La nuit avait été courte pour Ser Goldwyne, il s’était couché tard, il faut croire que c’était cela de vouloir faire connaissance avec les hommes placés sous son commandement et tout cela au détour d’un godet. Enfin un. Disons qu’il y en avait eu plusieurs…Pourtant le jeune homme n’était pas tombé dans un traquenard ! Il connaissait ses limites et savait quand il devait s’arrêter, alors qu’il y en avait d’autres qui avaient continués. Pourtant il les avait tous prévenu, qu’ils auraient tout intérêt à assumer demain et d’être opérationnels, sinon ils risquaient d’amèrement le regretter. En tout cas, Garlan était presque sûr que certains auraient bien dû mal à assurer le coup, c’est pour cela qu’aux aurores, il s’était extirpé de ses draps. Il se levait toujours tôt, ce n’était pas du genre à flemmarder dans sa couche. A part si Yesaminda aurait été avec lui… Mais elle n’était pas là, elle se trouvait au château, lui ici dans l’auberge où il avait sa chambre, ils étaient liés désormais, mais leurs obligations faisaient qu’ils ne pouvaient passer que de (très) rares nuits ensemble.

Mais soit, le principal était qu’ils pouvaient se voir de temps à autre et vivre leur amour, rien d’autre ne comptait. Il s’équipa d’une demi-armure, mangea un bon morceau de miche de pain que l’aubergiste lui servit et suite à cela il quitta le bâtiment. Où se rendait-il donc ? Il prit la direction d’une des portes de la capitale qui le mènerait vers le camp de l’armée. Garlan pouvait bien s’entendre avec les hommes placés sous son commandement, c’est ce qu’il souhaitait, peut-être que certains d’entre eux deviendraient également. Mais malgré tout, il devait entretenir l’autorité qu’il possédait, qu’ils n’oublient pas qu’il était leur supérieur afin qu’ils respectent ses commandements une fois sur le champ de bataille. Le Bieffois arriva aux abords des tentes de son escadron, à part quelques personnes, la majorité était encore levée. Le commandant alla tout d’abord tirer des bras de Morphée ses officiers subalternes, ces derniers avaient été bien plus modéré dans leur consommation d’alcool la veille au soir et ils s’extirpèrent de leur couche suite à sa demande.

Inspection du matériel et du camp, il distribua ses ordres et aida ses officiers subalternes à prendre tout le monde au pied du lit. Réveil assez brutal que voilà, mais même si avec l’hiver, les hostilités semblaient loin, il fallait entretenir la prudence et un excellent niveau de préparation. Sinon, au Printemps, ils se feraient démontés par le premier choc avec la cavalerie adverse. Le réveil fut on ne peut plus difficile pour certains, ils obéirent aux ordres, ils étaient encore aptes à cela. Mais dans leur démarche, cela ne transpirait carrément pas la fraîcheur. Certains eurent dû mal à faire place net tout de même, mettant du temps à mettre à disposition leur matériel et Garlan en comprit la raison. Le manque d’entretien. Soit ils étaient honteux de cela et craignaient de se faire sabrer, soit pensaient-ils que Garlan passerait à autre chose s’ils faisaient durer la chose. Mais ce ne fut pas le cas.

Pour la grande majorité, le matériel était bien entretenu et l’état de leur partie du camp était correct, voir satisfaisant. Cependant, il prit la peine de rassembler tout le monde afin de faire entendre ce qu’il attendait d’eux sur ce qui était de l’entretien de l’équipement et du camp de l’escadron. Et afin qu’ils assimilent bien la leçon, surtout les fautifs, ils enchaînèrent sur un exercice physique. Une course à pied dans les alentours de Fort-Darion avec leur équipement, sauf leur lance, afin d’augmenter la difficulté. Il y participa bien entendu, c’était important qu’ils voient que leur commandant suait à leur côté et endurait les mêmes épreuves. Il aurait pu simplement prendre les fautifs à part pour cet exercice, mais l’effet de groupe ferait que tout le monde saurait à quoi s’en tenir et se montrerait plus rigoureux à l’avenir.

