Sujet: Au nom des pères [Tour VII - Terminé] Mar 19 Mar - 19:38
La foule qui acclame, les vivats qui résonnent dans tout Port-Lannis … Le soleil est beau et haut, fait rare en cet hiver, que seule la bise glacée emplie d’embruns rappelle. Lyman avance, un bras autour de son épouse, l’autre en train de saluer le peuple qui scande son nom et celui de Jeyne, enfin, après tant de mois d’efforts pour la voir portée au firmament par le peuple. Il entend aussi le prénom de son fils, les acclamations pour le petit Prince Héritier qui pose ses grands yeux sur le parvis du Septuaire, étonné mais pas apeuré par le bruit, comme s’il était déjà habitué à ces démonstrations qui seront son quotidien lorsqu’il grandira et prendra la place de son père puis de son grand-père, comme le cycle de la vie demande. Gareth les rejoint, Megara à son bras, superbe malgré son accouchement si récent, aussi pétulante de vie que les deux neveux qu’elle lui a offerts. Puis arrivent le Roi et la Reine, toujours aussi majestueux, toujours aussi imposants. La famille royale salue, savoure … Et puis, le bruit qui déchire tout. Le cri. Le sang. Son père s’effondre. D’instinct, Lyman sent son corps bouger pour protéger Jeyne et Martyn des assaillants, les gardes font bloc, certains tombent encore. Le sang coule sur les marches du septuaire, maculant de son liquide carmin le marbre blanc. Le soleil est obscurci par un nuage. Et l’on crie que le Roi est mort, et la scène se répète encore et encore, Loren n’en finissant pas d’être perforé sous les yeux de son fils impuissant. Le cri d’un corbeau retentit.
***
Lyman se réveilla en sursaut, une nouvelle fois, la sueur coulant sur son front, maculant le lit. Ses mains encore tremblantes, le jeune homme se força à respirer profondément pour calmer les battements erratiques de son cœur, alors qu’il tentait désespérément de chasser de sa tête les images de son père en train de s’effondrer, du sang maculant son pourpoint … Peine perdue. Depuis l’attentat, il revoyait en permanence cette scène infernale, de jour comme de nuit. Avec dépit, il constata que le soleil n’était pas encore levé. Or, il n’avait pas le cœur à réveiller Jeyne, qui dormait du sommeil du juste, surtout qu’elle se remettait encore de la fatigue liée à la grossesse et à l’enfantement. Amoureusement, il déposa un baiser sur son front, la regardant bouger légèrement dans son sommeil, avant de se retourner. Son souffle toujours long lui indiqua cependant qu’elle n’était pas éveillée, ce qui le rassura. Rapidement, il attrapa ses vêtements qu’il enfila aussi silencieusement que possible, avant de se diriger vers la pièce adjacente où reposait son fils.
Doucement, il se glissa près du berceau, pour constater avec amusement que le petit était pleinement réveillé lui aussi et babillait joyeusement, agitant ses petits poings. Attrapant l’un des jouets qui lui avaient été offerts à la naissance, Lyman le plaça au-dessus de Martyn, qui tenta de s’en saisir une première fois, sans succès. Gentiment, son père déposa l’objet près de la tête surmonté de sa touffe de cheveux d’une blondeur presque blanche, ce qui parut lui plaire, puisque que le nourrisson laissa échapper un gazouillage de contentement. A moins qu’il ne soit tout simplement de bonne humeur. Ne résistant pas plus longtemps, Lyman prit son fils dans ses bras avec moult précautions, jouant avec lui et ne se lassant pas de l’observer encore et encore. C’était fou comme un si petit être pouvait avoir autant d’importance, surtout si, à peine âgé d’un mois, il devenait le prince héritier du Roc.
A cette pensée, Lyman s’arrêta de bêtifier, son humeur assombrie. Il avait espéré que Martyn soit épargné par ce poids avec lequel il avait grandi quelques années encore. Bien sûr, il n’aurait jamais été un enfant normal, et la couronne aurait plané sur toute son éducation mais … il était plus simple d’être le second en ligne pour le trône que le premier. Et il désirait tant que son garçon connaisse son grand-père, qu’il sache quelles étaient les racines, lui-même n’ayant jamais connu le sien. Enfin, il pouvait toujours profiter de ces moments, et peut-être qu’ils ne seraient pas les derniers. Peut-être que les Sept seraient miséricordieux.
C’est ainsi qu’il se dirigea donc, Martyn dans ses bras, vers la chambre de son père, lourdement gardée, évidemment, par crainte d’une réplique de l’attentat. Mais personne n’allait arrêter le Prince Héritier. Une fois dans la chambre royale, il observa longuement la silhouette du Lion qui gisait, le haut du corps enduit de bandages baignant dans divers cataplasmes. Le Roi dormait profondément, sans doute l’œuvre du lait de pavot, administré afin d’apaiser ses souffrances et de lui permettre de se reposer, et donc de reconstituer ses forces. Avec moult précautions, Lyman déposa son fils près de la tête de son grand-père, le petit observant l’homme endormi avec intérêt, avant que ses yeux ne se ferment eux-mêmes sous l’influence de sa respiration lourde et régulière. Bientôt, le Jeune Lion fut le seul à demeurer éveillé, mais cela ne le dérangeait. Il se contentait de regarder, ému, son père et son petit-fils dormir de concert. Cette vision simple l’apaisait, et il aurait pu s’assoupir à son tour si le grincement de la porte n’avait pas interrompu.
« Qui va là ? »
Puis il reconnut la silhouette s’encadrant dans la porte, et un sourire apparut sur son visage.
« Oh, c’est toi Gareth. Entre, je t’en prie. Mais tu auras un peu de compagnie. »
Désignant son fils, toujours endormi aux côtés de son grand-père, il murmura :
« Martyn et moi n’arrivions pas à nous rendormir, donc j’ai décidé de l’emmener pour une petite visite à son grand-père. »
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Sujet: Re: Au nom des pères [Tour VII - Terminé] Jeu 11 Avr - 10:42
Je soupire, le regard perdu dans le vide alors qu’une fois de plus, je n’arrive pas à trouver le sommeil. Celui de Meg est agité, comme à l’accoutumée et j’effleure doucement son front du bout des doigts en un geste que je sais apaisant pour elle. Et cela fonctionne. Elle soupire doucement et se calme, sa respiration reprenant un rythme régulier alors que je continue de garder les yeux ouverts. Je finis par inspirer longuement et par l’embrasser avant de me lever et de m’habiller aussi silencieusement que possible.
Et, si j’hésite un instant à aller voir mes petits lionceaux, je finis par sortir de nos appartements et par me mettre à déambuler un peu au hasard, ne prêtant qu’une attention distraite à la quantité de gardes presque inquiétante que je croise sur mon chemin. Je ne me rends même pas compte que mes pas me mènent tout droit vers les appartements du Roi et je me fige devant la porte lorsque j’y arrive, indécis. Les deux gardes me fixent en silence et, dans leurs yeux, je pourrais presque y lire une compassion que je n’aurais pas soupçonnée. Il faut dire que les derniers jours ont été plus que difficile, que j’ai parfois du mal à savoir comme réagir. En tant que Capitaine de la Maison du Roi, en tant que gendre, en tant que sujet. Trop de possibilités différentes et je ne sais plus vraiment quoi faire. Sans compter que je dois prendre soin de Meg, vivement attachée à son père et dont l’état la préoccupe jour et nuit.
Mais, dans l’immédiat, j’ai juste besoin de mettre de côté tout ce que je suis supposé être. Et de voir cet homme que j’admire depuis toujours, qui a su veiller sur moi à sa façon et qui m’a accordé sa confiance. Que je ne mérite pas, sinon il ne serait pas dans cet état. A cette pensée, j’ai un profond soupir alors que l’un des gardes finit par souffler, d’une voix un peu bourrue. « L’prince est à l’intérieur. » L’idée que Lyman soit là me rassure quelque peu et j’ai un sourire de remerciement à son attention alors qu’il m’ouvre la porte sans se faire prier.
