Seduction For Peace

La guerre. Pour les femmes et les enfants, le fléau éternel sonne toujours le glas d’un simulacre d’existence paisible au sein du foyer familial. Pour les plus fortunés, la consolation réside dans le fait que l’époux, le fils, le frère ou le fiancé sait se servir d’une lame dont le chant – le seul qui puisse retentir sur le champ de bataille – s’élève pour aller prier la Mort : « Pas aujourd’hui ! » Mais si de valeureux guerriers ont tour à tour brillé par leur courage et leur conviction, c’est bien la Mort qui semble inévitablement se tailler la part du Lion, en poussant les soldats jusque dans leurs retranchements – comme le violoniste qui arrache de ses cordes de mélodieux gémissements. Et pourtant, elle continue : la danse infernale qui roule dans sa soif de victoire tous ceux pris au jeu des trônes, ralliant de nouveaux visages à la quête ultime qui chaque jour fait fondre comme neige au soleil Westeros et ses Sept Couronnes. La roue tourne. Le souffle d'une nouvelle ère plane sur le vieux continent, et les évènements stupéfiants qui s'y sont déroulés promettent un spectacle digne des grandes épopées guerrières. Et les Sept, drapant de leur bienveillance ou de leur cruauté les différentes scènes qui se dérouleront sous leurs yeux, pourront se repaître du festin de cendres que laisseront les nouveaux affrontements.

Protégée, élevée dans un monde d'amour, Sharra naquit Corbray de Cordial, aux Doigts. Un fief au nom évocateur. Sa venue au monde signait du même coup l'échec du déjà "Noir" Harren Hoare, que la folle ambition poussait à conquérir le royaume du Val et de la Montagne. Après des mois de combats sanglants, l'ennemi avait été rejeté sur ses plages de sel, affirmant un peu plus encore son l'Imprenabilité du royaume. Un royaume fier mais petit, un royaume encore secoué de la résistance des clans des montagnes mais tenu d'une main honorable par les Arryns, Rois de la Montane et du Val, et sous la bannière desquels ses ancêtres Andals s'étaient ralliés. Descendante d'anciens Rois, mais héritière d'un prestige que les guerres contre les Premiers Hommes avaient terriblement appauvrie, Sharra fut cependant bénie des Dieux. Ou maudite, c'est selon. Malgré un ainé mâle qui assurait la succession, c'est bien sur elle que les regards se tournaient. Un teint de perle, une chevelure de soie, des yeux d'azur, une bouche charnue. Un joyau de chair et de sang. C'est d'ailleurs ainsi que très vite, on la surnomma. "Joyau de Cordial." La beauté à l'état pur. Et si souriante, si douce, si serviable, si obéissante. Une grâce naturelle, un parler chantant. Une inclination naturelle pour la musique - elle dansait à ravir ! - et la couture. Toujours parée de ses créations, toujours au centre des attentions. Jamais une colère, toujours respectueuse. Silencieuse.  

†††

« N'oubliez pas, Demoiselle ! Quelle est votre plus importante leçon ? » Il susurre contre la conque fragile de son oreille. Il est tout prêt, elle peut sentir le mauvais lin de sa tunique gratter sa peau de pêche. Il est trop prêt, elle peut sentir son membre durcir contre ses cuisses. Elle ferme les yeux, détourne la tête et écarte les jambes. Tandis que l'homme passe une main tremblante sur ses jeunes seins, son regard glisse par la fenêtre. C'est une splendide journée d'été. L'air est pur comme le cristal, une parfaite journée pour aller chasser ! Elle imagine son père et son frère, lancés au triple galop sur les terres voisines de Snakewood, tandis que le vieil homme agite nerveusement son sexe contre son ventre. Ses mains s'accroche à la table. Le vase à fleurs sauvages menace d'en tomber sous ses coups de reins, tandis que les maillons de sa chaîne lui frappent les hanches. Elle devra encore les enduire de graisse à cheval pour atténuer les contusions, prendre des bains seule. Ou avec lui. Il martèle fébrilement son giron, elle serre les dents. La dernière fois, il lui a demandé de le laver. Un corps âgé, fripé mais vigoureux dès que le désir l'appelle. « Une grande dame doit se taire : devant son père, devant sa mère, devant son frère. Car c'est au prix du silence que l'on achète l'honneur de sa famille. » récite-t-elle sagement. Il sourit contre son oreille, et enfouit sa tête dans son cou. Il aime aussi passer sa bouche dans ses cheveux, il lui en a même coupé une mèche. Il dit que son odeur est envoutante ! Qu'elle est la Jouvencelle incarnée, qu'elle est vénérée chaque fois qu'il visite son lit, au beau milieu de la nuit noire, lorsque tout le monde dort ! Elle l'écoute sans répondre, elle sait que cela ne servirait à rien Elle a depuis longtemps compris que la résistance est vaine. La seule chose sur laquelle ils s'accordent, c'est le silence. Sa mère n'en mourrait que plus vite. La pauvre Lady Oshana est déjà si faible, elle n'a pas besoin de savoir que le mestre dépêché pour s'enquérir de son mal préfère s'enquérir de sa fille.

