Au milieu des rires, mots et expressions des soldats on ne pouvait qu'à peine distinguer le bruit des armures des pauvres en plein tour de garde. Le regards étaient tournés vers le cœur du camp. Près du feu un vétéran comptait son expérience de la guerre et des combats, il y a une vingtaine d'année, lorsque le précédent souverain de l'Ouest est mort. Les hommes boivent ses paroles et applaudissent le talent de conteur du vieux guerrier.

Chevalier depuis de nombreuses années il était déjà un combattant d'expérience à l'époque, pourtant son discours aujourd'hui change des éternelles histoires dont ses compagnons d'armes n'ont que trop entendu le son. Un peu plus loin, sur une bûche, se trouve la cible des quelques histoires de guerre. Le regard des hommes change fréquemment, se posant sur cette cible tandis que l'homme explique ce qu'il sait et ce dont il se souvient.

« J'étais à côté du Roi Arwin le jour fatidique, je m'en suis toujours voulu de ne pas avoir réussi à empêcher cela. C'était un homme dur, mais un grand commandant et un grand soldat. C'était une véritable perte pour tous. Lorsque la retraite fut sonnée, la plupart des soldats étaient dévastés par cette nouvelle. »

La voix de l'homme se fit plus calme, emprunte de respect et de nostalgie. Il se tourna et fixa à nouveau l'homme plus loin.

« Si nous avons tenu la suite du siège, si nous nous sommes préparés c'est car il restait un commandant de valeur à nos hommes. Un gamin pour beaucoup. Pourtant il avait une motivation et une fougue qui motivèrent même le plus peureux de nos soldats. Avec les autres chevaliers nous avons suivi sans bronché ce plan. Et lorsque le jour vint, la bataille se déroula bien. Ou tout du moins, aussi bien qu'un carnage ne peut se dérouler. »

Son regard revint vers un interlocuteur un peu plus loin, qui semblait plus qu'attiré par les récits du vétéran. Un gamin, chevalier depuis peu, n'avait jamais connu un champ de bataille. Le Vétéran rigola un coup, puis termina son histoire.

« Et ça gamin, c'est la raison pour laquelle je me moque que nous soyons dix, cent, ou mille. Après ce jour, j'ai gardé la foi et par les sept il faudra plus que la mort pour me la ôter. Alors ouais, qu'ils viennent, crevure de l'Empire, d'Harren ou de qui que ce soit. Je ne peux qu'avoir hate de les voir s'écraser contre les Lions ! Et je rugis ! »

L'homme dressa son verre, accompagné par ses camarades de beuverie. Loren le suivit aussi, sous le regard des plus jeunes qui peinaient à voir le siège de Port-Lannis comme un véritable et y voyaient plus une légende faite pour embellir le Roi qu'un réel fait d'arme. Il était difficile d'imaginer Loren comme un commandant émérite lorsque l'on parle plus de lui aujourd'hui pour ses talents au lit.

Il est difficile de le voir comme un guerrier lorsqu'il n'a que le mot paix à la bouche. Le regard respectueux de leurs aînés était sans-doute la seule chose qui les faisaient douter. De son côté le Lion n'avait pas pipé mot, laissant l'homme conter la bataille de belle manière. Lui ne l'évoquait pas, ou peu, ce n'était pas le genre de chose qu'il aimait. Il ne se souvenait ni des chansons, ni des cri de joies après la victoire, il se souvenait de l'odeur, du bruit et de l'allure de la bataille. Il se souvenait de la boucherie et non pas du festin du lendemain.

Le Roi se leva, laissant les hommes boire et manger entre eux. Son regard c'était posé sur un jeune homme, un peu plus loin, il n'avait pas connu cette guerre, mais au moins avait-il déjà connu un champ de bataille. Le Lion vint s'asseoir à côté de son beau-fils, le regard fixé sur le vétéran en train de boire. Pour une fois qu'il passait la soirée autre part que dans sa tente, les hommes s'étaient sentis obliger de conter ses grandes qualités. Malgré tout on ne disait du mal d'un Roi que dans son dos.

« Et toi, qu'est-ce qu'il te reste de ton champ de bataille aujourd'hui ? »

Le Lion posa au sol son gobelet, vide, puis planta son regard sur le meilleur ami de son fils.

Le regard perdu dans la contemplation des flammes, j'écoute sans vraiment me concentrer les échanges entre les soldats qui racontent une nouvelle fois les récits de guerre auxquels ils ont participé. Cette fois, c'est le Roi qui est la cible des histoires et j'ai un bref sourire absent alors que j'arrive à mieux capter certaines phrases que d'autres. Il faut dire que le voyage de retour diffère grandement du trajet inverse et j'ai une pensée pour Jeyne, chaudement installée dans une tente un peu plus loin. J'ai passé un peu de temps avec elle tout à l'heure, partageant un bol de ragoût alors que je voyais que ce voyage a un effet des plus négatifs sur son humeur. Mais je n'y peux pas grand-chose. Sa place n'est pas au milieu de ces hommes un peu éméchés qui aiment à parler de la façon la plus épique de taillader leurs ennemis.

Je sursaute quand j'entends les chopes qui s'entrechoquent et je fronce les sourcils en regardant la mienne encore totalement pleine. Je n'ai pas vraiment le cœur à boire ces derniers jours, comme si j'avais besoin de garder les idées claires, alors qu'en réalité, à voir la quantité d'hommes qui nous entourent, je peux me laisser porter par la masse sans plus me soucier de rien. J'étire ma jambe avec une grimace de douleur, avant d'écarquiller les yeux quand je vois le Roi en personne prendre place à côté de moi. J'avoue, je ne m'y attendais pas du tout. Et je sens les regards des autres soldats peser sur nous l'espace d'un instant, avant que chacun ne reparte dans sa conversation. A croire que j'ai réussi à vraiment faire partie du décor cette fois, avec ma mine un rien fatiguée, mon boitillement qui commence à peine à se résorber et mon sourire qui n'est plus aussi fringant qu'avant. Certains diraient que j'ai perdu de mon arrogance. Ils n'auraient pas tort. Je me rends compte que je n'ai pas esquissé le moindre geste en direction du Lion et je finis par hocher la tête, me décalant légèrement, non sans crisper la jambe, pour lui laisser plus de place. "Votre Majesté… navré, j'étais plongé dans mes pensées."