Si je comptais rester dans l’ombre et ne pas les déranger, c’est peine perdue. Heureusement, Lyman me reconnait rapidement et je lui rends un sourire absent avant de m’approcher silencieusement, mon regard se portant sur chacun des lions présents dans la pièce. « Je n’arrivais pas à dormir non plus. Et mes pas m’ont amenés jusque-là sans même que je m’en rende compte. » Je fais quelques pas, m’arrêtant devant Martyn que j’observe longuement. Il commence pourtant à s’agiter et je pose une main sur son front, comme je l’ai fait avec sa tante quelques minutes plus tôt. Et je chuchote, d’une voix à peine audible. « Tout va bien petit lionceau, on veille sur toi. » C’est comme s’il m’entendait vraiment et il se calme aussitôt, avant que je ne reporte mon attention sur mon ami. Je prends place sur le siège à côté du sien et je souffle, pensif. « Comment tu te sens ? » Je sais ce qu’il peut ressentir et une part de moi espère profondément qu’il n’aura pas à ressentir le reste. La perte de son père. D’autant que, si cela arrive, bien des choses vont changer et il n’aura peut-être même pas le temps de vraiment faire son deuil.
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Sujet: Re: Au nom des pères [Tour VII - Terminé] Jeu 11 Avr - 22:09
Un râle s’échappa des lèvres de Loren, faisant se dresser Lyman sur son siège. Puis la respiration du Roi s’apaisa à nouveau et il se retourna dans son sommeil. Un bref instant, le regard du Prince se posa sur les bandages serrés autour de sa poitrine. Au moins n’étaient-ils plus plein de sang comme les deux premiers jours, quand le mestre devait les changer toutes les heures. Le pauvre homme avait fait tout ce qu’il pouvait pour refermer la plaie et retrouver la tête des carreaux, mais la science avait ses limites. Désormais, tout dépendrait de la capacité du Roi à lutter contre la fièvre et à repousser l’infection. Mestre Aethon avait beau dire qu’il était optimiste, que le souverain de l’Ouest était à l’image de son royaume, un vrai roc et que la netteté de la blessure lui offrait un bon pronostic, son fils avait conscience que le sort de son père était entre les mains des Sept … et le sien avec. Il savait, depuis les premiers moments où il avait pu comprendre une phrase simple, qu’il lui succéderait, que pour accomplir ce pour quoi il était venu au monde, son père devait mourir. Et mentalement, certes, il s’y était préparé. Mais c’était une chose que de savoir, et une autre de voir, de sentir dans sa chair l’imminence potentielle du trône, et de la mort d’un père.
Peut-être était-ce pour cela qu’il se sentait étrangement calme, contrairement à la mort de Nymeria. Etait-ce parce qu’il ne l’avait pas vue agoniser, sa petite sœur ? Ou bien parce que, aussi cruel que ce soit à dire, le sort de sa cadette touchait prioritairement Lyman, le frère, le jeune homme, et pas le Jeune Lion, l’héritier ? Il y avait sans doute une part de vérité là-dedans, ainsi que l’espoir vivace d’une rémission. Tant que l’Etranger n’avait pas traversé la porte de cette chambre pour emmener Loren, il pouvait croire que son père lui sourirait à nouveau. Et qu’il n’aurait pas à ceindre la couronne. Pas comme cela, en tout cas. Le dernier exemple d’une accession à un trône après un assassinat n’avait rien de bien encourageant : Deria Martell s’était retrouvée piégée par les envies de revanche, de vengeance de ses sujets, peut-être les siennes aussi, mais en tout cas, il était impossible pour Dorne de commencer sereinement sans ce nouveau règne. Et il en serait de même pour lui, si son père venait à trépasser. Les ouestriens exigeraient violemment un coupable, et comme il ne pouvait espérer avoir la même autorité qu’un souverain tenant le royaume depuis des années, il aurait du mal à les empêcher de clamer justice chez ceux qu’ils accusaient déjà à demi-mots de tous leurs maux. Non, décidément, cela n’avait rien de bien réjouissant. Alors, il attendait, temporisait, priait. Et échafaudait, malgré lui, des plans pour l’avenir, parce qu’il n’était pas Lyman, mais le Jeune Lion. Même face à la mort, il ne pouvait pas se permettre de l’oublier.
« Je ne sais pas vraiment. J’ai l’impression d’être … comme piégé au milieu d’un gué que je ne veux pas franchir, mais qui m’entraîne malgré moi. Alors d’un côté, j’essaye quand même de penser à la suite et de l’autre … je tente précisément de ne surtout pas y penser, et de m’occuper l’esprit autrement, avec Martyn, avec Jeyne.
C’est … vraiment étrange. »
Pensif, il s’attarda sur son fils, détaillant le visage qu’il connaissait désormais par cœur, les petits bras potelés, les mèches blondes, les yeux brillants … avant d’ajouter :
« Je crois que Mère est un peu pareille. C’est même … bizarre de la voir comme ça. Comme si elle ne savait pas ce qu’il fallait faire. Ou plutôt que pour une fois, elle ne voulait pas envisager toutes les possibilités. »
Un très fin sourire se mit à flotter sur son visage, et il ajouta :
« Peut-être bien qu’elle l’aime vraiment, mon père. »
Jamais Lyman ne s’était attardé ainsi sur la relation entre ses parents. C’était une sorte d’impensé, quelque chose qu’il abordait rarement, sauf avec Jeyne. Il ne savait pas quelle était la réalité de leur vie intime, et ne tenait pas forcément à le savoir, comme tout fils. Il n’avait jamais compris le besoin compulsif de son père de fréquenter autant de femmes, ni la capacité de sa mère à supporter ces affronts et à ne jamais s’en émouvoir, comme si le pouvoir lui apportait finalement davantage que tout le reste. Il n’avait pas souvenir d’avoir entendu sa mère se plaindre, ou avoir des commentaires vraiment durs à l’égard de Loren de ce point de vue-là. C’était … comme s’ils avaient un arrangement. Et cela l’avait toujours laissé perplexe. Mais le visage de Jordane, quand elle avait vu Loren s’effondrer, son cri de douleur … Cette lueur dans les yeux. Oui, l’espace d’un instant, Lyman n’avait pas vu la Reine, pas vu la mère, mais bel et bien la femme. Et il avait senti une étrange bouffée d’amour envers sa génitrice, de la voir ainsi, si … humaine, finalement. Lentement, il tourna sa tête vers Gareth, avant de lui demander :
« Et toi ? Je veux dire, je sais bien qu’avec Meg, ça doit être difficile déjà mais … je sais que Père et toi avez une relation particulière. »
Loren aimait son gendre. Sinon, déjà, il ne l’aurait jamais nommé capitaine de sa maison, de cette entité qu’il avait formée et dont il espérait tant. De base, Lyman avait toujours eu l’impression que son père avait une affection réelle envers Gareth depuis son arrivée à Castral Roc. Les deux hommes, en même temps, ne manquaient pas de points communs : ils avaient tous les deux cet esprit facétieux qui faisait rire les femmes et exaspérait Jordane. Ils étaient aventureux, toujours de bonne compagnie et prêts à faire les cent coups. Et ils étaient de bons guerriers. A la réflexion, il aurait été difficile de trouver gendre plus compatible avec le Roi. Il ne doutait pas non plus que la réciproque soit vraie.
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Sujet: Re: Au nom des pères [Tour VII - Terminé] Mar 23 Avr - 15:31
Je crois que, pour la première fois depuis que je connais Lyman, j’ai vraiment peine à deviner tout ce qui peut lui passer par la tête en cet instant. Même si je comprends sa peine, je ne peux arriver totalement à saisir ce qu’il ressent face au poids de la couronne qui menace de tomber sur lui à chaque instant, face à cette inquiétude qu’il ne peut pas totalement montrer aux autres puisqu’il se doit d’être fort, de montrer que la relève est là, prête à agir. Et je ne sais pas vraiment comment lui venir en aide.
Pourtant, j’ai l’impression que ma seule question l’aide déjà un peu. Comme si cela lui permettait de se rappeler qu’il n’était pas seul au milieu de la tourmente. « Je ne te ferais pas l’affront de te faire croire que je comprends ce que tu ressens. Je peux juste te dire que tu n’es pas vraiment coincé. Que nous sommes là pour t’aider. A traverser comme à revenir en arrière. Tu ne seras pas seul, quoi qu’il se passe. » Je pose brièvement une main sur son épaule avant de lever un sourcil au reste de ses propos.
Et je souffle, songeur. « Je crois aussi. D’un amour que nous ne pourrons jamais vraiment comprendre. Il y a une espèce d’équilibre entre eux, une relation qui m’a toujours dépassé. » Et sur laquelle je n’ai jamais trop osé me pencher non plus. Par respect pour le couple royal mais aussi parce que, d’une certaine façon, c’est aussi comme cela que j’avais agi avec mes parents. Ils s’en rapprochaient, que j’en sois conscient ou non. « Ce doit être difficile pour elle. Surtout que tout le monde est habitué à ce qu’elle soit le roc de cette famille. Et cette attente c’est… pire que tout en fait. » Et après Nymeria, un nouveau coup dur que la Reine devrait affronter.
