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 Et nous avons des nuits plus belles que vos jours [Tour V - Terminé]

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MessageSujet: Et nous avons des nuits plus belles que vos jours [Tour V - Terminé]   Et nous avons des nuits plus belles que vos jours [Tour V - Terminé] EmptyMer 10 Mai - 23:09

J’ouvris les yeux. Les rayons du soleil levant me firent ouvrir les paupières. Il me fallut plusieurs secondes afin de me rappeler où j’étais. Surtout, avec qui j’étais. La veille, j’avais épousé Lord Bowen Glover. La veille, j’avais été impressionnée par sa carrure, son charisme et son assurance... Mais je semblais avoir été emportée par un entrain inattendu. J’avais toujours imaginé le mariage comme une contrainte, un sombre devoir auquel je devais me plier tôt ou tard. Et pourtant, alors même que je me remémorais la nuit dernière, il n’y avait eu aucun cri, aucune larme et je m’étais naturellement réfugiée dans les bras de Bowen. Certes je connaissais Lord Glover depuis longtemps, certes il ne m’était pas étranger. Les quelques échanges que nous avions eu m’avaient fait entrevoir un homme doux, patient et droit. Je qualifiais ses qualités comme denrées rares chez un homme. Je trouvais, automatiquement, les nordiens rudes, vulgaires et irrespectueux. L’homme que je venais d’épouser semblait être en totale opposition avec ce que j’avais l’habitude d’observer. Cette nuit de noce m’avait incontestablement fait revoir mes partis-pris. J’attendais. Je trouvais cette chance trop belle pour être vraie. Quel défaut allait se révéler au grand jour ? Cet homme ne pouvait être parfait. Pour autant, jusqu’ici, Bowen faisait un sans-faute. Je l’avouais.

Lorsque j’ouvris les yeux, instinctivement, je me tournai vers Bowen qui dormait encore. Dos à moi, je voyais son buste qui s’élevait et se baissait au rythme de sa respiration. J’attrapai au sol ma chainse. Ce vêtement bien trop fin qu’il m’avait retiré de ses propres mains il y a quelques heures. Cette chainse, qui avait été loin de m’ôter la sensation de ma peau contre la sienne. Je me remémorai ses mots, lorsqu’il m’avait affirmé que j’étais belle. Sans doute, craignait-il de me décevoir. J’avais craint autant plus que lui de le désillusionner. Je sorti de mes pensées en enfilant le vêtement sans le boutonner, faute d’avoir autre chose à me mettre sur l’instant. Je basculai mes cheveux sur mon épaule, passant mes doigts dans ces derniers afin d’y mettre un peu d’ordre. La pénombre régnait encore sur la chambre. On pouvait entendre les oiseaux siffler dehors. Aucune saison n’était chaude dans le Nord. Le fin tissu que je portais n’était de toute évidence pas suffisant pour me protéger de la fraîcheur matinale. Mon regard se perdit sur chaque meuble présent dans la chambre à la recherche d’un habit plus chaud.

Avant de me lever, je me retournai vers Bowen. Toujours endormi, il semblait être paisible dans son sommeil. Prochainement, bien trop tôt, il partira en guerre. Dans quelques jours probablement. A peine mariés qu’il partait déjà. J’avais l’impression qu’il fuyait. Qu’il me fuyait, peut-être. Il n’avait pas prévu de s’unir à moi. Cela ne devait pas faire partie de ses plans. Le fait est qu’il partirait. Je n’irais pas jusqu’à dire qu’il me manquera, puisque je n’avais pas encore eu le temps de m’habituer à sa présence. J’imaginais que peut-être un jour, je me languirais de son retour et j’angoisserais de ne pas le voir revenir auprès de moi. Qu’un jour, je refuserais qu’il parte à la guerre, que mon cœur s’arracherait de le voir partir. Peut-être qu’un jour, un lointain jour, j’aimerai cet homme. A cet instant pourtant, je savais que je serai loin de me languir de lui, bien qu’il ait eu à mon égard, la nuit dernière, une tendresse qui m’avait touchée. Intriguée, même. J'étais fermement convaincue de la sincérité de cet homme, dans ses gestes autant que dans ses mots...

Me redressant, je me dirigeai vers une couverture de fourrure que je m’enroulai autour de moi. Me dirigeant vers la fenêtre, je repoussai du bout des doigts le voilage, observant l’extérieur. Me questionnant sur l’attitude à adopter, je me perdais devant les infinies possibilités qui se présentaient à moi. Devais-je rester ici – devais-je retourner auprès de lui -  ou sortir de la chambre. Je soupirai tout en retirant ma main de la fenêtre. Toujours indécise, je me dirigeai vers la console où se tenait quelques une de mes affaires. Je saisis un flacon d’huiles essentielles pour m’en déposer quelques gouttes au creux du cou et sur l’intérieur de mes poignets. Tenant fermement la fourrure sur ma poitrine, je me retournai vers le côté de mon lit, et m'y assise.

Je sentis alors que Bowen se tourna. Je l’avais, involontairement, sans doute réveillé. Je fermai les yeux tout en réalisant que la confrontation était inévitable. Je soupirai. Suite aux évènements de la veille, je me sentais intimidée, presque gênée. J’avais vécu un moment intime avec un homme qui m’était encore inconnu quelques mois de cela. Je tournai mon visage vers lui. Ouvrant les paupières, son regard se posa finalement sur moi. Je ressenti alors immédiatement le poids de ce regard. Tel que je détournai des yeux, trop timorée pour m’y confronter. Tout était nouveau pour moi, comme pour lui, j’en convenais.

« Je vous ai réveillé... » murmurais-je, constatant avec regret que son éveil était bien dû à ma personne. Les mots me manquant, je savais que je pouvais compter sur lui pour combler le vide que je laissais, malgré moi, investir la conversation. Encore gênée par la nuit dernière, par les souvenirs charnels qui m’assaillaient, je n’avais pas l’assurance de le regarder dans le blanc des yeux.

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MessageSujet: Re: Et nous avons des nuits plus belles que vos jours [Tour V - Terminé]   Et nous avons des nuits plus belles que vos jours [Tour V - Terminé] EmptyMar 23 Mai - 18:37

« Il était temps que je sorte du pays des songes, de toute manière … »

Encore ensommeillé, Bowen laissa échapper un mince bâillement qu’il réprima aussi vite et discrètement que possible, ravalant ce signe peu délicat de fatigue pour mieux faire face à celle qui partageait ses draps et qu’il pouvait désormais appeler pleinement son épouse. Cette pensée lui arracha malgré lui une expression relâchée, détendue, si rare sur son faciès soucieux, et tandis qu’il se redressait légèrement, sa main vint caresser avec une tendresse rugueuse la joue de sa compagne de chambrée, comme il l’avait si souvent fait cette nuit-là, le jeune homme déclara doucement, l’ombre d’un sourire flottant sur ses lèvres sèches :

« Et puis, un tel spectacle appelle au réveil, ne croyez-vous pas ? Je serais un mari bien malavisé que de ne pas profiter dès le petit matin de la chance qui m’a été accordée d’être à vos côtés, ma dame. »

Surtout qu’il ne l’aurait pas pour longtemps, et une fois parti … Pas avant de longs mois. Années peut-être ? Nul doute que la campagne dans le Conflans serait longue et difficile. Bien sûr, l’avancée de l’année faisait que les armées du Nord allaient tenter par tous les moyens d’avancer le plus vite avant que l’hiver ne rende les combats impossibles. Cependant, en son for intérieur, le Glover doutait fortement de leur capacité à faire plier la plus grande armée de Westeros en quelques mois seulement. Il faudrait du génie militaire, une chance remarquable, et un affaissement inédit de la ruse du Noir. Or s’il y avait une chose que le Poing du Nord avait appris de son temps de formation auprès du roi Torrhen Stark, c’était que le caractère retors des Hoare n’avait guère d’égal sur cette terre. Il se souvenait encore de cette ultime année de lutte dans la grande guerre dévastatrice ayant opposée le Nord et le Conflans : acculés sur leurs lignes, les nordiens n’avaient jamais cédé. Mais à quel prix ? Et pour quels résultats ? Ils n’avaient pas plié, tout en étant incapable de porter le feu sur les terres adverses. Alors oui, fort de cette expérience, Bowen abordait les batailles à venir avec une prudence que beaucoup n’auraient pas soupçonné chez un jeune loup du Nord. En un sens, cela le rassurait : malgré sa sauvagerie lors de la Mort-aux-loups, il parvenait encore à raisonner en guerrier, et non pas uniquement en bête assoiffée de sang. Peut-être que le temps faisait déjà son œuvre. Ou que l’appel du sang demeurait encore trop lointain pour qu’il ne cède à ses bas instincts, alors qu’il pouvait tenir entre ses bras une femme aussi charmante – sa femme, ne put-il s’empêcher de penser dans un frisson.

« J’espère que … vous avez réussi à trouver un sommeil aussi doux et réparateur que possible … Maedalyn. Et que vous n’éprouvez point trop de dégoût à mon endroit après cette soirée passée en ma compagnie.

Croyez-bien que … Tout ce qu’il s’est passé, je l’ai désiré, mais ai toujours essayé que ce soit le cas pour vous également. Et que j’ai tenté de vous plaire au moins un peu. »


Il aurait voulu dire … Par les Anciens Dieux, tant d’autres choses ! Qu’il avait adoré la tenir contre lui, parcourir son corps et son intimité de baisers, lui arracher quelques gémissements de plaisir et exclamations promptes à déchaîner un homme ardent à son office, que sa langue gardait encore le goût exquis de son désir sur ses papilles, qu’il avait eu une jouissance infinie à l’aimer, comme un artiste révélant au monde tout l’attrait qu’il avait pour sa muse. Bien sûr, tout ne pouvait avoir été parfait, et il avait conscience que certains de ses gestes avait peut-être pu … la choquer, quand bien même il avait été déterminé à donner à son épouse du plaisir avant de la déflorer, pour éviter une expérience qu’il savait par les rumeurs des uns et des autres trop souvent désagréable, voir douloureuse. Sa première amante avait été catégorique sur cette partie en lui offrant les conseils qu’il avait quémandé : trop d’hommes se ruaient à l’assaut de la forteresse au pont-levis enfin rabaissé pour se soucier de leur malheureuse épouse inexpérimentée et soumise soudain à des assauts dont elle devait ignorer tout. Mais, maintenant qu’il y repensait, le jeune homme ne pouvait s’empêcher d’éprouver une certaine honte, se demandant si ce genre de gestes n’étaient pas, à la réflexion, capable de heurter une dame de haute naissance, qui devait lui imaginer une vie de débauché pour avoir agi naturellement de la sorte … Alors que cela avait plus tenu à une impulsion qu’à un réel plan de bataille préalablement ébauché et mené à son terme. Bowen avait simplement … voulu que sa femme passe un moment pas trop difficile entre ses bras, car s’il savait pertinemment qu’il était possible qu’elle n’éprouve jamais rien pour lui, tout comme la réciproque pouvait arrivait également, il se refusait à imaginer sans avoir au moins essayé une vie maritale froide et sans âme, aux bras d’une femme qui n’éprouverait que répugnance et douleur à se donner à lui.

«Vous êtes libre de partir, si vous le désirez. Ou de rester un peu en ma compagnie pour que nous discutions. Le choix vous appartient, même si je ne cache pas que j'apprécierais vous savoir encore un peu à mes côtés. »

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MessageSujet: Re: Et nous avons des nuits plus belles que vos jours [Tour V - Terminé]   Et nous avons des nuits plus belles que vos jours [Tour V - Terminé] EmptyDim 4 Juin - 2:15



La gêne envahissait tout mon être. Il était pourtant bien risible de ressentir une quelconque honte. Il affirma qu’il avait assez dormi. J’imaginais aisément, qu’avec son statut, les longues nuits ne devaient pas être bien nombreuses. Je fuyais son regard. Alors tournée vers lui, il enchaina avec des mots prévenants. Son affection, sa tendresse venue de nulle part me laissaient pourtant désorientée. Sa gentillesse m’étonnait encore et je me trouvais bien chanceuse d’être tombée sur un époux si attentif. Où était le piège ? Quelle était l’imperfection de cet homme ? Je ne pouvais avoir tant de fortune au point de tomber sur un homme sans défectuosité. Et pourtant, il me regarda et son parfum envahit mon espace, il avait une petite fossette sur le coin de la joue, ses yeux étaient clairs, j’eus l’impression d’être transpercé de part et d’autre lorsqu’il évoqua la nuit dernière. Je sentis le rouge monter à mes joues.

« Épuisée, rien d’anormal en ces circonstances, je présume »

« Tout ce qu’il s’est passé, je l’ai désiré » entendais-je Bowen Glover me souffler.
Le genre d’éloge qu’on savoure. Certes... Mais je ne voulais pas qu’il s’en aperçoive. Il ne le fallait pas. Je craignais tant qu’il devine cet émoi secret. Il me semble, pourtant, qu’il le devinait peut-être. Ou je craignais qu’il ne le fasse. J’avais peur qu’il lise en moi à livre ouvert, qu’il voie dans mon cœur ce qui s’y passe. Voilà le fait essentiel : j’avais le sentiment qu’il découvrait au fond de moi ce que je souhaiterais tellement pouvoir cacher. Cacher à Bowen et à tous ceux à qui j’avais déclaré que jamais, au grand jamais, je n’accepterai jamais un mariage de convenances. Cacher à tous que j’en semblais pourtant satisfaite dès le lendemain de celui-ci. Cacher même que j’y avais pris un certain plaisir. Alors oui, je rouge me montait aux joues. L’inquiétude qu’une pensée intime ne se dévoile. La crainte de ne pas échapper au regard qui m’observe ou même à l’esprit de mon époux qui me sonde. La crainte d’être devinée, démasquée. Le sentiment qu’on lit au fond de moi à livre ouvert. Le sentiment que l’on pénètre en moi.  

En parler me gênait. Terriblement. Et pourtant je ne désirais pas passer pour la jeune vierge fraichement déflorée n’assumant pas ses impulsions de la veille. Je me souciais, sans doute, un peu de mon visage que je voulais garder calme et naturel. Mais ce qui était dominant en moi à cet instant, c’était la crainte qu’on ne voie au fond de mon âme ce que je tenais à cacher. Ce que j’avais ressenti la veille n’avait rien de platonique. Mon cœur avait battu à me rompre la poitrine. Mes mains, pourtant novices, s’étaient posées si naturellement sur lui. Rien de tout ce qu’il s’était passé la veille dans ce lit n’avait été prémédité. Je n’avais pas été spectatrice des faits qui s’étaient déroulés. Mais ce matin, les faits étaient difficiles à assumer pour moi. De poser des mots dessus.

