La guerre commence à toucher la totalité des royaumes... Etes-vous partisan de l'unification de Westeros par l'Empire ou les Puissances Centrales, ou plutôt attaché à l'indépendance de votre Royaume? Pourquoi?
Pour le moment, Sybelle n’a pas clairement défini auprès de qui elle souhaitait se tourner – en effet, elle trouve à chaque camp avantages et inconvénients. Actuellement, elle suit son père dans ses choix et initiatives, et lui-même suit fidèlement les lions Lannister. Mais Sybelle, elle, commence à perdre patience – les Rois Lannister sont à ses yeux trop indépendants du reste de Westeros, et devraient choisir un camp et tenter de tirer leur épingle du jeu, plutôt que de rester dans l’ombre et de se terrer dans leur tanière.
Mais quoi de mieux entre l’unification des peuples par l’Empire et les Puissances Centrales ? D’un côté, l’Empire permettrait sans doute de mettre fin à la guerre plus rapidement, et ramènerait la paix d’une simple signature au bas d’un parchemin. Mais d’un autre côté, Sybelle ne peut qu’admirer la puissance des Hoare et des Puissances Centrales – si elle n’a jamais rencontré aucun d’entre eux, elle sait que son père a déjà eu à traiter avec eux et les Îles de Fer – mais elle envie cette puissance qui est la leur. De plus, Harren Hoare est celui qui a fait tomber Aegon – il a pour cette raison plus de légitimité que quiconque, aux yeux de nombreuses personnes, pour lui succéder.
AN -9
La jeune fille effectua une révérence impeccable sous l’œil admiratif de la vieille dame ; celle-ci hocha lentement la tête, satisfaite. L’aînée de ser Loan était une véritable perle – jamais elle n’avait vu d’enfant si douce et si douée, réalisant ses courbettes avec tant de grâce. A seulement huit ans, Sibelle la rendait fière comme elle rendait son père fier.
—
Magnifique, magnifique, la complimenta-t-elle.
L’enfant inclina la tête sur le côté, un sourire aux accents arrogants étirant ses lèvres. Septa Janelle ne s’en inquiéta pas – elle ne s’était, à vrai dire, jamais inquiétée de l’orgueil qui naissait chez Sibelle – laissons les enfants être des enfants, disait-elle souvent à ceux qui daignaient l’écouter. Alors qu’elle appréciait l’admirable beauté de l’enfant prodige, un grincement de porte lui fit tourner la tête ; apercevant Lucia Farman entrer, Janelle se leva aussitôt de sa chaise pour s’incliner bien bas.
—
Laissez-nous, intima Lucia.
Sans un mot, la septa obéit, quittant la pièce avec précipitation tandis que Sibelle tournait un regard intrigué vers sa grand-mère. Celle-ci s’approcha d’elle et lui adressa un sourire bienveillant, se penchant pour venir caresser sa joue – ses doigts se perdant entre ses boucles blondes, ses yeux fouillant ceux, faits de glace, de l’enfant.
—
Tes révérences sont parfaites…—
Merci, bonne-maman, souffla l’enfant.
Lucia sourit, ses lèvres gercées par la vieillesse laissant entrevoir ses dents – elle voyait en cette petite fille bien plus qu’une simple lady – elle voyait en elle un potentiel jusqu’ici inexploité, et peut-être même l’avenir de leur maison… Continuant de caresser sa joue, elle reprit de sa voix éraillée par le temps.
—
Parfaites pour une petite lady, soumise et faible. Est-ce ce que tu veux être ? Soumise et faible ?Les grands yeux de givre se levèrent vers elle – s’ils étaient baignés d’insouciance, elle pouvait entrevoir en leur fond une lueur maligne – c’étaient là des braises qu’il lui suffirait d’attiser pour façonner Sibelle comme elle le souhaitait – comme il était préférable qu’elle soit.
—
Ce n’est pas ce que je veux, non, murmura l’enfant.
La vieille dame sourit un peu plus – elle aimait ce qu’elle voyait, ce qu’elle entendait. Et son regard appuyé suffisait déjà à allumer ce qui un jour serait un grand brasier – déjà elle voyait les débuts d’une flamme dans les prunelles trop claires de la demoiselle.
—
Que veux-tu, alors ?—
Je veux être comme vous, je veux être forte et puissante.Lucia se redressa alors – son dos commençait à être douloureux dans cette position. Elle hocha la tête, allant s’asseoir sur la chaise où se trouvait Janelle quelques minutes plus tôt.