J’ai un bref soupir, mon regard se perdant dans le vide avant que la question de Lyman ne me prenne quelque peu au dépourvu. Je laisse flotter un silence, sans bien savoir quoi lui répondre. Et je souffle, portant mon attention sur le jeune Martyn. « Meg est… elle adore son père. C’est très dur pour elle en ce moment. Heureusement qu’il y a les petits sinon elle ne quitterait jamais cet endroit. » Je fronce les sourcils, cherchant mes mots de nouveau avant de tourner mon regard vers lui. « … quand j’étais plus jeune, je rêvais que Loren Lannister soit mon père. Il représentait l’image du héros que je me faisais. Il était grand, fort, il avait toujours un mot pour moi. Je comprenais pourquoi mon propre père était en admiration devant lui. Et à chaque fois qu’il faisait attention à moi, j’étais ravi. Surtout que ce n’était pas comme ta mère qui me réprimandait les trois quart du temps. » J’ai une ombre de sourire avant de laisser filer un soupir bien plus audible cette fois. « Le fait qu’il me fasse confiance comme ça, depuis toujours, c’est… je ne suis même pas sûr d’avoir jamais su trouver les mots pour le remercier. Et j’aimerais pouvoir le faire… » Je ne suis même pas sûr d’être vraiment clair en vérité, d’arriver à exprimer ce que je ressens face à cet homme qui lutte encore entre la vie et la mort. Mais je sais que je n’ai pas eu le temps de dire au revoir à mon propre père, que j’ai nombre de regrets à son sujet. Et que cela risque peut-être de se reproduire une nouvelle fois.
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Sujet: Re: Au nom des pères [Tour VII - Terminé] Lun 29 Avr - 16:25
Un instant, alors que la main de Gareth serrait son épaule, Lyman se sentit subitement rasséréné. En effet, ses proches l’aideraient, s’il devait devenir roi. Et il avait l’espoir qu’ils comprendraient ces décisions les plus difficiles, éventuellement. C’était peut-être sa préoccupation principale, finalement : que ferait-il, une fois couronné ? Au-delà du simple fait de perdre son père et d’entrer dans l’histoire du Roc, il avait surtout cette interrogation profonde, signe sans doute de ses loyautés conflictuelles, de ses désirs et de ses regrets. La mort potentielle de Loren menaçait à la fois de tout remettre en question, et en même temps de passer des paroles aux actes. Mais lesquels d’actes, alors que son géniteur gisait ainsi, touché pour la première fois depuis la bataille de Castral Roc, et jamais aussi profondément ? Finalement, songeur, il finit par lâcher dans un murmure le fond de sa pensée :
« C’est moins la traversée que je crains que le chemin à prendre. »
Quelque part, Lyman ne pouvait que soulever l’ironie de sa principale peur, celle d’être un roi de guerre alors qu’il était homme de paix, là où son père, homme de guerre, avait été un roi de paix. Et c’était cette pensée qui, principalement, animait les palpitations de son cœur, à mesure qu’il observait la poitrine de son père se soulever en un rythme heurté, mais bien présent. Sa respiration et la voix de Gareth l’aidaient à y voir plus clair. En dépit de la douleur insigne de perdre son paternel, il avait toujours su que cela adviendrait. Et en un sens, il était prêt. Mais comme il l’avait dit, il était partagé entre le fait de penser au futur … et de, désespérément, repousser ses implications. Que ferait-il ? Quels ordres signeraient-ils ? Sur quels documents apposeraient-ils son sceau royal pour la première fois ? Serait-il Lyman le Sage, ou Lyman l’Incapable ? Lyman le Pacificateur, ou Lyman le Sanglant ? Une chose était certaine : il gouvernerait. Et cela, personne ne pouvait l’ignorer, dans la famille royale, quitte à complexifier encore un peu plus la situation et les pensées. Sa mère y compris. Surtout elle.
« Si Père meurt … elle perdra beaucoup. Trop, peut-être. La femme comme la Reine seront atteints. Le privé et le public. La famille, l’amour et la couronne.
J’aime ma mère. Mais je ne serai pas son pantin. Et elle le sait autant que moi, ce qui ajoute à son désarroi comme au mien. Et je pense qu’elle est déchirée entre sa loyauté envers le royaume qui lui dicte quelque chose qu’elle ne peut supporter, parce que … cela signifierait tellement. Elle ne peut pas préparer la succession … parce qu’elle-même n’y est pas résolue. Pour Père, pour moi, et pour elle.
La mort de Nymeria lui a rappelé qu’elle pouvait être blessée, comme tout être humain. Celle de Père … lui signifierait que rien n’est éternel. Ni l’amour, ni le pouvoir. »
En quelques phrases, Lyman avait peut-être résumé toute l’ambiguïté des relations au sein de la maison royale de l’Ouest, au sein de laquelle l’amour et le pouvoir s’entremêlaient parfois harmonieusement, et souvent douloureusement. Lyman était le seul fils de Jordane et Loren, le premier-né, mais surtout l’héritier. Ils étaient ses parents, aimés et respectés, admirés, mais surtout son Roi et sa Reine, ses prédécesseurs illustres à l’ombre écrasante. Comme Megara et Nymeria avait pu davantage considérer leur aîné comme leur Prince, et non comme leur frère, Lyman ne pouvait dissocier entièrement la piété filiale et le contrôle du pouvoir. Et d’une certaine façon, il n’était pas loin de penser que sa mère aimait son Père pour ce qu’il était autant que pour ce qu’il lui avait offert. Comme père de ses enfants, et comme Roi permissif. Il ne pensait pas lui faire opprobre en pensant cela.
A l’évocation de ses neveux, un sourire éclaira lentement le visage de Lyman. Les jumeaux étaient adorables, et s’il se serait immolé par le feu plutôt que d’admettre qu’ils étaient aussi adorables que son propre fils, fierté ridicule oblige … En vérité, le Prince, lorsqu’il avait pu les voir pour les premières fois, avait ressenti un amour profond et sincère pour les deux petites têtes blondes si similaires au duvet qui recouvrait le crâne de son fils. Ce dernier émit un petit piaillement, qui ramena l’attention de son père sur lui. Doucement, sans cesser d’écouter Gareth, le Jeune Lion alla récupérer son Lionceau, avant de le caler dans ses bras et de le bercer lentement, espérant que, dans cette petite caboche encore en pleine construction, quelque part, les mots de son oncle soient en train de se graver pour que l’enfant se souvienne, un jour, de qui avait été son grand-père, de ce qu’il avait inspiré aux gens autour de lui.
« En un sens, Père appartient à une autre époque, celle des chevaliers sans peur qui font rêver tous les jeunes garçons, ceux qui arrivent et sauvent la veuve et l’orphelin … Enfin, dans son cas, troussent la veuve et sauvent l’orphelin, mais nous n’allons pas nous arrêter à ce léger détail. »
Avant d’ajouter, redevenant sérieux :
« Tu lui as donné deux petits-fils. C’est un beau remerciement, non ? Par mariage, tu es comme son fils, désormais, je doute qu’il conçoive les choses autrement. Pour le reste … Je crois qu’il le savait. Et qu’il savait qu’il pourrait compter sur toi pour sauvegarder la maison Lannister, y compris dans la tempête.
Tu es l’homme à qui il confierait Martyn si Castral Roc devait tomber, pour s’enfuir avec lui et faire en sorte que, quelque part, notre nom survive. Pas moi, pas Jeyne, pas Meg, et pas Mère. C’est là ta mission et ton fardeau, sa confiance et son amitié. »
Concluant, déposant un baiser sur le front de son garçon, Lyman acheva :
« Pour ce que cela vaut, c’est ce que je ferai aussi. »
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Sujet: Re: Au nom des pères [Tour VII - Terminé] Jeu 16 Mai - 10:55
Parfois les mots sont inutiles. Ils ne font que mettre en avant ce que l’on sait déjà. Lyman a toujours su qu’il pouvait compter sur moi, quoi qu’il arrive. Que jamais mon allégeance à son égard ne vacillerait, quand bien même je n’approuverais pas forcément toutes les décisions qu’il pourra prendre. Mais, dans ces moments-là, il est important de rappeler sa présence, même silencieusement. Qu’il n’oublie jamais qu’il ne sera pas seul à affronter ce qui pourra arriver. Quand bien même la tempête qui pourrait se profiler à l’horizon pourrait être plus violente qu’escomptée. Et, à ses propos, je souffle, d’une voix douce. « Je sais. Comme tu sais aussi qu’un jour il te faudra malheureusement emprunter ce chemin, que tu le veuilles ou non. Que tu te sentes prêt ou non. » Et ce sera à nous de faire en sorte qu’il devienne le Roi dont aura besoin l’Ouest à ce moment-là.