«  (...) j’ai tenté de vous plaire au moins un peu.» « Je semble être bien chanceuse de me trouver à vos côtés, Bowen. N’y voyez pas là une simple formule de politesse mais bien ma pensée profonde » Mais je ne répondais pas là à sa question, j’en convenais. « Je ne saurais dire ce qui m’a déplu. Est-ce là une réponse à votre question ? »

Allongée face à lui, les rayons du crépuscule se posant sur ma peau, j’attendais d’observer sur son visage les conséquences de ma réponse. Si nous en étions aux confidences, il venait d’obtenir la mienne. Sincère et spontanée. Peut-être semblait-il s’inquiéter de savoir si je souhaitais déjà le quitter, mon devoir marital accompli. En vrai, il n’en n’était rien. Sa démarche, plutôt touchante, me décrocha un sourire subtil. En guise de réponse, je me repositionnai en me mouvant quelque peu vers lui. M’encrant à ses côtés. Sur le côté, mais bien face à lui. Son regard était bien souvent déterminé. Il l’était à ce moment précis. Mes yeux plongés dans les siens, je l’examinais.

« Vous avez eu le choix de demander en épousailles toutes les jeunes femmes du Nord en âge de se marier. Et pourtant, votre  choix s’est porté sur moi... Expliquez-moi pourquoi, Bowen. » Lui demandais-je avec une malice difficilement dissimulable. Mais ma question était belle et bien sérieuse en dépit de ce que je tentais de lui faire croire.

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MessageSujet: Re: Et nous avons des nuits plus belles que vos jours [Tour V - Terminé]   Et nous avons des nuits plus belles que vos jours [Tour V - Terminé] EmptyMar 17 Oct - 17:26

« Sans doute la plus agréable qu’un homme puisse entendre, ma dame. »

A ces mots, Bowen avait emprisonné la main de son épouse entre ses doigts pour la porter à ses lèvres afin d’y déposer galamment un baiser, comme s’il la remerciait de sa confiance, de leur intimité partagée, de cet aveu offert si délicatement qu’il craignait de le perdre par une parole malheureuse qu’il ne manquerait pas de prononcer un jour. Ame simple, qu’il était aisé à contenter ! Ame sensible, qu’il était heureux avec si peu, et tellement en même temps ! Le fils aîné de la maison Glover n’avait jamais aspiré toute son enfance qu’à une existence tranquille, à élever ses enfants et à honorer une épouse qu’il aurait tenté à tout prix d’aimer. Et pourtant, au creux de son lit, sous les peaux qui réchauffaient leur couche et les tenaient éloignés de la froideur du petit jour, il se surprenait à rêver plus grand, pour se montrer digne de son épousée, pour lui offrir tellement plus que l’existence d’une lady désargentée prompte à pondre une marmaille nombreuse au gré des allées et venues de son cher et tendre mari. Ils seraient plus grands que cela. Il s’en faisait la promesse. Maedalyn ne l’aimerait peut-être jamais, mais elle ne regretterait pas le choix de son père.

Certains disaient que derrière tout grand homme, il y avait une grande femme. Sans doute n’avaient-ils pas tort, car le désir de plaire et celui d’être admiré allaient de pair avec le mariage. Lui qui avait toujours été dénué de toute ambition, voilà que par l’action conjointe du malheur et du bonheur des épousailles, il tentait d’aspirer à la gloire. Le sentiment était nouveau, un rien excitant, un brin déconcertant. Pire soudain, il sentit un élan de possessivité l’étouffer alors qu’il la contemplait en songeant à ses responsabilités futures. Et si son absence ne lui pesait pas ? Pardi, évidemment que ce serait le cas, ils ne se connaissaient pas assez pour qu’il en soit autrement ? Et si … D’autres bras que les siens l’accueillaient, maintenant qu’elle avait goûté aux délices de l’amour charnel ? Baste, il ne resterait pas beaucoup d’hommes … Cependant, la peur l’étreignait douloureusement, lui broyant le myocarde avec l’insistance d’une dague s’enfonçant dans la chair tendre d’une poitrine offerte à l’assassin. Il n’avait jamais été que l’ami, le confident … Etait-ce donc si mal de vouloir avoir la première place dans les attentions de sa propre épouse ? D’avoir … son propre jardin secret, pour une fois, de n’être pas une ombre, mais le soleil d’une vie ? Etait-ce s’aveugler, que de s’imaginer que le terne Glover puisse conquérir réellement sa femme ? Peut-être pensait-il. Sans doute, murmurait la voix du doute au creux de sa conscience. Assurément, persiflait son inénarrable manque de confiance en lui.

Et pourtant, il y croyait, il voulait essayer, durant quelques heures, quelques jours, de construire un futur qui serait immanquablement balayé par ses absences, par le devoir et la guerre. Bowen, d’ordinaire si rationnel, n’avait pas abdiqué les rêveries de son enfance vis-à-vis de son existence d’adulte, quand bien même il les savait ineptes. Sauf qu’il ne parvenait pas à se résigner à une nuit de noces suivie d’un départ froid, comme si besogner son épouse suffisait à son goût et sa situation. D’abord, parce que pragmatiquement, il allait confier le fief ancestral de sa famille à cette femme. La confiance, le respect, étaient nécessaires. Et ensuite parce que cette même femme serait la mère de ses enfants, de son héritier. Il était impensable qu’ils n’entreprennent pas de se connaître, même un peu, avant qu’il ne parte combattre pour le Nord. Manifestement, cela passait par l’explication, encore une fois, de son choix. Pourquoi elle ? Il sentait vraiment que cette question la taraudait. Il était probable qu’elle garde des doutes sur les raisons qu’il avait invoqué lors du mariage entre Jeyne et son lionceau. Dommage, car elles étaient sincères.

« Maedalyn … »


Le nom roulait dans sa bouche agréablement, et il le savourait au creux de ses lèvres, ce droit de l’appeler ainsi.

« Tout ce que je vous ai dit quand je vous ai annoncé vos fiançailles était sincère … Je voulais une dame nordienne, de haut-parage, et apte à prendre la régence de Motte-la-forêt rapidement, qui serait une épouse forte, une régente assurée.

Parmi toutes les Ladys du Nord … Vous me paraissiez le choix le plus évident.

Politiquement, nos familles n’étaient point liées, et votre père m’offrait des gages forts vis-à-vis de Motte-la-forêt. Je vous connaissais, je vous ai longtemps observé, quand j’étais écuyer de Sa Majesté. Je savais que vous ne vous en laisseriez pas conter, une fois seule en notre fief. Que votre éducation vous prédisposait tout à fait à la gestion du domaine. Et que, si vous n’aspiriez sans doute pas à de telles épousailles, vous sauriez faire honneur à votre famille de naissance en étant une Lady respectée.

Bien sûr, je connaissais d’autres damoiselles personnellement. Mais elles n’étaient pas mon choix, chacune pour diverses causes. »


Il la regarda, puis lui dit sincèrement :

« J’ai pensé que vous seriez la Lady dont la maison Glover avait besoin. Vous me rappelez feue ma tante, lady Barbrey. C’était une lady formidable.

Je suis sûr que vous l’êtes aussi. »


Avec un brin de défi dans le regard, il ajouta :

« Et puis … Vous n’étiez ni une cousine, ni une amie … Vous étiez le souvenir de l’émoi de mes quatorze ans, quand je vous regardais danser à Castel-Cerwyn. Je n’ai pas oublié.

Tant qu’à prendre épouse, j’espérais une damoiselle qui me ne soit pas désagréable.»


Le regard brûlant, il conclut :

« Avec vous, j’avais l’occasion d’être un homme, et non pas juste un confident. »

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MessageSujet: Re: Et nous avons des nuits plus belles que vos jours [Tour V - Terminé]   Et nous avons des nuits plus belles que vos jours [Tour V - Terminé] EmptyMer 25 Oct - 0:09

A son réveil, elle doutait de tout. Comme si la nuit, cette belle nuit, n’avait pas réussi à enterrer ces idées noires. Manquant de confiance en elle, comme toute jeune déflorée qu’elle était, les questions se multipliait dans sa tête. Et le lever du soleil laissait place à mille et une questions existentielles. Maedalyn se turbinait l’esprit à se demander si elle avait été à la hauteur, à quoi Bowen pensait, s’il n’avait pas trop été déçu de la nuit qu’il avait passé, s’il la trouverait toujours à son goût le jour levé… Alors, peut-être avait-elle ressentit le besoin d’être rassuré, mais la question lui brûla les lèvres et elle la posa presque immédiatement après l’avoir prononcée. Pourquoi elle. Pourquoi Maedalyn Cerwyn et pas une autre. On ne parlait pas seulement de critères de beauté ou seulement de dot. On parlait d’un tout. Lorsque Bowen avait arrêté son choix sur la jeune Maedalyn c’était probablement une sélection réfléchis et calculée. Elle ne voyait pas Bowen prendre cette décision à la légère, sur un coup de hasard. Elle pensait même qu’il avait réfléchis à tout, pondéré chaque élément, chaque détail. La réflexion lui avait été déjà soumise par la jeune femme. Les réminiscences de sa réponse lui revint à l’esprit alors qu'il débutait sa réponse. Mais retrouver ses explications rassurantes avait un goût réconfortant et de sécurisant.

Le choix était, selon lui évident. Cela lui déclencha un prémice de sourire.

« Vous étiez le souvenir de l’émoi de mes quatorze ans, quand je vous regardais danser à Castel-Cerwyn. Je n’ai pas oublié. »

Ces quelques mots eurent l’impression de lui tordre littéralement le coeur. Comme si un poing l’avait saisi et emprisonné entre ses doigts. Fermement. La confidence l’avait touchée - au coeur, visiblement. Troublée, elle fronça les sourcils, curieuse d’en savoir plus. Avide d’écouter d’autres confidences comme celle-ci. Cette phrase résonnait une deuxième fois dans sa tête. Et une troisième… Se la répétant inlassablement elle tenta de se souvenir des détails de son adolescence. Et elle, avait-elle oublié ce détails de leur histoire ?

« Vous voulez dire que...» Fronçant les sourcils, elle cherchait ses mots. Les bons mots. Qui tournoyaient dans son esprit. « ...et vous ne m’avez pas invitée...» conclu Maedalyn avec un sourire aux lèvres.  « Un acte manqué dont vous vous êtes rattrapé bien des années plus tard...» lança-telle en référence à son invitation à danser au mariage princier.

Les souvenirs de Bowen Glover à Castel-Cerwyn étaient clairs comme de l'eau de roche. Néanmoins, jamais elle n'eût imaginé que sa personne eut intéressée le jeune adolescent de l'époque. Plus jeune, étant la lady de Castel-Cerwyn, elle n'hésitait pas à se laisser emporter par la musique, se moquant presque de qui pouvait la regarder ou même l’observer. Aujourd'hui, elle n'avait clairement plus aucune réelle raison de danser et la musique avait désormais une résonance bien différente.

Par sa dernière réplique, Maedalyn eut l'impression que Lord Glover souffrait probablement trop souvent être l'ami et pas assez l'amant. Pour autant, cette conclusion l'étonnait puisqu'il lui semblait que son époux avait tant à offrir à une femme. Mais elle ne doutait point que celui-ci soit grandement apprécié par les ladys. Courtois, attentionné, chevaleresque et bel homme. Et surtout respectueux, c'est ce qu'elle avait ressentit la nuit dernière. Respectueux mais à la fois animal. Un homme élégant et courtois se révélant mâle sous les draps.

Elle s'empêcha de sourire à l’écoute de ces compliments matinaux,elle qui avait ouvert les yeux préoccupée et inquiète. Son coeur battait. Fort dans sa poitrine. Elle l’ignora.

Il espérait être plus un homme avec Maedalyn, qu’un confident. Pour autant la jeune femme était de nature réservée, de surcroît avec ses sentiments ou ses ressentis. La présence de Bowen semblait être enclin à laisser Maedalyn se confier, pas à pas.

« Contrairement à mes mauvaises habitudes, vous avez une facilité pour me délier la langue...» confia-t-elle dans une réponse à double sens. Elle se demanda si elle l’avait fait exprès. Au fond, peut-être un peu. Elle eut un sourire déguisant sa gêne soudaine. Son regard quitta les yeux de son époux pour se baisser.

Elle eut un moment de réflexion. Retournant à ses angoisses et se mura un instant dans le silence. Elle soupira. « Bowen, ne prenez pas ma question d’une mauvaise manière…» Elle chercha les bons mots. « ...quand allez-vous devoir partir ? » Elle savait… plutôt, ils savaient tout les deux qu’ils n’avaient pas beaucoup de temps pour apprendre à se découvrir, à se connaître. Mais de combien de temps parlait-on au juste ? Un jour, deux jours ? Peut-être moins ? Bowen l’avait prévenu mais n’avait pas précisé la date de son départ. La jeune femme se demandait encore de quelle manière elle allait vivre son départ. En serait-elle soulagée, ou au contraire attendrait-elle son retour avec impatience ? Son attachement n’était pourtant pas assez fort, pensa-t-elle pour qu’elle puisse attendre avec hâte, les corbeaux qui lui enverrait. Certes, Bowen Glover était monté dans son estime depuis hier soir, mais… elle trouvait sa perfection trop suspecte pour être vraie. Où était donc le vice caché de cet homme aux allures d’idéal masculin ?

(...)

« Vous m’écrirez ? » demanda-t-elle en regardant son époux dans les yeux.

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MessageSujet: Re: Et nous avons des nuits plus belles que vos jours [Tour V - Terminé]   Et nous avons des nuits plus belles que vos jours [Tour V - Terminé] EmptyLun 30 Oct - 18:38

Bowen avait toujours été un garçon timide, policé, trop bien élevé pour créer un quelconque esclandre et pas assez sûr de lui pour tenter quoi que ce soit sortant des strictes limites de la bienséance. Corseté jusqu’à ses douze ans par l’influence d’une mère de caractère et d’une sœur à poigne, considéré avec un mélange d’indulgence et de légère déception par un père qui n’avait de cesse de lui inculquer les devoirs d’un seigneur en regrettant qu’il n’ait pas l’apparence plus imposante et s’en trouvait d’autant plus exigeant, puis sous la férule d’un homme qui l’impressionnait trop pour qu’il ose craqueler son armure et sortir de l’ombre où il se complaisait, le Glover n’avait pas nécessairement eu, au cours de sa jeunesse, toutes les expériences ordinairement associées avec la joyeuse adolescence des fils de la noblesse. Est-ce qu’il le regrettait ? Parfois, sans parvenir à se l’avouer. Souvent, il se contentait de se dire avec philosophie qu’à trop courir la gueuse comme certains, il aurait fini par se marier avec une bonne pisse-chaude ! Inutile de préciser que la perspective n’était pas particulièrement à son goût … Et puis, à défaut de butiner les jolies filles, il avait tissé avec elles beaucoup des liens amicaux, qui pourraient se révéler dans le futur nettement plus féconds que la rancune d’une histoire d’amour vite oubliée.

