néanmoins, les côtoyer pendant de longs mois, directement, à partager rations et latrines, était différent que de les commander en tant que Stark local, ou que de marcher avec l’armée pendant quelques jours, comme cela avait pu être le cas contre les sauvageons. Lui-même, parmi les survivants de sa tranche d’âge de la première campagne contre le Noir, avait su nouer une certaine proximité, et il avait apprécié en retrouver beaucoup, le soir de la naissance de son fils, autour de toutes ces barriques de bière et de vin ingurgitées. Le souvenir l’amusa.
Cependant, il était une autre sorte de champ de bataille pour forger un homme, et les cantinières n’étaient peut-être pas les initiatrices les plus délicates. Le Sénéchal avait du quelque peu insister, mais enfin, il lui sembla avoir convaincu Walton de se confier. Un instant, il ne put s’empêcher de frissonner à la pensée du trésor de patience que Jon aurait dû déployer dans des circonstances similaires, et compte tenu de sa propre situation, se dit qu’il était probablement plus charitable de lui épargner cette peine. Il se demanda un très bref instant ce qu’il serait advenu, si Sygin Stark avait vécu. Aurait-elle, comme certaines mères, prit les devants pour présenter une dame à son goût pour son fils ? Lui aurait-elle fait des recommandations, tout en le laissant vivre son existence de jeune homme et les expériences allant avec, heureuses ou malheureuses ? Il n’avait pas la réponse. En revanche, la seule certitude qu’il avait, c’est qu’elle n’aurait sans doute pas voulu que son petit dernier expérimente ses premiers émois enfermés dans une pièce avec une quelconque catin louée par des amis farceurs, comme cela avait été peu ou prou son cas. Bon, Walton était Prince, mais Bowen doutait que cela suffise à dissuader certains jeunes bellâtres bien intentionnés de glisser quelques pièces à une fille pour se glisser dans sa tente. Souriant finalement au jeune garçon, il déclara, l’invitant d’un signe de sa main à marcher à son côté :
« Allons dans mon bureau. Nous y serons plus à notre aise pour discuter de cela, sans crainte d’indiscrétion ni d’interruption, car mon épouse est avec la Reine et ne rentrera probablement pas avant un long moment. »
Une fois arrivés, Bowen offrit un siège à Walton et commanda à une servante deux choppes de bière et un peu de salaison, se disant que cela ne ferait pas de mal de se sustenter un peu plus. Le tout fut apporté, et bientôt les deux hommes se retrouvèrent seuls face à face, le Glover cherchant ses mots. Parce qu’une fois confronté à l’obstacle, il se rappelait ne pas être le plus grand séducteur du monde … Même si en soi, il valait mieux donner des conseils de galant homme plutôt que de galant tout court ? L’honneur nordien, encore et toujours, devait demeurer à l’honneur. Pensif, réfléchissant à la bonne formulation, il resta quelques instants silencieux. Avant, enfin, d’ouvrir la bouche :
« Je ne crois pas qu’il y ait de méthode, pour gagner à coup sûr le cœur d’une dame. Mais je pense que dans votre cas, il faut déjà … de l’honnêteté. Sur ce que vous pouvez offrir, mon Prince. Nous savons tous les deux que ces idylles de jeunesse n’ont pas vocation à durer. C’est quelque chose qu’il faut avoir en tête, pour ne pas faire miroiter à une jeune fille des choses que vous ne serez pas en mesure d’offrir. »
Certes, il y avait plus agréable comme entrée en matière, mais c’était un préalable important. « Et pour le reste … soyez vous-même. Invitez la jeune fille qui vous plaît pour une promenade, apportez-lui un cadeau pour faire comprendre aussi délicatement que possible vos intentions, et apprenez à vous connaître. »
Voilà pour sa maigre théorie. Une grimace apparut sur son visage, car la suite ne lui faisait guère plaisir :
« Entendons-nous bien … Cela vaut pour une damoiselle qui n’est point de haute naissance. Mais si j’ai bien compris, ce ne sera pas un problème présentement. »
Bowen s’empara de sa choppe et but une rasade, avant de la reposer et de croiser ses doigts devant son estomac, dans une position réflexive.