—
Alors nous avons du travail, ma petite. Incline-toi, montre-moi donc tes talents.Sibelle s’exécuta – gardant le dos bien droit, elle plia les genoux et abaissa légèrement la tête dans une révérence toujours parfaite. Mais il en fallait bien plus pour impressionner la vieille vipère de Belcastel. Celle-ci la coupa :
—
Non, non, non. Moins bas, tu n’es pas une gueuse ! Ne t’incline jamais trop, jamais trop peu. Joue-toi des limites de l’acceptable et du respect. Si tu veux être forte, si tu veux être puissante – alors tu dois le montrer. Et n’abaisse pas la tête – garde-la droite et regarde toujours la personne devant laquelle tu t’inclines droit dans les yeux.L’enfant parut étonnée – elle fronça légèrement les sourcils.
—
Me jouer des limites du respect ? Mais on m’a toujours appris à…—
A être faible. Je ne te dis pas d’être irrespectueuse. Je te dis de ne pas être trop respectueuse. Comprends-tu la nuance ?Sibelle hocha vivement la tête – sa grand-mère lui intima de recommencer, ce qu’elle fit aussitôt. Appliquant ses conseils à la lettre, elle parvint bien vite à la satisfaire – et c’est lorsqu’elle l’eut félicitée que Lucia capta cette lueur embrasée qui venait dévorer la glace des yeux de l’enfant. La candeur n’y avait plus sa place – très bientôt, Sibelle ne serait plus un oiseau blanc – elle serait un rapace aux faux-airs de colombe.
II. HÉRITIÈRE AN -5
Voilà des nuits qu’elle n’avait pu trouver le sommeil – elle ne cessait de se demander si un garçon naîtrait, venant ruiner tous les rêves et ambitions que Lucia lui avait glissé à l’oreille –
un jour, tu seras seigneur, Sibelle, avait-elle promis. Cela faisaient des mois que la demoiselle regardait sa mère grossir – comblée à l’idée d’accueillir un troisième enfant, priant les Sept qu’ils lui offrent un fils. Son aînée les priait donc à son tour, les suppliant égoïstement d’annuler les prières de sa mère. Elle voulait le pouvoir. Elle était née pour cela, elle le savait.
Mais le jour de la naissance approchait, et ça, elle ne pouvait le supporter. Elle craignait bien trop la possibilité qu’un garçon vienne contrecarrer tous ses plans. Et ce jour était arrivé – mais tout ne semblait pas se passer comme prévu, et on lui interdisait l’accès à la chambre de sa mère. Mais il suffit d’une seconde d’inattention pour qu’elle brave les interdits.
Sibelle entra doucement dans la chambre, d’où provenaient des pleurs incontrôlés – elle capta aussitôt le sang qui s’était répandu sur les draps blancs et observa sa mère. Celle-ci avait le visage ravagé par un mélange de souffrance et de profonde désolation, et s’accrochait désespérément au bras d’une septa. La jeune fille s’avança lentement, quelque peu déroutée par la scène qui se jouait sous ses yeux – la chambre était en proie à un bien étrange chaos, et une autre femme faillit la percuter dans sa hâte.
—
Je veux le voir !, hurlait Anya sous le regard imperturbable de sa fille.
Alors qu’elle arrivait auprès du lit, Sibelle fut soudainement attirée en arrière par une puissante poigne – ce n’est qu’une fois sortie de la pièce qu’elle réalisa qu’il s’agissait de son père. Loan semblait non pas dévasté, mais en colère, ce qui étonna la jeune lady.
—
Père, que se passe-t-il ?, demanda-t-elle calmement.
—
Retourne à ta chambre, Sibelle.Elle fut surprise par le ton dur et froid qu’employa son père – jamais il ne lui parlait ainsi – ni lui ni personne. Jamais. C’est alors qu’elle fut bousculée, encore une fois – par le mestre cette fois-ci. Il entra dans la chambre, rapidement suivi de Loan. Sans une hésitation, Sibelle alla coller son oreille contre la porte pour tenter de comprendre ce qu’il pouvait bien se passer. Elle entendit d’abord une femme – probablement une accoucheuse – parler.
—
C’était un garçon, messire, mais il n’a pas survécu.—
Ma dame, vous avez déjà perdu plusieurs enfants ces dernières années. Il devient dangereux de tenter l’impossible. Vous pourriez y perdre la vie.En entendant les paroles du mestre, Sibelle ne put retenir un immense sourire – alors même qu’elle entendait sa mère pleurer de plus belle. Soudainement emplie d’une joie sans nom, la jeune lady se précipita auprès de sa grand-mère – et celle-ci eut le même sourire – Loan avait perdu un héritier ce soir-là, mais il avait gagné une héritière qu’il ne regretterait pas.