Je me fige à sa question et je fronce les sourcils avant de laisser échapper un rire. "Mis à part le fait que les sauvageonnes n'ont absolument rien de féminin et frappent aussi fort que les hommes ? Je crois que mon épaule s'en souviendra longtemps." Je me masse au niveau du coup que j'ai reçu il y a quelques mois de cela et j'ajoute, attrapant ma chope à deux mains alors que je fixe le liquide sans vraiment le regarder. "Je ne suis pas comme ces vétérans. Mon expérience s'est limitée à une bataille sanglante et à l'attaque en piqué d'un dragon sur nos ennemis. Alors, je vous avoue que je ne suis pas sûr de la réponse à apporter en réalité. D'autant que je n'arrive pas à parler fièrement de ce que j'ai pu voir ou faire… Est-ce que ça vient avec le temps ?" Question bien naïve je suppose mais, en comparaison des hommes qui m'entourent, je reste inexpérimenté et naïf non ? Malgré ce que j'ai pu vivre ces derniers mois en tout cas.  

Le jeune chevalier se décale, laissant place au lion. Ce dernier porte un bref regard sur la jambe de son beau-fils, blessure de guerre ne sera pas la dernière. Loren se retient de plaisanter  là-dessus, il n'est jamais aisé de partir jeune sur un champ de bataille, il n'est pas non plus aisé de voir ce qu'il avait vu lorsque la mission devait être une simple escorte diplomatique. Le Lion reporta rapidement son regard sur son verre, qu'il porte à ses lèvres.

Il s'excuse pour son moment d'absence, Loren n'y prête pas vraiment attention et ne répond pas. Il ne lui en tint non plus rigueur, la fatigue était présente et le jeune homme était encore blessé. Tant d'excuses pour le fait qu'il n'avait pas réagi aussitôt. Patiemment le Roi attendit la réponse du chevalier à sa question, celle-ci fut ponctuée d'un petit rire, tandis que Gareth donnait son expérience des sauvageonnes au combat.

Le Roi pouffa un instant lorsque le jeune homme lui fit part de ce qui lui était arrivé dans le nord. Loren ne dit guère plus que cela, il n'avait pour sa part jamais affronté de sauvageons, mais il ne doutait pas de la férocité de ceux-ci. Le jeune homme attrapa sa chope et vient donner sa véritable réponse. Il ne sait pas vraiment, il n'a pas vu tant de monde que cela et ne peut pas vraiment être fier de ce qu'il a vu. Naivement, il interroge le roi si le temps est un remède à ceci. Loren haussa les épaules et vient fixer les hommes un peu plus loin.

« Tu sais, tous ici ne sont pas vétérans. Certains sont de jeunes chevaliers, comme toi, avec peu, ou pas d'expérience de la bataille. En général tu entendras plus ceux-ci avoir hâte d'aller à la bataille. »

Un petit sourire malin sur les lèvres il tourne la tête vers le chevalier, puis reprend la parole.

« J'ai combattu pour la première fois il y a des années, pourtant je n'ai jamais affronté de sauvageons ou vu de dragon brûler des ennemis. Tu vois, en soit tu as une expérience que bon nombre n'ont pas. »

Son regard se baisse. Sa mine d’assombri, puis doucement le Roi de l'Ouest vient répondre. S'il gagnerait à s'habituer avec le temps ? Lui seul pourra répondre d'ici quelques années.

« Le temps ? Cela fait plus de vingt ans que je n'ai mis le pieds sur un champ de bataille. Ce dont je me souviens ? Pas des chants, de la boisson ou des rires après la victoire. Je me souviens du bruit, de l'odeur et du chaos. Je me souviens du bruit que font les hommes lorsqu'ils meurent. De l'acier lorsqu'il transperce la chaire ou se heurte à une autre arme. Je me souviens du bruit des chevaux paniqués au milieu d'une mêlée. De celui des jeunes tenant pour la première fois une arme, fuyant lorsque le frère se fait couper en deux devant eux. »

Il soupire, puis reprend, peu enthousiaste.

« Je me souviens de l'odeur du sang, mêlée à celle de la boue. De l'odeur des hommes lorsqu'ils ne peuvent se retenir de pisser ou de chier. De l'odeur de la sueur ou de celle des cadavres. Je me souviens de l'odeur des hommes n'ayant put changer d'armure depuis des jours, de l'haleine d'un homme au moment de sa mort. »

Il fait une nouvelle pause. Visiblement plongé dans des souvenirs qu'il avait eu trop jeune également.

« Je me souviens de la quantité d'hommes au sol, pleurant, priant, donnant leur dernière volonté ou demandant à ce que l'on puisse les épargner. Je me souviens des fermes brûlant au loin, des carcasses jonchant la route du Roc. Des femmes pleurant leurs fils et leurs maris. »

Il releva son regard et le planta dans celui du chevalier.

« Je me souviens de ce que l'on tait dans les chansons. »

Les hommes plus loins continuent de festoyer. Les vétérans occultent l'enfer du champ de bataille par des chants et des sourires suite à la victoire. Les plus jeunes rêvent de la gloire après la victoire. Mais ils ne pensent pas à la réalité, à ce à quoi ressemble une bataille, une vraie, une grande bataille. Le Roi porte à ses lèvres son gobelet, qu'il finit en quelques instants, puis le repose au sol.

« N'écoute pas les vieux fous qui te parlent de la gloire ou de l'honneur du champ de bataille. C'est une boucherie, un chaos, un lieu sans foi ni loi. Tous ceux qui clament avoir gagner leur gloire par le fil de l'épée ont bien souvent finis par arracher le cou de leur ennemi avec les dents, par peur qu'il ne leur plante une lame dans le ventre. La guerre ne s'apprend pas avec un maître d'arme. On la subit sur un champ de bataille. »

Et c'est bien pour cela que Loren avait refusé de combattre depuis des années, se réfugiant dans les femmes et l'alcool afin de ne voir que ce qu'il y avait de bien dans le pouvoir et non pas tous les nuages qui viennent aujourd'hui occuper ses soirées.

« Ne va pas croire que ton avis compte moins que le leur dans tous les cas. Lyman a une grande confiance en toi et tu as montré valoir autant qu'eux en protégeant la princesse jusqu'à Vivesaigues. »

Il hocha la tête un instant, puis reprend la parole, plantant à nouveau son regard dans celui du Kening.

« Dis-moi. Réellement. Qu'as tu pensé de l'idée d'envoyer Jeyne à Vivesaigues ? »

Au fond le souverain du Roc avait une idée en tête.