« Pour le reste … Je n’ai pas la réputation d’un grand séducteur, et je considère que c’est une excellente chose. Peut-être que vous aurez d’autres discours face à vous, mais …
L’important, c’est d’être respectueux de la dame de ses pensées, qu’elle soit paysanne ou noble et bientôt votre fiancée. Il est facile, pour un homme, de papillonner, d’oublier qu’il mène la danse, et qu’il ne supportera que peu de conséquences de ses amours. Et pourtant, cela ne doit pas quitter notre esprit, jamais. Et cela doit nous imposer la considération des femmes, de leur vertu, et de leurs qualités. Pendant, et en dehors de l’amour. »
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Sujet: Re: Les enfants, c'est fait pour grandir [Tour VII - Terminé] Lun 10 Fév - 13:35
Je hoche la tête quand Bowen m’invite à le suivre dans son bureau. Je le suis ensuite, les yeux baissés, sans rien dire. Je pense que je n’aurais pas eu une autre réaction si tout le monde avait entendu. Et clairement, une part de moi n’a qu’une envie : partir en courant me réfugier quelque part. Peut-être à la bibliothèque… non trop prévisible, Jon m’a bien fait comprendre que c’était le premier endroit où on me chercherait… Il faut vraiment que je trouve d’autre cachette. Mais de toute façon c’est une réflexion totalement idiote : nous étions seul, et je parlais tellement bas que personne n’a pu m’entendre…Je me contente donc d’avancer, soudainement fasciné par le bout de mes bottes. Une fois arrivé dans le bureau, je m’installe dans la chaise que Lord Glover me présente. A sa demande, on nous apporte rapidement de quoi boire et nous sustenter. Quand toutes les oreilles indiscrètes ont quitté le bureau, nous entamons la discussion, même si je devrais plus parler de leçon qu’autre chose.
J’écoute attentivement Bowen me prodiguer ses conseils, me balançant nerveusement d’avant en arrière sur ma chaise, plus gêné qu’autre chose et sans mot dire. Il n’y a pourtant rien de particulier à notre discussion, ni même d’intime. Mais le sujet à lui seul me met mal à l’aise. Je me sens complétement désemparé, d’autant plus que rien de ce qui me dit ne devrais être insurmontable… Mais pourtant ça en a l’air, comme tout ce qui concerne les relations humaines pour moi. Je sais que cela est probablement mon inexpérience qui parle. Mais de la voir aussi flagrante me met d’autant plus en situation d’inconfort… Mais cela donne encore plus raison au sénéchal du Nord : Partir en campagne, entouré d’hommes de tout milieu, sans avoir fait cette… expérience... aurait probablement été pire encore… C’est le passage obligé si je veux devenir un homme, et tant que je n’aurais pas sauté le pas, je ne serais qu’un gamin tenant une épée. A moi de me faire violence. Mais tout ça ne reste, au final, que de beaux principes… Je soupire en repensant à la scène qui s’est déroulé un peu plus tôt avec Nora… Avant d’être honnête et d’apprendre à la connaitre, encore faudrait-il que j’arrive à lui parler… Ne serait-ce qu’articuler quelques mots en sa présence serait déjà un grand pas en avant. C’est incroyable qu’une tache aussi simple puisse me paraitre si compliqué. Ouvrir la bouche, faire sortir un son, fermer la bouche, le tout en rythme. Je suis certes plutôt du genre silencieux, mais quand même. C’est dans ce genre de situation que je regrette de ne pas avoir l’aisance de mes ainés. Si seulement je pouvais lui écrire quelque chose, ce serait tellement plus simple. Mais encore faudrait-il que Nora sache lire, ce qui n’est pas gagné…
Alors que Bowen fini, je regarde ma chopine de bière, que je n’ai pas touché depuis qu’on nous l’a ramené. Je soupire et saisi l’anse, avant de l’agiter légèrement. Je regarde le liquide un instant, le temps de remettre de l’ordre dans mes idées… Je devrais peut-être essayer de rationnaliser tout ça. Après tout, c’est ce que je fais de mieux : je ne suis pas un instinctif, je suis un cérébral. Mais forcement, un cérébral dont on fait tourner la tête n’est plus bon à grand-chose… Je murmure à moi-même…
« C’est comme avec Leyk… »
Oui, en y réfléchissant, la situation n’est pas si différente de ce que j’ai pu vivre avec l’écuyer de Lord Glover. Pas sur le plan affectif évidement, mais sur ma réaction. Je me suis caché derrière un mensonge parce que j’avais peur d’être rejeté par rapport à mon statut. Avec Nora, c’est pareil, sauf que là, je me réfugie dans mon mutisme… Mais le problème est le même… Je porte la choppe à mes lèvres, et prend quelques gorgées, tout en faisant une légère grimace due à l’amertume de la boisson. Je partage ensuite ma réflexion avec Lord Glover, en partant du principe qu’il a déjà entendu, du moins dans les grandes lignes, ce qui s’est passé entre le jeune batard et moi. Ma voix reste toutefois mal assurée et basse.
