An -15, Dans les montagnes rouges
Les rafales brulantes semblaient tomber avec le soleil et les soldats de Noirmont se confondaient avec les roches à mesure que l’ombre les avalait. Plusieurs retirèrent leurs châles de leur visage. Des hommes tous si diffèrents qu’il était difficile de croire qu’ils étaient du même royaume. Des hommes bruns, à la peau foncée, fins alors que d’autres semblaient blonds et imposants. Le seul point commun était leur blason et la peau tannée par le soleil. Un jeune garçon aux yeux clairs cherchaient sa gourde, sa gorge le brulait, il lui fallait de l’eau et rapidement.
« Elias !» le rabroua un grand homme aux longs cheveux blonds attachés.
« Combien de fois devrais-je te dire de fermer ta bouche ! L’air est sec ! A moins que tu n’es besoin de pleurer comme une catin…. »L’héritier baissa les yeux, posant son arc sur le rocher à côté de lui, il se contenta d’inspecter ses affaires pour être certain que rien ne manquait à son équipement de tirailleur.
« Préparez les torches, placez les munitions dans la grotte. » ordonna-t-il avant de s’éloigner de son fils pour rejoindre d’autres soldats.
Un lieutenant tendit sa gourde à Elias.
"Buvez jeune vautour." ajouta t il de façon paternel.
Une fois de plus il se maitrisa pour boire lentement, contrôlant sa soif du mieux qu’il pouvait. L’homme sourit en voyant les efforts du jeune homme.
« Saviez-vous que les vautours ne pondent qu’un œuf ? C’est pour cela qu’ils sont si prévoyants avec leurs petits, ils doivent s’assurer qu’ils survivront dans l’hostilité des montagnes. »
« Je sais tout cela » répondit maussade le jeune homme en tendant la gourde au lieutenant.
« J’ai passé des années à haïr mon père alors qu’il ne voulait que mon bien. » conclut t-il avant de repartir rejoindre d’autres hommes.
An -5, Pres de Haut Hermitage
« Nous sommes à plus d’une journée à cheval des montagnes nous devrions nous arrêter ici avant que quelqu’un s’aperçoive que l’on a disparu. Laissons les chevaux boire un peu » dit Elias en descendant de sa monture.
L’oasis était reposant, la torrentine le traversait avec calme, le jeune noirmont trouvait même tout ceci trop calme. Un sentiment de nervosité se logea dans son ventre. Pourquoi ? Il avait pourtant l’habitude de partir avec les héritiers Martell. Allumer le feu, voilà qui l’aiderait à se concentrer sur autre chose et qui leur rendrait service. Sortant sa besace de survie, il sortit sa pierre de silex et avec sa dague commença à les entrechoquer au-dessus des brindilles rassemblées en tas.
Quelques minutes plus tard, les lumières dansaient sur le visage de Deria et Elias.
« Un peu de chaleur fait tellement de bien ! » ajouta-t-elle en se frottant les mains près du feu.
Elias déglutit en entendant cette phrase pourtant innocente, sa voix, ses yeux sombres, c’est idiot mais il suffit d’une fille en face de lui pour le faire flancher. Mais ce n’est pas une fille, c’est l’héritière de Dorne, la cavalière qui tient la course, celle qui rit aux éclats quand il lui sourit, celle qui a la peau plus douce que la soie. Alors il n’était pas en train de flancher mais de se décomposer et impossible de le cacher.
Un éclair de malice passa dans les yeux de Martell.
« Elias… » Dit-elle de sa voix suave. Un frisson lui traversa le corps alors qu’il relevait les yeux vers elle.
A la manière d’un animal sauvage, elle apprivoisait le guerrier des montagnes. Avait-elle conscience de tout ce que cela impliquait ? A la manière de l’opium, elle le rendrait dépendant, donnant un gout amer et d’insatisfaction à toutes les autres femmes qu’il pourrait gouter.
« As-tu connu beaucoup de femmes ? » lui demanda-t-elle.
Le jeune homme n’appartenait pas à la noblesse du littoral qui profitait des échanges exotiques avec de lointains royaumes, plus habile aux négociations qu’avec des armes. Habituée à visiter les bordels, à séduire et vendre jusqu’à son âme. Non, une éducation stricte était tout ce qui avait bercé sa vie. Sans doute pour cela que peu de mots lui venaient à ce moment.
Son regard se posa sur les lèvres de sa future suzeraine, il ne pouvait plus cacher ce qui le hantait et comme pour le délivrer elle avança son visage du sien, déposant ses doigts fins dans son cou et amenant à elle le jeune homme. La pierre froide et le feu ardent, voilà ce qu’ils étaient.
An 0, Chateau de Noirmont
Une cinquantaine d’hommes épuisés montaient la crête qui menait au château. Leur garde prenait fin leur accordant un peu de répit. Une fois les remparts passés, Elias se tourna vers les hommes leur donnant permission jusqu’à leur prochain raid.
Calmement, il traversa les couloirs et atteignit la grande salle ou la famille Noirmont se faisait servir le souper. Un sourire apparut rapidement sur le visage de sa mère mais pouvait elle être soulagée que l’ainé soit rentré pour que les jumeaux partent à leur tour garder les frontières ?
« J’espère que tu vas changer tes guenilles avant de nous rejoindre. » lança le père sans lui accorder un regard mais son fils ne semblait même pas retenir la remarque. Approchant de la table, il posa une main sur les épaules de ces sœurs et déposa un baiser sur leur tête avant de faire demi-tour.
Même si l’envie d’un souper lui donnait envie, il avait besoin d’un peu de solitude. Montant dans ses appartements, il s’installa à la table qui lui servait de bureau et commença une lettre pour Arianne. Lui racontant les nouvelles dans les montagnes rouges, lui demandant comment ils allaient et si elle viendrait bientôt lui rendre visite car ces sœurs se languissaient d’elle. Si certains seigneurs avaient mal acceptés la reconnaissance des batards, il n’en tenait pas compte, lui-même avait une demi sœur.
Elias n’était pas une fine plume, il se contentait de retranscrire ces pensées sans métaphores et autres style. Il venait de terminer que sa mère rentra dans la pièce.
« Je me fais du soucis… Tu ne manges pas beaucoup quand tu es ici. »
« Père est très doué pour faire perdre l’appétit. »
« Il veut juste… »
« Je sais ! » cria-t-il en se levant face à sa mère avant de se reprendre.
« Pardonnez-moi, mais rabrouer son fils comme un limier ne me fera pas faire plus de tours. »
« Il est fier de toi, il ne sait juste pas le montrer. » ajouta-t-elle avec un sourire qui ne dura pas.
« Que se passe-t-il ? »
« Ton père parle avec la famille Jordayne. »
« Arrêtons la conversation ici mère. Je souhaite avoir quelques jours de répit… »