III. ENTRE DAME ET SEIGNEUR AN -4
—
Tu ne seras jamais chevalier. Mais tu dois apprendre à te défendre, lui annonça un jour Loan.
C’est alors qu’il lui présenta Wandel, le maître d’armes de Belle-Île. Elle qui sortait d’une leçon d’économie et espérait rejoindre sa grand-mère, qui souhaitait lui apprendre ce qu’elle appelait le
secret des puissantes, poussa un léger soupir alors qu’on lui tendait une dague. D’un geste hésitant, elle s’en saisit – fixant la lame entre ses mains. Elle avait l’étrange impression que l’arme avait tout à fait sa place entre ses doigts trop fins, alors même qu’on lui avait appris que les objets tranchants étaient réservés aux hommes.
Mais n’était-elle pas un homme, quelque part ? Elle que l’on élevait désormais pour être seigneur, à la seule différence qu’elle serait appelée
dame, recevait une éducation réservée aux héritiers mâles. Mais Loan ne souhaitait pas faire d’elle une pauvre lady innocente et stupide, bonne qu’à écouter et obéir – un jour, ce serait à elle que l’on obéirait.
—
Je ne veux pas que tu t’imagines être en permanence entourée. Lorsque l’on est un seigneur, on est seul.Sibelle fronça légèrement les sourcils – et demanda doucement à son père en quoi le fait d’être seigneur la rendrait seule.
—
Parce que dans la vie, tu ne peux réellement compter que sur toi, assena-t-il durement.
Elle l’écouta docilement tandis qu’il lui relatait quelques sacrifices que lui avait dû faire en tant que seigneur de leur maisonnée. Il dût parfois délaisser son épouse, il rata la naissance de Roslin, passa des jours entiers dans son bureau sans voir la lumière du jour… De bien maigres sacrifices en comparaison avec ceux que l’on pouvait rencontrer.
—
Penses-tu avoir réellement l’étoffe d’un seigneur ?, lui demanda-t-il sérieusement.
Sibelle planta son regard de glace dans le sien et hocha la tête d’un geste sec et déterminé ; puis sans un mot de plus, elle s’avança vers le maître d’armes.
* * *
—
Pardonnez-moi bonne-maman, je suis en retard…, souffla-t-elle en passant la porte d’un pas vif.
Lucia fronça les sourcils en voyant sa petite-fille, vêtue d’un pantalon et d’un chemisier – pourquoi diable était-elle habillée comme un homme ? Avant même qu’elle n’ait posé la question, Sibelle prit les devants.
—
Père me fait apprendre le maniement de la dague auprès du maître d’armes. Demain, j’aurai une leçon de tir à l’arc.La vieille dame eut un sourire fier, et hocha la tête. Elle invita la colombe à s’asseoir face à elle ; elle avait disposé sur la table deux gobelets et un pichet de vin, ainsi qu’une petite assiette pleine de petits gâteaux. Sibelle s’assit aussitôt et servit le vin sans un mot. Ce n’est que lorsque Lucia s’empara de l’un des gobelets pour boire un gorgée que la jeune fille reprit.
—
Vous souhaitiez me dévoiler le secret des puissantes, commença-t-elle.
Qu’est-ce ?—
Il faut que tu saches que les hommes et les femmes possèdent des forces qui leur sont propres. Les hommes ont leurs armes tranchantes, leurs épées et leurs lances… Toi, tu as tes yeux, ton sourire… Et ton corps.Le regard de Lucia se déplaça sur le corps de Sibelle, qui se développait – de jeune fille, elle devenait jeune femme. Sa poitrine commençait à se développer, sa taille se creusait, ses hanches s’élargissaient – le mestre prédisait même que, très bientôt, elle saignerait.
—
Parlez-vous du charme, bonne-maman ?—
Oui, le charme… Tu charmes souvent ton père lorsqu’il refuse que tu te resserves du vin et que tu le supplies par ton regard. Moi, je veux te parler du masque.—
Le masque ?, demanda doucement Sibelle.
Lucia hocha la tête, un sourire énigmatique aux lèvres.