« C’est comme pour Leyk… Je pense que j’ai…trop peur avec les autres… ça me paralyse… »
Je continue à boire ma bière, toujours sans regarder le Sénéchal, avant de reprendre avec un rictus un peu amer, le regard toujours plongé dans ma boisson.
« C’est idiot je sais. J’ai été au combat, J’ai vu des Sauvageons se faire crucifier pendant que nous enterrions nos morts. Jon m’a fait soigner des blessés après la bataille… Je ne devrais pas avoir peur pour si peu… »
Sujet: Re: Les enfants, c'est fait pour grandir [Tour VII - Terminé] Jeu 9 Avr - 18:52
Par certains égards curieux, Walton rappelait à Bowen lui-même, au même âge, à quelques détails près, et au moins pour la timidité. Que ce soit envers les dames ou les autres à vrai dire, car s’il avait été un instant interloqué en entendant le nom de son écuyer sortir de la bouche du jeune prince alors qu’ils parlaient auparavant des femmes, ne comprenant pas réellement ce que Leyk venait faire là – et sans évidemment que des associations plus terre à terre ne lui viennent à l’esprit – il comprenait mieux une fois que le jeune homme eut terminé sa phrase, faisant la connexion avec leur dispute puis leur rabibochage, auquel il s’était, autant le dire, peu intéressé, considérant qu’il s’agissait d’un problème entre jeunes garçons comme il en existait des dizaines, mais qu’il avait néanmoins suivi de loin. Non sans rappeler au bâtard que face à un prince du Nord, il ne pouvait qu’obtenir les miettes qu’on lui donnait, et qu’accessoirement, il aurait été peu probable qu’il parle normalement en sachant sa réelle identité … et en se promettant aussi de l’instruire immédiatement des visages connus du royaume, puis de quelques-uns de l’Empire, sur gravure ou dessin.
Ceci en tête, donc, le Glover n’avait pas trop de mal à appréhender, dans les grandes lignes, le problème du garçon face à lui. Au fond, la société et les artistes en premier avaient beau adorer les métaphores guerrières quand il s’agissait d’amour, la relation à l’autre était sensiblement plus complexe, parfois, voire même souvent, qu’un champ de bataille. Il n’y avait que peu de facteurs à prendre en compte, dans un assaut : l’autre était l’ennemi, il convenait de le tuer avant qu’il ne vous tue, fin de l’histoire. Face à un semblable, c’était plus délicat : il y avait toujours, quelque part, une forme confuse de malaise à l’idée que l’autre prenne mal tel ou tel propos, de lui manquer de respect, de froisser un ego bien caché … Bref, il y avait tellement de paramètres que des grands guerriers transformés en gamins incapables d’éructer en société, Bowen en connaissait un certain nombre. Et à vrai dire, l’image du soldat braillard, paillard et bravache qui hélait la terre entière la choppe à la bouche et la main sur la brayette pouvait aussi parfaitement venir d’une forme de surcompensation. Mieux valait avoir l’air trop sûr de soi que pas assez, lorsque l’on était un homme, sous peine de voir fleurir les surnoms peu flatteurs. Pour en avoir personnellement souffert, le Poing du Nord avait aussi à cœur d’éviter cela à Walton. Plus il arriverait à se mêler aux conversations des hommes, moins il dénoterait. Un sourire compréhensif orna donc ses traits quand il finit donc par répondre :