D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours admiré Loren Lannister. Lorsque j’étais enfant, je me cachais pour écouter les soldats parler de ses hauts faits, les yeux légèrement écarquillés alors que j’essayais d’imaginer ce que cela pouvait donner en vrai. Et puis, je n’oublierais jamais la façon dont mon père parlait de lui. Avec ce mélange de respect, d’admiration et ce je ne sais quoi qui me confortait dans l’idée que s’il devait repartir combattre pour lui, ce serait un honneur pour mon père. A cette pensée, mon coeur se serre et je secoue la tête, me focalisant sur les paroles de mon Souverain. J’ai un sourire quand il pouffe de rire à ma répartie, plutôt satisfait que mon trait d’esprit ne soit pas tombé à coté. Si je hoche la tête à ses propos, je ne peux m’empêcher de lâcher, pensif. « J’ai pourtant eu le sentiment que bien des vétérans n’avaient qu’une hâte, lorsque nous étions dans le Nord, c’était de retourner au combat. Comme s’ils ne savaient plus faire que cela ou que rien ne serait assez suffisant pour étancher cette haine qu’ils avaient envers leur ennemi. » C’est peut-être ça qui me manque et je n’ose pas vraiment dire à haute voix. Ce sentiment viscéral de haïr un peuple, un homme, d’être prêt à tout pour en voir la fin. Je ne vais pas m’en plaindre et j’avoue que j’aimerais que les choses restent ainsi. Même si j’en doute de plus en plus à mesure que le temps passe.

Si j’ai un bref sourire quand il me dit que j’ai une expérience que bon nombre n’ont pas, je ne dis rien, presque hypnotisé par les paroles que tient le Roi. Il arrive à mettre des mots sur des sensations que je n’avais encore pas réussi à définir. Et de l’entendre dire qu’il ne se souvient pas de la gloire, mais du reste, a quelque chose de rassurant. Comme lorsqu’un enfant entend son père lui dire que lui aussi, il a pu avoir peur. Je laisse alors filer, d’une voix hésitante. « … je me souviens des cris et de l’odeur du sang. Ils ont… enfin tous les sauvageons survivants ont été crucifiés. Ils ont agonisé pendant des jours. Je n’arrivais pas à dormir tellement j’avais le sentiment que jamais leurs voix ne s’éteindraient... » J’ai fini dans un murmure, fixant le vide avant de finir mon verre d’une traite. Si les cauchemars se sont mués en souvenirs, je sais qu’ils ne disparaîtront jamais. Et ce qu’il me dit ne fait que me conforter dans mon idée alors que je hoche de nouveau la tête à ses propos. « J’ai eu l’impression que rien de ce j’avais appris n’aurait pu me servir lorsque je me suis retrouvé sur le champ de bataille. Comme si je n’étais qu’un fanfaron incapable de me défendre. Mais je sais que le regard des soldats qui étaient autour de moi a changé quand ils ont vu que je n’avais pas fui. Incompétent ou pas, je suis resté avec mon épée à la main, prêt à mourir pour Lyman s’il le fallait. Je ne sais pas si ça fait de moi un combattant, mais ça m’a conforté dans mes priorités. »

J’ai un regard en direction du Roi et je finis par tousser un rire en haussant brièvement mon épaule valide. « Beaucoup me voient encore comme le gamin qui s’amusait à mettre un pied sur la robe de Meg...ara lorsqu’elle apprenait à danser quand nous étions enfants. Ou le jeune idiot qui passait son temps libre dans les tavernes. Je ne peux pas leur jeter la pierre mais… je suis flatté de savoir que le Prince a confiance en moi. Quant à la protection de la Princesse... » Je me renfrogne sans même m’en rendre compte mais je finis par lâcher, à contrecoeur. « Je n’aurais rien pu faire si le dragon n’était pas arrivé. Je lui avais fait promettre de fuir si nous tombions dans une embuscade comme celle-là mais je ne sais pas si cela aurait suffit. Et je n’ai pas été assez attentif » J’inspire longuement, essayant de détendre mes muscles brusquement contractés avant de froncer les sourcils à la question du Roi. Elle n’est pas innocente, surtout à voir son regard planté dans le mien. Et je laisse filer un silence hésitant avant de souffler, cherchant mes mots avec soin. « … c’était… dangereux. Trop dangereux pour les avantages que cela aurait pu apporter au royaume. Mais personne ne pouvait deviner que nous serions attaqués de la sorte. » Voilà qui me paraît assez neutre, pour le moment. Mais je gage qu’il ne sera pas vraiment dupe en réalité, même si cela me permet de gagner quelques instants pour essayer de comprendre où il veut en venir.

Loren acquiesça doucement. C'était on ne peut plus vrai, bizarrement une part de ceux ayant vécu la guerre semblait n'avoir qu'une hâte, revoir un champ de bataille. Le Lannister ne comprenait pas vraiment cet engouement pour la mort et la bataille, il se disait qu'ils cachaient leur peur d'un champ de bataille derrière un fausse bravoure mal placée. Il n'avait pas hâte de retourner sur un champ de bataille, ni même de tirer à nouveau l'épée.

A cette pensée son regard descendit jusqu'à sa lame, cela faisait bien longtemps qu'il ne l'avait pas utilisée pour autre chose qu’anoblir ou pour frimer. Les entraînements se faisaient avec d'autres armes et le Lannister n'avait pas combattu depuis... Depuis la dernière guerre. Certains parlaient encore de lui comme un grand guerrier, comme quoi la réputation traversait les âges plus facilement que le talent.

Aujourd'hui Loren n'était plus certain d'être capable d'affronter à armes égales un chevalier rompu au combat, ou bien de diriger une armée avec la fluidité qu'il avait pu avoir dans le temps, car après deux décennies de sommeil, le Lion ne se lève pas en pleine forme. Loren se souvenait des sensations, mais elles étaient presque irréelles, fausses, tant il avait forcé pour les oublier. Le regard du Roi se posa sur le chevalier lorsqu'il donna ses souvenirs.

Il se souvenait des cris et du sang. Suite à la bataille les sauvageons avaient été crucifiés, ils n'étaient pas morts vites, mais avaient agonisés pendant longtemps. Le jeune chevalier avait été marqué par l'évènement visiblement. Le regard du Roi se détourna alors, scrutant l'horizon. A leur venue vers Vivesaigues ils avaient décrochés ce qu'il restait des corps des Ouestriens crucifiés par l'Empereur. La première délégation avait du voir les corps également, le Roi garda sa question sur ce sujet, se contentant de commenter.

« Ce n'est pas une fin souhaitable en effet. Les Nordiens ont... Une certaine habilité à imiter la barbarie des sauvageons apparemment. »

Sa main se serra un instant sur ses jambes, Lord Serett avait fait de grandes erreures, avait sans-doute commis des atrocités. Mais laisser ainsi les corps au bon plaisir des corbeaux à la vue de tous n'était rien de plus qu'un acte que le Roi de l'Ouest ne pouvait cautionner, ou pardonner. L'Empire en avait voulu à l'Ouest, si bien que le Lion avait gardé au fond de lui ses pensées, mais les actes de l'Empereur n'étaient pas excusables, qu'importe qu'il y est prit plaisir ou non.

Le Kening s'exprima sur son expérience du champ de bataille, comme quoi ce qu'il avait apprit n'avait guère était très utile. Doucement Loren acquiesça, il disait vrai. Ou tout du moins le Lannister pensait la même chose. Puis le garde princier continua, parlant du regard des autres sur lui, du rôle qu'il avait put jouer au milieu de la bataille. Le Lion le laissa finir, puis répondit calmement.