—
Oui, le masque. Celui qui te permet de garder tous les secrets du monde, celui grâce auquel tu peux mentir en regardant les autres droit dans les yeux sans qu’ils ne le voient. Mets donc ton masque, ma chérie, apprends à t’en servir… Et tu seras une puissante.IV. FEMME TU SERAS AN -3
Sibelle toqua à la porte du bureau de son père – et y entra aussitôt, avant même qu’il ne l’ait autorisée à entrer. Il leva un regard sévère vers elle, et se heurta au
masque qu’elle maîtrisait déjà si bien – le regard froid, totalement impassible, et un léger sourire cordial figé sur ses lèvres. Il reconnaissait bien là les apprentissages de sa mère, mais ne s’y opposait pas – si sa fille devait régner un jour sur Belcastel, il espérait bien d’elle qu’elle soit forte.
Et pour lui apprendre à l’être, qui de mieux que Lucia ?
—
On m’a dit que tu avais saigné cette nuit, dit-il.
—
Oui, père.Le ton de Sibelle était calme, parfaitement contrôlé malgré sa réticence par rapport à un quelconque mariage arrangé – elle avait toujours su que ce jour viendrait. Elle n’avait jamais eu le temps de rêver au prince charmant ; Lucia lui avait arraché son enfance et son innocence bien avant cela. Loan l’invita, d’un geste de la tête, à s’asseoir – ce qu’elle fit avec grâce. Jamais elle ne se pliait, jamais elle ne paraissait raide – toujours droite et souple, Sibelle avait bu les paroles et enseignements de Lucia plus que ceux de quiconque.
—
Tu sais ce que cela signifie.—
Je le sais, père.—
Bien.Il écarta les différents parchemins qui se trouvaient face à lui pour en prendre d’autres – Sibelle put apercevoir plusieurs sceaux qu’elle avait déjà vu lors de ses leçons. S’affairant à être la meilleure dans tous les domaines, elle connaissait les maisons de Westeros sur le bout des doigts.
—
J’ai reçu plusieurs propositions de fiançailles te concernant ces derniers mois… Mais rien d’acceptable, souffla-t-il.
Parmi toutes ces offres, seules trois d’entre elles concernent des unions matrilinéaires… Mais ce sont des second fils, ou des hommes de maisons indignes des Farman…Elle hocha lentement la tête, plongeant son regard dans celui de son père.
—
Et donc ? Avez-vous fait des propositions, de votre côté ?—
Pas encore. Mais il est temps pour toi de quitter un peu Belle-Île et de voir le monde – nous allons partir sur le continent, et tenter de trouver un prétendant digne de toi dans l’Ouest. Nous verrons bien où cela nous mènera.V. LE CONSEIL AN 0, MOIS 2
Sibelle entra, tête haute et dos droit, dans la salle où se tenait le conseil de leur maison. Lord Amalu était tombé malade, quelques semaines plus tôt – et son état ne se stabilisait pas. Loan devait donc gérer le domaine à sa place, et diriger le conseil – ce jour-ci, il suggéra que Sibelle s’y présente et participe plus activement aux activités relatives à leur maisonnée.
La demoiselle, entrant dans la pièce, jeta son éternel regard froid sur les hommes présents autour de la table – elle était, ici, la seule femme. Mais elle était aussi la seconde personne la plus puissante ici, ce qu’elle leur fit sentir par ce simple regard.
S’asseyant à sa place, le masque soigneusement accroché aux traits de son visage, totalement impassible, elle offrit un sourire froid à son père, lui signifiant qu’il était temps de commencer – ils étaient tous là. Loan s’éclaircit la gorge, et les discussions purent commencer. L’état de santé alarmant d’Amalu fut le premier sujet traité – une conversation d’une bonne heure s’engagea, et lorsqu’il fut décidé qu’un mestre serait appelé directement de la Citadelle, ils purent changer de sujet – vint alors la question de l’expansion commerciale de Belle-Île.
Alors que les différents conseillers se disputaient quant à la meilleure stratégie à adopter, Sibelle observa silencieusement la carte du monde qui était posée sur la table – elle les coupa alors d’un ton empreint d’assurance.
—
Avez-vous songé aux Îles d’Été ? On trouve peu de leurs vins ambrés à Westeros, si nous étions les premiers à en faire le commerce, cela nous permettrait de proposer quelque chose d’inédit aux autres compagnies commerciales du continent.Les regards se tournèrent avec étonnement vers elle – et Loan ne put s’empêcher de sourire. S’il y avait bien un domaine que sa fille appréciait tout particulièrement, c’était celui du commerce. Elle avait écouté attentivement chaque leçon et, même lorsqu’elle était malade ou épuisée, elle demandait à son père de lui faire ses leçons dans sa chambre – rien ne l’avait jamais empêchée d’étudier le commerce et, s’il était une chose dont Loan était sûr, c’est que Sibelle saurait faire de Belle-Île une place forte commercialement parlant.