« Ce n’est pas idiot. C’est très humain. Aller vers l’autre, c’est prendre le risque de s’ouvrir, et donc de lui laisser voir nos failles, ou de lui offrir des armes pour nous blesser. C’est aussi avoir peur d’offenser, de créer sans le vouloir des inimitiés, de ne pas faire honneur à son rang …
Le courage n’a jamais été de ne pas ressentir la peur, mais de la surmonter. En acceptant qu’il est des choses que nous ne contrôlons pas entièrement, et en apprenant à tenir les rênes sur ce que nous avons sous notre contrôle. »
Ce qui était plus facile à dire qu’à faire, Bowen en avait parfaitement conscience. La timidité, la distance sociale que l’on s’imposait parfois ne se surmontait pas aisément. Parce qu’il y avait les vieilles habitudes tenaces qui réconfortait, souvent, comme de vieux vêtements déchirés mais dans lesquels on se sentait bien, sans se rendre compte qu’ils puaient le rance et laissaient passer l’air à force d’avoir été portés. Parce que c’était une solution de facilité, et qu’ils avaient tous suffisamment de pression sur les épaules, dès le plus jeune âge, pour ne pas se compliquer davantage l’existence en corrigeant leurs défauts. Et pour tant d’autres raisons qu’il peinait à énumérer entièrement. Après tout, il était passé par là, par peur de faire du tort aux dames et de ne pas être à la hauteur des hommes, pour ne pas prendre le risque de ternir son nom, son honneur, ces choses immatérielles si importantes, ces valeurs que son père lui avait seriné des années durant. Et parce qu’il avait toujours senti, confusément, qu’il n’était pas à sa place, qu’il prenait celle d’autres plus qualifiés, plus légitimes : d’héritier, de compagnon de route … Apprendre à se faire confiance n’avait rien d’évident.
« Vous ne vous souvenez peut-être pas quand j’avais votre âge, du moins, quand je suis arrivé pour servir Sa Majesté votre père … mais j’étais loin, très loin, d’être sûr de moi. Je crois même que c’est l’euphémisme de l’année.
Donc … vous êtes loin d’être seul à vivre ces moments charnières où l’on ne sait trop où est sa place, sur qui compter, comment parvenir à aller vers les autres. Certains sont doués naturellement pour cela. Pour d’autres … il faut forcer notre nature. Et nous forger d’autres repères. »
Nul doute que l’armée lui ferait à cet égard le plus grand bien, d’abord car il y aurait des jeunes nobles de son âge et qui pourrait lui faire découvrir une camaraderie facile, de celles qu’il avait noué lui-même plus jeune. Ensuite, car il serait en dehors de Winterfell, des habits de prince au sens strict – non pas qu’il ne le serait pas en campagne, évidemment, mais il y avait une forme de pesanteur qui n’existait pas lorsque l’on se muait en guerrier, bien entendu. Il faudrait qu’il fasse en sorte de placer Walton, durant les avancées, avec d’autres jeunes gens qu’il avait en tête. Peut-être son cousin, le jumeau Karstark survivant ? Il était à peu près certain aussi que le Norroît ou le Lideuil avait un fils ou un neveu du même âge. Les hommes des clans, rudes mais d’une loyauté à toute épreuve, aideraient sans doute aussi le prince à s’initier à des amitiés faciles qui ne demandaient généralement qu’une bonne bagarre et des pichets de bière pour être nouées. « Profitez peut-être des réjouissances pour le couronnement de votre frère pour faire connaissance avec certains des jeunes nobles de votre âge qui nous accompagnerons en campagne.