†††

Il faudra attendre quatre ans avant que le secret n'éclate. Que le jeune Smaug, un soir d'orage, surprenne sa sœur aux mains de Mestre Duncan. Quatre ans durant lesquels, du premier jusqu'au fatal touché, la jeune fille ne dirait rien. Terrait sa honte et son terrible ascendant sur les hommes. Subissait-elle autant qu'elle suscitait leur désir ? Il n'y avait pas que le vieux mestre, elle avait commencé à sentir d'autres regards peser sur elle. Notamment celui du Roi. Elle souriait, réprimait une furieuse envie de pleurer. Une grande dame ne pleure pas, elle endure en silence, cela la grandit. Même après la scandale, après l'arrestation et l'exécution - sanglante, comme les Portes - elle n'avait pas pleuré. Elle n'y arrivait plus. D'ailleurs, avait-elle déjà pleuré ? Toujours souriante, toujours avenante. Pacifique, telle était sa véritable nature. Dehors, le corps dépecé pourrissait sous le soleil de la montagne. On avait donné sa tête aux chiens, et dans la cour de Coridal, décrété que c'était la punition d'un homme incapable d'aider la dame du château qui se mourrait doucement... Tous gardèrent le secret. Même son frère, qui dans l'ombre, avait fait vœux de tuer quiconque se forcerait à nouveau à elle. Elle sourit. Qui la voudrait à présent ? Les propositions de mariage arrivaient par centaines à Cordial, tous les fils du pays voulaient son Joyau ! C'est finalement Jehan Arryn, le prince héritier, qui l'aura. Tous doivent s'incliner à sa volonté et pourtant, il est différent. Lorsqu'il vint à elle, prenant ses mains avec une douceur infinie et posant un genou à terre, elle sentit son cœur vibrer. Il aurait pu la prendre sans permission. Mais il vient la chercher. Il n'est pas comme ces brutes qui ne déguisent pas leurs pensées sous leurs regards. Lui, c'est un sourire qui danse dans ses yeux, une promesse de bonheur.

†††

« Je suis un sot ! Ridiculisé ! Et corné en plus plus ! » La voix tonitruante de Jehan ébranle les murs de la chambre conjugale. En fond des draps, Sharra le regarde, stupéfaite. De quoi parle-t-il ? Elle bouge à peine, son corps encore grisé par l'amour qu'il vient de lui faire. Encore qu'elle a sentit que quelque chose ne va pas. Lui, d'ordinaire si attentionné, si à l'écoute, a ravagé son corps en homme désespéré, affamé mais sans jamais être rassasié. Cela fait quelque temps d'ailleurs. Plusieurs Lunes s'écoulent cependant que le regard tendre se teint de voiles sombres. Presque dix ans de mariage, couronnés par la montée sur le trône et la naissance de deux héritiers mâles viennent de s'écouler. Dix années durant lesquelles elle est devenue Arryn, et aussi Haute que l'Honneur. Elle a eu peur, elle ne se sentait pas capable, et les regards appuyés du vieux Roi n'ont rien fait pour l'arranger. Mais il y avait Jehan. L'amour qu'il lui a porté dès le premier regard n'a cessé de croître, et ce malgré le terrible secret. Rorgard savait qu'il ne pourrait garder cela plus longtemps pour lui. Pour elle aussi. Mais entre les bras de son époux, elle avait trouvé quelque chose qu'aujourd'hui, elle arrivait enfin à appeler amour. Mais à présent, alors qu'il la toisait de toute sa taille, la poitrine frémissante de colère, Sharra tremblait. « Je... je ne comprends pas... ! » Nouvelle bouffée de colère. « Tu oses nier ! Allons, allons, femme ! Je vois bien comment il te regarde ! Mais c'est un fieffé coquin, sa réputation le précède ! Mais toi ! Toi ! Tu es ma femme, tu es la Reine Arryn, "Aussi Haut que l'Honneur" ! Tu me déshonores, Sharra ! » Brusquement, elle comprend. Il parle du Roi du Roc, en visite aux Eyrié avec son épouse. Elle ferme les yeux. Bien sûr qu'elle a répondu à ses sourires, bien sûr qu'elle a ri à ses flatteries, bien sûr qu'elle a répondu à ses regards. « Mais je jure devant les Sept qu'il ne s'est rien...  » « Tais-toi, coquine ! Tu mens ! Quand ce n'est pas lui, ce sont les autres ! Sunderland ! Rougefort ! Veneur, et d'autres encore, que sais-je ! » Comme il est injuste. Elle ne répond pas. A quoi cela sert-il ? Sa jalousie le consume, et elle refuse de se justifier. Elle use de ses charmes pour lui, pour renforcer ses soutiens, pour persuader l'Ouest de les rallier contre la menace toujours plus grande de l'Orage qui gronde à leurs frontières. Elle se bat avec les armes que les Dieux lui ont donné. Si le prix à payer est la perte de son époux, alors soit.