« Avoir un commandant à ses côtés ne peut qu'encourager. Même le plus lâche des paysans se sentiraient mal de laisser un jeune homme devant et de fuir sans demander son reste, il est plus difficile d'abandonner ceux avec qui on a passé du temps que l'on ne peut le penser. Si un commandant est devant ses troupes, elles avanceront. »

Il fit une pause, puis reprit en nuançant ses propos.

« Mais si un commandant est derrière ses troupes, elles ne reculeront pas. Il est inutile d'aller mourir au milieu du champ de bataille pour une gloire que l'on aurait pas. Lorsque l'on commande une armée, il faut choisir le bon moment pour prendre les devant et non pas charger sans réfléchir, dans l'espoir que l'on ne soit pas tué. Commander et combattre sont deux choses bien différentes. »

Le Lannister eut un petit sourire, puis commenta une dernière fois ses mots.

« Souviens toi de ça, dans les temps qui viennent tu auras sans doute à faire cette différence. »

Le Kenning semblait apprécié la confiance de son ami d'enfance, pourtant devait-il déjà le savoir, il était marié à une Lannister et ami depuis des années d'un autre, sa parole avait déjà du poids au sein du Roc, qu'il le veuille ou non. Lorsqu'il parla de l'embuscade, il diminua son rôle, apparemment il n'avait pas été assez attentif et avait été peu utile au milieu de l'action. Le Lion haussa les épaules puis reprit.

« Peut-être. Je n'étais pas là pour juger de l'attention que tu as porté. Tout ce que je juge est là : Jeyne est vivante, toi également, ta mission est donc un succès. Ne va pas penser que tu as échoué lorsque le résultat est celui voulu à ta mission. »

Puis finalement le jeune chevalier vint répondre au Roi, donnant son avis. Il jugeait la mission trop dangereuse pour les gains qu'elle pouvait amené, malgré le fait que personne ne pouvait prédire l'embuscade. Loren acquiesce tandis que le jeune homme parle. Le Roi n'aurait jamais du laisser la princesse quitter l'Ouest sous si faible escorte. Doucement le Lion reprend la parole.

« Non en effet. Personne ne pouvait prévoir. Mais faute de prévoir, nous pouvons préparer. »

Il fit une pause puis soupira, ses avants-bras vinrent se reposer sur ses cuisses tandis qu'il fixait le sol en continuant.

« Tu as raison. C'était trop dangereux. Envoyé Jeyne de base n'était pas chose à faire étant donné son... Etat. Et avec si peu d'hommes encore moins. »

Son regard remonta jusqu'au jeune homme, puis le balaya de la tête aux pieds.

« Tu est perspicace. Merci pour ta réponse franche, ainsi que pour les services que tu rends au Roc. Ser Kening, durant ce voyage vous avez prouvés votre courage et votre loyauté envers la maison Lannister de Castral-Roc. J'aurai aimé que tu puisse dire ton avis sur cette mission avant qu'elle ne quitte le Roc. Pas toi ? »

Maintenant que j’y pense, je réalise que je n’avais encore jamais vraiment abordé ces sujets avec qui que ce soit. Oh, nous en avons vaguement parlé avec Lyman, avant de parvenir à un accord tacite sur le fait qu’il était peu pertinent pour notre moral de ressasser encore et toujours des évènements sur lesquels nous n’avions aucune prise. D’autant que le quotidien avait fini par reprendre le dessus. Que ce soit nos propres mariages ou encore la vie à Castral Roc. Et j’avoue que je ne m’en portais pas plus mal. Mais je me sens quelque peu soulagé alors que j’aborde le sujet avec le Roi de l’Ouest. Parce qu’il fait partie de ceux qui peuvent comprendre ce que je pourrais lui dire, ces appréhensions qui ne cessent de m’assaillir maintenant que je sais à quel point nous pouvons être vulnérables. Et qu’il ne me juge pas, bien au contraire.

Je réalise avec un pincement au coeur que c’est exactement le genre de conversation que j’aurais aimé avoir avec mon propre père. Et qu’il me manque, à un point que je n’avais encore jamais réalisé. J’inspire longuement, fronçant les sourcils aux propos du Roi avant de souffler, un rien indécis. « Ils ont… beaucoup souffert. Je ne sais pas moi-même comment je réagirais si l’on s’en prenait de la sorte aux miens. Mais la façon dont ont été traités les femmes et les enfants, tous sauvageons qu’ils soient... » Je grimace, incapable de finir ma phrase alors que j’écoute le reste des propos du Lion. Et je hoche la tête, la mine pensive, me demandant tout de même pourquoi il me demande de me rappeler de ce genre de choses. Je n’ai pas vocation à commander des troupes, pas que je sache en tout cas. Et au vu des résultats lors de ma dernière escorte, je ne suis même pas sûr d’être amené à faire cela de nouveau. Pourtant, je réponds, pensif. « Vous voulez dire que l’on peut être un bon commandement sans avoir été un bon combattant ? Ou les deux vont forcément de paire sans pour autant se dérouler au même moment? »

Et nous évoquons ce fameux trajet qui ne cesse de hanter mes p.ensées depuis des semaines. Je laisse filer un silence à ses propos, penchant la tête sur le côté alors que je l’observe avec attention. « … il est vrai que Jeyne… la Princesse va bien. Et qu’elle n’aura aucune séquelle physique de cette mésaventure. J’espère qu’il en sera de même pour moi, même si le Mestre a dit que j’aurais probablement la jambe raide les soirs d’hiver, si j’ai la chance d’être assez vieux pour le vivre » J’ai une ombre de sourire, m’imaginant l’espace d’un instant en train de me réchauffer au coin du feu avec Megara alors que nous serons âgés. Voilà qui est une image pour le moins agréable et qui me permet, pour la première fois, d’arrêter de me sentir aussi coupable pour la façon dont cette mission s’est déroulée. Je me fais tout de même plus précautionneux lorsqu’il me demande mon avis sur ce qui s’est passé, surpris qu’il semble attendre une réelle réponse et non pas les banalités attendues dans un moment pareil. Je hoche la tête, le regard un peu perdu dans le vide. « J’ai bien retenu la leçon alors. Toujours s’attendre au pire. Pour s’y préparer. Et… je n’ai pas compris pourquoi c’était à Jeyne de mener cette mission diplomatique. Je me suis dit que c’était parce qu’elle serait probablement la mieux placée pour faire entendre raison à son père mais… c’était un risque inutile. » Difficile de remettre en question le choix de la Reine sans en dire plus. Je suis déjà bien au-delà des limites que je ne suis pas supposé franchir et je préfère ne pas en rajouter.