J’ai un léger froncement de sourcils à cette pensée, laissant filer un silence après avoir évoqué sa mère. Et je grimace, mon regard se perdant un instant dans le vide. « Je ne te pensais pas aussi… lucide à son propos pour être honnête. Mais tu m’en vois rassuré. Non que j’aie envie de la voir tout perdre, mais que tu sembles prêt à faire ce qu’il faut pour cette couronne qui te sera un jour échue. » Quand bien même il serait plus simple que cela arrive plus tard, dans d’autres circonstances. « Accepter qu’elle ne sera plus la Reine doit être difficile à concevoir et quand cela arrivera, les tensions vont être à leur comble. » Surtout pour Jeyne qui devra s’imposer à ce moment-là. Mais visiblement, Lyman en est parfaitement conscient. Et, quand il évoque Nymeria, je souffle, sans même m’en rendre compte. « Elle me manque. »
Je ne sais même pas pourquoi j’ai dit ça en réalité et, quand nous commençons à parler plus directement de Loren, je peine à trouver mes mots. Probablement parce que je n’en avais encore jamais vraiment mis sur cette relation un peu particulière que j’ai avec le Roi, comme avec chacun des membres de la famille Lannister. J’ai toujours eu une place un peu à part, j’en suis bien conscient, quand bien même je n’étais pas de leur famille. Jusqu’au mariage avec Meg. Je suis Lyman des yeux alors qu’il prend le petit lionceau dans ses bras, laissant filer un rire silencieux quand il reprend la parole. « Et pourtant, ce sont aussi ce genre de détails qui façonnent l’histoire… » Et je l’écoute en silence, fronçant légèrement les sourcils alors que mon cœur se serre un peu à l’écouter. Je ne sais combien de temps je reste sans dire un mot mais je finis par reprendre, mon regard fixant le vide. « J’ai dit à Alys que je me sentais coupable. De ressentir plus de peine pour ce qui vous touche que lors de la mort de mes parents J’ai passé toute ma vie ou presque à vos côtés, dans votre ombre. Et c’est une place qui me convient tout à fait, surtout avec ce que je ressens pour Meg, quand bien même cela me conférait une place un peu… atypique. Je ne sais pas s’il me voit comme un fils ou non et, au fond, ça n’a pas grande importance. J’aurais aimé lui ressembler, même s’il est loin d’être parfait, même si je suis loin d’avoir la prestance qu’il peut avoir. » Et ma voix se meurt pendant quelques instants, alors que mon regard se pose sur Martyn. « Devoir abandonner tous ceux que j’aime pour sauver notre jeune lion… je ne sais pas si je dois être honoré d’une telle confiance, me demander si j’en serais vraiment capable ou vous en vouloir de songer à m’imposer cela. » Même si j’ai un sourire tout en parlant, je ne peux arriver à concevoir de laisser Meg. Ou nos enfants. Et pourtant, s’ils me le demandaient, s’il le fallait, je le ferais. Parce que c’est mon devoir, quoi qu’il puise m’en coûter.
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Sujet: Re: Au nom des pères [Tour VII - Terminé] Lun 10 Juin - 19:57
« Je suis son fils. Il ne pourrait en être autrement. »
Plus frêle et retors que Loren, Lyman avait infiniment plus hérité de sa redoutable génitrice que de son père, et Jordane avait tout fait pour que son seul garçon ne ressemble pas à son mari, du moins autant que faire se peut. Elle avait axé son éducation sur le pouvoir, tant dans sa manie de lui rappeler sans cesse qu’il était son droit et son devoir que dans sa capacité à l’exercer. Parce qu’elle n’avait pas eu de mal à gouverner le Lion, parce qu’elle souffrait de ses défauts autant qu’elle en profitait, la Dame de Fer de l’Ouest avait façonné son fils en une antithèse de son prédécesseur, y réussissant probablement trop sur bien des points. Elle lui avait enseigné sa méfiance des armes, son goût pour les affaires de cour et les intrigues et surtout, son inaltérable orgueil Lannister. Contrairement à elle, néanmoins, le jeune homme n’était pas dénué d’attention envers les petites gens et avait l’abord facile de son père. Il avait aussi son goût pour les femmes, bien que Jordane se soit employée à le briser, avec une certaine forme de succès. Un instant, ses pensées se tournèrent vers la jolie Mylessa, ce premier amour chassé sans autre forme de procès et dans la honte par la Lionne, car un Prince ne pouvait frayer avec une vulgaire servante et en oublier son rang. Qu’était-elle devenue, cette pauvresse ? Il en avait voulu à sa mère, pour cela. Mais admettait des années plus tard que cet épisode avait contribué à le forger, en lui apprenant que rien ne devait se mettre en travers de son trône … pas même sa famille. Pas même Jordane Lannister. Surtout pas Jordane Lannister.
« Je l’enverrai comme ambassadrice, je pense, pour éviter cela. Une retraite honorable, le temps pour Jeyne de s’imposer à sa place. Il ne doit y avoir qu’une autorité au Roc. »
La sienne, cela allait sans dire. Jordane irait dans le Val, au Bief, mais il était impensable qu’elle soit maintenue dans ses prérogatives actuelles, ou de lui en laisser la possibilité. Ce n’était pas qu’il n’avait pas confiance en sa loyauté, mais Lyman savait d’expérience que Jordane aurait du mal à se faire à l’idée de ne plus avoir le dernier mot, surtout si son fils ne prenait pas les décisions qu’elle souhaitait voir aboutir. Bien sûr, une part de lui-même espérait qu’il n’en serait rien, et qu’elle saurait où était sa place, qu’il n’en arriverait pas à une telle extrémité. Mais une autre savait pertinemment que même si c’était le cas, il y avait un risque pour son autorité à laisser l’ancienne puissance derrière le trône à la cour. Certains, notamment de l’ancienne génération, iraient toujours chercher sa faveur, et dans des temps de transition, il était dangereux qu’une voix dissonante au Roi puisse se faire légitimement entendre, ou que ce dernier ne soit pas le premier récipiendaire des doléances de ses féaux.
« A moi aussi. »
Abandonner ses considérations morbides sur le pouvoir pour songer à sa sœur décédée n’aurait pas dû être un soulagement, mais c’en était presque un, à vrai dire. Les semaines avaient commencé à suturer la plaie ouverte, et même si la blessure demeurait vive, la mélancolie prenait peu à peu le pas sur le désespoir. Il paraissait que c’était cela, faire son deuil. Que la peine s’estompait, et que les souvenirs heureux finissaient par prendre le pas sur la souffrance due à la perte. Nymeria ne connaîtrait jamais Martyn, Tybalt et Cadwyn. Tous les trois ne rencontreraient jamais ce qui aurait dû être un cousin valois. Pour toujours, sa sœur resterait l’ombre de son enfance, partie trop vite. Elle serait la marque de son passé. Les enfants, eux, étaient l’avenir. Aussi cruel que ce soit. Mais l’existence l’était. Son père qui gisait face à eux en était la preuve irréfutable.
Lentement, Lyman traça les contours du visage de son fils, écoutant Gareth se confier. Il baissa la tête au moment où il avouait avoir ressenti plus de peine pour eux que pour la mort de ses propres parents, pour tenter de cacher l’émotion qui lui tordit brutalement le visage. Il n’aurait pas pensé … et cela le touchait au-delà de tout, en vérité, malgré la tristesse qu’il aurait dû ressentir à l’idée que son meilleur ami soit à ce point un étranger à sa propre famille qu’il ait plus de peine pour les Lannister. Était-ce de l’égoïsme ? Peut-être, sans doute. Était-ce humain ? Sûrement. Comme le fait que Gareth ne sache exactement ce qu’il devait ressentir, face à la tâche qui lui était échue. Ces doutes étaient le fardeau du pouvoir, de leur condition. Et ils étaient semblables aux siens. Sa réponse était là, finalement.
« Les trois à la fois. »
Un silence passa, avant qu’il ne reprenne :
« Tu te souviens de Mylessa … cette servante, quand j’avais quinze ans ? Celle que Mère a chassée et que tu as cherchée pour moi, pour savoir qu’elle avait fui son village par crainte de voir son père l’équarrir à cause de sa honte ? »
Celle qu’il avait aimé. Défloré. Perdue.