Evidemment, il était aisé de l’imaginer comme un charmeur et trousseur de domestiques. C’étaient, après tout, les mœurs de son époque, et il savait que son cadet, par exemple, n’avait pas dédaigné longtemps les appâts des bougresses de Motte-la-forêt, et noyait son chagrin dans les plaisirs de la chair. Honnêtement, même s’il trouvait que la chose durait un peu trop, pour le moment, il ne disait rien à ce sujet : chacun avait sa propre façon de panser son cœur meurtri. Alysane s’était jetée à corps perdu dans les préparatifs de ses noces, avec un entrain qu’il soupçonnait un peu factice, tandis que lui-même s’était abreuvé du sang ennemi jusqu’à en crever d’amertume. Leur père se complaisait dans ses souffrances, incapable de parvenir à quitter son lit et ses délires fiévreux, où il appelait son épouse avec peine, à la grande horreur de ses fils survivants qui avaient fini par le laisser à la garde de leur intendant et de filer vers Winterfell, incapables de supporter ce spectacle plus longtemps … Et dire que le jeune homme allait infliger cela sciemment à son épouse. Cette perspective le révulsa. Etait-il donc si lâche ? Non, bien sûr … Il avait fait son possible, assurait l’avenir de sa maison, partait pour la guerre … Et pourtant, une petite voix perfide susurrait au creux de son esprit que c’était bel et bien le cas, et qu’il déchargeait honteusement de son fardeau.

Non décidément … Incapable d’assumer les soins de son propre père, il n’avait rien en lui d’un galant prêt à tout pour plaire à une belle dame. Au fond, il avait toujours été peureux, un enfant se réfugiant dans les jupons de sa mère et de sa sœur, dans l’ombre rassurante de Torrhen Stark, dans l’amitié facile et non dans les affres de l’amour, au point de dénier à son cœur le droit d’éprouver un tel sentiment. Il lui pesait presque d’être perçu ainsi comme un être chevaleresque, du moins autant qu’un nordien pouvait l’être, parce qu’à ses yeux, ses attentions étaient le fruit d’années de renoncement. Certes, tout cela l’avait forgé, et aujourd’hui, il s’assumait comme il était, appréciant ses bons et ses mauvais côtés. Cependant, il connaissait ses failles mieux que quiconque, et la plus béante se tenait devant ses yeux. Puisqu’aborder une fille de ferme lui paraissait déjà une tâche incommensurablement difficile, que dire d’inviter à danser la jolie lady de Castel-Cerwyn en présence de son Lord de père, du roi et de sa suite, qui n’aurait pas manqué de le taquiner à ce sujet une fois les réjouissances finies ? Il était tellement plus confortable d’être transparent, de ne jamais rien oser, surtout quand l’issue était connue d’avance. Un môme comme lui n’aurait jamais récolté que trois pas de valse et un sourire poli plutôt qu’une réelle considération. Il n’était pas dupe. Alors, à l’humiliation pressentie, il avait choisi la tranquillité et la discrétion, non sans observer tous les autres qui glissaient sur le sol de la grande salle de Castel-Cerwyn, une pointe d’envie lui mordant le cœur sans qu’elle ne parvienne à lui transpercer suffisamment le myocarde pour qu’il s’autorise la plus belle des audaces. Il avait dansé, bien sûr, invité une ou deux damoiselles de son âge et de plus basse extraction. C’était là la place des écuyers, au fond. A vrai dire, il s’étonnait quand même que sa femme soit si surprise : ce n’était tout de même pas la première fois qu’un homme lui disait à demi-mots l’avoir trouvé tout à fait charmante tout de même ?

« Si fait. Encore que, en toute honnêteté, à Winterfell, je vous ai invité à danser car je pensais que vous étiez au courant de nos fiançailles prochaines et il m’aurait semblé grossier de ne pas vous manifester la considération que cela entraînait. »

Réalisant un peu trop tard la maladresse de ses propos, il ajouta bien vite :

« Non pas que je n’en avais pas envie ! Mais … Je m’en sentais pour une fois … le droit. Vous voyez ce que je veux dire ? Les premières danses sont tellement scrutées, surtout pendant les mariages et à nos âges … Il m’aurait été désagréable de voir une rumeur sans fondement de lancée à notre sujet si j’avais eu une audace déplacée.

D’ailleurs … Immédiatement après, Jeyne … Enfin Son Altesse … m’a fait une réflexion entendue sur le fait que vous étiez très en beauté, ce soir-là. Je crains de n’avoir trompé personne, à vrai dire … Je suis un homme prévisible. »


Il ne savait ce que Maedalyn pensait de sa proximité avec la Princesse et sa cousine Karstark, aussi il s’était rattrapé en utilisant son titre, même si l’habitude avait un temps parlé, surtout au réveil où il n’était pas encore en pleine possession de ses moyens. Il ne put s’empêcher de sourire en entendant son épouse commenter leurs confidences mutuelles, même si le double-sens qu’elle avait émis réveilla ses sens au pire moment, occasionnant une réaction involontaire chez lui, déjà à moitié née de cette matinée dans un réflexe commun à tous les mâles. Autant dire qu’il ramena les peaux à lui, d’un air aussi discret que possible, profitant de la gêne apparente de son épouse, et sans oser rien ajouter hormis un bref et un peu bégayant :

« Apparemment … »

Heureusement, la nouvelle question de son épouse lui fit l’effet d’une telle douche froide que son excitation retomba quelque peu, le soulageant au passage légèrement. Certes. Son départ. Maedalyn y avait mis les formes, pour autant, il ne pouvait s’empêcher de se demander s’il n’y avait pas là tout de même un désir secret de le voir partir, pour se débarrasser de cet époux inconnu. Sa demande de lui écrire le rassurait tout de même un peu.

« Dès que Son Altesse en aura donné l’ordre. Sans doute pas aujourd’hui, je crains qu’après les festivités d’hier, la plupart de nos commandements ne sont guère en état de chevaucher. Le temps de tout préparer …

Après-demain me semble le plus logique. »


Quant à lui adresser des corbeaux …

« Bien sûr. A moins que vous ne le désiriez pas … Mais si ce n’est pas le cas, oui, j’escompte vous écrire. Déjà, pour vous conseiller et vous aider autant que possible lors de votre installation sur nos terres … Et puis, pour continuer à apprendre à nous connaître, si cela vous agrée … Ne pas rompre le lien. »

Il pensa à ses années au service de Torrhen et aux liasses qu’il noircissait parfois.

« Lors de mon écuyage, j’ai beaucoup correspondu avec ma sœur et ma mère … Maintenant que Son Altesse et Lady Lynara sont parties pour l’Ouest, j’essaye de leur écrire pour avoir de leurs nouvelles … Donc c’est quelque chose que j’apprécie, qui est important pour moi.

Ne trouvez-vous pas que les mots couchés sur le parchemin ont un certain charme, et qu’on peut dire via sa plume tant de choses qu’on n’oserait peut-être moins aborder en face-à-face ? »


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MessageSujet: Re: Et nous avons des nuits plus belles que vos jours [Tour V - Terminé]   Et nous avons des nuits plus belles que vos jours [Tour V - Terminé] EmptyLun 6 Nov - 22:52

Maedalyn ne s’était jamais réveillée auprès d’un homme. Et n’avait jamais partagé son lit avec qui que ce soit. Ce matin, beaucoup de choses semblaient changées. Elle n’était plus une jeune fille mais une femme et elle avait l’impression de voir les choses différemment. Pour autant, se réveiller non plus seule mais accompagnée l’avait tout d’abord gênée. Les pensées de la veille avaient ressurgi et l’embarras l’avait alors envahi, probablement jusqu’aux joues. Ce ne fut qu’après quelques minutes de discussion qu’elle avait retrouvé une certaine assurance. Bowen avait décidemment l’art de la rassurer peut-être sans même le vouloir. Peut-être même sans s’en rendre compte. C’était une des choses qui la troublait chez lui.

« Vous semblez avoir de l’affection pour Jeyne. Mais je devine déjà que dans votre réponse, vous insisterez sur le fait qu’elle n’était qu’une amie. Aussi proche soit-elle. »

Tiens, serait-ce de la jalousie dissimulée de la part de Maedalyn ? Non. Mais la réelle nature de leur relation l’intriguait. La jeune femme avait deviné la proximité qui liait les deux nordiens. Etait-elle du même acabit que sa propre amitié avec Jon Stark pour laquelle, Bowen n’en savait pas grand-chose également ? Si tel était le cas, elle ne devait pas se faire de mouron. Mais elle imaginait déjà que son époux n’allait pas lui livrer ses secrets les plus intimes au lendemain de leur nuit de noces. Il faudrait être insensé ou complètement grossier pour le faire consciemment.

« Votre invitation à danser était donc intéressée. Moi qui pensait que vous m’aviez invitée pour mon joli minois. Me voilà fortement déçue. »

Rétorqua-t-elle dans le but de le provoquer quelque peu.

Elle savait que son départ déclencherait beaucoup de bouleversements. Le premier de tous venait de se réaliser. Le mariage avait été célébré et consommé. Mais le départ de son nouvel époux signifierait qu’elle devrait partir à Motte-la-Forêt et tout découvrir par elle-même. Et Maedalyn lui en voulait, inconsciemment, de la laisser complètement seule. Elle aurait préféré qu’il l’établisse, la présente à ses gens, son père.

« Après demain… » répéta-t-elle, sans rien ajouter de plus. Laissant peut-être sans le vouloir, planer le doute involontairement quant à son réel ressenti.

« Je pense que je vais avoir plus que besoin de vos conseils écrits, à défaut de vous avoir en chair et en os à mes côtés… »

Maedalyn ne savait pas si ces mots n’étaient pas teintés d’une certaine amertume. Rancœur peut être avouée trop tôt mais qu’elle savait latente. Elle savait qu’elle allait en vouloir à Bowen de la laisser seule à Motte-la-Forêt. « Je suis convaincue que votre présence sur vos terres me manquera. » Elle ne savait comment interpréter sa propre phrase. Elle était convaincue que la présence de Bowen était essentielle à la bonne prise en main d’un domaine dont elle ignorait tout. Mais la formulation qu’elle avait employée avait été maladroite… « Je voulais dire que… votre présence à mes côtés m'aurait été indispensable pour mes débuts à Motte-la-Forêt… J’ignore tout de votre domaine, de votre père, de vos gens… »

« Je crains de ne pas réussir à trouver mes marques chez vous, sans vous. » avoua-t-elle enfin.

Il l’accompagnerait son initiation par écrit, seulement. Alors qu’elle considérait que ce genre d’exercice, tellement compliqué, nécessitait un accompagnement quotidien. Maedalyn lui en voulait à l’avance, tout simplement. Elle s’était mariée, pour se retrouver seule dans un domaine inconnu. La vision future qu’elle s’imaginait n’était pas affriolante pour un sou. Cela l’effrayait presque.

« Cela nous permettrait de nous connaitre autrement qu’à travers des draps, effectivement » rétorqua-elle presque avec un sourire aux bords des lèvres.

Se connaître charnellement avait été une double découverte pour la jeune femme. Mais l’important n’était point que là pour Maedalyn qui pensait que l’attraction intellectuelle ainsi que la fusion émotionnelle étaient peut-être plus importantes que le simple attrait sexuel. Peut-être que son manque d’expérience en la matière justifiait ce raisonnement. Quoi qu’il en soit elle avait la curiosité de vouloir apprendre à connaître plus profondément Lord Glover. Elle s’accordait à confirmer que l’écriture pouvait libérer une parole peut-être des fois verrouillée.

« Il est certes, plus aisé de poser les mots par écrit, je vous rejoins sur ce point. Disons que l’on se sent capable d’exprimer plus de choses…»

Elle jeta un œil vers la fenêtre et le jour qui semblait vouloir posséder la chambre.

« Qu'avez-vous prévu de faire aujourd'hui ? »

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MessageSujet: Re: Et nous avons des nuits plus belles que vos jours [Tour V - Terminé]   Et nous avons des nuits plus belles que vos jours [Tour V - Terminé] EmptyJeu 16 Nov - 18:12

En entendant Maedalyn parler de Jeyne, Bowen ouvrit des yeux ronds, totalement surpris par sa question, et son assertion finale. Pensait-elle que … ? Elle et … ? Non, sans doute pas. N’est-ce pas ? Etait-ce donc ainsi que leur relation était perçue ? Comme celle de deux amants potentiels auxquels le sort n’avait pas souri ? Bien sûr, à la réflexion, ils étaient trop proches pour que de mauvaises langues n’aient pas rapporté quelques rumeurs peu à son goût ou que certains aient pu avoir une approche tronquée de la profondeur de leur relation, qui avait toujours été notoirement chaste et sans arrière-pensées, du moins de son côté. Certes, depuis qu’il savait que Jeyne avait nourri des sentiments pour lui, il comprenait que certaines de leurs conversations avaient pu avoir pour elle une toute autre signification … Mais enfin, ce n’étaient là que des feux d’adolescente pour l’un des rares garçons de son entourage dont elle était proche et qui n’était point de sa famille, une forme d’amourette sans conséquence et qui s’était éteinte rapidement, pour laisser place à nouveau à leur belle amitié. De toute manière, le pauvre adolescent qu’il était n’avait rien vu de l’affection que la jeune Dame de Winterfell lui portait, et l’eut-il su qu’il n’aurait sans doute pas su que faire, hormis fuir, autant pour ne pas encourager des sentiments non partagés que pour s’éviter des déboires communs aux passions de la jeunesse, qui à défaut d’être mutuelles, avaient surtout tendance à être dangereuses, car le péché de chair n’avait guère besoin de plus pour s’exprimer. Et puis surtout … N’aurait-il pas, à son tour, nourri des intentions guère innocentes envers son amie ? On disait que parfois, le désir de l’un fouettait celui de l’autre. L’imaginer l’horrifiait sincèrement, car cela l’aurait mis dans une position difficile, autant envers son mentor qu’envers son père et enfin sa soupirante. Il avait eu très tôt conscience que le Roi avait d’autres aspirations pour sa fille unique qu’un mariage avec un jeune noble du Nord et se l’était tenu pour dit. Aurait-il heureux avec Jeyne, si les choses en avaient été autrement ? Assurément. Elle-même lui avait assuré de la réciproque, et il n’en doutait pas. Oui, la Princesse aurait eu un époux attentif, mais elle n’aurait pas été à sa place. Elle était née pour porter une couronne, pas moins. Tout était mieux ainsi, finalement. Il n’avait pas de regret.