Pour un peu, je me sentirais rougir sous son regard. Jamais il ne m’avait autant observé, scruté même. Et je me sens un peu mal à l’aise, jouant avec ma chope histoire de me donner une contenance. Sa question prend au dépourvu, une fois de plus, et je laisse filer un temps avant de répondre, cherchant mes mots. « Ce n’est pas mon rôle de donner mon avis. J’ai déjà la chance d’être un proche du Prince, d’être marié à sa sœur et d’être celui qui s’occupe de la sécurité des enfants Lannister. Avoir mon mot à dire sur de telles décisions serait… hors de mes attributions, quand bien même je suis honoré de votre confiance… surtout quant au fait que j’aurais pu être de bon conseil. » Je suis bien trop précautionneux, plus que d’habitude. Mais je ne sais pas du tout dans quelle direction il veut m’emmener. Et j’avoue en être passablement perturbé.

Le cœur du chevalier est encore un peu pur, un peu. Il fut marqué, définitivement, par ce qu'il a vu au Nord. Se demandant comment il réagirait si c'était les siens, non pas des sauvageons, qui avaient subits ce sort, jusqu'aux femmes et enfants. Des ouestriens ont subis cela, mais ils ont quittés le royaume en sachant à quoi ils s'exposaient, la chose en elle-même est différente. Loren acquiesce doucement, sans donner plus de mot à Gareth, aucune réponse de plus ne semble lui venir à l'esprit.

Lorsque le sujet du commandement revient Gareth s'interrogea, était-il nécessaire de savoir bien manier l'épée pour commander. Question légitime s'il en est, Loren hausse un instant les épaules, chacun avait sa vision de la chose, mais pour lui la réponse était plutôt claire. Sa main vient caresser le pommeau de son arme, un bref sourire s'invite sur son visage.

« A quoi bon être le meilleur à l'épée si tu es coincé à commander ? Non, les commandants ne doivent pas exceller à l'épée, tant mieux pour eux s'ils le peuvent, mais commander demande de penser, non pas de frapper. »

Gareth accepta les arguments du Roi, voyant presque sa mission comme le souverain voulait qu'il l'a voit. Une réussite, malgré le goût amère de celle-ci. Le Roi retint un mince sourire lorsque le chevalier appela la princesse par son prénom, nul doute qu'une telle expérience avait put créer une amitié entre eux. Du moment que cela ne créait rien de plus. Et la discussion continua, Loren écouta patiemment, le chevalier ne semblait pas du tout en accord avec les choix de la Reine.

Loren acquiesça doucement, dans les faits il avait raison, il valait simplement mieux éviter de dire ça à la Lannister directement, elle se trouvait être assez susceptible malgré tout. Envoyé Jeyne avait causé plus de problèmes que n'en avait résolu, amenant les Lannisters au bord de la guerre, mettant en danger la succession du royaume et tant de choses. Était-ce voulu de la part de la Reine ? L'idée avait effleuré l'esprit du souverain sans pouvoir la valider ou non.

Pour la dernière question du seigneur du Roc Gareth lui répond que son rôle n'est pas de donner des conseils, il reste respectueux et prend des pincettes dans sa réponse. Il reste dans le cas de Garde Princier. Le mouvement de la tête de Loren alterne entre acceptation et déception, tandis que le jeune homme se montre fidèle à son poste. Le Roi reprend la parole, doucement, en plantant son regard dans celui du Kening.

« C'est vrai. Mais j'aimerai que tu sois plus que ça maintenant. »

Loren fait une pause, soupir puis se lève en donnant quelques paroles.

« Bon. Faisons ça au moins de manière formelle avant de poursuivre veux-tu ? »

Le Roi se redresse devant le chevalier, main sur le pommeau de son arme. La lueur des flammes vient caresser son dos, assombrissant le visage du Seigneur du Roc. Depuis sa position il pose son regard sur le jeune chevalier. Sa voix se fait plus solennelle, sérieuse tandis qu'il reprend la parole. Un peu plus loin les discussions diminuent, prétant oreille aux mots du Roi, comprenant rapidement que quelque chose a lieu.

« Moi, Loren, de la maison Lannister, fils de Arwin Lannister, Roi de l'Ouest et Seigneur du Roc, par la présente te nomme, toi, Ser Gareth Kening, capitaine de la maison du Roi. Par ce nouveau titre tu seras les yeux et les oreilles du Roi. Sa voix et sa volonté dans ce royaume et ceux au-delà de nos frontières. Tu porteras la bannière Lannister en temps de paix et de guerre tu siégeras au Roc pour servir dans le conseil Royal. Si tu as quoi que ce soit à dire pour t'opposer à ce titre, dis le maintenant. »

Le regard du Roi était lourd tandis que les hommes plus loin fixaient désormais le jeune Kening, intrigué de voir ce qui allait se passait désormais.

Discuter avec le Roi de l’Ouest me permet de m’interroger plus que je ne l’ai encore jamais fait sur mon voyage dans le Nord. Je ne sais pas vraiment si au final c’est une bonne ou une mauvaise chose, ayant déjà nombre d’images et de pensées peu joyeuses en tête mais je me rends compte que je parle sans difficulté. Probablement parce que je commence à appréhender certaines choses. Je laisse filer un silence songeur aux propos du Roi avant de souffler, d’un ton hésitant. « … difficile pourtant de demander à des hommes d’attaquer s’ils savent qu’on en est incapable non ? Leur montrer que l’on pourrait tout à fait prendre leur place si nécessaire me parait… important. Enfin moins que de savoir comment les commander, il est vrai. Pour autant…» Je fronce les sourcils, sans bien savoir à quel point je me fourvoie, avant de finir par hocher la tête quand nous évoquons cette mission qui a pour moi été un échec. Visiblement, je suis le seul à penser cela, alors je n’insiste pas et j’essaie de me convaincre qu’ils ont tous raison.

J’essaie de rester prudent dans mes propos cependant. Je me doute bien qu’il me teste, qu’il cherche à savoir réellement ce que je pense de tout cela mais il sait tout aussi bien que moi que la fidélité que j’ai pour leur famille m’empêche tout de même de dire franchement ce que j’en pense. Même s’il le devine aisément, j’en dis probablement suffisamment pour qu’il n’ait pas à se questionner d’avantage sur mon point de vue. Pourtant, j’ai du mal à ne pas penser qu’elle a volontairement envoyé Jeyne risquer sa vie dans une mission plus que périlleuse. Elle aurait pu mourir, elle aurait pu être retenue contre son gré auprès de son père. Tant de choses pouvaient arriver que j’ai toujours du mal à croire que la Reine ait pu prendre cette décision sans y songer.