Et pour apprécier la compagnie de votre jeune damoiselle. »
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Sujet: Re: Les enfants, c'est fait pour grandir [Tour VII - Terminé] Dim 19 Avr - 19:04
J’écoute Bowen parler, l’air pensif, le regard perdu dans ma bière mais malgré tout attentif. Je dois admettre que ce qu’il dit fais sens, et correspond plus ou moins à ce que je ressens. Et pourtant, je n’arrive pas à me sortir de la tête que ça a l’air si simple quand je vois les autres… J’essai de compter mentalement le nombre de personne que j’estime proche… Et je pense pouvoir les compter sur les doigts d’une main… Et en même temps, je ne peux m’en prendre qu’à moi-même. Je n’ai jamais cherché à faire mieux ni à faire plus. Je suis resté dans l’idée que je pouvais tout faire tout seul, et mieux tout seul surtout…
Et puis il y a aussi…
Moins on s’attache, et moins on risque de perdre les autres…
C’est bête à dire, mais je pense que la mort de Mère a beaucoup joué dans cette approche que j’ai des relations avec les autres. Je me suis forgé un cocon, qui petit à petit s’est transformé en barricade, puis en muraille quand j’ai commencé à m’éloigné de Jeyne. Et à vrai dire ça m’allait très bien. Je pouvais évoluer loins du regard des autres, sans attache… J’avais même ris quand Mestre Rorshar avait proposé que je fasse les entrainements avec la milice de Winterfell. Non pas que l’idée eu été mauvaise, bien au contraire. Mais en réalité, quand il l’a évoqué, je n’ai pas pensé une seule seconde qu’il était sérieux. Ce n’est qu’en voyant sa tête que je me suis souvenue à qui j’avais affaire, et que j’ai compris que ce n’était pas une plaisanterie. Donc oui, je vivais très bien dans mon coin. Enfin c’est du moins ce que je pensais… jusqu’à ce que Jon ne fasse comprendre, sans le vouloir, à quel point je m’étais isolé, à quel point je m’étais déconnecté… Je comprends maintenant que j’ai raté beaucoup de choses en étant ainsi… Les paroles de Bowen permettent de mettre des mots sur ce que je ressens depuis ma dernière entrevue avec Jon, mots qui jusqu’à présent me manquait…
Et puis il en vient à me partager sa propre expérience. Je redresse la tête et mes yeux s’arrondissent. Vraiment ? Bowen Glover, le Bowen Glover, le sénéchal des armées du Nord, intimidé quand il était jeune écuyer ? J’ai peine à le croire… Grand peine… Il est vrai que je ne me souviens pas ou très peu de cette époque pour ainsi dire. Et pour dire vrai, nous n’évoluions pas dans les mêmes cercles à l’époque. J’avais quoi, 5-6 ans ? à l’époque, c’est à peine si je quittais les jupes de Jeynes. Elle et Bowen étaient proches si je me souviens bien, mais je ne faisais que l’apercevoir. Ce n’est que plus tard que j’ai commencé à me rapprocher de Bowen… mais quand même… J’ai du mal à l’imaginer lui, à 14 ans, dans la même situation que moi… Remarque que je lui partage spontanément.
« Vraiment ? Vous ? j’ai du mal à le croire… »
Je pose ensuite ma bière. Que l’anecdote soit vraie ou non, ça a finalement peu d’importance. Le message du Sénéchal est pertinent. C’est tout ce qui compte. J’écoute attentivement alors qu’il évoque le couronnement de Jon. Oui, cela tient. Toute la noblesse de Winterfell sera là, c’est l’occasion de voir du monde. Lors du mariage de Jeyne et celui de Bowen, j’étais resté dans mon coin. C’est l’occasion de faire changer ça… Je ne sais pas encore comment, mais il faudra… j’essai de faire le point sur les différentes familles nobles de Winterfell, et sur celles qui ont des jeunes hommes de mon âge ou proche… L’avantage, c’est qu’à force de jouer les parfaits petits hotes, j’ai appris pas mal de choses sur les différentes familles du Nord, du moins dans les grandes lignes. J’en vois quelques un. Il y a Andren, le frère cadet de Lynara, dont le jumeau est décédé. Mon cousin et pourtant je ne sais quasiment rien sur lui, nous ne sommes pas très proches. Je crois que Manel Bolton a un neveu qui a sensiblement le même âge. Le jeune Lord Reed évidement, mais du peu que j’ai entendu de lui, ça ne devrait pas aller… il y en a d’autre, mais que je ne connais que de nom…
« Je ne sais pas si j’y arriverais… mais je vais faire un effort… »
Il reste une question… comment les aborder… Est-ce qu’ils passeront outre le fait que je sois Prince… J’ai de gros doute là-dessus… Peut-être plus Andren, car nous partageons le même sang. Mais avec son deuil… Tout cela commence à me donner mal au crâne… Je réfléchis trop, c’est ce qui cloche avec moi… C’est ce qui as cloché avec Leyk, c’est ce qui cloche avec Nora, c’est ce qui cloche avec tout le monde… il faut que j’arrête de réfléchir, 30 secondes… plus je réfléchirais et plus j’alimenterais mes peurs irrationnelle… Il est grand temps que je change, et ce n’est pas en restant dans ma zone de confort que ça marcherait… alors je vais me faire violence, comme l’a dit Bowen. Je reprends ma choppe pour finir ce qu’il reste de bière, et la lève avant de dire d’un ton un peu sarcastique qui témoigne de toute mon appréhension pour la chose.