« Bien sûr que j’apprécie beaucoup la Princesse. Je l’ai vue grandir, s’épanouir, passer d’une petite file qui a dû murir trop vite après la mort de la Reine Sygin pour devenir la dame de Winterfell et essayer tant bien que mal de maintenir les Stark unis à la future Reine du Roc … J’ai été un de ses premiers partenaires de danse comme elle a été le public de nombre de mes entraînements, m’encourageant et pansant mes hématomes … C’est … la petite sœur que je n’ai pas eue, je pense, une amie chère à mon cœur. Je n’ai jamais envisagé notre relation différemment. Jeyne est ma famille, au même titre que Lady Lynara peut l’être, et je crains que le Nord me paraisse plus froid sans elle et sans … le reste de ma famille. »

Sa voix s’était brisée. Il détourna le regard vers la petite meurtrière d’où on pouvait voir le soleil continuer à se lever. Refoulant ses larmes, il attendit que la vague terrible de souffrance mélancolique passe, tant le poids de l’absence des siens lui pesait. Il n’aimait guère se rappeler ces moments où les Glover s’égaillaient joyeusement à Motte-la-forêt, où sa mère lui écrivait régulièrement à propos des dernières facéties des deux petits derniers, pendant que sa sœur arrivait enfin à mener une grossesse à terme et lui décrivait par le menu les moindres faits et gestes de son neveu, alors qu’il s’amusait gentiment dans la cour de Winterfell avec Jeyne et Lynara ou encore qu’il aidait le petit Walton à tenir correctement son épée en bois … Ces jours-là étaient définitivement morts, assassinés, et il ne lui restait que ses souvenirs et son cœur meurtri.

« Ne serait-ce pas précisément la définition de l’intérêt mal placé si je vous avais invité juste parce que vous me sembliez accorte, ma dame ?  Voilà qui n’aurait point fait honneur à votre vertu. »

Malgré ces paroles quelque peu sévères, il lui adressa un sourire légèrement sardonique, avant de la faire basculer sous lui d’un mouvement rapide, et de la regarder avec un brin de désir provocateur dans les yeux :

« Néanmoins, je confesse avoir pensé que vous étiez fort à mon goût ce soir-là … Comme hier et aujourd’hui encore. »

Joignant le geste à la parole, il déposa sur ses lèvres un baiser qui n’avait rien de timide, démontrant s’il y en avait besoin qu’il était fort satisfait de son épouse. Ses mains vagabondèrent sur le corps de sa femme, la caressant doucement alors que ses attentions se faisaient plus enflammées. Ces enfantillages durèrent un temps, puis conscient qu’ils avaient tout de même d’autres sujets de discussion à clore, il consentit à relâcher son étreinte, au mépris de son propre désir qui se rappelait à lui à nouveau.

« Je peux déjà vous parler un peu de nos terres. »

Il avait insisté gentiment sur ce possessif-là, pour montrer que le fief Glover était désormais autant le sien que celui de Maedalyn. Par leur mariage, elle devenait la dame de Motte-la-forêt, et il était important à ses yeux qu’elle se sente pleinement Glover, quand bien même l’affection envers son nouveau blason ne pourrait venir qu’avec le temps. Il sentait que la situation angoissait la jeune femme, ou à tout le moins qu’elle n’était pas vraiment à son goût. Comment la blâmer ? La tâche était immense, et elle devrait être menée en solitaire, sans son mari pour l’aider à appréhender tout ce qui l’attendait. Doucement, il se releva et une fois en face de son épouse, prit ses mains entre les siennes.

« Je sais que … je vous demande beaucoup. Mais si je vous ai choisi … C’est que je pense sincèrement que vous êtes capable de parvenir à vous imposer comme une Lady du Nord de premier plan. »


Il la regarda et soupira :

« Ne vous préoccupez pas trop de mon père … Lord Galbart est atteint de la gangrène. Sa blessure au bras reçue à la Mort-aux-loups n’a pas cicatrisé comme il aurait fallu … Et je doute que son esprit soit tourné vers autre chose que la mort … »

Une boule se forma dans sa gorge, mais il tenta de continuer vaillamment :

« Il va se laisser mourir, Maedalyn. Maintenant que notre maison a été vengée … Plus rien ne le retient ici-bas, pas même ses trois enfants survivants. Bien sûr, j’espère que connaître sa bru lui redonnera le goût de vivre … Mais ce n’est point vous faire injure que de penser sincèrement que ce ne sera pas le cas : il ne se remettra jamais de la mort de ma mère, de ses fils et de son frère … Je vous demande juste de vous assurer qu’il ne … hâte pas son trépas. Ce serait une insulte aux dieux que je ne supporterais pas. »

Douloureusement il poursuivit :

« J’aurais aimé que vous connaissiez ma famille et notre château du temps de sa splendeur. Si … les choses avaient été différentes, je sais que mon père aurait tenu à s’entretenir avec vous avant nos noces pour s’assurer de vos dispositions, comme il aimait à dire … et je crois, pour vous encourager aussi. Ma mère vous aurait tout de suite dit que si jamais je me conduisais comme un malotru à votre encontre, de ne pas hésiter à le lui rapporter et qu’elle n’hésiterait pas à me corriger, malgré le fait que je sois un homme fait. Et je ne doute pas que mes petits frères vous auraient juré d’être vos gardes du corps. Peut-être que Tonnie vous aurait dit qu’il veillerait sur nos enfants … C’était un enfant très mature pour son âge …

Je vous aurais conduit moi-même dans nos terres, je vous aurais montré la crypte où reposent tous mes ancêtres, tous les Lord Glover qui se sont succédé, jusqu’aux Rois que nous étions durant des temps immémoriaux. Je vous aurais fait visiter tout le château : sa cour, ses remparts, ses tours … Puis le bourg en dessous de la Motte, bien entendu, avant de vous conduire jusqu’à nos villages les plus reculés, et chez nos vassaux : Branche, Bosc, Souche, Forrestier … »


Pragmatique, sa voix se fit plus claire, moins troublée, alors qu’il s’éloignait du sujet de sa famille pour passer à des considérations plus matérialistes :

« Ce sont sur eux que vous devrez vous appuyer. Notre intendant, Benjen Forrestier, vous guidera et vous aidera, vous ne serez pas seule. Reposez-vous sur lui : il connaît le Bois-aux-loups comme la poche de son surcot, et sert ma famille depuis plusieurs années. N’hésitez pas à contacter Lord Bosc dès votre arrivée : il est bien trop âgé pour partir en guerre, mais c’est un fin connaisseur des coutumes locales, notamment en ce qui concerne les populations des clans que nous avons sous notre férule. Le fils de Lord Cassel restera également en arrière, pour veiller aux côtes du Nord, il sera donc souvent de passage à Motte-la-forêt, si vous avez besoin de conseils sur la défense de nos terres.

Enfin, dès que nous serons partis, n’hésitez pas à rester quelques jours à Blancport pour que ma sœur vous enseigne ce qu’elle sait sur nos gens. Durant la précédente guerre contre le Noir, elle a aidé ma mère à gérer le fief pendant que mon père combattait aux côtés du vôtre et de Sa Majesté. Je pense qu’elle se fera un plaisir de vous aiguiller, et peut-être de vous offrir quelques renseignements que seule l’observation féminine peut donner. »


Finalement, il conclut :

« Quant à mes gens … Compatissez à leur malheur. Soyez présente pour eux, montrez-vous disponible, et n’hésitez pas à leur tendre la main, même pour de petites choses qui peuvent paraître futiles. La plupart des femmes sont des survivantes des sévices sauvageons, beaucoup … portent en leur sein le témoignage de leurs souffrances entre leurs mains, quand elles ne souffrent pas des séquelles dues à … »

Il ne savait comment expliquer cette situation si taboue, condamnée des dieux et des hommes, et pourtant, en l’espèce, si compréhensible.

« … Des fausses couches précoces. »

Pieuse manière de parler de ces avortements provoqués pour se débarrasser du fruit d’heures de viols.

« Le Roi a accepté que la Couronne s’occupe des enfants donc ces femmes ne voudraient pas, en les versant aux Louvards … Essayez de le rappeler, et n’ayez point honte de prendre une dame enceinte à votre service à l’heure actuelle. Elle n’a point fauté. A vrai dire, je vous conseillerais vivement de le faire, que ce soit comme chambrière ou coiffeuse, ce que vous voudrez : cela montrera que vous prenez en considération ce qui leur est arrivé, que vous les soutenez … Et ainsi, elles vous aimeront d’autant plus, et à travers elle, notre maison. »

L’atmosphère, bien lourde, fut considérablement allégée par la réplique finale de son épouse, qui lui arracha un léger rire, ainsi qu’un sourire exagérément séducteur :

« Je n’ai rien contre cette forme de connaissance. Surtout que nous n’en sommes qu’aux présentations. »

Quant à ce qu’il avait prévu de faire …

« Oh, je comptais profiter de vous tout le jour. Répondre à vos questions, parfois vous aimer au creux de l’alcôve, nous restaurer, remercier ma sœur et mon beau-frère pour leur hospitalité, me faire moquer immanquablement par les seigneurs présents comme il en convient en pareille occasion, peut-être vous montrez un peu plus Blancport …

Ou bien faire ce qui vous agrée, tout simplement. Si vous désirez profiter un peu de votre famille, je serais heureux de vous accompagnez et de deviser avec Lord Cerwyn et votre frère.»

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MessageSujet: Re: Et nous avons des nuits plus belles que vos jours [Tour V - Terminé]   Et nous avons des nuits plus belles que vos jours [Tour V - Terminé] EmptyJeu 30 Nov - 22:37


La jalousie n’effleurait pas encore l’esprit de Maedalyn. Pourtant, la question la taraudait depuis peu. Quelle était la réelle nature de la relation de son époux avec Jeyne ? Elle était persuadée qu’elle n’en saurait finalement rien. Bowen ne risquerait pas de la blesser ou bien de lui avouer un fait qui pourrait la mettre mal à l’aise. Non. Elle posait la question tout en sachant qu’elle n’aurait pas la vraie réponse. L’explication de Bowen semblait préconçue. Trop lisse, trop sage. Comme si elle avait été étudiée pour ne pas froisser, pour ne pas déplaire. Sa réponse ne satisfaisait pas Maedalyn, qui, sans s’en rendre compte, fronça des sourcils à l’approche de la fin de sa réponse. Certes, la jeune Glover avait osé l’interroger sur cette relation passée. Sans réellement réfléchir aux conséquences de sa curiosité, sa langue c’était déliée. Elle hésitait désormais entre ne rien répondre et se montrer dubitative. Elle n’aurait pas souhaité être mariée à un homme dont les pensées étaient constamment occupées par une autre femme. Jeyne était donc qu’une amie d’enfance d’après Bowen. Une amie qui faisait qu’un pays entier lui paraissait plus froid encore qu’il ne l’était déjà. Une amie visiblement chère à son cœur. Une amie, qui, fut un temps, pansait ses blessures. Plus elle réfléchissait et plus cela devenait difficile à croire. Néanmoins, elle n’avait d’autre choix que de croire les mots qu’il lui dictait. Elle avait deviné, il avait insisté sur le fait qu’elle n’était qu’une amie.

Elle avait tenté de le provoquer avec cette histoire d’invitation à danser, prétendant que celle-ci était intéressée. Bien évidemment, la réponse qu’il lui avait apportée était juste et il lui avait répondu avec la même provocation. Elle l’avait trouvée même légèrement sévère. Il s’était néanmoins rattrapé. Sa réplique lui arracha un tendre sourire qu’elle ne put dissimuler.

« Néanmoins, je confesse avoir pensé que vous étiez fort à mon goût ce soir-là (…)»
« Vous l’avouez donc… ! »
« (…) Comme hier et aujourd’hui encore. »  
« Je vous trouve particulièrement impertinent… » lança-t-elle, provocante à son tour et particulièrement amusée.

Sans prévenir, il déposa ses lèvres sur les siennes. Ses lèvres, encore imprégnées des souvenirs de la veille. Des lèvres dont elle se surpris à apprécier de retrouver le doux parfum. Maedalyn senti les mains de son époux saluer les lignes de son corps. Inconsciemment, elle posa ses mains sur lui. Durant un moment, ils se replongèrent dans la même bulle que la veille. Loin de tout, loin de l’insouciance, de la guerre et du reste. Maedalyn se laissa aller à quelques tendresses envers celui qui était désormais son époux. Des baisers qu’elle lui rendit avec autant de ferveur que lorsqu’elle les recevait. Mais cette trêve pris fin et Bowen parla des choses plus sérieuses. Des faits plus concrets et plus durs également.

Elle hocha de la tête d’un air intéressé lorsqu’il décida de lui parler de Motte-la-Forêt. Devant l’immensité de la tâche qui l’attendait, elle comptait être attentive à tout ce qu’il allait lui dire, aux conseils qu’il allait probablement lui donner. Elle comprit, en l’écoutant, qu’il semblait réaliser la grandeur de la fonction dont elle héritait.

« J’espère aussi. Je ferai du mieux possible, je vous l’assure. »

Son père semblait être un cas qu’elle allait devoir gérer au mieux. Une situation complexe, selon lui. Et lorsqu’il s’aventura dans les détails, elle comprit rapidement la difficulté de la situation de Lord Glover. Une vie sur le point de s’éteindre et aucune raison valable de rester en vie. Une vie qui d’ailleurs avait été terriblement cruelle pour cet homme : la perte de son épouse, de ses enfants… une interminable chute libre dont il était difficile de se remettre. Et de surcroît, une blessure qui ne laissait présager que peu d’espoir.