J’arque un sourcil perplexe au reste de ses propos. « … plus que ça ? » Difficile de voir comment je pourrais être plus. D’aucun trouvent déjà que ma situation est honteusement privilégiée, que je ne la mérite guère et parfois, je suis d’accord avec eux en vérité. Plus proche ami du futur Roi, époux de la princesse, ami de la future reine, voilà bien des casquettes qui vont me valoir des regards peu amicaux à l’avenir, pendant qu’ils tenteront quand même de me mettre dans leur poche. Je le fixe, sans bien comprendre ce qu’il fait alors qu’il se relève devant moi. Je peux sentir le regard des soldats se tourner vers nous et le silence se faire alors qu’il est évident que quelque chose d’important est en train de se passer. Sauf que j’ai du mal à saisir que je suis le principal concerné en vérité.

Et je le fixe, les yeux légèrement écarquillés, totalement à court de mots contrairement à mon habitude. Capitaine de la maison du Roi. Vraiment ? Il me faut quelques secondes pour que mon esprit se rappelle de ce que je dois faire mais j’avoue que j’ai du mal à croire qu’il a vraiment prononcé ces mots. Dire que c’est une promotion importante est un euphémisme et je me demande ce que vont penser les nobles de la Cour à notre retour. Mais je me redresse légèrement, retenant une grimace lorsque je pose un genou à terre devant mon Roi avant de lever les yeux vers lui pour accrocher son regard. « C’est un honneur Majesté, que je ne suis pas sûr de mériter à l’heure actuelle. Mais je ferais tout pour que la confiance que vous placez en moi ne faillisse jamais, pas même un seul instant. » Difficile de dire plus, n’étant pas vraiment préparé à ce qui vient d’arriver. Et je souffle tout de même, retrouvant une ombre de sourire. « … je n’ai rien à dire pour m’opposer à ce titre, évidemment. » Les autres par contre…

La réflexion du jeune chevalier se tenait. Mais pour Loren ce n'était qu'un détail. Il haussa les épaules. La plupart des nobles ont été formé à la guerre et au combat, bon nobmre d'entre eux restent des combattants plus doués que la moyenne. Obligatoire si l'on veut être digne du titre de chevalier. Pour autant, certains ne combattent pas pendant des années. Le regard du Lion monta au ciel tandis qu'il préparait sa réponse.

« Crois-tu qu'un vieillard sait toujours manier la lame aussi bien que ses hommes ? Tous les nobles ont un jour appris, avec plus ou moins de succès, à manier la lame. Pour autant ils n'en sont pas des experts. Tant que tu sais par quel bout manier ton arme, les hommes ne vont pas venir te demander une de monstration. »

A nouveau il fit une brève pause, avant de reprendre.

« Tant mieux s'ils voient que tu pourrais prendre leur place, mais l'idéal est qu'ils voient qu'ils ne peuvent prendre la tienne. »

Le Roi du Roc n'est pas de ceux qui pensent qu'un bon guerrier ou un bon soldat fait un bon commandant. Connaître le combat ne veut pas dire connaître la guerre. Et connaître la guerre ne veut pas dire connaître le combat. Sur de nombreux points le Lion préférerait en charge de la stratégie un politicien aguerri qu'un guerrier aussi bon soit-il. Il faut avoir un esprit ne pensant pas simplement au choc, mais à l'avant, l'après et les manœuvres à faire, sans être obnubilé par une seule victoire.

Mais un soldat serait meilleur commandant qu'un politicien. Alors une union entre les deux serait un choix judicieux pour un général. Voilà la raison pour laquelle les nobles faisaient des généraux : habitués à commander, à gérer, à décider mais également à chevaucher, combattre et guider. On devient général par cet apprentissage, mais également par une naissance nous ouvrant des portes fermées au bas peuple.

Lorsque le titre fut annoncé la réaction du jeune chevalier ressembla plus ou moins à celle à laquelle s'attendait le Lion. Il restait humble, mais accepta, malgré la surprise des premiers instants. Quelques secondes de battements, puis Loren frappa dans ses mains, comme validant ce qu'il venait de faire et rompant le silence suivant la nomination. Mine de rien, il reprit la parole.

« Bon, voilà une bonne chose de faite. Relève toi. »

Et Loren retourna s'asseoir, après avoir récupérer un gobelet de vin. Son regard se perdit un instant sur l'assemblée de soldats, voilà qu'ils avaient un bon sujet de discussions pour les jours à venir. Le Lannister but une gorgée de vin, puis son visage revint à celui terne qu'il pouvait arborer lorsque des soucis l'occupaient.

« Tu vas prendre très rapidement tes fonctions. Je ne vais pas rester longtemps au Roc, et j'aurai besoin de toi. Pour pas mal de choses. »

Le regard du Roi se posa sur le jeune chevalier, appuyant lourdement son jugement.

« Tu te sens prêt à commander et diriger alors ? »

Et plus encore, car la politique avait plus revendre.

Difficile de savoir où le Roi de l’Ouest veut vraiment en venir. Est-ce qu’il veut juste discuter, connaitre mon opinion ou est-ce qu’il y a autre chose de plus profond ? En réalité, je penche très clairement pour la seconde option, ne serait-ce que parce qu’il est venu chercher la princesse lui-même. Cette action et ses conséquences me laissent encore passablement perplexe, pensif et j’en passe. Et elle n’a pas aidé à ce que je sois totalement en confiance quant au rôle que j’ai pu avoir lors du trajet précédent. Pour autant, il me rassure et demande même mon point de vue sur certaines choses, à mon grand étonnement. Non pas que je sois persuadé qu’il ne m’écouterait pas, mais je ne m’y attendais pas vraiment. Je tousse quand même un rire à sa réponse avant de hocher la tête. « Je vois. Je suppose que je ne risque pas pour le moment d’oublier par quel bout tenir une arme. Je l’espère en tout cas. Quant au fait qu’ils ne puissent pas prendre ma place…» Je grimace avant de fixer brièvement les soldats plus loin. « Je fais en sorte de faire ce qu’il faut pour ça, même si c’est parfois un peu difficile selon les jours. »

Je ne vais pourtant pas m’en plaindre. Je sais que j’ai une place particulièrement privilégiée, surtout au vu de mon âge et de la place que j’occupais au sein de ma famille. Pour un cadet d’une famille sommes toutes peu importante, je me suis déjà élevé bien plus haut que je l’aurais cru possible. Et pourtant, voilà qu’il se passe quelque chose d’encore plus inattendu que le reste. Il me faut bien quelques secondes pour comprendre ce qui est en train de se passer et je sens le regard des soldats peser sur ma nuque alors que je cherche les bons mots. Et visiblement, je les trouve, en tout cas, j’en ai le sentiment lorsque le Roi frappe dans ses mains, me faisant sursauter. Je le fixe un instant, incrédule, me demandant si je n’ai tout de même raté quelque chose. « … d’accord. » Je me relève tout de même avant de m’assoir et de remplir mon gobelet en louchant dessus, toujours un peu perplexe. Je souffle, tout de même, à mi-voix, incapable de retenir une pointe d’amusement malgré mon étonnement. « Vous savez que cette scène va être répétée et que dans quelques jours, on entendra comment vous m’avez fait capitaine de la maison du Roi au beau milieu de la nuit, des loups et des bandits… ou quelque chose dans le même goût. »