« J’ai détesté Mère pour ça. De toute mes forces. Encore aujourd’hui, une part de moi ne l’accepte pas. Mais … si, dans quinze ans, Martyn agit de même … je ferai sans doute pareil. Peut-être pas aussi … vigoureusement. Mais je le ferai. »
Soupirant doucement, il acheva :
« Ne m’as-tu pas détesté, quand je t’ai choisi pour épouse ma sœur, alors qu’à ce moment, je savais que tu en aimais une autre ? J’ai fait ce choix en sachant que cela pouvait entacher notre amitié, et je fais celui-ci en ayant en tête le prix demandé. »
Et finalement, tout revenait au même, terminant la boucle du pouvoir.
« C’est cela dont j’ai peur. De ce chemin de solitude qui m’attend. De devoir … tant imposer, tant demander, et espérer encore qu’on me pardonne. »
Ses yeux se voilèrent, comme s’il contemplait, l’espace d’un instant, les abysses entourant le trône, avant qu’il ne continue, sa voix aussi douce que le vent d’automne :
« Tu l’aimes ? Meg ? »
Est-ce qu’une chose positive pouvait sortir de tout cela ? Était-ce seulement possible, que la voie torturée du devoir soit, parfois, le bon chemin ? Il en venait à l’espérer. A prier pour. De toutes ses forces.
« Je ne sais si Alys comprend … mais sache que tu es ma famille. Notre famille. Et qu’elle aussi. Cela … ne rachète pas tout. Mais … je suis sûr que tes parents avaient cet espoir au fond d’eux, quand ils t’ont confié à nous. »
La gorge légèrement enrouée, il conclut :
« Merci d’être là pour nous. Pour moi. D’être … le roc du Roc. »
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Sujet: Re: Au nom des pères [Tour VII - Terminé] Lun 8 Juil - 11:55
Je le fixe quelques instants avant de souffler, à mi-voix, mon regard se perdant dans le vide. « C’est égoïste mais j’aurais aimé… qu’il puisse en être autrement. Que tu ne sois pas forcément amené à vivre tout ça. » Pourtant, il a toujours été élevé en ce sens. Mais dans l’immédiat, j’aurais aimé que le Prince puisse laisser la place à l’homme et qu’il puisse vivre la vie qu’il aurait souhaitée. C’est stupide, idiot, impossible même, mais en ce moment, avoir les idées claires et plus complexe que prévu. Et j’ai un bref soupir alors qu’il recommence à parler, fronçant légèrement les sourcils avant de reprendre, toujours sur le même ton. « Ce sera… délicat. Je sais qu’elle comprendra et que c’est nécessaire. Mais Jeyne aura une lourde tâche qui l’attend. »
Et pourtant, je suis soulagé. Que Lyman ait bien conscience de la situation et du bras de fer qu’il faut absolument éviter. Ce sera à eux d’imposer leur façon de régner, leur point de vue. Ne pas se laisser trop influencer par ce qui peut se passer autour du couple royal. Je n’ai pas spécialement envie d’y penser, mais les récents évènements nous y obligent, comme si les dieux avaient décidé de briser le petit cocon dans lequel nous avions continué d’évoluer malgré les difficultés rencontrées par le reste du continent. « C’est peut-être le prix à payer pour cette paix que nous voulons maintenir en vain… » Je me rends à peine compte que j’ai parlé tout haut. Tout comme je réalise à peine que j’évoque Nymeria. Je ne peux m’empêcher de sourire tristement à sa réponse et je souffle, d’un ton presque amusé. « Elle nous aurait secoués à nous voir dans cet état. Avant de s’enthousiasmer devant ses neveux. » J’aurais tellement aimé qu’elle le fasse que ça en devient encore plus douloureux que le reste. Et je secoue la tête, comme chasser cette pensée.
Sauf que le reste n’est guère plus joyeux. C’est même tout le contraire. Même si je souffle, dans un soupir. « Et bien, au moins, j’ai compris plus vite ce qu’il en est cette fois. On va dire que je progresse. » Je l’écoute alors me parler de Mylessa, laissant filer un silence alors que les souvenirs me reviennent. Je ne pensais pas que cette histoire l’avait tant marqué et je grimace, alors qu’il réalise ce qu’il devra faire à son tour. « Il y a aura nombre de choses à sacrifier pour nos enfants. Même s’ils doivent nous détester pour ça. Au moins, on peut enfin comprendre certaines choses concernant nos parents maintenant. » J’ai un temps, fronçant les sourcils à sa question et je garde le silence quelques instants, cherchant mes mots. « … à dire vrai, je me suis plus détesté d’avoir cru pouvoir faire ce que je voulais de ma vie. Lynara m’avait permis de comprendre que je pouvais être aimé pour ce que j’étais. Pas ce que je représente ou pour être bien vu de toi. C’était… nouveau, rassurant. Et j’ai découvert que je n’étais pas si insupportable que ça. Tu m’as enlevé ça. Alors oui, je t’en ai voulu. Pas autant qu’à moi-même par contre. »
Je me frotte la nuque, songeur, avant de continuer, toujours d’un ton tranquille. « Et pourtant… si tu me demandais de le refaire, je le referais. Si tu me demandais de me jeter de la plus haute tour du château, je le ferais. Si tu me demandais de tout abandonner pour Martyn, je le ferais. Tu n’es pas seul Lyman. Je suis là, quoi qu’il en coûte. » Et au reste, je pique un peu du nez, esquissant un sourire plus doux que d’ordinaire. « … je… Elle me connait. Avec mes défauts. Elle n’a rien à gagner avec moi et pourtant, elle m’a laissé approcher. Elle est surprenante. Douce. Forte. Le seul rôle que j’ai à jouer avec elle, c’est celui de l’époux. Rôle dont je m’accommode bien mieux que je ne l’aurais cru. Alors oui, je crois bien que je l’aime. Et que je lui ai dit. » Je ne me souviens pas avoir autant parlé de moi avec Lyman ou, tout du moins, de ce que je pouvais ressentir. Et je le fixe avec une légère appréhension, incapable de retenir la question qui me vient naturellement. « Et toi ? »
A l’évocation d’Alys, je ne peux pas m’empêcher de grimacer, sans bien arriver à saisir pourquoi. Comme si elle représentait cette dualité que j’ai du mal à appréhender depuis toujours. « Je ne suis pas sûr qu’elle soit vraiment consciente de tout ce qui se passe, de ma place parmi vous. A dire vrai, j’ai du mal à le savoir moi-même, ça ne doit pas aider. Je sais que mes parents étaient fiers que ton père leur fasse cette proposition. Et j’ai envie de croire que c’est toujours le cas. » Et au reste, je ne peux m’empêcher de ciller, incapable de répondre quoi que ce soit l’espace d’un instant. « Je… je ne suis pas un roc Lyman. J’ai mes faiblesses, tout comme vous. Mais c’est mon rôle. De tout faire pour que vous teniez bon. » De là à savoir si j’y arrive, c’est autre chose.