†††

La jalousie de Jehan ne fit qu'empirer. Fort de l'alliance avec l'Ouest, obtenue compte tenu de l'entente non pas entre sa femme et Loren, mais de sa femme avec La Lannister. Sharra avait découvert en elle un reflet : affirmée là où elle était en retrait, ambitieuse là où elle était frileuse, maligne là où elle était réticente. Mais naturellement, Jehan n'y vit que la trace du Roi Lion. Il y eu d'autres soupçons. Des raids des pirates de Sortone avortés, il ne vit qu'une liaison entre le Triton Pâle et la Fleur des Montagnes. Sharra garda contenance, mais son cœur saignait. Le couple jadis uni s'effritait, et ne restait pour elle que ses fils. Ronnel, surtout. Elle s'efforcerait à lui inculquer la sagesse, la clairvoyance, l'effort d'observation. Elle le forgerait à son image, et non à celle de son père. Au détriment, sans doute, du cadet, Jonos. Toujours second, toujours derrière, toujours délaissé par une mère devant prendre les rennes du royaume alors que le Roi partait en guerre. Les menaces de l'Orage s'étaient avérées vraies : Argillac Durrandon pressait à leurs frontières jusqu'à ouvrir le combat pour le sud de la Montagne. Tous les hommes de bien ayant juré fidélité au Roi partirent en bataille à ses côtés, la laissant derrière eux. Les premiers temps furent cruels : les soupçons que Jehan faisait peser sur elle se répercutaient sur les épouses de ceux qu'on disait qu'elle avait séduits. Elle fit face, droite et digne, pressant un peu plus ses fils contre son giron, refusant que Jonos commence son entrainement de peur qu'on le lui arrache pour combler les lignes de combats qui faisaient rage. Elle avait déjà si peur pour Ronnel ! Ronnel qui devrait faire face à son destin ; lorsque la victoire valoise éclata contre l'impétueux Argilac Durrandon, la Montagne pleurait son Roi tombé pour lui. De même que plusieurs de ses grands guerriers. Rorgard parmi eux. Douze fois, les douze Lunes s'étaient couchées alors que le nouveau Roi fut couronné ; trop jeune. Telle tomba la sentence. Et drapée d'un noir de grand deuil, Sharra prit la régence. Ainsi était-elle, la Reine de la Montagne et du Val, "La Belle", alors que s'ouvrait l’Ère des Luttes.

Amorcée par le débarquement d'Aegon Targaryen et de ses sœurs, autoproclamés Seigneurs de Sept Couronnes. Alors qu'entre les royaumes, les vieilles rancœurs refaisaient surface, et que le Val léchait ses plaies, l’embuscade tendue par le Noir acheva de la déclencher. Tandis que Hoare reprenait l'autoproclamée couronne du dragon, la sœur survivante réclamait l'héritage. De tous côtés, la menace grondait. Aussi, Sharra prit l’initiative, la plus ambitieuse de mémoire d'hommes : aidée par Lord Grafton, elle organisa un grand tournoi à Goëville en marge duquel se tiendrait un Conclave réunissant tous les Souverains. Acclamée, Sharra du cependant se rendre à l'évidence. Elle était la seule à plaider pour la Paix, celle qu'elle souhaitait depuis tant d'années. Née à la fin d'un conflit, un premier lui avait pris son époux et affaibli son royaume. Ne pouvait-on préférer enfin la Vie à la Mort ? Elle trouva de sourdes oreilles, notamment celle de son alliée et amie : Jordane, dont le silence lors de la guerre contre l'Orage lui restait comme un couteau planté en plein dos, décidait de financer les ambitions de l'adversaire ancestral - Hoare. Et tandis que les royaumes du Sud se mobilisaient, Sharra désespérait. Au pied du mur, il lui fallait se protéger ; elle, son fils, son royaume.