Et je laisse filer un instant de silence, pensif, alors que je songe au fait que je vais devoir prévenir rapidement Jeyne. Pourtant, il faudra probablement que j’attende demain pour le faire, si je ne veux pas que des rumeurs courent sur le fait que le jeune Kenning va voir la princesse à la nuit tombée. Le Roi reprend alors la parole et je fronce légèrement les sourcils à ses propos. « Vous allez partir ? Quand ça ? » Je ne devrais probablement poser la question aussi brusquement mais j’avoue que je m’attendais encore moins à entendre ça que le reste. Point positif, cela sous-entend que je vais donc rester au Roc, auprès de Meg. Et c’est une idée des plus appréciables, j’avoue. Je soutiens son regard sans sourciller avant de hocher la tête. « Je suis prêt à faire ce qu’il faut pour les Lannister Majesté. Mais je suppose que vous avez déjà des idées précises en tête ou je me trompe ? »

Humble, Gareth était très humble, ou tout du moins l’était-il face au Roi de l’Ouest. Bien entendu il ne pouvait être ainsi tout le temps. Mais là Loren voyait le jeune homme tel qu’il était lorsque son devoir primait. Et il était un jeune homme à qui on ne pouvait reprocher ni dévotion, ni envie. Nul doute qu’il serait un allié de poids pour la couronne. Son nom seul était déjà celui d’une grande famille de l’Ouest.

« Cela viendra. Tu es encore jeune, alors tu hésites. Mais cela viendra avec le temps et les responsabilités. Qu’elles soient professionnelles ou personnelles. »

Le jeune garçon fut étonné, une fois la nomination faite, en vitesse, il continua, commentant un peu l’aspect que certains pouvaient voir ici. Qu’il était nommé un peu au milieu de nulle part à un poste important. Loren, légèrement amusé, lâcha un bref rire. C’est vrai, mais pour autant, rien de bien grave pour lui. Calmement le Lion haussa les épaules, puis se décida à reprendre la parole, légèrement amusé à son tour.

« Bah… Il n’y aura qu’à leur rappeler que le Roi a pris sa fonction entre la boue et le sang, au milieu d’un chaos sans nom. »

Il finit sa phrase et redevint plus sérieux, fixant quelques instants Gareth, avant de reprendre.

« Qu’ils disent ce qu’ils veulent. Du moment qu’ils n’oublient pas. Leurs mots n’importeront plus, les tiens oui. Car tu parleras pour moi. Et ma parole est loi. »

Et ils ne sauraient désobéir au Roi, sous peine de subir le pire qui puisse arriver à un homme. Lorsque le sujet de la politique vint s’imposer au milieu de la conversation Loren acquiesca doucement. Il y avait pas mal de chose à dire au nouveau capitaine, ainsi qu’à son héritier en revenant au Roc. Doucement il fixa le ciel, puis vérifia que tous n’écoutaient pas. Ils n’avaient pas tous besoin de savoir ce qui allaient être dis.

Si j’ai tendance à être bravache, à faire croire que je suis capable de certaines choses qui, au final, ne s’avèrent pas possible, comme de boire cinq bières d’affilée sans avoir à reprendre ma respiration, les récents évènements m’ont obligé à revoir nombre de choses que je pensais acquises sur mes compétences en tant que garde. Et j’ai retenu la leçon, bien décidé à faire ce qu’il faut lors de mon retour au Roc pour palier à toutes ces défaillances que je suis persuadé d’avoir eues. Je hoche cependant la tête aux propos du Roi, avant de souffler, un rien pensif. « Responsabilités personnelles… j’ai parfois du mal à me dire que je vais être père dans quelques mois et que… » Mon regard se perd dans le vague, alors que j’essaie, sans succès, d’imaginer Meg en cet instant. Et j’ajoute, sans même m’en rendre compte. « J’espère qu’elle ne m’en voudra pas trop. » Avant de froncer les sourcils et de secouer la tête pour revenir au présent. « J’apprendrais. »

Et je ne peux quand même pas m’empêcher de faire une petite remarque sur la façon dont les choses se déroulent quant à ma nomination. Je suis surpris, difficile de le nier, mais tout autant flatté et honoré. Et j’ai un sourire à la répartie du Roi, le fixant un instant avant de souffler, d’un ton léger. « J’éviterai tout de même de me comparer à vous. Mais j’ai saisi l’idée je crois. » Je hoche la tête, me faisant également plus sérieux alors que je commence tout juste à réaliser ce que ce nouveau poste peut bien pouvoir signifier. Et, l’espace d’un instant, je me sens bien trop jeune, bien trop inexpérimenté pour tout cela. J’ai juste envie de retrouver mes proches, de me disputer avec Meg pour la voir gagner quand il faudra décider du prénom, d’aller boire un verre dans les appartements de Lyman pour discuter de tout et de rien. Pas de ça. Mais je relève la tête et j’écoute le Roi avec attention. Il m’a accordé sa confiance, pour le meilleur comme pour le pire. Et loin de moi l’idée de la trahir, quand bien même l’envie n’est pas aussi là que je le voudrais.

Être père n’est pas une étape simple. Loren avait conscience que le pas à franchir allait être immense pour le jeune Kening. Il doute, il espère et veut être à la hauteur du fardeau qui va s’abattre sur lui. Il doit l’être, il n’a guère le choix à vrai dire. Son enfant sera un Lannister, il aura le sang, le nom et le pouvoir d’un lion, alors il lui faudra être à la hauteur. Il n’est pas aisé d’éduquer un Lion, surtout lorsqu’il commence à réaliser à quel point ses griffes et ses crocs sont dangereux.

Il apprendra, certainement. Il espère que Megara ne lui en voudra pas pour son approximation du rôle de père. Loren hoche doucement la tête, difficile de savoir précisement comment les évènements allaient se dérouler et sous quel prétexte. L’Ouest est au bord de la guerre, de l’implosion et les nouveaux nés Lannister allaient vivre dans une ère subissant les conséquences des décisions d’aujourd’hui. Doucement le Roi de l’Ouest reprend la parole.