Bowen touchait du doigt là sur la plaie qui n’était visiblement pas encore complètement refermée. Mais, le serait-elle un jour ? Elle doutait que ce genre de drame puisse être un jour oublié. Bowen décrivait ce qui, en temps normal, se serait déroulé pour la jeune femme. Ce que ses fantômes, ces êtres chers à son époux, qui hantaient toujours son esprit, auraient mis en œuvre pour l’accueillir dans leur propre famille. La réalité était bien toute autre que les vaines possibilités chimériques qu’il s’imaginait. Elle eut de la peine face à son désespoir et son impuissance. Elle ne pouvait qu’écouter. Ecouter ce qu’il se serait passé s’ils étaient encore là, bien vivants.

« Mais cela n’aura pas lieu… malheureusement. » conclut-elle, finalement, presque à sa place. « J’aurais préféré également que tout se déroule comme vous l’avez si joliment décrit. Que tous ceux, qui semblaient chers à votre cœur soient toujours parmi nous. Que je puisse avoir l’occasion de les rencontrer… La vie est parfois cruelle. Semble même s’acharner. Je ressens bien, en vous écoutant, que vous mettez beaucoup d’espoir en moi. En nous, peut-être également. Aux enfants que nous aurons probablement. Au renouveau que cela apportera à votre maison… » elle se reprit, corrigeant son erreur « … à notre maison ».

« Vous désirez des enfants, Bowen ?  Je veux dire, réellement… pas seulement pour recréer une famille perdue ou par simple conformité de procréation. »

Il lui conseilla de s’appuyer sur les connaissances multiples de Benjen Forrestier, l’intentant de Motte-la-Forêt. « vous ne serez pas seule. » lui précisa-t-il. Ces mots lui réchauffèrent un peu le cœur. Cet homme-là semblait connaître les lieux, son histoire, ses gens. Il possédait la génèse qu’elle n’avait pas. Benjen Foresstier, se répéta-t-elle plusieurs fois. Contacter Lord Bosc, se promit-elle de se rappeler. Le fils de Lord Cassel également… Maedalyn écoutait attentivement, malgré les noms inconnus que Bowen lui débitait.

« Très bien… » affirma-t-elle.

Ses gens. Ces gens, justement dont elle ne connaissait rien – ou pas grand-chose. Mais cela revenait au même et elle avait, là encore, tout à apprendre. Il lui raconta ensuite l’histoire de ces femmes, dont l’honneur semblait avoir été bafouer par les sauvageons et dont elles portaient, en leur ventre, le fruit de ces atrocités. Bowen lui conseilla alors de prendre auprès d’elle, l’une de ces femmes. Maedalyn, maintenant sensibilisé à leur situation, ne voyait aucune raison de refuser. Une femme pouvait bien en aider d’autres qui étaient en réelle difficulté. Et soudain, elle prit conscience de la sécurité de sa situation.

« Ce que vous me racontez est… atroce. » répondit-elle en manque de mots. « J’apporterai mon soutien et mon aide à ses femmes. (…) Ce sera évidemment chose faite. »

Le ton se fit ensuite plus léger. Ils s’étaient promis de s’écrire, continuant, ainsi, à apprendre de se connaître. Par écrit, à défaut d’être réunis. Aussitôt mariés, aussitôt séparés. C’était simple est complexe à la fois. Plus les heures passaient, plus elle ressentait un pincement au cœur en pensant qu’il allait devoir s’en aller. Par sa simple présente, elle se sentait curieusement rassurée. Entourée. Cajolée.  Comment allait-elle réagir lorsque ce qui n’était plus que son seul repère allait déserter à son tour ? Alors qu’il allait la laisser là, avec ces doutes, ses craintes et ses inquiétudes. « je comptais profiter de vous tout le jour. »

« …ne vous êtes-vous pas déjà lassé ? »

Un sourire était né sur ses lèvres, cachant bien mal l’espièglerie dont elle faisait preuve. Certains hommes profitaient des avantages de la nuit de noces et au petit matin, n’avait que de hâte de fuir l’antre qu’ils partageaient avec leurs épouses. Elle savait que Bowen ne faisait pas parti de ce genre d’homme, tellement portés sur eux-mêmes. Mais elle voulait l’entendre dire. L’entendre dire qu’il ne s’était pas déjà lassé d’elle.

« C’est un programme chargé. Quoique certaines de vos propositions sont plus attirantes que d’autres… » Elle sentit le regard intéressé de Bowen. « Je… n’avais pas forcément prévu de vouloir rester auprès de vous jusqu’à votre départ. Mais je dois avouer que vous savez, étrangement, capter mon intérêt. Je me dois de vous avouer que vous êtes un homme très agréable…. En réalité, il me plairait de rester auprès de vous encore un peu. Tant que possible en réalité. Que vous me parliez peut-être encore un peu de Motte-la-forêt, de votre famille mais surtout de vous. Encore, oui. J’ai l’impression que le temps avance à une vitesse folle et que j’ai si peu de temps pour vous connaître, ne serait-ce qu’un peu. Je ne désire pas me dire, demain, que je suis mariée à un homme dont je ne sais rien. »

« Restons encore un peu ici, si vous le voulez bien. Sortis de cette chambre, nous n’arriverons plus à nous échanger un seul mot…. »
La réalité était telle qu’ils allaient fatalement être le centre de l’intérêt s’ils venaient à mettre le nez à l’extérieur de cette chambre. Ils devraient dire bonjour à tout le monde. « …et j’ai bien envie de retarder un peu ces obligations de jeunes époux. » conclut-elle par une moue malicieuse. Elle se repositionna sous le drap, presque blottie contre lui. Certes, il n’était pas très raisonnable de mettre de côtés des obligations qui se rappelaient à elle mais elle avait un intérêt personnel à reculer l’échéance. L’envie, simplement, de rester auprès de Bowen.

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MessageSujet: Re: Et nous avons des nuits plus belles que vos jours [Tour V - Terminé]   Et nous avons des nuits plus belles que vos jours [Tour V - Terminé] EmptyVen 8 Déc - 21:44

« Et moi, très pertinent, au contraire … »

La finesse du jeu de mots était calibrée pour flatter sa belle épouse autant que pour prouver que Bowen était aussi un homme d’esprit … Plus que d’épée, auraient pu dire certains. Ils n’auraient pas eu complètement tort, dans le sens où le jeune homme n’avait pas forcément le même goût immodéré pour la bataille qu’un Conrad Omble ou même un Torrhen Stark. Du moins, fut un temps où ce n’était pas le cas. Depuis le massacre de sa famille, son appréhension du carnage avait changé, et il devait confesser y avoir pris goût, trop même auraient dit certains. Il avait vu les regards de quelques cavaliers, après le Gué de Marnach, comme s’ils avaient cru que le garçon ne serait pas à la hauteur, et se voyaient détrompés d’une façon particulièrement cruelle. Et puis, il y avait eu la Mort-aux-loups évidemment, et ses suites. La haine ne cesserait sans doute jamais de l’étreindre tout à fait, alors il l’étouffait comme il le pouvait en tentant de retrouver les oripeaux de la galanterie qui lui allaient si bien, et qui pourtant n’étaient plus tout à fait à sa mesure. Serait-il capable d’en parler à Maedalyn, de lui confier les ombres qui le hantaient ? Un jour peut-être. Pour le moment, il savait pertinnemment ne pas être suffisamment solide pour lui faire entrevoir sa part de noirceur, essentiellement parce qu’il l’acceptait très difficilement. Toute son existence, il avait vécu avec cette idée solidement ancrée en lui qu’il était un homme honorable, éloigné de l’image traditionnelle qu’on accolait aux nordiens. Ce qui était au départ une insulte, il se l’était appropriée pour la porter désormais en étendard. Oui, il n’était ni particulièrement brutal, ni outrageusement ombrageux. Il aimait les douces conversations, les petites connivences, sans renier un certain amour de l’escrime. Les Glover n’avaient, en la matière, jamais été manchots, et s’il ne possédait pas le talent brut de son cadet, il n’avait jamais eu à rougir de ses actes comme bretteur. Il était même plutôt doué, simplement, pas autant qu’Edwyle. Et cela, finalement, lui convenait. Il n’avait pas besoin d’être excellent : il devait seulement savoir frapper juste. Et sa technique, au moins, était presque irréprochable. Il avait de bons professeurs, en même temps, le contraire eut été insultant pour la maison Stark et l’entourage du Roi.

Laissant ses souvenirs de côté, le Glover préféra se concentrer sur l’instant présent, savourant le contact chaud du corps sous le sien, appréciant de le parcourir à nouveau de sa bouche qui n’était pas complètement rassasiée. Comme tous les jeunes amants, il ne pouvait s’empêcher de se demander s’il le serait un jour, tant l’attrait de la découverte était grand, alors qu’il caressait la peau d’albâtre, s’émerveillant de cette douceur de femme sous ses doigts déjà envahis par endroit par la corne du guerrier qui a trop tiré l’épée. Dans le regard de son épouse, il vit pourtant un certain plaisir à contempler sa chaire virile, et alors, il se trouva beau. L’instant était doux, l’instant était trop beau pour être éternel. Déjà, il fallait que l’étreinte se finisse, pour que l’avenir reprenne ses droits, pour que leur bulle éclate au profit de la réalité d’une union bénie par le malheur de sa famille. Il le savait, et ce n’étaient pas les chimères attendrissantes qu’il débitait qui y changerait quoi que ce soit. Le regret, encore une fois, l’envahit, alors qu’il contemplait quel piètre parti il était. Quelque part, son orgueil en souffrait autant que son honneur tellement malmené, tant la honte le prenait souvent, en pensant que le castel familial n’avait su résister à la poussée sauvageonne. Maedalyn était la clé de son futur … d’où ses espoirs, si lourds à porter pour la jeune femme, il en avait conscience. Sa question le surprit, néanmoins, le tirant totalement de ses pensées, et il répondit du tac-au-tac, sans vraiment réfléchir plus avant :

« Oui, évidemment. »

Sachant pertinemment que c’était peut-être là une réponse à la fois trop définitive et insuffisante, il prit une profonde inspiration, chassant sa mélancolie passagère, pour élaborer :

« Je veux dire, j’ai toujours su que mon statut d’héritier me prédisposait à continuer ma lignée et perpétuer mon nom, encore qu’avec quatre frères, cela n’aurait finalement pas été un drame si ce n’avait pas été le cas … Mais cette perspective ne m’a jamais parue … difficile à accepter, ou même à considérer. Je ne me suis jamais vu … sans enfants. D’abord parce que … j’aime les enfants, jouer avec, les regarder grandir … C’est assez fascinant. Et puis, j’ai grandi dans une grande famille. Avoir des enfants me paraît presque … naturel. Au-delà du devoir. »

Il la regarda doucement, avant de dire :

« Je ne peux pas vous assurer que je serais un bon père. Mais je peux vous promettre que j’aimerai les enfants que vous me donnerez, Maedalyn. »

Toujours sans la lâcher du regard, ses prunelles devenant particulièrement intense, il ajouta :

« Je sais que je place beaucoup de pression sur vos épaules à vous parler ainsi, parce que j’ai bien compris que vous n’envisagiez guère le mariage ou la maternité … Au moins à si court terme. Mais … Vous représentez le futur de la maison Glover certes … et aussi le mien.

Je ne peux pas nier que je désire des enfants pour avoir des héritiers et pour reconstituer ma famille. Ce n’est juste … pas l’entièreté de mes raisons. En d’autres circonstances, j’aurais également voulu de cette descendance, même si j’avais été cadet ou que … »


Il n’acheva pas, l’émotion le gagnant. Un silence s’installa, avant qu’il ne chuchote doucement :

« Je suis désolé de vous infliger mes fantômes. »

Vint le sujet de Motte-la-forêt, avec un nouveau cortège d’ombres. Il vit l’horreur se peindre sur le visage de son épouse, et comprit que c’était une chose d’entendre parler du sac d’une ville, mais que c’en était une autre d’écouter les conséquences si crues de tels actes. Sans doute que les hommes ne s’étaient guère appesantis auprès des femmes sur l’ampleur des déprédations sauvageonnes, pour ne point les choquer. Cependant, Bowen considérait que son épouse, puisqu’elle prendrait bientôt en main leur domaine, devait avoir une vision claire de la situation, quitte à éveiller en elle des sentiments douloureux.

« Je vous remercie de … votre compréhension à leur égard. Je sais que ce sont là … des questions douloureuses, et j’ai en horreur de devoir vous dépeindre de tels agissements … Mais je crois qu’il vaut mieux que vous ayez réellement conscience de ce que nos gens ont subi.

Outre Ser Forrester, vous pourrez parler avec Magda … C’est une de nos cuisinières, et elle connaît tout le monde dans les environs. Elle avait beaucoup d’affection pour ma mère … Je suis sûr qu’elle vous aidera à trouver vos marques, pour peu que vous n’ayiez rien contre le ragoût de mouton à la paludière. Sinon, il est possible qu’elle vous en veuille. »


Il essayait d’alléger son propos, au regard de ce qui allait suivre :

« C’est l’épouse d’un de mes gardes. Un vrai colosse. Ils avaient cinq enfants … Ils sont tous morts pendant l’attaque. Elle est grosse, encore, mais ils ne savent pas si l’enfant est de son mari ou … »

Des sauvageons qui l’avaient violé pendant des jours …

« Navré, je vous parle de tous ces gens que vous ne connaissez pas … Je vais finir par vous effrayer tout à fait. »

Heureusement, la suite put alléger considérablement l’atmosphère, et c’est avec un sourire légèrement taquin qu’il répondit à la nouvelle question de sa femme, non sans une réelle honnêteté tout de même :

« Comment le pourrais-je ? Alors que je n’en ai qu’effleuré toutes les promesses ? »


L’entendre le complimenter lui fit énormément plaisir, ce qu’il n’essaya pas vraiment de cacher. Il avait craint que sa femme ne saute sur l’occasion pour s’en aller, le devoir de la nuit de noces accompli. L’entendre choisir de rester à ses côtés l’emplissait d’une joie réelle, car il avait la certitude que ses actions n’avaient définitivement pas été mal interprétées, ou que Maedalyn ne l’avait pas en horreur. Au vu des circonstances de leurs épousailles, c’était déjà une avancée conséquente. Sans même s’en rendre compte, alors qu’elle s’installait contre lui, il l’entoura de ses bras et la serra contre lui, savourant simplement sa présence, sa chaleur, au creux de ses doigts, avant de murmurer à son oreille :

« Je suis heureux que vous soyez restée. »


Il ne se sentait pas obligé d’élaborer davantage. Il était certain que ses mots parlaient d’eux-mêmes.