Sous les regards intéressés des autres conseillers, Sibelle reprit sérieusement, posant son doigt sur le Bief sur la carte.
—
Avec les Îles d’Été, nous pourrions aisément concurrencer le Bief. Mais je pense que ce serait une erreur – nous devrions approcher la Compagnie Commerciale Maritime de la Treille en vue d’un accord. Le vin est leur domaine – je suis certaine que les vins ambrés les intéresseraient, non ?Le soir-même, Loan lui fit rédiger plusieurs missives à destination des Îles d’Été – et la maison Farman put, dans les mois qui suivirent, ouvrir une voie commerciale entre Belle-Île et l’archipel de la Mer d’Été.
VI. POUVOIR ET LIBERTÉ AN 1, MOIS 5
Sibelle roula sur le côté, laissant un rire s’échapper de ses lèvres – encore et encore, elle fautait – mais elle s’en fichait bien. Elle était l’héritière d’une grande maison, la fille d’un grand seigneur – et elle serait un jour seigneur ; n’avait-elle pas droit aux mêmes libertés ? Rien ni personne ne l’empêcherait de vivre comme elle l’entendait, pas même cette question d’honneur et de vertu.
Alors allongée sur le ventre, se blottissant entre les draps, elle laissa son amant venir se coller contre son corps nu. Un sourire appréciateur coula sur ses lèvres tandis qu’il retraçait du bout des doigts la courbe de ses hanches.
—
On dirait que la mort de ton grand-père ne t’a pas affectée, dit l’homme à ses côtés avec un sourire.
Cela ne fait que quelques mois, et il me semblait que tu l’appréciais beaucoup…Elle haussa à peine les épaules, tournant vers lui un regard las.
—
Tu sais ce que m’a offert sa mort, Will ? D’un geste de la tête, il lui indiqua que non. Elle dévoila ses dents dans un sourire carnassier.
Désormais, je suis la première dans la ligne de succession. Et ça, ça n’a pas de prix.Elle le vit lever les yeux au ciel – Willem et elle se connaissaient depuis quelques mois déjà, depuis que Lucia l’avait envoyé à elle pour
assurer sa protection – puis, dans le cadre privé, elle avait ajouté qu’il aurait bien des choses à lui apporter – et avait ponctué sa phrase d’un clin d’œil équivoque. Cette indiscrétion avait fait rire Sibelle. Sa grand-mère connaissait le moindre de ses vices, la moindre de ses erreurs – et elle était tout ce qui comptait à ses yeux.
—
Retourne donc surveiller ma porte, soldat, minauda-t-elle.
J’ai des choses à faire.Il déposa un baiser contre sa tempe avant de se rhabiller, tandis que Sibelle restait pensive, enroulée dans ses draps. Son sourire s’était évanoui, faisant place au masque qui ne la quittait que rarement – il s’était fermement accroché à son visage, et elle ne s’en départait que face à Lucia – car elle seule savait voir au travers. Sibelle songeait à la guerre qui ravageait le monde, et que ses suzerains ignoraient totalement. Elle en avait longuement discuté avec son père – et il avait décrété qu’elle parlerait en son nom auprès des Lannister.
Elle devrait se rendre successivement à Castral-Roc pour discuter de la position des ouestriens par rapport à cette guerre, puis à la Treille – la voie commerciale entre les Îles d’Été et Belle-Île se portait à merveille, et les Farman avaient su trouver de nombreux clients dans l’Ouest pour revendre le vin acquis – il était désormais temps d’étendre ce commerce aux autres régions.
Elle soupira, s’arrachant mollement à ses draps pour aller s’habiller. Il était temps pour elle de planifier son voyage. Elle avait du travail – cela faisait longtemps que les Lannister restaient dans l’ombre ; elle pouvait comprendre que le lion attende le bon moment pour bondir sur sa proie – mais la neutralité devrait prendre fin, un jour ou l’autre.
Et elle avait décidé que ce jour était arrivé. Elle, ivre de son pouvoir et de sa liberté, et ne souhaitant qu’étendre plus encore la puissance de sa maisonnée, ne souhaitait pas que l’on considère les siens comme des couards cachés dans leur château, à suivre les batailles de loin plutôt que de se lancer, arme au poing, sur le champ…
S’asseyant à son bureau, elle commença à rédiger une missive destinée à Lyman Lannister – un vieil ami, un vieil amant – peut-être l’écouterait-il. Ceci fait, elle emmena la missive au mestre.
—
Prévenez mon père que je prendrai la route du Roc dès demain.