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Sujet: Re: Au nom des pères [Tour VII - Terminé] Ven 2 Aoû - 16:09
Hochant la tête aux paroles de son meilleur ami, Lyman reporta un instant son attention sur son père. Était-ce parce qu’il n’avait justement jamais voulu supporter le poids de la couronne, alors qu’il baignait dans le sang ennemi et dans celui de son propre père qu’il avait tant voulu échapper à ses devoirs ? Était-ce par envie de liberté ? Ou juste parce que Loren Lannister était un homme qui aimait les plaisirs de la vie et n’avait jamais eu l’envie de les sacrifier sur l’autel du devoir, quitte à déléguer ? Était-ce donc si … mal, de sa part ? Peut-être pas. Il avait su s’entourer de conseillers compétents, au premier rang desquels sa propre femme et leur offrir la possibilité de gérer les affaires intérieures qui ne l’intéressaient guère, réservant son attention à l’armée et aux relations avec les vassaux, même s’il conservait un œil attentif, sous la carapace de nonchalance, sur l’ensemble des décisions, preuve en était qu’à chaque moment de crise, notamment extérieure, il avait su se faire entendre. A l’Ouest, on respectait Jordane pour sa capacité à asseoir la prospérité du Roc. Mais on aimait Loren pour sa bonhommie et son amour de la joute et des grands festins. Il suffisait de voir le soutien immédiat de la population pour son Roi après l’attentat. Lyman avait lu les rapports des agents Lannister qui décrivaient les septuaires pleins après l’appel à la prière pour son salut et la ferveur populaire. Il avait reçu, ainsi que sa sœur et leur mère, évidemment, plusieurs délégations de petites gens venues à Castral Roc pour témoigner de leur soutien, certains offrant colifichets et babioles censées assurer la protection des Sept ou une guérison miraculeuse. Il avait vu, plus ou moins discrètement, certaines dames de la cour ou servantes tamponner leurs yeux lors des premières heures après l’attaque et les hommes arboraient des visages graves. Loren Lannister était un ami apprécié, et de ces amants qui, manifestement, laissaient davantage de bons souvenirs que de rancunes. L’imminence possible de son décès forçait Lyman à voir son règne sous un autre jour, ce qui accentuait paradoxalement le poids qui s’abattait sur ses épaules, l’écrasant un peu plus. Jeyne avait un lourd destin … mais le sien lui semblait tout aussi peu enviable, parce qu’il savait qu’il ne serait jamais aussi admiré, aussi aimé que son père. Et il savait qu’il ne renoncerait pas à l’ensemble de ses droits et devoirs, parce qu’il n’avait jamais réussi, quand il en était question, à ne pas être justement un Lannister et simplement Lyman. C’est ainsi, définitivement songeur, qu’il murmura, clôturant là leurs réflexions :
« Nous aurons tous une lourde tâche, je le crains. »
Lui, comme Roi, Jeyne, comme Reine, leur fils comme Prince héritier, malgré son très jeune âge … et Gareth, car si beau-frère du Prince était une chose, beau-frère du Roi en était une autre, surtout quand l’épouse en question était une Lannister, et que ses enfants portaient eux-aussi ce nom. Il ne faisait aucun doute que, comme son oncle Rickard pouvait l’être pour sa mère, Gareth serait son bras droit. Lyman savait que, dans quelques années, il proposerait probablement à son ami le poste de Premier Conseiller encore dévolu à son grand-père Seymon. Megara, évidemment, aurait sa part, car en restant princesse du Roc, elle deviendrait, lors de son ascension au trône, la seule princesse de sang, et pour le moment, la seule princesse du Roc. Ce serait à elle de le représenter quand il ne pourrait se présenter à des festivités locales, comme leur grand-mère l’avait fait tout au long du règne de son fils lorsque ni lui, ni Jordane ne pouvaient se déplacer. Et ainsi de suite … Leur génération prendrait le pouvoir, et ils en subiraient les conséquences. Nymeria avait eu à les assumer plus tôt … et pour trop peu de temps. Penser à elle fit sourire le jeune homme, surtout que l’image créée par Gareth était très véridique. Un très léger rire lui échappa, comme un jappement difficilement contenu pour ne pas éveiller son père :
« Elle m’aurait sans doute rappelé mes royaux devoirs, comme elle les appelait. Quoique, je ne peux m’empêcher d’être … en partie soulagé qu’elle n’ait jamais vécu cela. Père était … le chevalier de ses rêves, son idole. Le voir ainsi … elle ne l’aurait pas supporté. Et aurait probablement tenté de molester nos pauvres quintaines de colère. »
Un instant, il imagina la tornade blonde qui aurait traversé le château, entre deux sourires à ses neveux, et un soupir nostalgique lui échappa. Oui, Nymeria aurait été folle de rage et de douleur. Et oui, elle aurait adoré les trois petits derniers de la maison Lannister, s’amusant à rendre fous les pauvres parents en les comparant les uns aux autres pour déterminer le plus beau. Non pas qu’ils ne l’aient pas déjà fait, ce qui avait occasionné des débats aussi passionnés que parfaitement ridicules et emplis d’une immense mauvaise foi. C’était pour la naissance des jumeaux, avant le baptême. Avant … tout cela. Peut-être que ces moments où ils avaient leurs âges, où ils étaient tous juste des amis et une famille, ne s’effaceraient pas complètement si jamais … si jamais, parce que le dire lui était parfois trop insupportable, même en pensée.
Et tandis que Gareth se confiait sur son mariage, Lyman se surprit à penser, sans savoir que son meilleur ami faisait de même, qu’ils avaient rarement eu des conversations aussi profondes. Aussi sages, d’une certaine manière. C’était sans doute l’influence de Jeyne, et de sa manie de vouloir toujours parler de ce qu’il ressentait : voilà qu’il faisait subir la même chose à Gareth ! Mais ce n’était peut-être pas plus mal. Après avoir parlé à Megara, durant leur absence à tous deux, le Prince avait compris que les non-dits n’étaient pas toujours compris de la même façon par les deux parties … et puis, s’ils ne se confiaient pas maintenant, dans un rare moment de faiblesse, ils ne le feraient jamais. C’était l’occasion, peut-être, de définitivement tirer un trait sur sa vie et ses décisions de Prince, de faire la paix avec ces dernières pour se préparer à être Roi, et entrer dans une nouvelle phase de son existence. Et pour cela, il avait besoin d’entendre les reproches, comme les vérités. De tout mettre à plat. De contempler les conséquences de ce qu’il avait décidé, pour les avoir en tête lorsqu’il aurait des choses bien plus importantes encore, peut-être, à trancher. Sauf qu’il n’y était pas habitué et sauta sur la première occasion de détendre l’atmosphère, soufflant, alors que Gareth professait sa loyauté :
« Par pitié, ne saute pas d’une fenêtre, ou Jeyne va m’envoyer t’y rejoindre avant que je n’aie eu le temps de dire Lannister. »
Avant de chuchoter très doucement, et avec un rien d’émotion dans la voix :
« C’est … agréable de le savoir malgré tout. Non pas que j’en doutais mais … cela … me fait du bien. »
De ne pas être seul. De ne plus avoir cette impression pesante sur ses épaules. Et d’apprendre que malgré tout … il n’avait pas fait deux malheureux en proposant Gareth comme époux pour sa sœur. Son sourire s’agrandit de surcroit brutalement quand il entendit son beau-frère lui expliquer qu’il aimait Megara, en effet, et qu’il le lui avait dit. Bigre, ça, il ne s’y attendait pas, et s’il n’avait pas eu Martyn dans les bras, le vaillant mari aurait reçu une solide tape dans le dos. Ce fut néanmoins à ce moment que son fils décida de babiller et d’agiter les bras, ce qui ramena l’attention de son père sur lui, et tandis que Lyman gratouillait légèrement le ventre du nourrisson, car il avait appris rapidement que le petit garçon adorait cela et que ces petites attentions avaient tendance à l’endormir, il déclara :
« Martyn est très heureux d’apprendre que son oncle et sa tante sont amoureux. Il a déjà le sens de la famille, cet enfant. »
L’affection, et la pointe d’amusement dans ces premiers mots, très légèrement taquins, transperçait aisément. Tout comme elle était évidente quand il répondit à la question de Gareth :
« Bien sûr. Et je le lui ai dit aussi, quand vous étiez dans le Conflans. Même si j’ai l’étrange pressentiment que ma confession n’a sans doute pas été aussi bien reçue que la tienne, curieusement. Je sais qu’elle avait des doutes, à ce sujet. C’est juste que … quand j’étais plus jeune, je pensais qu’il serait plus facile pour Megara et Nymeria de grandir en dehors de mon ombre, qu’elles seraient plus libres de profiter de Père, de leur enfance. Que Nymeria pourrait vivre ses passions masculines sans avoir ma présence pour lui rappeler qu’elles ne lui étaient pas destinées, que Megara pourrait développer son cercle d’amies sans … eh bien, sans qu’elles ne soient toutes en train de chercher à s’attirer mes faveurs. Je voulais les protéger à ma façon. Les laisser être … elles. Avoir leurs cercles d’amis, et moi les miens. Que nous ayons nos jardins secrets. Je ne sais pas … c’était sans doute idiot. J’aurai dû … mais Megara le sait maintenant. »
N’était-il pas ironique de constater qu’il avait fallu tant de drames pour souder leur famille ? Et que désormais, ils tenaient tous à ce que les choses restent ainsi, y compris avec leur famille étendue, soit les Kenning, qui aux yeux de Lyman, avaient désormais la même importance que les Crakehall par exemple, car ils étaient liés à la famille royale, comme les Farman avaient dû en avoir sous le règne d’Arwin Lannister. Mais peut-être que Gareth avait besoin de l’entendre.