Sujet: Re: Les enfants, c'est fait pour grandir [Tour VII - Terminé] Lun 6 Juil - 21:27
« Et pourtant ! Je n’ai jamais réussi à inviter Lady Maedalyn à danser, à l’époque. Si ça peut aussi vous rassurer sur le fait qu’il ne faut jamais perdre espoir … »
La boutade cabotine avait pour but de conclure plaisamment l’anecdote, tout en évitant de s’appesantir sur une réalité peu flatteuse, celle d’un adolescent dévoré par la timide, gauche et incapable de se faire voir autrement que comme un protecteur ou un chevalier servant. Même les paysannes avaient tendance à le materner, et du reste, il était bien trop guindé pour avoir une parole ou un mot déplacé à leur égard. Ce qui avait abouti à un dépucelage avec une prostituée payée par des camarades voulant lui faire une plaisanterie, chacun jugeant si cette dernière était bonne ou mauvaise. Si Bowen ne regrettait pas cela, considérant que cette rencontre avec Thalia lui avait beaucoup apporté pour sa capacité à accomplir ses devoirs correctement, il n’allait néanmoins pas l’étaler, surtout pour admettre qu’hormis elle et Maedalyn … Il n’avait jamais connu d’autres femmes. L’honneur l’en avait empêché, la timidité aussi sûrement, un mélange de traditions et de galanterie poussées à l’excès qu’il n’avait jamais questionné. Il se trouvait bien en leur compagnie amicale, et à choisir entre une heure de combats dans la boue avec les soldats de la garde et la perspective de compter fleurette à une belle, sans doute qu’il aurait préféré la première option, par crainte de paraître idiot, de ne savoir que dire … ou tout simplement par dégoût de l’idée d’engendrer un bâtard, avec ce que cela représentait socialement. Son père ne lui aurait jamais pardonné un tel affront à leur nom, à leur sang. Et bien sûr, quelques baisers ne coûtaient rien. Mais les baisers solitaires avaient tendance à amener des amis, à se démultiplier, jusqu’à ce qu’on en perde le compte et que les lèvres glissent ailleurs, que les mains les suivent, et que les murmures soient plus soupirés, étouffés. L’âme humaine était ainsi faite, elle ne résistait guère à la tentation quand cette dernière se livrait sur un plateau d’argent. La possibilité ouverte, les hommes s’en emparaient. C’était vrai du pouvoir comme de l’amour. A moins que l’amour soit aussi une forme de pouvoir, et le pouvoir une forme d’amour. Mais ces considérations étaient bien trop philosophiques pour un homme de sa trempe.