Certains vidèrent leur estomac pendant la course, l’arrêt ne leur fut pas permis, autant dire qu’ils s’en souviendraient pour les prochaines fois. La longue course finie, tout le monde était en sueur. Garlan était bien chaud physiquement avec cela, bien qu’il ressentait de la fatigue pour avoir peu dormi pendant la nuit. Il signifia à l’escadron qu’ils effectueraient des manouvres dans l’après-midi avec d’autres unités et que d’ici-là  l’équipement avait intérêt à être remis d’équerre et le camp remit en ordre. Sur ces mots, il quitta son escadron en retournant lentement, mais surement, vers Fort-Darion. Il reprenait son temps, reprenant convenablement sa respiration. Il fallait qu’il aille prendre des informations auprès du chef de corps de la cavalerie pour cette après-midi, histoire d’être prêt au besoin. Son supérieur se trouvait au castel généralement, c’était donc dans cette direction qu’il se rendait.

Aux alentours immédiats du château, alors qu’il était presque arrivé, il vit un attroupement de gardes Demalion et n’eut pas de mal à reconnaître la personne qu’ils escortaient. L’impératrice. Cela faisait un petit moment qu’il ne l’avait pas aperçu, il fallait dire qu’avec ses enfants et ses responsabilités, c’était totalement compréhensible. Il se souvient de la dernière fois qu’il l’avait croisé, il y avait alors son épouse et également Lady Chelsted. Cela avait soulevé beaucoup d’interrogations en lui, mais surtout une volonté qui entraînait une demande. Et cette dernière n’était pas évidente, car un bon sujet ne fait pas de demande à son souverain. C’est pour cela qu’il hésita. Cependant, il devait tout de même essayer, s’il y mettait les formes, même si c’était un refus, on ne lui en tiendrait peut-être pas rigueur. Il s’avança donc vers la troupe armée et les gardes impériaux ne tardèrent pas à l’intimer de s’arrêter, Garlan obtempéra immédiatement. Posant genou à terre, il présenta ses respects :« Votre majesté impériale.» Il attendit qu’on lui fasse signe de se relever et s’avança légèrement vers la mère des dragons et s’arrêta à une certaine distance. Elle vint à lui demander ce qui l’amenait ici.

« Des manœuvres doivent avoir lieues cette après-midi et je suis donc venu voir si le chef de corps de la cavalerie avait des directives quelconques concernant mon escadron afin que je les fasse appliquer pendant l’exercice.» C’était la raison officielle qui l’avait poussé vers le château, pas celle pour il s’était dirigé vers l’impératrice, il enchaîna donc sans la faire plus attendre. « Cependant, lorsque je vous ai aperçu, votre majesté impériale, cela m’a fais souvenir que la dernière fois que nous nous sommes croisés, vous étiez alors en grande discussion avec Yesaminda et Lady Chelsted. La discussion est partie sur une langue autre que la langue commune que je pense être du haut-valyrien si je ne me trompe guère ? » Il essayait vraiment de bien amener ce qui allait suivre, il ne s’adressait pas à n’importe qui après tout. « Depuis lors je suis véritablement intrigué par cette langue que je ne connais guère, la vôtre, celle de Yesaminda .Je pourrai demander certainement demander à ma femme si elle souhaiterait bien me l’enseigner. Mais dans un sens, je souhaiterai la surprendre, je préfère donc qu’elle n’en sache rien… »

Il se gratta doucement l’arrière du crâne, l’air visiblement gêné et effectua sa demande : « Si bien que lorsque je vous ai aperçu, je me suis lancé afin de vous faire humblement une demande, votre majesté impériale. Bien que je conçois qu’un bon sujet n’effectue pas de demande à son souverain… Je sais également votre temps fort pris et que vous avez certainement mieux à faire, cependant si vous avez un peu de temps à me consacrer dans vos journées fortes remplies, pourriez-vous m’enseigner les bases de cette langue que je souhaiterai apprendre s’il vous plait ? » termina-t-il en la regardant dans les yeux.

Son supérieur direct était le chef de corps de la cavalerie impériale, ce dernier coordonnait les différents escadrons de cavalerie de l’armée. Le conflit n’avait pas recommencé, si bien que la majorité de ses tâches consistait à organiser des entraînements pour les cavaliers sous son commandement, des simulations à grande échelle pour reconstituer la fureur d’un vrai affrontement ou du moins s’en approcher au mieux. Il devait également s’assurer que le ravitaillement serait correctement dispatché dans l’ensemble de ses troupes. Autant dire que ce n’était pas une mince à faire, c’était un boulot conséquent et qui demandait un bon sens de l’organisation. C’était essentiel lorsqu’on arrivait à un certain niveau de responsabilité. Heureusement, il pouvait également s’appuyer sur les chefs d’escadron pour l’assister dans ses tâches. Garlan faisait de son mieux, il se donnait à fond dans ce qu’il faisait, on lui avait accordé une chance. Il s’agissait d’une nouvelle vie si l’on peut dire. Il ne comptait pas faire regretter à l’Empereur sa décision.