« Tu es mon beau-frère, Gareth, le gendre du Roi. Et mon meilleur ami depuis que je suis enfant. Mon premier ami. L’ancien pupille de la maison Lannister. Tu fais partie de notre famille depuis longtemps, et maintenant officiellement. Mais cela n’empêche aucunement que tu aies aussi une famille de naissance, même si tu es moins proche de ton frère aîné. Mère est pleinement une Lannister, mais c’est aussi une Crakehall. Tu es le frère d’Alys. Et tu es le mien, bien que nous n’ayons pas le même sang. Je ne pense pas que tes parents aient rêvé plus bel avenir pour leur fils. A titre public … et privé. »
Lyman ajouta néanmoins, un rien plus sérieux :
« J’espère néanmoins qu’Alys comprendra vite. C’est désormais un parti très enviable, et je ne doute pas que beaucoup de jeunes gens de bonnes familles essayeront de s’attirer ses faveurs, et il ne faudrait pas qu’elle les aborde uniquement comme la jeune Alys Kenning, mais aussi comme la belle-sœur d’une Princesse. »
Avant de conclure avec un vrai sourire, un peu léger, plus proche de son expression ordinaire :
« Eh bien … puisque nous avons tous nos faiblesses, nous devrions réussir à les additionner pour en faire une force, tu ne crois pas ? »
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Sujet: Re: Au nom des pères [Tour VII - Terminé] Mer 7 Aoû - 13:49
Je savais que ce jour arriverait… qu’il arrivera plutôt. Pour l’heure, le Roi n’est pas encore mort et j’avoue espérer que cela continue. Pas uniquement parce que je n’ai pas envie que Lyman ait à vivre avec le poids de ces responsabilités sur les épaules tout de suite, surtout au vu de la façon dont l’échiquier de Westeros est en train d’être chamboulé, mais aussi pour l’attachement que j’ai pour le Roi. Ce mélange d’admiration, de respect et j’en passe que j’ai depuis toujours ou presque. Quand il nous racontait ses histoires de guerre ou quand il est venu nous chercher dans le Conflans. Trop de choses changeraient si Loren devait passer de vie à trépas, et il y aurait trop de choses qui n’auront pas pu être dites pour que je puisse avoir envie que Lyman soit couronné. Et, à sa réponse, je souffle, à mi-voix. « Je ne sais pas si nous sommes vraiment prêts à cela. » Ou alors, c’est juste moi, allez savoir.
J’ai un bref soupir, laissant le silence s’installer avant que ne soit évoquée Nymeria. Et si sa pensée m’attriste, je ne peux m’empêcher d’esquisser un sourire aux propos de Lyman. « Et elle m’aurait demandé du temps pour aller s’entraîner. Je me demande… si elle avait continué. » Ma voix se meurt sans même que je m’en rende compte, tout à la peine que j’éprouve encore à la pensée de cette petite sœur qui ne quittera jamais vraiment mon esprit. « Elle serait allée frapper quelques cibles pour se défouler plutôt. Et… moi aussi, je suis soulagé qu’elle n’ait pas à voir cela. » Malgré le prix à payer.
Je ne réalise pas vraiment la portée de notre discussion. Jamais nous ne sommes allés aussi loin dans nos échanges, si ce n’est le jour où il m’a demandé d’épouser Megara. Et où il m’avait demandé de le gifler pour ce qu’il me demandait de faire. Il s’est passé tellement de choses depuis que, pour un peu, j’ai presque l’impression que j’ai rêvé cette discussion. J’ai un sourire à sa répartie et je souffle, d’un ton plus léger. « Elle serait surtout capable de me récupérer avant que je ne touche le sol pour me sermonner jusqu’à ce que mort s’ensuive. Je suis heureux, que tu l’aies épousée. Elle est l’épouse qu’il te fallait. » Au reste, si je me sens un peu gêné, je ne peux m’empêcher de répondre, plus malicieux. « C’est juste parce que tu n’as pas idée du prix que je te ferais payer si cela arrive, c’est tout. » Je me frotte le bras, songeur, alors que j’évoque mes sentiments pour Megara. Sujet hautement sensible, surtout pour Lyman qui connaît mes penchants pour Lynara. Si mes sentiments pour la jeune nordienne ne disparaîtront jamais totalement, le lien que je tisse avec la Princesse est réel et bien plus fort que je l’aurais cru possible.
Je ne peux m’empêcher de rire doucement à la réaction de Martyn, avant de tendre la main pour effleurer le sommet de son crâne avec douceur. « J’ai dit que j’étais amoureux de sa tante, pas que c’était réciproque. Mais sans trop m’avancer, je crois bien que c’est le cas. Et j’espère pour lui qu’un jour, il ressentira ce que je ressens pour Meg. Parce que c’est un sentiment qui permet d’avancer, de se construire. Il ne paralyse pas ou ne fait pas espérer des chimères qui n’arriveront jamais. C’est réel, concret. Et précieux. » Un mariage de raison qui au final, apporte bien plus que chacun de nous l’aurait espéré. Je fixe Lyman alors qu’il reprend et je hoche la tête, sans dire un mot avant de sourire. « Elle avait peur. Que tu ne l’aimes pas. Que… que tu aurais été moins triste à la perdre elle qu’à perdre Nymeria. Meg a toujours eu du mal à trouver sa place dans votre fratrie. A trop vouloir les protéger, tu t’es éloigné. Et vous avez perdu des occasions d’être ensemble, c’est dommage. Tu peux te rattraper maintenant et je sais que Meg sera ravie de passer du temps avec toi. Essaie de ne pas… regretter, en t’enfermant dans le rôle qui est le tien. Tu as la chance… vous avez la chance de vous côtoyer et de vous apprécier. Profitez-en. » J’ai un rire avant de reprendre, un brin plus malicieux. « Tant que tu ne me voles pas trop de temps avec ma femme évidemment. »
Au reste… et bien au reste, autant dire que je me fige totalement. Je ne m’attendais pas vraiment à cela en vérité. Oh, bien sûr, il ne fait qu’énoncer ce qui, pour certains, est une évidence. Mais l’entendre comme ça, en de telles circonstances… tout cela me touche énormément. Et je déglutis, le regard brillant avant de souffler, dans un murmure. « Tu as toujours été un frère pour moi tu sais. D’aussi loin que je me souvienne. Ce petit frère qu’on attend de voir briller quand le moment sera venu et auprès de qui on sera, à chaque instant, pour l’y aider. Ca a toujours été une évidence pour moi. Et… merci. Pour tout ça. » Je hoche la tête, me faisant plus sérieux à mon tour. « Alys dit avoir compris sa place mais je ne suis pas sûr qu’elle ait vraiment conscience du parti qu’elle est en train de devenir. Une part de moi me pousse à la fiancer le plus rapidement possible, pour éviter que les vautours ne commencent à lui tourner autour et qu’elle ne finisse mariée à quelqu’un qui ne voudra qu’un nom, une position et un moyen de m’atteindre. Donc de t’atteindre toi. » J’ai un soupir à cette pensée, espérant que les choses se décantent rapidement avant de lever un regard vers lui, presque amusé. « Et vu ta tête, on dirait presque que tu sais comment t’y prendre. Mais, ma foi, tu sais que je te suivrais. Comme toujours. »
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Sujet: Re: Au nom des pères [Tour VII - Terminé] Dim 13 Oct - 18:33
« J’en doute … C’était l’accord passé avec Mère : elle épousait Ronnel, mais se cantonnait à des activités plus convenables pour une reine. Au moins le temps d’asseoir son influence dans le Val. C’est déjà délicat d’être seule dans un royaume étranger, alors il valait mieux ne pas laisser prise aux critiques … Je crois qu’elle avait emporté ses oiseaux de proie en revanche, et que son mari lui en avait offert de nouveaux … Peut-être qu’elle aurait été se réfugier dans la volière pour les nourrir.