Au moins était-il content d’avoir ne serait-ce qu’un peu aiguiller le jeune Prince. Et tant mieux s’il suivait un dixième de ses recommandations, en se mêlant aux autres nordiens comme en apprenant l’art du plaisir physique. L’essentiel demeurait qu’il se montre davantage face aux hommes, en recours potentiel dans le cas où Jon aurait une fille … voir que des filles. Cruel destin que de n’être qu’un recours, certes, mais dans ce monde qu’ils bâtissaient au fur et à mesure, un Prince aimé pouvait devenir un conseiller avisé … Si un nobliau de sa trempe avait pu s’élever, il ne tenait qu’à Walton d’imprimer sa marque, et ainsi de servir le nom glorieux des Stark. Cela passait par sa proximité avec la génération plus jeune que celle de Bowen et Jon, comme par un mariage futur, même s’ils n’en étaient pas encore là – encore, l’âge des fiançailles approchait à grands pas, si l’on était objectif. Mieux valait ne pas se bercer d’illusions à ce sujet. Tout de même, si on lui avait dit un jour qu’il aurait ce type de conversation avec le jeune Prince … Bon sang, il aurait fallu le pincer pour qu’il y croit ! Levant sa choppe à l’unisson de Walton pour trinquer au couronnement à venir Bowen nota néanmoins la légère coloration du ton du garçon et après avoir achevé sa boisson, finit par demander, pensif :
« Cette perspective ne semble pas vous ravir tant que cela, mon Prince. Est-ce l’appréhension de cette nouvelle évolution en société qui vous tracasse, ou autre chose ? »
Bowen s’était souvent demandé comment le dernier des Stark vivait sa situation semblable à nulle autre pareille : celle d’être le seul enfant de son père à n’hériter de rien. A ses yeux, il avait remarquablement bien pris le fait d’être … eh bien, de passer derrière les enfants d’un second lit, et d’une fille par-dessus le marché. Et l’on pouvait être aussi droit que possible, le jeune homme avait du mal à imaginer que Walton ne développe aucune rancœur à l’endroit de ces enfants qui seraient mieux lotis que lui, pis, face auquel, pour l’un d’entre eux, il devrait s’agenouiller. Pour le moment, l’absence de mâle comme descendant de Jon lui donnait l’espoir de coiffer un jour la couronne de Winterfell mais … cela pouvait fort bien se terminer dans quelques semaines. Encore une fois, l’ambition n’était peut-être pas présente dans son cœur … mais l’âme humaine était traîtresse, ses emballements fluctuants et l’envie prenait souvent, dans les moments douleurs. Cet impensé de l’Empire le tracassait souvent. Comme, plus prosaïquement, ils n’avaient jamais pu parler de ce qu’il ressentait par rapport à l’accession au pouvoir de son frère aîné, de son positionnement justement … Cela ne signifiait pas qu’il désirait ennuyer le Prince de ses questions, aussi avait-il évité l’approche frontale. Il avait entrouvert la porte. Et peut-être qu’il se trompait complètement, et qu’il s’agissait d’une inquiétude parfaitement autre. Ou même de son imagination qui lui jouait des tours.
Invité
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Sujet: Re: Les enfants, c'est fait pour grandir [Tour VII - Terminé] Jeu 13 Aoû - 0:05
Je bois une gorgé de ma boisson avant de répondre à Bowen. Dire que ce couronnement ne me ravit pas est un euphémisme, même si le Sénéchal du Nord n’a pas toutes les clefs pour comprendre mon ressenti. Enfin, il a touché un point en parlant d’appréhension. Oui il y a de ça, même si ce n’est pas “que” ça…
“Ce n’est pas que ça ne me réjouit pas. Je suis heureux pour lui. Seulement…”
Je regarde fixement dans le vide et marque une pose. Je porte nerveusement mon pouce à les lèvre et le mordille, ne sachant si je dois aller plus loin… mais s’il y a quelque chose que j’ai retenu de mon entretiens avec Jon, c’est qu’on ne construit pas une forteresse sur des fondations en sable… et tout garder pour moi ne m’a rien apporté de bon. Et puis au vu de la discussion précédente, que puis-je encore cacher à Bowen? Après avoir admis à demi mot que j’étais niais et paniqué à l’idée de faire la cours à une jeune fille de cuisine, il peut bien entendre la suite.
“La vérité…C’est que ça me terrifie. Maintenant que Jon est Roi du Nord… Je deviens de facto son hériter… et je ne me sent pas prêt pour ça… Même si je sais que quelque part ça a toujours été mon rôle, j’ai l’impression d’étouffer rien qu’à y penser et j’ai…”
j’ai le sentiment qu’on vient de me mettre des jets, des entraves… Comme pour les faucons pour les dresser et les préparer à la chasses. J’ai lu quelque part que certains fauconniers préfère quand les oiseaux ne sont pas pris au nid, et attendent qu’ils volettent de branche en branche. Assez jeunes pour se laisser dominer par leur fauconnier, mais assez mature pour avoir l'instinct de chasseur et la combativité dont est dépourvu un oisillons. Je n’irais pas jusqu’à dire que ça faisait parti du plan, ou qu’il y ai eu un plan à ce titre… Mais je me rend compte que c’est exactement ce qui m’arrive. on m’a laissé voler pendant quelques années, pour mieux me passer la longe plus tard… et pourtant, ce n’est pas ça qui m'embête le plus. je fini ma chope d’une seule gorgée, et me nettoie la bouche d’un revers de la main, toujours sans un regard...