En tout cas, le bieffois s’entendait bien avec le chef de corps de la cavalerie, c’était un homme de bien, compétent et possédant une bonne expérience de terrain. Ce que le chevalier appréciait plus particulièrement était que ce dernier était à l’écoute de ses chefs d’escadron et n’était pas non plus avare en conseil pour que ces derniers s’améliorent. Devant également le retrouver afin d’organiser au mieux les manœuvres qui devaient avoir lieues dans l’après-midi, l’impératrice l’informa que son officier supérieur se trouvait à l’écurie. D’un signe respectueux de la tête, il la remercia en déclarant :  « D’accord, je vous remercie pour cette information, votre majesté impériale, je m’y rendrai sous peu pour obtenir mes directives.»  Il semblait avoir l’attention de la mère des dragons, du moins il le pensait, elle semblait à l’écoute de ce qu’il lui disait.

Du haut valyrien. Oui c’était bien cette langue qu’il souhaitait apprendre. Il se contenta de hocher la tête lorsqu’il lui rappelait qu’il s’agissait de la langue maternelle de la maison Targaryen et qu’elle sous-entendait également que son épouse maîtrisait également cette langue. Il savait cela, il connaissait beaucoup de choses sur la vie de Yesaminda, pour avoir longuement discuté avec elle dès le premier jour et pour être maintenant dans sa vie si l’on peut dire. Elle rebondit sur certains de ses propos en insistant sur le fait qu’elle ne pourrait pas s’occuper elle-même de son apprentissage. Ses tâches d’Impératrice ne pouvaient pas lui permettre de s’adonner à ce nouvel enseignement, elle avait de très importantes responsabilités au sein de l’Empire et de plus elle devait encore s’occuper de ses enfants qui étaient forts jeunes.  «Je le comprends fort bien, votre majesté impériale. Il est tout à fait naturel qu’il s’agisse de votre première préoccupation.  Comment se portent ses altesses impériales ?»

Il lui semblait avoir compris que la princesse était un peu plus faible que son frère, un réel sujet de préoccupation, il espérait qu’elle retrouverait rapidement de l’énergie. Il n’avait pas croisé son épouse depuis quelques jours, chacun s’adonnant à ses tâches à bras le cœur et ne pouvant pas s’apercevoir facilement, vivant dans des lieux séparés. Au lieu de lui dire tout simplement non, l’impératrice essaya de lui trouver un plan B et des solutions pour l’aider, ce que Garlan apprécia grandement en laissant apparaître un sourire joyeux. Elle lui proposa d’aller trouver lady Chelsted afin de lui demander si elle pouvait lui enseigner cette langue si cette dernière avait du temps à lui consacrer bien entendu. «Je tâcherai alors d’aller la trouver afin de lui demander si elle souhaite bien prendre de son temps afin de me l’enseigner. Je vous remercie de votre aide, votre majesté impériale.»

Elle le prévint tout de même sur la difficulté qu’il rencontrerait dans l’apprentissage de cette langue. En effet, elle l’informa du fait qu’elle était normalement apprise dès le plus jeune âge pour faciliter son enseignement. S’il s’était arrêté à la première difficulté il ne serait pas là aujourd’hui, c’était certain. Sur un ton enthousiaste, il répondit donc :«En plus d’avoir une réelle volonté d’apprendre le Valyrien, je suis quelqu’un qui aime les défis, ces derniers poussent à donner le meilleur de soi-même. Si bien que l’on peut considérer que l’apprentissage du Valyrien en sera un. Je ferai donc tout ce qu’il faut pour l’apprendre, peu importe le temps que cela prendra, votre majesté impériale. Bien que, comme vous le soulignez, il y aura des limites à mon apprentissage que même tous les efforts ne pourraient surmonter.» Il fallait être réaliste tout de même et être conscients de ses limites. Il lui demanda humblement :«Auriez-vous  des conseils à me formuler, votre majesté impériales ? Des éléments qui pourraient faciliter l’apprentissage de cette langue ?»