Comme Jeyne. Je vais lui en offrir une paire, pour notre anniversaire de mariage. Pour la remercier … d’être effectivement la femme qu’il me faut. Et pour qu’elle ait son jardin secret, elle aussi. »
Lier Nymeria à son épouse de la sorte, avec simplement de la nostalgie était nouveau pour Lyman, mais cela démontrait bel et bien que le temps faisait son œuvre, et qu’il arrivait peu à peu à évoquer sa sœur défunte pour se rappeler, avec un rien de mélancolie, quelle avait été sa vie. Même si la blessure était encore fraîche, il parvenait mieux à en parler, et sans doute davantage encore en glissant de son souvenir à quelque chose qu’il aimait dans le présent … comme sa femme. La protéger des regards lourds de la cour, c’était aussi son devoir. Modérément, car la future reine ne pouvait s’enfermer dans ses amusements ou ses appartements, bien entendu, et qu’en de telles circonstances, les exigences de représentation étaient évidemment renouvelées. Cependant, il était temps que sa seule échappatoire ne consiste pas dans leur chambre ou la conversation de sa cousine qui, au vu de son état, n’était du reste plus guère disponible. Et puis, un anniversaire de mariage, même en ces temps troublés, ce n’était pas rien. La naissance de Martyn ainsi que les … événements attenants avait retardé un peu leur célébration, et à vrai dire, il n’était pas certain que Jeyne y ait pensé, dans ce tourbillon. Peut-être même qu’en d’autres temps, il aurait essayé de le célébrer en grandes pompes, mais là, ce serait indécent. Aussi optait-il pour un cadeau offert dans l’intimité. L’amour n’avait point besoin de témoins, avait dit un poète. Quoique, il était agréable d’en parler à des amis, pas pour s’en vanter, mais simplement pour … dire qu’on était heureux, juste. Un peu comme Gareth, à cet instant, alors qu’il parlait de son mariage, et de ce qu’il lui apportait. Lyman se retrouvait dans son constat, et se demandait si, in fine, ils n’avaient pas finalement appris à faire la différence entre la passion et l’amour. La passion, c’était puissant, ça emportait tout, ça donnait l’illusion d’être invulnérable … et tout s’effondrait après. L’amour, cela se construisait, c’était un élan, mais pas seulement : c’était aussi un travail qui se faisait à deux, sur le long terme, c’était, précisément, ne pas se laisser aveugler par les plaisirs de la chair. Cela ressemblait à ces couples de petits vieux, dans les villages, qui se tenaient encore la main, penchés sur leurs cannes, et qui regardaient leurs arrière-petits-enfants en les trouvant idiots. Par tous les Sept, avaient-ils donc soudainement mûris ? C’en devenait presque inquiétant.
« Qui êtes-vous et qu’avez-vous fait de Gareth Kenning ? Voilà qui est parlé avec infiniment trop de sagesse, mon ami. Les vieilles femmes ont raison, le mariage crée de nouveaux hommes. »
Et quant au reste, il retint le soupir qui lui venait. A vrai dire, si Megara avait été à la place de Nymeria, il aurait sans doute pleuré davantage, bien qu’il ait honte de l’avouer, tout simplement parce qu’il n’y avait que très peu d’écart entre lui et sa première sœur, et qu’ils avaient donc partagé bien plus dans leur enfance. Même en termes de caractère, la première sœur Lannister lui ressemblait plus que la fougueuse seconde. Ils aimaient tous les deux les occupations calmes, la compagnie d’un petit cercle d’amis, n’avaient pas forcément eu de mal à endosser les occupations courtisanes qui seyaient à leurs rangs respectifs … Ils se ressemblaient tout de même beaucoup à son avis. Mais le fossé entre eux paraissait toujours si difficile à combler. Et quelque part, si la couronne devait lui échoir plus rapidement que prévu … il avait du mal à s’imaginer qu’il en irait différemment, parce que précisément, ils ne seraient plus Prince et Princesse … Mais Roi et Princesse. Un souverain et son sujet, avant d’être un frère et une sœur. Et leur amour commun de l’étiquette et des convenances n’arrangerait peut-être rien. Enfin … cela ne coûtait rien de tenter.
« J’essayerai de partager, dans ma princière bienveillance. »
L’humour, cela palliait tout. A la gêne, aux longs discours … Parfois, néanmoins, il fallait l’abandonner pour devenir sérieux, pour dire ce qui devait être dit au moins une fois. C’était ce qu’il avait fait avec Gareth, ce que ce dernier faisait à son tour. Comme il l’avait dit plus tôt, Lyman n’avait pas souvenir qu’ils aient été aussi sincères, aussi profonds l’un envers l’autre depuis longtemps, et sur tant de sujets. Machinalement, son attention se reporta sur Martyn qui, sous l’effet de ses gratouillements, commençait à s’endormir définitivement, sa respiration se faisant plus longue, plus pesante, tandis qu’il glissait vers le pays des songes. Bientôt, il devrait le ramener dans sa chambre, pour éviter qu’il ne prenne froid. Mais il avait encore quelques minutes devant lui.
« Ne te précipite pas pour autant trop, parce que tu risquerais de faire confiance davantage à ton instinct qu’à une vision plus large des choses, et donc de te tromper. Au moins, en faisant languir les éventuels prétendants, cela lui donnera aussi le temps de s’aguerrir, et de mieux discerner certaines choses … peut-être, in fine, de grandir. De toute façon, si j’avais une réserve particulière, je t’en ferais part. Son mariage sera, quoiqu’elle en pense, une affaire qui aura un impact sur la famille royale, comme ceux de mes cousines chez les Crakehall. »
Rendant son sourire à Gareth, il acheva :
« C’est que je suis un grand optimiste malgré tout. Nous avons survécu au Nord et à ses dames, nous survivrons bien à l’Ouest …
Allons, viens, le mestre ne devrait plus tarder pour changer les bandages de Père, et je dois remettre Martyn dans son berceau avant que Jeyne et Mère ne le voient vacant et ne lève l’ost pour le retrouver. »
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Sujet: Re: Au nom des pères [Tour VII - Terminé] Dim 27 Oct - 13:00
Je me contente de hocher la tête en silence à ses propos, le coeur un peu plus serré que je ne le reconnaîtrais jamais vraiment. Et je me contente de souffler, à mi-voix. « Jeyne en sera heureuse. Vous vous êtes bien trouvés, c’est… une bonne chose. J’ai tout de même du mal à me dire que cela fait déjà un an que vous êtes mariés. Je me dis qu’il va falloir que je songe à trouver quelque chose pour Megara, le temps risque de me filer entre les doigts sans que je ne m’en rende compte. » J’arrive tout de même à sourire et à ne plus ressentir juste de la tristesse en songeant à Nymeria. Je ne saurais dire si c’est une bonne chose mais, au fond, il faut bien continuer de vivre n’est-ce pas ? Et que ce soit avec la naissance de Martyn ou de mes propres enfants, on ne peut pas garder les yeux rivés sur le passé.
Avancer, même si c’est douloureux. Même si c’est parfois bien plus facile à dire qu’à faire. Pour autant, me raccrocher à ces sentiments qui se tissent entre mon épouse et moi m’aide grandement. Ils sont réels, tangibles et je suis heureux de savoir qu’ils ne pourront qu’aller croissant. Je tousse un rire silencieux à sa répartie, avant de hausser une épaule. « Ne t’en fais pas, je suis toujours aussi idiot sur d’autres domaines. Mais c’est à croire que ta sœur a une influence plus que bénéfique sur moi. » J’ai un doux sourire à mes derniers propos avant de me faire plus sérieux et de parler de leur relation à tous les deux. Et je sens que le message est bien passé, même si Lyman fait preuve d’une pointe d’humour pour clore un sujet des plus délicats. Il faut dire que l’un comme l’autre ont beaucoup de mal à se dire les choses, que ce soit à cause de leur statut, de leur retenue naturelle ou de la peur de perdre l’autre. Mais je sais qu’il fera le premier pas maintenant. Je rétorque pourtant, d’un ton léger. « Sinon tu seras obligé de me supporter constamment à vos côtés. A toi de voir jusqu’à quel point tu seras prêt à souffrir de me voir débarquer à chaque instant. »
Je laisse filer un silence alors qu’il me donne son avis à propos du possible mariage d’Alys. Et je lève un sourcil avant de reprendre, amusé. « Il y a beaucoup trop de sagesse ce soir entre nous. Il faudra y remédier d’une façon ou d’une autre si nous continuons de la sorte. » Mais je hoche la tête, me faisant plus sérieux. « J’en suis bien conscient. Nous ne sommes plus la petite famille anonyme de l’Ouest qui élève tranquillement ses chevaux sans déranger qui que ce soit. C’est aux Lannister que nous le devons et nous ne l’oublierons pas. » J’incline la tête sans même m’en rendre compte avant de me relever à mon tour, non sans un dernier regard en direction du Roi, toujours plongé dans une torpeur qui, je l’espère, le ramènera tôt ou tard parmi nous. Et, sans laisser à Lyman le temps de protester, j’attrape Martyn pour le serrer dans mes bras. « Laisse donc oncle Gareth le ramener dans son berceau. Tu me dois bien ça je pense. » Un clin d’oeil à son attention avant que nous ne quittions les lieux côte à côte. Après tout, il a raison. Nous survivrons à ça comme au reste. Tant que nous sommes ensemble.