†††

Les gsoupirs, timides et échappés d'abord, puis profonds et assumés, montent le long des murs au rythme des volutes des divers encens qui brûlaient aux quatre coins de la pièce. Les lumières douces des lampes à huile projettent des ombres mouvantes sur les murs de pierres grossières, cependant qu'entre les coussins, les soupirs se font râles. Au milieu des plateaux de fruits frais et des carafes renfermant chacune un cépage différent, les corps s'entremêlent dans un ballet sensuel de caresses, de baisers, mais aussi de griffures et de morsures, cependant qu'une première croupe aux hanches fondante se cambrait sous le plaisir. Les souffles se font plus courts, saccadés. Des perles de sueurs brillent sur les peaux veloutées, et les chevelures en désordres semblent prendre vie au même moment que la vague bienheureuse les roulent vers le précipice sans fond. Frémissante, elle les rejette sur la berge des draps froissés, la respiration haletante, l'extase totale. De longues minutes s'écoulent, avant que repus, l'un des corps ne se soulève avec une grâce langoureuse pour tendre une main assoiffée vers l'un des gobelets d'argent finement ciselé et ne le porte à ses lèvres encore gonflées. Le vin est frais, fruité mais corsé, excitant ses papilles et ravivant ses sens un instant en suspens. Déjà, un souffle se fait pressant contre sa gorge, parcourant sa peau de petite baisers qui la font sourire. « Viens... ! » tandis qu'elle répond par une petite morsure contre l'épaule bienvenue. Agile, elle repose son verre et glisse sur le corps masculin comme une anguille entre ses eaux natales. Une flamme vient de s'allumer dans son regard, traçant une ligne floue entre sa condition de prédateur ou de proie. Et tandis qu'elle presse ses lèvres charnues contre les siennes, deux mains pétrissent ses hanches au rythme qu'elles leur impose...

†††

Elle aurait du se méfier du Loup. Aussi grisant que réconfortant, elle aurait dû savoir que leur alliance avait été conclue pour tourner à son avantage. Alors qu'aux pieds des montagnes, les clans se faisaient à nouveau menaçants, ravivant de vieilles résistances, Sharra faisait face au dilemme : celui de briser sa parole. Pour la première fois. Et c'était lui qui l'y poussait. Ce Roi du Nord qui se faisait Empereur, en épousant le dragon et en séduisant la Fleur des Montagnes. Bernée. Ou corrompue. Elle avait lu les regards réprobateurs de ses conseilleurs, en particulier du Seigneur Rougefort. Le Val n'était pas à offrir : même le fougueux Torrhen Stark devrait le comprendre. Et à choisir, elle préférait le trahir lui plutôt que les fidèles bannerets de son royaume. Alors elle avait repris sa parole, refusé de soutenir son amant dans la guerre contre Hoare, alors même que les forces archers étaient prêtes à partir. A moins que sa belle épouse ne renonce à ses prétentions à dominer Sept Couronnes une fois la guerre achevée. Naturellement, elle ne fit. La sentence était tombée, et avec elle la belle entente entre le Nord et le Val. A présent, entourée de toutes parts, Sharra était à nouveau au pied du mur. Son fils réclamait plus de pouvoir, exigeant d'épouser Nymeria Lannister ton il était tombé amoureux lors de la visite du Lion, des années auparavant. Pouvait-elle faire confiance à la Lionne ? Elle n'avait pas le choix. Le mariage fut arrangé. En cadeau de mariage, Jordane apporta son soutien. Moins seule, mais toujours encerclée, Sharra accueillie cette présence amie une envoyée des Dieux. Mais en maintenant la Régence. Ronnel était encore trop jeune. A son goût, au goût de ses conseillers. D'autant que les clans venaient de frapper fort, semant le sang sur les montagnes. Frapper fort, montrer que la Couronne du Val n'était pas faible ! Sharra ne serait plus bernée.

†††

« Seigneur Rougefort... Garth... Sauvez le Val ! » murmura-t-elle tandis qu'elle posait, frémissante, sa bouche sur son corps. Elle se découvre impulsive. Il lui est déjà dévoué, elle n'a pas besoin de s'en assurer. Elle en a envie, c'est tout. Un homme à ses côtés. Présence rassurante, et protectrice.

†††