Il ne fallait pas se mentir, Garlan n’était clairement pas dans ses petits souliers en cet instant. En effet, il se sentait comme mal à l’aise vis-à-vis de l’impératrice. Peut-être était par rapport à tout ce qu’on avait pu lui raconter sur elle, sur ce qu’elle avait traversé, sur son tempérament de feu et du charisme qu’elle pouvait dégager. Mais c’était à coup sûr parce que leur première rencontre et entrevue ne s’était pas passée de la meilleure des manières, c’est le moins que l’on puisse dire. C’était entièrement sa faute bien entendu, quand on dit que l’amour rend aveugle, on oublie souvent de préciser qu’il peut vous hébéter. Au point même de s’introduire dans les quartiers impériaux pour compter fleurette à sa demoiselle sans y avoir été invité bien sûr ! Il avait totalement manqué de discernement pour le coup et ça aurait pu lui coûter très cher.

Il espérait que cet événement ne marquerait pas pour toujours les échanges qu’il pourrait avoir avec l’impératrice, si c’était le cas, alors il ferait avec, faute de mieux. Cela ne l’empêcherait pas de servir l’Empire de son mieux en respectant le serment d’allégeance qu’il avait pu prononcer. Garlan avait tenté de s’enquérir de l’état des héritiers impériaux auprès de leur génitrice, après tout c’était un sujet de préoccupation, c’était l’avenir de cet Empire, puis il ne s’agissait que d’enfants innocents, il espérait de tout cœur qu’ils se portaient bien. Cependant, elle ne daigna pas répondre à sa question, peut-être simplement s’était-elle perdue dans ses pensées, on pouvait bien essayer de lui trouver cette excuse après tout. Ou bien c’était une manière de lui faire comprendre qu’il devait rester à sa place et de s’occuper de ses propres affaires. Soit, il n’insisterait pas là-dessus, ça serait très inconvenant, il n’oubliait pas qu’il n’était qu’un servant de l’Empire et elle une de ses dirigeantes.

Elle insista de nouveau sur le fait qu’il devait bien préciser à Lady Chested qu’il venait de la part de l’impératrice, sinon elle refuserait très probablement de lui enseigner cette langue. Les deux jeunes femmes devaient être très proches, bien qu’il ignore tout de leur histoire commune, il avait l’impression que la mère des dragons n’accordait pas sa confiance à n’importe qui. Et au vu de son importance et de sa position, elle avait bien raison. En tout cas, Garlan avait bien assimilé le message, il opina une fois du chef en ajoutant. «Je n’y manquerai pas, votre majesté impériale.» Le bieffois était curieux de nature et l’acquisition de nouveaux savoirs l’intéressait énormément. Si bien que même si l’apprentissage d’une langue si compliquée que le haut valyrien pouvait être une tâche ardue, c’était également un défi pour lui. Le voir de cette façon lui permettait de mettre tout en œuvre pour réussir. Il espérait que cela surprendrait Yesaminda en bien, il ferait tout pour elle, ça en était encore une fois la preuve.

L’impératrice lui donnait des conseils, des avertissements également, la prudence était donc de mise. Car chacun de ses mots, son accent et intonation pourraient être interprétés, il devrait se montrer vigilant pour ne pas offenser quiconque en faisant usage d’une langue qu’il ne maîtrisait pas. Il la suivit lorsque elle lui signifia de l’accompagner, elle commença à parler dans cette langue qui lui était inconnue, mais qu’il avait envie de connaître. Il devait se montrer concentré et attentif, cependant l’impératrice parlait bien vite, c’était naturel pour elle, on ne pouvait pas le lui reprocher. Du coup, certains mots lui échappèrent forcément. Peut-être l’avait-elle remarqué à l’air un peu paumé qu’il avait arboré lorsqu’elle s’était mise à parler à haut valyrien, si bien qu’elle prit plus le temps en articulant pour qu’il puisse analyser chacune des syllabes et les intonations.

Elle lui passait le flambeau et il fallait donc qu’il se lance. Il prit une inspiration comme pour se donner du courage et il prononça lentement : «Iksan… ya myittys ine… curegone…sirqta.» Il n’était pas du tout sûr de lui pour la première partie, la deuxième lui semblait plus abordable, il se lança, un peu plus confiant : «Ayquésane …Mnéticay.» En se remémorant des paroles articulées de l’impératrice, il se reprit immédiatement :«Ayquézanne..Mnayticay ….» Il tenta de se corriger : «tisé.» C’était un exercice des plus laborieux et il avait dû  se tromper à de nombreuses reprises, directement il inclina la tête vers l’impératrice et il dit respectueusement : «Veuillez accepter mes excuses si j’ai pu vous insulter ou vous offenser, votre majesté impériale, ce n’était clairement pas mon intention…» Il demanda par la suite : «La première partie de votre phrase m’a quelque peu échappé, je dois l’avouer, votre majesté impériale… Pourrai-je savoir ce que cela signifie ?»