Née dans la maison Nerbosc, ancienne et prestigieuse maison du Conflans, Cordelia avait un destin tout tracé. Tout avait été réfléchi et calculé pour qu’elle puisse espérer côtoyer un jour les plus grands. Sa vie ne sera pas celle qu’elle aurait choisie mais celle qu’on aura choisi pour elle. Celle qu’on aura déterminée par un plan bien prédéfini. Elle n’aura pas le choix. Aucun autre choix que de subir les desseins de Lord Remus Nerbosc, rêvant de ce qu’il y avait de plus grand pour sa fille, mais surtout pour lui. Envoyée en qualité de pupille au sein de la maison Tully, la stratégie initiale de Lord Landor Nerbosc était de renforcer les liens entre les deux maisons. C’est à une dizaine d’années qu’on lui fit quitter tout ce dont elle avait toujours connu : l’environnement familial, un cocon dans lequel, elle le réalisera plus tard, se sentait protégée. Arrachée au sein de sa mère, elle vécut comme un traumatisme l’éloignement brusque et soudain avec sa famille et sa maison. Elle ne le savait pas, mais ce fut la dernière fois qu’elle voyait les siens. C’était, comme si on avait arraché le cœur hors de sa poitrine. Comme si, ceux de son propre sang, l’avaient vendue et lâchement abandonnée.  Comme si elle avait été répudiée, mise de côté comme un vulgaire objet que l’on ne désirait plus. Une douleur intense et aigue, à laquelle elle se refuse de repenser à nouveau. Elle était trop jeune. Encore trop innocente pour être envoyée à la maison Tully.

Lord Nerbosc n’avait néanmoins pas prévu que sa fille se lierait d’amitié avec Eleanor Tully, fille aînée de la maison Tully. Un lien fort liait les deux jeunes fillettes et à l’instant même où elles s’étaient rencontrées, elles auraient presque pu deviner que jamais elle ne se sépareraient. Jamais rien ne les sépareraient, elles s’en étaient fait la douce promesse. Serment juvénile mais qui, pourtant, perdurait dans le temps. Les jeunes filles devinrent des jeunes femmes et restaient toujours fidèles l’une à l’autre. Si bien que Cordelia bénéficiait pour ainsi dire des mêmes avantages que son amie. Néanmoins, en grandissant, les caractères se forgeaient et Cordelia se révélait être plus mûre et réservée que son amie. Etant plus âgée que la belle rousse, cela pouvait aisément expliquer que, souvent, elle avait un rôle de conseil auprès d’elle. Candide et spontanée, Eleanor bénéficiait des avis de son amie pour qu’elle reste un peu plus dans la réserve. Mais la spontanéité de la jeune Tully reprenait souvent le dessus, ce qui amusait beaucoup Cordelia. Néanmoins, cette dernière craignait, que plus tard, sa naïveté lui fasse un jour défaut.

Il lui a souvent été fait remarquer qu’elle était une jeune femme audacieuse et pertinente. Et qu’elle ne tenait pas du corbeau mais de l'aigle. De là, elle fut surnommée « l’aiglonne » de Corneilla. La jeune fille, adolescente ravissante, s’était bien vite transformée en une lady à la beauté subtile et délicate.

Cordelia gardait contact avec son père. Les corbeaux qu’elle recevait contenaient plus des conseils avisés et précis que des nouvelles de sa famille. Sa mère, quant à elle, lui en faisait parvenir. Malgré cela plus le temps avançait, plus elle se liait aux Tully. Ils étaient devenus sa famille bien qu’elle ne soit pas de leur sang. Ils l’avaient considérée comme une fille, une sœur, une amie et la reconnaissance de la jeune Nerbosc était immense.

Lorsque les Tully sont passés de fidèles d'Harren à rebelles, les massacres perpétrés dans la région ont fortement effrayé la jeune femme. Son père l'avait d'ailleurs informé par corbeau que les Nerbosc, avaient trahis les fer-nés d'Hoare à Corneilla. Alors, que les croisés arrivèrent enfin sur Vivesaigues, Kian Tully a été défait, capturé, et brûlé vif. L'exécution de ce dernier, a été pour elle, un évènement des plus sombres. Et peut-être des plus traumatisant. Il était celui qui l'avait accueillie et accepté parmi les siens. Elle se souvient encore des flammes, de l'odeur et des cris des femmes de la maison. Lyham Tully est aujourd'hui le "Roi fédéré" pour contrer Harren Hoare. Les deux se disputent donc la couronne du Conflans. Il y a, une seule place pour deux hommes et cela, Cordelia le sait très bien. Elle craint, aussi, que Hoare reprenne le pouvoir. Et qu'il se venge sur les Nerbosc. Sur elle. Il en aurait les raisons valables.

Alors qu’elles atteignirent l’âge plus mûr, Eleanor fut promise à Jon Stark, Roi du Nord. La belle rousse, n’était pas encore prête à s’éloigner de sa brune confidente. Non. Il n’était pas question pour elle qu’on l’éloigne de sa seule et unique alliée. Si bien qu’elle décida de la garder auprès d’elle en lui demandant de devenir sa dame d’honneur. Aussi grand que son affection était pour la Tully, elle déclina néanmoins sa proposition. Il n’était pas question pour l’aiglonne de vivre dans le Nord. Elle était très méfiante des nordiens bien qu’elle eût connaissance que les Glover étaient de ses cousins. Quand bien même, elle ne souhaitait pas, encore une fois, quitter son foyer. Non, elle ne voulait pas revivre le déchirement des aurevoirs et la douleur des souvenirs qui s’écaillent.

L’affection démonstrative d’Eleanor eu raison de la Nerbosc. Elle finit par accepter de la suivre. L’unique ambition de Cordelia devenait celle de remplir ses devoirs auprès d’Eleanor, qui deviendrait la future Reine du Nord. Et elle s'y livrait avec un dévouement plein de dignité. Elle ne vit, dans la première place dans le cœur d’Eleanor Tully, qu'une obligation plus rigoureuse de donner de grands exemples et quelquefois des conseils qu’elle espérait utiles. Mais en disant la vérité, elle avait l’art si difficile de la faire entendre sans blesser, par ses égards respectueux, par une douceur pleine de charmes, qui en tempérait l'amertume. Elle était douée pour parler. Si la vertu de l’aiglonne inspirait le respect, elle sut mieux encore se faire aimer, par l'indulgence et la bonté pour ses inférieurs, par une bienveillance attentive et prévenante, qui lui méritèrent l'attachement de tous ceux qui eurent le bonheur de l'approcher. L’aiglonne de Corneilla était, une jeune femme charmante et bonne, aussi élégante que distinguée par sa conduite et ses vertus. Elle réunissait à une haute naissance une grande vertu. Sa réputation était à l'abri de tout soupçon et ses qualités en firent un modèle d'honnêteté.