« Que voulez-vous savoir d’autre ? Et puis … Aurais-je quelques réponses à mon tour ? C’est que je ne désire pas monopoliser la parole … Et puis je suis curieux aussi.
Y a-t-il un endroit que vous aimeriez visiter un jour ? »


La question pouvait paraître étrange, car elle ne portait pas directement sur ce qu’aimait ou était Maedalyn. Et pourtant, d’après Bowen, les rêves en disaient souvent bien plus que la réalité …

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MessageSujet: Re: Et nous avons des nuits plus belles que vos jours [Tour V - Terminé]   Et nous avons des nuits plus belles que vos jours [Tour V - Terminé] EmptyMar 12 Déc - 23:46

Sa réplique finement retournée lui arracha un sourire. Un sourire qu’elle ne cherchait plus à dissimuler ce matin. Tout simplement parce qu’elle n’y pensait plus. Depuis la vieille, elle partageait son corps avec un homme. Plus il posait ses mains sur elle, moins elle se sentait gênée. Et plus elle goutait à ses lèvres, plus elle les appréciait. C’était étrange tout de même. Il n’était marié que depuis la veille et pourtant, elle se sentait déjà assez à l’aise pour oublier ses craintes, ses inquiétudes et toute cette machination qu’elle s’était faite sur le mariage depuis bien longtemps. Mais comme tout mariage, celui-ci avait eu lieu pour une seule et une seule chose, assurer la lignée de celui qui serait son époux. Lui donner un enfant devait être son premier objectif. Il était malheureux de dire qu’elle avait été élevée pour cela, mais la réalité était comme telle. Maedalyn avait repris ses aises dans ce lit qu’était devenu le leur tout en le questionnant sur cette volonté d’avoir des enfants, au-delà du fait que c’était leur dessein à tous les deux. Sa réponse fut celle qui était attendue. Il n’y en avait pas d’autre. En soit, ils se devaient de faire en sorte que Maedalyn tombe enceinte le plus rapidement possible. Surtout pour la jeune femme. Rencontrer des difficultés pour tomber enceinte pourrait mettre à mal son mariage et son époux par la même occasion et ils le savaient. « (…) Je ne me suis jamais vu … sans enfants. D’abord parce que … j’aime les enfants (…) » Avoir des enfants semblait être pour lui plus naturel qu’un devoir. Même si finalement, cela en était un. Rassurante réponse qui fit sourire affectueusement Maedalyn.

« Je dois vous avouer que… je n’ai, en réalité, jamais pensé à être mère. Je n’ai pas eu de frère ou sœur plus jeunes que moi et dont il aurait fallu m’occuper. Je suis comme vous, à me demander si je serai une bonne mère. Si même, j’aurais des enfants... si les Dieux me permettront d’en avoir. » Maedalyn n’avait pas d’avis sur les enfants. La vie ne lui avait pas donné l’occasion d’en côtoyer beaucoup, étant la plus jeune de sa fratrie. Et jusqu’à aujourd’hui, c’était plus le mariage qui avait obnubilé ces pensées que le fait de devoir bientôt procréer. Bien que l’un soit la conséquence de l’autre. Mais elle craignait, comme toutes les femmes, l’infertilité.

« Vous représentez le futur de la maison Glover certes … et aussi le mien. » Cette phrase résumait bien la situation : désormais, leurs destins étaient liés. Mais c’est lorsqu’il précisa qu’elle représentait le futur de sa maison mais également le sien que son cœur se serra. Peut-être à tords. Elle semblait prendre cette phrase pour elle, alors qu’en réalité, le discours aurait été le même si une autre jeune femme se trouvait à sa place.

« Vous auriez eu le même discours si votre destin avait été lié à une autre jeune femme, à n’en point douter. Je veux dire… que nous nous convenions ou pas, nous devrons composer l’un avec l’autre. » lança-t-elle, peut-être avec un pointe de jalousie bien dissimulée.

« Je suis désolé de vous infliger mes fantômes. » cette phrase lui serra le cœur. Voyant l’émotion gagnant Bowen, elle posa instinctivement sa main sur la sienne. Elle caressa de son pouce le dessus de celle-ci glissant ses doigts fins au creux de sa paume. « Ne vous excusez pas, Bowen. Nous avons tous nos démons. »

« Navré, je vous parle de tous ces gens que vous ne connaissez pas … Je vais finir par vous effrayer tout à fait. »
« Je ne suis pas certaine d’arriver à retenir tous ces noms… Au-delà de ça, j’ai vécu dans un environnement plutôt favorable et préservé de tous les vices des hommes ou presque. Ils peuvent parfois être d’une cruauté sans nom − sans même en avoir été témoin, je n’en doutais point. »

Non, Maedalyn n’avait pas prévu de rester trainailler au lit et encore moins en compagnie de celui qui serait l’homme qu’elle devrait épouser. La jeune femme avait en réalité, plutôt prévu de s’échapper le plus tôt possible, en s’extirpant discrètement de cette couche où elle aurait passée, à coup sûr, une mauvaise nuit. Une nuit de noce qu’elle avait imaginé vivre dans la douleur et le dégout. Mais la réalité avait chamboulé ses plans. Balayé ses projets d’évasion matinale. Effacé ses craintes de douleur. Il n’en avait été rien. Elle était restée. Bowen n’était pas cet époux égoïste et abject qu’elle s’était indûment imaginé. Il n’avait rien à voir avec les conceptions tant imaginées.

« Je suis heureux que vous soyez restée. »

Elle aurait voulu lui répondre qu’elle aussi, elle était contente de ressentir l’envie de rester auprès de lui. Que jamais elle n’aurait imaginé rester et de surcroît, ressentir au fond d’elle, l’envie de ne pas partir. Mais elle n’en fit rien. Ses lèvres restèrent closes. Elle lui en avait dit suffisamment et sa réponse lui confirma qu’il avait compris. Elle lui avait souri. D’un sourire quelque peu troublé mais authentique. Maedalyn remarqua que sa main était toujours posée dans la sienne.

« Comment le pourrais-je ? Alors que je n’en ai qu’effleuré toutes les promesses ? »
« On se lasse parfois vite… de la nouveauté, des personnalités, des gens et des idées que l’on s’en fait… j’espère que, ce que vous semblez apprécier ne serait-ce qu’un peu aujourd’hui, sera encore là demain et les autres jours. » La peur de décevoir était bien présente, et puisqu’elle semblait capté l’attention de son époux en ce lendemain de mariage, elle savait que l’étincelle de la nouveauté ne perdurait parfois pas bien longtemps.

« (…) Aurais-je quelques réponses à mon tour ? »
« Évidemment… Je vous écoute. »
« Y a-t-il un endroit que vous aimeriez visiter un jour ? »

Sa question, néanmoins, la troubla. Elle plissa légèrement les yeux, se concentrant. Elle ne s’attendait pas à ce type de question. Elle aurait cru que Bowen allait la questionner en restant sur les sujets qu’ils avaient abordés : il n’en fit rien. Cet homme était vraiment singulier. Mais il avait l’art de la laisser sans voix, pour différentes raisons.

« C’est une question surprenante… Et bien… » traîna-t-elle en longueur. « …si j’avais l’occasion de voyager un jour… je désirerais plutôt visiter des lieux radicalement différents de ce dont j’ai toujours connu. Dorne pourrait être une région adéquate et intéressante… Il paraît que les paysages y sont magnifiques…très exotiques. Mais, ce serait un très long voyage… trop long. »

Sa main. Toujours au creux de la sienne, ne s'était guère éloignée. Passant ses doigts sur le dessus de sa main elle traçait, d'une simple caresse effleurée, un chemin de ses phalanges à son poignet. De son poignet à ses doigts.

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MessageSujet: Re: Et nous avons des nuits plus belles que vos jours [Tour V - Terminé]   Et nous avons des nuits plus belles que vos jours [Tour V - Terminé] EmptySam 23 Déc - 18:36

Jamais Bowen ne s’était imaginé dans un mariage stérile. C’était idiot, et un brin puéril, d’avoir toujours assumé que ses épousailles ne pouvaient mener qu’à la procréation, alors même que sa sœur avait tellement souffert pour mettre au monde son seul fils, alors que sa propre mère avait eu quelques difficultés avant que les dieux ne lui sourient à nouveau et ne lui octroient quatre fils vigoureux. Malgré tout, la pensée qu’il ne puisse être père ne l’avait guère effleuré. Pour lui, cela était tellement naturel qu’il n’imaginait point que le sort lui soit défavorable. Evidemment, maintenant que Maedalyn le mentionnait, il se rendait compte à quel point il avait oublié ce détail crucial. Enfin, de toute manière, il n’avait pas de bâtards pour lui indiquer de sa propre fertilité, et ne comptait pas en avoir, par conséquent, il ne reprocherait certainement pas quoi que ce soit à sa femme si d’aventure le pire se produisait. Et à vrai dire, si cela n’avait pas été le cas … Sans doute qu’il aurait pris cela comme une punition des dieux pour avoir songé, fol qu’il était, qu’il pouvait contourner le châtiment ayant été infligé à la maison Glover par ses propres moyens. Peut-être que la maladie de son père aurait dû être un signe, comme pour lui montrer qu’il n’avait pas à prendre en charge ce genre de choses, lui qui demeurait l’héritier et non le Lord … Doucement, il serra les doigts de son épouse entre les siens, et souffla dans un murmure :

« Nous vivrons selon leurs volontés. S’ils nous en accordent … Nous les célébrerons. Et si ce n’est pas le cas … Mon frère fera ce qu’il est attendu d’un noble nordien.

Mais je sais … Qu’il faut toujours espérer, en la matière. Ma sœur et son époux ont connu bien des douleurs, avant la naissance de mon neveu … Et pourtant, finalement, les dieux ont daigné leur accorder un héritier vigoureux et solide. Je ne doute pas que nous y parvenions à notre tour. »


Il ajouta, avec un joli sourire :

« Et puis … Je suis sûr que Lord Cerwyn serait heureux d’avoir des petits-enfants, et votre frère des neveux et nièces … Enfin, quand il aura cessé de vouloir m’assassiner pour vos épousailles, comme tout frère qui se respecte. »

Le clin d’œil qu’il lui adressa montrait que Bowen taquinait la jeune femme plus qu’il ne cherchait à médire sur son désormais beau-frère. Il ne se souvenait que trop bien de son propre ressentiment à l’encontre de Lord Manderly quand sa sœur lui avait été accordée, pour ne pas savoir parfaitement que l’aîné de la maison à la Hache avait dû vivre une nuitée passablement désagréable, à se demander comment sa sœur allait, si tout se passait bien, si l’homme entre les mains desquelles il était ne se comportait pas comme un mâle vulgairement empressé de conclure son affaire. Sans doute aussi qu’il craignait, à juste titre, de voir sa sœur dans un château à moitié effondré et obligée de trimer au bras d’un seigneur réduit à vivre d’expédients par la force des événements. Cela, il ne le comprenait que trop bien, pour l’avoir ressenti plus d’une fois. Qui était-il, pour lui imposer de telles conditions ? Parfois, il se trouvait tellement cruel envers Maedalyn qu’il s’horrifiait lui-même. Elle avait toutes les raisons de le haïr … Et le fait que ce ne soit pas vraiment le cas, le stupéfiait. Rien que le fait qu’elle reste avec lui, ainsi, était presque trop beau pour qu’il y croit réellement. Pris d’une impulsion subite, il se redressa un peu, faisant face à la jeune femme, liant leurs mains ensembles par la paume en un geste de promesse, le Poing du Nord déclara :

« Peu importe ce que l’avenir nous réserve. Je vous jure que votre père ne regrettera pas son choix. Que Ser Rodrick sera fier de m’avoir comme beau-frère. Et que vous n’aurez pas à rougir du nom que je vous ai donné.

Je ferai de vous une dame que tous traiteront avec déférence et respect. Je vous le jure, Maedalyn : je m’élèverai, je me battrai pour vous offrir le meilleur … Pour devenir un homme que vous serez satisfaite de déclarer votre époux.

C’est un serment que je vous fais. »


Le futur de son ton était impératif. Point de conditionnalité dans cette promesse, mais le feu qui brûlait dans ses prunelles en disait assez pour exprimer l’étendue de sa résolution. Il ne savait comment, il ne savait quand … Mais viendrait un jour où tous s’inclineraient devant son épouse, par crainte d’encourir l’ire de son mari. Il n’avait jamais éprouvé l’once d’une ambition pour lui-même, certes, sauf que maintenant qu’il était responsable d’une autre vie que la sienne, dans de telles circonstances, il se surprenait à rêver des hauteurs, parce qu’il lui semblait inconcevable que sa femme ne subisse toute son existence la vie de femme d’un petit seigneur appauvri, à la réputation morbide. Il deviendrait quelqu’un, pour elle. Pour leurs enfants, s’ils venaient un jour. Il consacrerait toute son énergie, toute sa rage au Nord, et un jour, la récompense de ses efforts arriverait. Parce qu’il n’avait pas épousé toutes les autres. Parce que …

« C’est vous que j’ai choisi, Maedalyn. Pas une autre. Et c’est à vous que je fais ces promesses. »


Il ne voyait pas quoi lui répondre d’autre. Aurait-il été pareil avec une autre ? Peut-être. Aurait-il eu la même patience, les mêmes préventions ? Il n’en savait rien. Il y avait tellement de circonstances possibles … Si les choses avaient été différentes, il aurait pu trouver l’amour, se sentir déchiré, ou bien être lié à une femme qui lui aurait répugné … Il y avait tellement d’inconnues à cette équation qu’il préférait ne pas se poser de questions, finalement. Il avait fait un choix. Il s’y tiendrait, en dépit des possibles conséquences, des malheurs éventuels.

