Les Météores arrivaient à court de vivres, après un siège de 16 semaines.
La population n’avait en effet pas eu tout à fait le temps d’évacuer, et plusieurs affrontements avaient eu lieu autour des murailles sans toutefois permettre de restreindre le nombre de bouches à nourrir. Le blocus était total, et des filets furent tendus par les bieffois pour empêcher autant que possible le poisson descendre le fleuve jusqu’à la ville. Les bombardements incessants du Bief prélevaient sur les effectifs, mais rien ne pouvait calmer les ventres vides des dorniens. Les rations diminuèrent sans cesse… Et une tentative de sortie, quelques semaines plus tôt, n’avait su dégager la place forte malgré l’arrivée d’une armée de secours, qui fut repoussée avec de lourdes pertes.
L’espoir semblait déserter les dorniens. Aucune tentative de briser le blocus ne fut tentée, pas avec le soutien de la flotte impériale, pas plus qu’avec la propre flotte de Dorne. Les défenseurs étaient désespérés. Peu de nouvelles filtraient de l’extérieur ; on ne sut jamais si de nouveaux renforts étaient prévus. En revanche, chaque jour, les dorniens lançaient insultes et nouvelles avec des volets de pierres et de traits en direction des créneaux. Haut-Ermitage et Wyl étaient tombés, Stackhouse allait envahir Ferboys, Vulture’s-Roost, tandis que Noirmont allait se rendre prochainement. On fit des navires par dizaines défiler à l’horizon, et de nouveaux renforts défiler dans la plaine et le camp des assiégeants. La bannière royale, celle de la Foi et celle des Hightower, toutes claquaient au vent. C’est alors que le bombardement bieffois s’intensifia pendant deux jours, où les nouveaux trébuchets firent merveille en sus des armes déjà réinstallées. La fragilité du mur Est, déjà accrue par trois mois de bombardements, fit s’effondrer une large portion du mur. Un jour de plus fut consacré à l’élargissement du mur, qui avait déjà causé de nombreuses pertes lors de son effondrement.
Alors que les dernières réserves avaient de plus été englouties, les défenseurs virent s’approcher un groupe de cavaliers, avec la bannière blanche des pourparlers. On clama que Lord Hightower, frère de la Reine et général en chef des armées du Bief, demandait une entrevue avec le chef de la place, à mi-chemin du camp et des remparts.
Poussé par ses subordonnés, au moins pour connaître la force de l’ennemi, Enguerrand Dayne accepta.
L’entrevue dura plusieurs heures, durant lesquelles Lord Hightower étala tous ses arguments en faveur d’une reddition honorable. Il jurait que Dorne avait rejeté l’Empire, pourtant plus près pour aider Dorne, au profit d’un mariage avec le Tigre, que les clefs de la Principauté lui seraient bientôt remises. Que de nombreuses cités dorniennes étaient tombées, d’autres en passe de l’être. On jura sur l’honneur et sur la parole d’un septon, que partout les troupes impériales et dorniennes reculaient, et que la Principauté allait tomber sous les coups du blocus et des armées qui l’engageaient. On jura aussi que l’armée de Roward Martell fuyait sans cesse, et se trouvait loin à l’est, incapable de venir aider la ville, ou Noirmont. Hightower promit aux défenseurs la vie sauve, s’ils se rendaient. Les miliciens seraient désarmés et rendus à la vie civile, le port pourrait rouvrir et les soldats de métier, tout comme les nobles survivants, pourraient entamer une captivité honorable à Solfoyer, sous protection et sauvegarde de Lord des Essaims en vue de servir aux tractations de paix. Dayne savait qu’il n’avait pas assez d’hommes, plus que quelques centaines, dont de nombreux miliciens, pour tenir un périmètre immense, face à la terre comme face au blocus, sans compter le fait qu’ils commençaient tous à subir la faim. Une brèche était ouverte ; il n’avait même plus l’avantage des fortifications.
Il refusa, par sursaut d’orgueil, provoquant l’ire de ses hommes, de pauvres hères de la milice, recrutés par sens du devoir ou par obligation de service. La soirée fut agitée. Au petit matin, on l’informa que ses capitaines se mutinaient, et refusaient d’appliquer ses ordres. Qu’il devait ouvrir les portes, que la population en avait assez. Le bombardement bieffois continuait, du fait du refus qui leur avait été donné. La brèche s’élargissait encore. Reclus dans ses appartements, Enguerrand Dayne entendit ses gardes, qui lancèrent l’alarme ; les mutins remontaient en direction du castel, soucieux d’avoir des explications. Jetant un regard au dehors, le fils des Météores comprit qu’il ne pouvait plus rien faire. Sa ville était perdue, plus de vivres, plus de soldats, plus de murs et plus d’espoirs.
Il fit ouvrir les portes. Mais but une fiole de poison, non sans laisser à quelques serviteurs la tâche de prévenir ses frères, une fois la place reconquise, qu’il avait tout fait, tout tenté, pour tenir sa position.
Lord Hightower fit son entrée en fin de journée, sitôt que ses hommes eurent sécurisé les portes. Les croisés furent tenus hors de la ville, comme promis. Cela occasionna quelques disputes et le chef des guerriers des Sept lâcha qu'il en référerait au Grand Septon, que les choses ne se passeraient pas comme cela. Un calme et une discipline inhabituels régnaient dans les rangs ; le Ministre de la Guerre avait réussi à sortir le siège de l’impasse en quelques jours, et avait rendu la citadelle sans une seule perte bieffoise. L’armée continua de camper hors des murs, en dehors des quelques milliers d’hommes chargés du désarmement des miliciens et de l’internement des soldats Dayne. La ville ne reçut ni pillage, contrairement à ce que l’usage d’une place ayant résisté en imposait d’ordinaire. Il y eut quelques vols et violences, mais les soldats bieffois restèrent majoritairement sous le contrôle de leurs nobles et chevaliers. On acclama Manfred Hightower, et Lord Tarly se joignit même aux acclamations. Au sud, la flotte de Fer disparut vers le Levant, et l’armée du Bief se renforça à nouveau, vivres et troupes débarquant dans le port du Joyaux de la Culbute, éventrée et brisée, son peuple honteux, forcé d’embrasser les reliques des Sept présentées par les septons militants de la Foi, et de jeter au bûcher des hérétiques les idoles des dieux païens de l’est. Ceux qui refusèrent furent expropriés, et jetés sur les routes hors de la ville sans biens d'aucune sorte, ni eau ni nourriture, forcés de s'en remettre à leur foi impie pour survivre.
Quelques hommes du Bief payèrent, la nuit tombée, leur victoire facile. Mais vingt otages furent pendus en place publique pour chaque soldat assassiné, et les troubles cessèrent d’autant plus vite que Lord Hightower menaça de ressortir avec ses troupes, et de ne plus laisser sortir quiconque jusqu’à ce que les rats aient nettoyé les corps des habitants.