« Cela ne sera pas aisé, pour sûr. Mais je pense que tu sauras te montrer à la hauteur de ce rôle. N’oublie pas qu’après le pain, l'éducation est le premier besoin d'un peuple. Cela vaut aussi pour un lionceau à naître. »

Le nouveau capitaine de la maison du Roi entrait là dans la cour des grands, il allait avoir à faire à la politique, la jalousie et la haine de plein fouet. Le monde cruel que certains aiment appeler un jeu. Un jeu de pouvoir, un échiquier pour les rois et les reines, le terrain des plus influents. Le Royaume des Lions. Loren préférait le voir comme cela, l’histoire avait montré que les Lannister avaient gagné leur place ici avec brio, ils étaient maintenant à l’aise avec cette responsabilité.

Le Lion esquisse un bref sourire lorsque le Kening lui répond qu’il ne souhaite pas se comparer à lui, mais qu’il avait compris le fond dans les paroles du Roi. Peut-être n’était-ce que la jeunesse, mais le jeune homme, outre sa loyauté, prouvait qu’il connaissait sa place. Peut-être quelqu’un qui ne cherchait pas à gagner du pouvoir à tout prix ? Si Lyman lui faisait confiance, le seigneur du Roc ne doutait pas de pouvoir également.

Je me rends compte que je suis passablement nerveux à l’idée de retrouver Megara et de la suite des évènements. Mais j’en suis tout aussi heureux alors que je réalise à quel point elle a pu me manquer, même si nous n’avions pas eu le temps d’appréhender autant que je l’aurais voulu notre vie de jeunes mariés. J’ai une ombre de sourire aux propos rassurants du Roi avant de souffler, pensif. « Je vous remercie de votre confiance. Et je serais que nous serons bien entourés, surtout pour la naissance d’un lionceau. »

Mais pour l’heure, ce n’est pas le sujet le plus important. Enfin, il l’est, mais d’autres préoccupations prennent le pas sur tout cela et je me rends compte de la confiance que le Roi semble m’accorder. J’étais habitué à Lyman, le connaissant depuis toujours presque, mais là, c’est autre chose. Après tout, cette loyauté qui relevait plus de l’habitude au tout début, est devenue un choix conscient, assumé et je serais prêt à tout pour les Lannister, n’en déplaise à certains.

Le jeune chevalier avait une motivation que le Roi ne pouvait qu'approuver, Gareth allait éduquer un Lannister, alors il devrait donner le meilleur de lui-même. La maison du Roc était assez exigeante, surtout sous Jordane. Alors l'enfant à venir, ainsi que les suivants si les dieux le veulent, allait avoir une éducation poussée au plus haut, ainsi que tout le soutien nécessaire. Il fallait faire de lui l'un des meilleurs, l'un des Lannister de Castral-Roc.

Loren acquiesça, oui ils auraient tout le soutien qu'ils voulaient, dont ils avaient besoin. Car la forteresse des Lions étaient prête à se mobiliser pour les lionceaux à naître. Ils auraient la sécurité, l'éducation, la volonté et les soutiens dont ils auraient besoin. Ils auraient tout. Cela Loren y veillerait. Il l'avait déjà fait pour ses enfants et compter bien continuer, surtout avec les temps sombres qui approchaient.

Je devrais être probablement encore plus nerveux à l’idée d’être le père d’un lionceau à venir. Surtout qu’au vu de l’amour du Roi pour ses enfants, je sais pertinemment qu’il sera prêt à tout pour cette nouvelle génération à venir. Et pourtant, je me sens rassuré avec ses échanges. Peut-être parce que moi aussi je serais prêt à tout pour l’enfant que porte Meg. Et le rôle que vient de m’octroyer le lion m’y aidera, même si cela risque d’être plus difficile qu’imaginé.

Le jeune chevalier avait sur les épaules un grand devoir, il allait être père d’un, ou d’une, Lannister. Voir peut-être même plusieurs, si les dieux sont cléments. Par la force des choses son visage allait être assimilé à la famille de Castral-Roc. Alors il allait connaître le poids réel des regards, surtout lorsque leur enfant sera venu au monde. Loren était fier de ses enfants, il serait fier de ses petits-enfants.

Si je pensais que cette expédition en Conflans changerait la donne, j’avoue que je ne pensais pas que ce serait à ce point-là, qu’il y aurait tant de nouvelles choses à prendre en considération et que mon propre rôle serait lui aussi bouleversé. Pour autant, la confiance que le Roi m’accorde est précieuse, parce qu’elle diffère de celle de Lyman qui, depuis les années, est devenu mon ami le plus proche.

Le jeune capitaine de la maison du Roi commençait à comprendre l'importance de son rôle et de sa position, aussi bien dans l'Ouest qu'au-delà. Peut-être n'était-il pas complètement prêt, le poids que Loren lui posait dessus était bien grand pour un si jeune chevalier. Mais il avait prouvé sa loyauté, Lyman lui faisait pleinement confiance et il avait malgré tout réussi à protéger Jeyne aussi bien que faire se peut. Il fallait aussi que le Roc se montre prêt à évoluer, qu'il ne reste pas à côtoyer uniquement les vieux seigneurs comme Lord Crakehall.

Une part de moi a envie de lui demander pourquoi. Pourquoi maintenant, pourquoi ce choix. Mais une autre le sait pertinemment. Parce qu’au vu des changements qui s’annoncent, il faut être prêt, d’une façon ou d’une autre, à prendre la relève. Et, étant une des personnes les plus proches de Lyman, il était évident qu’on me proposerait quelque chose. Sauf que je ne pensais pas que ce serait ce genre de choses. Encore moins après cette sensation toujours persistante que je n’ai pas réussi à mener ma mission à bien, malgré tout ce qu’il a pu dire à ce sujet. Et pourtant, cela va visiblement bien arriver. Je me rends à peine compte que je viens de prendre une grande inspiration, comme si j’allais me lancer à pieds joints dans un lac, mon attention entière focalisée sur ce qu’il me dit.

Le jeune chevalier avait désormais sur ses épaules un poids que peu comprenaient. La cour était un endroit dangereux, pour tous, le Lion le savait mieux que quiconque. Mais ce n'est que lorsqu'autrui veut ce que nous avons qu'il se révèle réellement. La guerre, aussi terrible soit-elle, était plus simple sur bien des points. L'ennemi se trouvait en face, la politique elle, avait pour ennemi tous ceux n'étant pas soi-même.

Difficile pensée que celle-ci, hélas le souverain ne pouvait pas la nier. Pas après les troubles qui avaient frappés l'Ouest depuis que les paysans avaient eu la folle idée de réclamer plus de pouvoir, ou que les nobles avaient osés aller contre la parole du Roi. Le Roc est une forteresse imprenable, mais l'arme n'apporte pas aussi souvent la victoire qu'on peut le croire. Pour quelqu'un possédant un titre et un grand pouvoir, il lui incombe de subvenir à toutes ses responsabilités.



« Bienvenue chez les lions. Tu peux disposer. Repose toi, tu en auras besoin une fois de retour au Roc. »

Loren s'assit sur une chaise, le retour au Roc approchait, donc le nouveau départ.