« Votre père … Il a préféré vous protéger, n’est-ce pas ? Après … son veuvage ? »

Il n’osait pas évoquer le décès de lady Cerwyn directement, craignant de raviver un souvenir douloureux chez sa femme. Cependant, il imaginait parfaitement Lord Cerwyn tout passer à sa fille, pour un peu que cette dernière ressemble à son épouse et qu’il ait entretenu de tendres sentiments envers son épouse. Ou alors, elle était simplement devenue la seule femme d’importance dans son existence, et les pères pouvaient être faibles envers leurs uniques filles, leur passer quelques caprices de jeunesse tout en étant d’une rare fermeté à l’encontre de leurs garçons. Gentiment, il passa sa main dans son dos, comme pour la convaincre qu’il ne s’envolerait pas, pas immédiatement du moins, et continua leur conversation :

« Je vais vous faire une confidence, ma dame : la nouveauté ne m’a jamais intéressé. Voyez-vous, je suis homme à aimer la période où l’on s’acclimate … Où l’on s’habitue. Il y a un charme plus agréable à la familiarité retrouvée qu’à la frivole nouveauté, du moins, à mon humble avis. »

Il espérait l’avoir rassurée, tout en sachant que seul le temps dirait si tous deux parvenaient à se plaire durablement, et en cela, il estimait que la solution viendrait essentiellement de leur entente de tous les jours. Bowen, après tout, n’était pas homme à désirer ce qui l’agaçait, et avait toujours affiché une certaine perplexité face aux histoires tortueuses de certains de ses camarades. Autant se l’avouer : le jeune homme avait des goûts de grand-père amoureux de sa tranquillité au coin du feu.

« Effectivement, vous avez choisi le strict opposé du Nord ! »

Un rire lui avait échappé, qu’il réprima rapidement, même s’il devait avouer qu’il trouvait cette réponse amusante … Et intéressante aussi. Son épouse souffrait de la pesanteur des traditions nordiennes ? Peut-être.

« Cela serait sûrement fort dépaysant … Quoique je dois admettre que la neige me manquerait. Et la franchise nordienne, également. »

Les mœurs sudières n’étaient décidément pas vraiment à son goût. Surtout les dorniennes : cette licence libidineuse heurtait considérablement son sens de l’honneur et des convenances.

« Je dois avouer être moins aventureux : j’ai toujours voulu visiter Corneilla, dans le Conflans … Voir où ma mère avait grandi, où mes parents se sont rencontrés ... »

Il était fort possible que la guerre le mène jusque chez les Nerbosc, ironiquement. Ce n’était néanmoins pas ainsi qu’il aurait aimé connaître les terres d’une partie de ses ancêtres …

« Après, je dois avouer que depuis le départ de mes cousines pour l’Ouest, m’est venu le désir de leur rendre visite un jour au Roc. Pour admirer, dans quelques années, les héritiers du Lion et, si les dieux le veulent, leur présenter la nouvelle génération des Glover … »

La serrant doucement, contre lui, il ajouta, au creux de son oreille :

« Peut-être que, ce jour-là, nous pousserons au sud pour goutter d’autres vins de Dorne, et ils nous rappelleront nos épousailles … »

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MessageSujet: Re: Et nous avons des nuits plus belles que vos jours [Tour V - Terminé]   Et nous avons des nuits plus belles que vos jours [Tour V - Terminé] EmptyMer 27 Déc - 20:38

Dans son discours, Bowen ne laissait paraître aucune animosité, aucun ressentiment, s’il s’avérait qu’il n’ait jamais d’enfant un jour. Se confortant dans le fait qu’heureusement, son frère serait là pour assurer la descendance des Glover. Se conformant à la volonté des Dieux, il se résignerait au fait que sa femme ne puisse lui donner un enfant. Il y avait une telle attente de la part de tous concernant Maedalyn et la progéniture qu’elle serait capable de procréer. L’utilité, que dis-je, l’intérêt premier d’un mariage résidait dans le fait de perpétuer la lignée. Lord Cerwyn, attendait, bien évidemment, que sa fille honore le blason de sa maison de naissance et qu’elle offre des petits-enfants à son père.

« Mon père serait fier d’avoir des petits-enfants, bien qu’il ne les verra peut-être que trop peu... Vous pensez donc que mon frère vous en veut ? Et qu’elle serait la raison, d’après vous… de lui avoir retirer sa chère et tendre sœur ? »

Son sourire démontrait bien qu’elle aussi plaisantait à propos de son frère. Quoi qu’elle pensait ne pas être loin de la vérité.

« Vous qui avez une sœur, qu’elle a été votre ressenti quand elle a été promise à son époux ? Je suis convaincue que vous êtes un homme protecteur envers les personnes qui vous sont chères…»

La déclaration qui suivait surpris la jeune femme. Il lui promettait de la rendre heureuse d’être son épouse. D’être une Glover et non plus une Cerwyn. Bientôt, il le lui promettait, elle ne serait plus la lady d’un château de ruine, d’un château fantôme. Il était vrai qu’en l’état, Maedalyn pouvait se dire que ce mariage ne lui était pas avantageux. Et sur le papier, c’était pourtant bien le cas. Une famille décimée et un domaine en ruine. C’était sans compter sur la prestance du nom Glover et de la position de Bowen auprès des Stark. Voilà ce qui avait fait la différence, pensait-elle, auprès de Lord Cerwyn, pour le convaincre d’accepter de donner sa fille unique à Bowen Glover. Le tout, soutenu par l’ancien roi du Nord, Torrhen Stark. Ses fines mains, enfermées entre les siennes. Des promesses aux bords des lèvres, jurant que bientôt elle serait fière d’être une Glover. Bien qu’elle ne doutât pas de la volonté de son mari, la réalité des desseins personnels n’étaient pas souvent aisés dans ce monde d’hommes.

Les promesses étaient belles, mais la réalité bien plus perfide. L’espace d’un instant, Maedalyn s’était laissé à s’imaginer qu’un jour, peut-être, elle sera bien plus que lady Glover. Elle avait envisagé, l’espace d’un instant qu’elle serait connue et reconnu bien au-delà des frontières de Motte-la-Forêt. A entendre son nouvel époux, un jour peut-être elle sera fière de s’appeler Maedalyn Glover. Il était vrai, elle devait l’avouer, qu’elle ne ressentait aucune fierté particulière à porter le nom de Bowen. Elle se l’avouait à elle-même mais était loin d’assumer de devoir l’avouer à son époux. Non, mieux valait-il garder bouche close.

Bowen avait, effectivement, choisi Maedalyn parmi tant d’autres. Au contraire de la jeune femme qui n’avait fait que de se soumettre aux volontés des hommes. Elle, n’avait pas choisi Bowen et ce dernier le savait très bien. En revanche, elle restait convaincue que le discours qui sortait de ses lèvres aurait été probablement le même s’il en avait épousé une autre. Cette « autre » aurait reçu les mêmes attentions, les mêmes mots ainsi que les mêmes caresses. Mais passons…

Bowen aborda le délicat sujet de la mort de sa mère. Maedalyn ne souhaitait pas ouvrir cette porte verrouillée maintenant. Elle préférait ne pas ouvrir cette boîte dans laquelle était enfermée toute la douleur que la jeune femme pouvait ressentir concernant le décès de sa mère et la solitude qu’elle avait ressenti.

« J’étais… proche de mon père bien avant que ma mère nous quitte. Je suppose qu’il n’a fait que compenser le manque que j’avais.  Mon père m’a toujours gâtée, mais je n’ai jamais été une enfant capricieuse. »

L’avis de Bowen sur la question de l’habitude liée à la fidélité surpris Maedalyn. Comment un homme pouvait-il avoir cet avis sur un sujet où la plupart des hommes répondrait l’inverse ? Maedalyn croyait dans l’amour, le vrai. Son père disait d’ailleurs d’elle qu’elle était amoureuse de l’amour. En revanche, la jeune femme ne croyait pas que l’amour, tel qu’elle l’attendait, pouvait se trouver dans les mariages de convenance. Les hommes étaient les spécialistes de l’amour volage, de l’amour éphémère, des émois passagers jusqu’à trouver une autre belle âme sur laquelle se pencher. La fidélité ne faisait pas partie du tableau. Elle savait les hommes frivoles et infidèles en règle générale. Nuls espoirs qu’elle soit tombée sur l’exception. Un jour… peut-être demain, il détournera son intérêt d’aujourd’hui pour d’autres beaux yeux que les siens. Et en soi, rien ne la dérangeait en cela, si ce n’est que son égo bel et bien présent. Car, il était encore bien trop tôt pour que son cœur s’en offusque.

« Vous voilà bien différent, je l’avoue. Un homme qui se contenterait d’une seule et même peau, d’un seul et même cœur, des bras d’une seule et même femme… » elle resta silencieuse à le regarder. « Cela en deviendrait presque fascinant… » elle sourit presque honorée d’avoir entendu ce discours. Que celui qui l’eu prononcé soit son époux. Bien évidemment, pour cela, il fallait que les deux protagonistes aient un certain intérêt l’un pour l’autre. L’auront-ils ? Le temps, uniquement, le leur dira.

Lorsqu’il murmura à son oreille, son cœur bâti fort dans sa poitrine. Maedalyn reprend-toi, par pitié. Tu ne le connais réellement que depuis la nuit dernière. Comment pouvait-il faire battre autant son cœur ? Lui, ce Glover qu’elle ne connaissait que trop peu. Malgré le fait qu’ils se soient autrefois déjà rencontrés, jamais ils n’avaient été aussi proches que maintenant. Maedalyn, d’habitude si fermée, semblait s’ouvrir, petit à petit. Mais c’était déjà beaucoup en si peu de temps. Intérieurement, elle se suppliait de ralentir son emballement. Son enivrement était tel qu’elle s’ordonnait de le balayer d’un revers de main. Celui-ci semblait revenir inlassablement à toute vitesse, en plein cœur.

« Peut-être même que cela nous remémorera de bons souvenirs. » confirma-t-elle en un murmure, en posant son regard dans le sien. Elle le détourna bien rapidement, ressentant une gêne qui l’envahit dans tout son être.

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MessageSujet: Re: Et nous avons des nuits plus belles que vos jours [Tour V - Terminé]   Et nous avons des nuits plus belles que vos jours [Tour V - Terminé] EmptySam 6 Jan - 19:57

« Vu les regards courroucés qu’il m’a lancé toute la journée d’hier en vous couvant des yeux comme si vous étiez la perle de son existence … Je ne doute pas un instant que ce soit le cas. Mais je le comprends : aucun homme n’aime laisser sa sœur à un autre. »

Penser à sa propre réaction face au mariage de son aînée suffisait à corroborer ce fait. Certes, à l’époque, il était beaucoup plus jeune … Il n’était qu’un gamin de quatorze ans à peine et avait mûri depuis. Il eut cependant été mensonger d’assurer que, si l’union d’Alysane avait été célébré, dans les mêmes circonstances qu’à l’époque, une fois adulte … Il n’aurait pas réagi de la même manière. Peut-être qu’il n’aurait pas été aussi virulent, certes, néanmoins, il avait fallu de nombreuses années pour qu’il parvienne à faire confiance à son beau-frère, et à l’apprécier. Aujourd’hui, leur relation était apaisée, cordiale, amicale presque, essentiellement grâce aux efforts de la dame de séant pour convaincre le premier qu’elle était heureuse au bras du sire de Blancport, et le second que son cadet ne désirait que son bonheur et n’avait aucune animosité réelle à son égard. Nul doute que la naissance de Benjen avait fortement contribué à unir les deux hommes également, Bowen démontrant à chaque fois qu’il en avait l’occasion toute son affection pour cet enfant qui faisait la fierté du Manderly, lui qui n’avait eu jusque-là que des filles. Un furtif instant, le Glover se rappela de la mine réjouie de ses parents à chaque fois qu’il voyait leur premier petit-fils, les lettres enjouées que sa mère lui avait envoyé au moment de sa naissance … En un sens, ce brin d’homme avait uni profondément les maisons au Poing et au Triton. Il espérait que son union avec Maedalyn aurait le même effet sur les Cerwyn.

« Ce fut l’unique fois où Edwyle et moi avons fait front commun contre une décision de Père. Inutile donc de préciser que la nouvelle ne m’a pas ravi, à l’époque, et que les quelques corbeaux que j’ai pu échanger avec lui n’ont pas été particulièrement chaleureux. »

Lord Galbart avait tempêté contre ces deux fils aînés qui ne comprenaient rien aux nécessités stratégiques de telles épousailles … Et c’était en partie vrai. Aucun d’eux n’avait cela en tête, les deux garçons pointant du doigt la réputation de Lord Manderly pour refuser ce mariage. Pour ces adolescents, seul le bien-être de leur sœur comptait, et à leurs yeux, le Triton ne remplissait aucunement les conditions pour pouvoir l’assurer. Ils s’étaient trompés, certes, cependant, Bowen ne regrettait pas cet éclat. Il s’était affirmé, à cet instant, avait appris à émettre un avis tout en sachant pertinemment qu’il ne serait aucunement partagé par son destinataire. Il avait assumé sa franchise naturelle, sa volonté de dire les choses, même s’il était en minorité, d’oser parfois sortir des sentiers battus pour effectuer des propositions qui, si elles pouvaient heurter les croyances de certains, n’en demeuraient pas moins capitales à ses yeux. En un sens, cette dispute familiale apparemment anodine avait contribué à forger l’homme qu’il était.

« J’avais quatorze ans, et on mariait ma sœur adorée avec un homme beaucoup plus âgé, déjà veuf, père de deux filles et qui surtout avait conçu une bâtarde … Comment être certain qu’il traiterait Alysane avec le respect qui lui était dû ? Il était … légitime de concevoir des doutes à son encontre.

Il n’aurait sans doute pas été facile de laisser partir ma sœur, peu importe son époux … Mais le choix de Père était vraiment l’un de ceux qui me paraissait le pire. Je ne crois pas avoir desserré les dents de la cérémonie, d’ailleurs. »


Doux euphémisme. Le regard meurtrier qu’il avait envoyé à Byron au moment du coucher resterait dans les annales comme l’un des plus mauvais signaux envoyés à un jeune marié par un beau-frère revêche.

« Le cours des événements m’a donné tort, heureusement. Mais j’ai juré à Lord Manderly que s’il faisait du mal à ma sœur, il le regretterait. A la réflexion, il a dû bien rire, en voyant un môme comme je l’étais le défier de la sorte.

Alysane est heureuse avec lui. Il a été très respectueux dès le début, et c’était, au fond, tout ce que je lui demandais. J’ai appris à l’apprécier, et notre relation est tout à fait cordiale aujourd’hui. Je crois que c’est un homme de valeur, qui a peut-être mûri avec l’âge et la venue de son fils. En tout cas, je lui sais gré d’avoir accepté d’abriter nos épousailles. »


Presque timidement, il serra les mains de sa femme, comme pour lui assurer de son soutien alors qu’elle se remémorait des moments difficiles. Il comprenait bien à quel point parler d’un parent décédé était délicat. Plus que quiconque, sans doute, et ne désirait pas infliger de douleur supplémentaire à sa dame. Peut-être qu’un jour, elle parviendrait à lui en parler, tout comme lui arriverait à exprimer les démons qui le rongeaient. C’était trop tôt, évidemment. Cela ne signifiait pas pour autant qu’il ne gardait pas ces confidences en mémoire.