“ Mais pour être tout à fait honnête… Je pense qu’une part de moi espérait que Père tienne sa promesse et revienne après la défaite du Noir. Même après qu’il ait proclamé la création de l’Empire avec Dame Rhaenys, j’avais encore l’espoir qu’il revienne à Winterfell…”
Oui… j’avais encore cet espoir idiot. Pendant toutes ces années, le Noir était sa raison pour s’éloigner du Nord, pour s’éloigner de Mère, et pour s’éloigner de nous. Et nous en avons tous souffert, les uns comme les autres. Maintenant, je me rends compte que ce n'était qu’un alibi. Il y aura toujours un Noir à combattre, un empire à bâtir, et maintenant la famille qu’il a construit avec Rhaenys. Il y aura toujours quelque chose qui le retiendra loin. C’est peut-être mieux comme ça. Jon et moi avons trop bâti autour de lui. Il y a encore peu de temps, Jon ne vivait que pour exister à son regard, et moi-même, je voulais qu’il me regarde, même si soutenait bec et ongle le contraire. Il est temps que nous existions sans lui, puisque c’est ce qu’il a choisi. Et pourtant, même si j’essai de me dire que c’est pour le mieux, que je vais passer outre… J’ai cette boule au ventre qui me rappelle sans cesse que je voulais qu’il revienne, et ce stupide espoir qu’un jour nous pourrions reformer une famille, comme Jeyne me l’avait demandé… J’aurais même pu essayer de m’entendre avec Rhaenys, ou du moins de l’accepter… Mais c’est trop tard maintenant… ça a toujours été trop tard… Je ne le voyais juste pas.
“Mais j’imagine que je dois me faire une raison. Je veux aller de l’avant, même si c’est dur.”
Oui… sa place et là-bas. C’est ce qu’il a choisi. Les Dieux et le temps seront témoins du bienfondé de ce choix, et il ne m’appartient pas d’en juger. Il va falloir que je l’accepte, et que je passe à autre chose. Quelque part cette campagne tombe à pic. Elle me permet de quitter Winterfell sans passer par la case Fort-Darion…
Je reste un temps silencieux, attentif. Quelque part, je pense que j’avais besoin de le dire. pas forcement pour avoir des conseils ou des solutions, mais juste… pour en parler… A vrai dire je ne pense même pas être en mesure d’en dire plus ou de répondre si on me le demande. J’entend un cognement résonne derrière la lourde porte en bois. un jeune garde, mandé par son chef pour trouver le sénéchal, même s’il n’a pas l’air de connaître les détails. je pose ma chopine et me lève.
“Je pense que je devrais prendre congé. J’ai déjà trop abusé de votre temps, et je pense que Mestre Rorshar doit m’attendre lui aussi. Je serais présent demain à la première heure, comme convenu”
Je m’arrête quelques seconde, avant de le regarder droit dans les yeux et de reprendre
“Merci de m’avoir écouté.”
je m’éloigne en saluant Bowen, puis sort pour regagner mes appartements. en vérité, il est probable que Mestre Rorshar me cherche, et il est fort probable qu’il m’attende à la bibliothèque. Mais je ne suis pas sûr d’être en état d’accueillir les paroles du vieux sage dans l’immédiat. une fois arrivé, je retire mes bottes et ma tunique d'entraînement, avant de m’allonger sur le lit, l’air pensif tandis que je regarde le plafond. je songe à cet échange que j’ai pu avoir avec Bowen, sur le fait de devenir son aide de camp, de partir en campagne, sur Nora, et sur ces griefs que je garde en mois depuis maintenant des semaines…
et pour la première fois depuis longtemps, je me sent soulagé.
Je ferme les yeux, et sombre dans un profond sommeil.