« Je n’en doute point. Je me demande quelle enfant vous étiez … Petite lady en devenir, ou bien jeune rebelle en quête d’indépendance ? »

Il la taquinait, bien sûr. Il n’imaginait pas Maedalyn adolescente comme l’était actuellement Lyanna Stark, par exemple. Peut-être qu’elle allait le surprendre, certes, mais … Il ne la voyait pas vraiment avide de batailles et de combats. En revanche, aimant sa liberté … Oui, c’était possible. C’était même plutôt cohérent avec leurs premiers échanges, où avait pointé une ardente envie d’être quelqu’un, d’être libre. Il avait, en toute conscience, détruit ces rêves-là. Bien sûr, si ce n’avait été lui, c’eut été un autre homme, car il ne pouvait concevoir que Lord Cerwyn conserve éternellement son unique fille exempte de mariage. Il avait besoin, lui aussi, d’obtenir des alliances, de renforcer sa position au sein de la cour du Nord. Cela ne l’empêchait pas de sentir coupable, malgré tout. S’empressant de chasser ce vilain sentiment qui l’assaillait, il poursuivit galamment la discussion :

« Peut-être qu’à trop se perdre dans différents bras, certains en oublient le charme d’une connaissance mutuelle. »

Sans qu’il ne s’en rende compte, sa voix avait pris un ton plus grave, tandis que ses yeux s’emplissaient de désir. Sa bouche se colla à la tempe de son épouse, déposant sa marque, avant qu’il ne soupire sur la chair aimée :

« Il y a … le plaisir d’apprendre à connaître un corps … de se souvenir de ce qui lui plaît … »

Ses doigts caressaient délicatement ses côtes à présent.

« De retrouver des soupirs que l’on a oublié … De savoir exactement comment les provoquer … »

Sa main se glissa sous le menton de Maedalyn, lui intimant de le regarder à nouveau dans les yeux, avant qu’il ne s’approche encore plus de ses lèvres :

« J’ai peut-être besoin de me les remémorer immédiatement, ma mie. Si c’est aussi votre désir … »

Il captura doucement sa bouche, confirmant son sentiment précédent qu’il n’y avait décidément rien de plus délicieux que de retrouver des sensations si agréables, de tenter de nouvelles approches pour surprendre une femme qu’on avait aimé, et qu’on voulait encore honorer. La perspective de posséder un autre corps, d’entendre d’autres soupirs, lui était à cet instant inconcevable. Pourquoi chercher ailleurs, quand il avait déjà tant pour le contenter ?

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MessageSujet: Re: Et nous avons des nuits plus belles que vos jours [Tour V - Terminé]   Et nous avons des nuits plus belles que vos jours [Tour V - Terminé] EmptyDim 14 Jan - 17:18

Mon frère, personnage important de la vie de la jeune femme. Bien qu’il soit plus jeune qu’elle de quelques années, sa position d’héritier avait eu comme effet de rendre le jeune homme plus sérieux et impliqué qu’elle dans la vie de Castel-Cerwyn. Bientôt, le domaine serait à lui. Bientôt, tous les hommes peuplant le domaine seront sous ses ordres et son ascension avait été rigoureuse et bien fondée.

« C’est compréhensible… Je suis… la seule femme qui lui reste. »

Leur mère étant décédée, Maedalyn restait l’unique femme dans la vie de son frère. Elle savait combien il comptait pour elle. Pourtant elle ignorait combien elle pouvait compter pour lui. Maedalyn savait qu’elle comptait énormément pour son frère. Qu’ils étaient liés par des liens indéfectibles.  Les liens du sang étaient, selon elle, les plus forts qui puissent exister dans ce monde. Compter pour Joran était une évidence. Mais jamais il n’avait été question de le sous-entendre. Il est dit, d’ailleurs, que les regards ne trompent jamais et si elle croyait ce qu’en disait Bowen, son frère avait semblé maudire celui qu’on pouvait nommer aujourd’hui comme son époux. Cela l’eut d’abord fait sourire. Puis, elle réalisait alors qu’il perdait sa sœur. Et que ce regard noir avait sans doute pu dissimuler une peine. Celle de perdre l’unique femme encore vivante. La laisser à un autre homme. Un inconnu. Un nordien, certes, mais un parfait inconnu. La jeune femme ressentit soudain une immense peine l’envahir. Comme si elle abandonnait son frère. Le seul qu’elle avait.

« Mais je le comprends : aucun homme n’aime laisser sa sœur à un autre. » Elle feint un sourire.
« C’est vrai… » répondit-elle, convaincue.

Ecoutant attentivement le récit de Bowen sur son expérience avec sa sœur et son beau-frère, elle se dit soudainement que Joran était tout de même chanceux d’avoir comme beau-frère un homme tel que Bowen Glover. Même s’il ne s’en rendait pas encore compte. Comment lui en vouloir, il connaissait Bowen encore moins bien que Maedalyn. Son avis sur lui se modifiait au gré de leurs conversations, au gré des mots qui lui susurrait, au fil des actions qu’il entreprenait. Un jour peut-être celui de son frère accompagnerait le sien. Cela n’enlèverait rien au fait qu’il restait celui qui enlevait Maedalyn aux siens.

« J’étais… une enfant avec un certain caractère. Je savais déjà bien jeune ce que j’affectionnais et ce que je réfutais. C’est en grandissant que je me suis, disons… »
elle chercha ses mots « …assagie. »

« Adolescente, je commençai à discerner la dimension de notre maison, la position de mon père, le privilège de notre situation… et les responsabilités qui en découlaient. Un peu plus sur mon frère que sur moi, d’ailleurs. Moi, il m’était demandé de m’instruire, d’écouter, d’appliquer… et d’acquiescer. A la mort de ma mère de suis devenue la seule dame de Castel-Cerwyn. Je vous prie de croire qu’il n’est pas chose aisée d’évoluer dans un environnement masculin, où la seule présence féminine qui existait autour de vous s’est désormais envolée. C’est à cet instant, réellement, où je pense avoir mûri. »

Certes, son cœur s’enserra lorsqu’elle aborda la perte de sa mère. Elle ne se considérait pas comme une femme forte. Loin de là, sa perte l’avait profondément touchée. Bowen sembla basculer du tout au tout. Soit le sujet le dérangeait, soit il prenait conscience que la conversation pouvait prendre un pas dramatique. Peut-être se sentait-il légèrement coupable d’avoir ravivé quelques réminiscences peu agréables.

« Peut-être qu’à trop se perdre dans différents bras, certains en oublient le charme d’une connaissance mutuelle. »
« Satisfaite de vous l’entendre dire… »

Ses lèvres s’approchèrent de sa tempe et lorsque celles-ci touchèrent sa peau, d’autres pensées vinrent assaillir la jeune femme. Son souffle chaud sur sa peau lui rappela la nuit dernière. La voix de Bowen s’était intensifiée, plus grave qu’à l’accoutumée. Ses mains vinrent également se poser sur ses côtes, écoutant ses habiles susurrations. Ses mots touchaient un point sensible, touchaient leur but.

« J’ai plusieurs idées en tête, pour autant je n’en désirerais qu’une seule à cet instant. » elle marqua une pause, osant poser son regard dans le sien. « Remémorez-vous ce que bon vous semblera… La nuit étant passée, le jour étant venu… vous avez sans doute oublié… » répondit-elle en laissant sa phrase en suspens, répondant au baiser de son époux « …le parfum de ma peau, les formes de mon corps… » reprit-elle une fois l’étreinte terminée « …oui, vous avez probablement déjà dû oublier cela, et le reste... » poursuivi-t-elle en posant ses mains sur ses avant-bras, remontant sa caresse. Se confrontant au regard de son époux qui était devenu soudainement bien concentré.

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MessageSujet: Re: Et nous avons des nuits plus belles que vos jours [Tour V - Terminé]   Et nous avons des nuits plus belles que vos jours [Tour V - Terminé] EmptyLun 29 Jan - 19:11

« Oserais-je dire que je vous imaginais ainsi ? »

Libre et effrontée, puis mûrissant et apprenant … Oui, voilà qui ressemblait fort à Maedalyn Cerwyn, à présent Glover. Nul doute que de cette enfance moins sage, elle avait hérité son caractère piquant et sa langue habile prompte à déchaîner innocemment une moquerie ou à sous-entendre une insulte savamment tournée pour que son interlocuteur n’en prenne pas ombrage. Bowen l’avait remarqué au gré de leurs conversations, la jeune femme passant par ce biais pour lui faire comprendre que leurs épousailles n’étaient pas vraiment à son goût. Heureusement qu’il comprenait cet état d’esprit dû aux circonstances difficiles pour ne pas en prendre ombrage … et qu’il adorait les joutes verbales galantes de la sorte. A défaut d’être charmeur, il avait de l’esprit, du moins se plaisait-il à le croire, et s’il en faisait rarement la démonstration dans un but de séduction, là, il ne s’en privait pas. L’enjeu était différent. La cible aussi : faire la cour à sa fiancée, puis à sa femme, n’était pas malvenu, tant que, dans le premier cas, un homme n’excédait pas les limites de la bienséance. Quelque part, cela lui plaisait de ne pas s’être trompé sur sa femme, et de retrouver dans son récit ce qu’il estimait être le lot commun des nobles nordiens, que lui-même partageait.

« J’ai très tôt su ce que mes parents attendaient de moi, en tant qu’héritier. Je savais ce que gouverner Motte-la-forêt signifiait. Mais je n’ai réellement compris ce que voulait dire être un nordien, servir le Nord, qu’une fois au service de Sa Majesté, et au combat contre les fer-nés. »

Il se souvenait de sa peur, de son visage inquiet en voyant les lignes ennemies avancer. Du cri de l’estafette à son côté, comme quoi l’arrière-garde était prise à revers. De l’odeur de sang et de haine sur le fer-né devant lui. De l’instinct de survie qui l’avait poussé à empoigner son épée trop lourde et à balayer devant lui en grands coups de taille, pour espérer l’équarrir. De la lame adverse qui ricochait sur son plastron, le sonnant sous la violence de l’impact. Des attaches de son bouclier qui s’enfonçaient dans son bras et sa main à mesure que l’ennemi frappait sans relâche dessus, jusqu’à le percer. De l’adrénaline montant en lui, le forçant à se relever. De son arme brandie pour tuer, pour survivre. Du choc quand il avait traversé le surcot du marin. De la flagrance âcre d’un ventre percé, déchiré. De son dégoût. De sa nausée. De son vertige alors qu’il réalisait que tuer était aussi simple, qu’il comprenait ce que vivait son père, son oncle, depuis des mois. Voilà où se situait la réalité de ces devoirs, ce qu’il devait être prêt à faire chaque jour pour les Stark : mettre sa vie en jeu, ne jamais reculer, mourir pour son royaume, pour ses maîtres.

« Mais j’ai conscience que le poids des responsabilités pèse tout aussi lourdement sur les épaules du beau sexe, plus encore quand les tâches de dame d’un castel vous sont échues trop tôt. J’ai trop observé à Winterfell ce qu’a dû endurer la Princesse à l’âge le plus tendre après la mort de la Reine pour ne pas le comprendre, croyez-le bien. »

Gérer un château, les cuisines, les domestiques, les comptes parfois, accueillir des invités, connaître les goûts de chacun, auditionner musiciens et troubadours en tout genre, éduquer les dames de la famille, paraître avenante en toute circonstance, glisser le bon mot dans la bonne oreille pour flatter qui de droit et désamorcer des conflits dans l’ombre, régler les petites affaires des honnêtes gens qui préféraient la douceur et la discrétion au jugement de leur seigneur et maître, comme les paysannes des Glover en avaient l’habitude dans leurs affaires de mœurs … Cela ne s’apprenait pas en quelques jours. Il s’agissait du résultat d’une existence de dévotion et de travail. Et à dire vrai, on pouvait pardonner à un héritier un emportement ou un caractère léger, en pensant qu’il s’amenderait avec le temps. Beaucoup n’avaient pas ces largesses pour des filles autrement plus corsetées que leurs frères. La moindre maladresse à l’étiquette demeurait faute impardonnable, les amitiés étaient surveillées, limitées à ce que la bienséance autorisait, surtout avec les mâles. On pouvait côtoyer ses frères, un pupille ou un écuyer à la rigueur, des cousins. Le reste était suspect. Il n’y avait pas d’échappatoire au devoir, sauf à transgresser les coutumes et s’exposer ainsi à un juste courroux social. Et celles que leur rang protégeait était rare. N’était pas Targaryen ou Durrandon qui voulait. Au moins les hommes avaient-ils la possibilité de se perdre dans des amourettes, rares étaient ceux qui regarderaient de haut un gamin qui s’amusait à trousser des domestiques, sauf en cas de bâtard. Et encore, quelques pères voyaient là la preuve de la virilité de leur fils, l’assurance que la stérilité ne pèserait pas pour assurer la lignée, sauf à blâmer une épouse indigne. Les femmes ne le pouvaient pas, et celles qui s’y risquaient connaissaient l’opprobre ou des douleurs à nulles autres pareilles. On parlait peu de ces choses, taboues, mais Bowen se souvenait d’un de ses camarades de l’entourage royal, qui avait mis enceinte une fille de ferme. Il avait payé une rebouteuse pour faire passer l’enfant. La pauvresse n’avait pas survécu. Peut-être était-ce aussi pour cela qu’il s’était tenu à l’écart des femmes, nobles ou non. Imposer de telles souffrances à l’objet d’une tendre affection lui aurait été insupportable … et la perdre pour cela encore plus horrible. Mais cela, il ne pouvait pas le dire à voix haute. Il ne voulait pas choquer son épouse, après tout.

« Nous vous demandons beaucoup, nous les hommes … Et je crains que certains de mes pairs ne vous en savent pas assez gré. J’essayerais … J’essaye déjà, à vrai dire, de faire en sorte que vous ne le ressentiez pas ainsi. Parce que, à l’avenir, nous serons … une équipe, en quelque sorte, un tandem, et nous gouvernerons les terres Glover comme tel. Et nos filles sauront qu’elles peuvent être fière de leur mère, et d’elles-mêmes, quand le temps sera venu pour elles de quitter notre demeure. »

Comme grisé par cette perspective, le Poing du Nord se faisait plus caressant, et sa dame ne le repoussait pas. A vrai dire, elle paraissait participer à son petit jeu de séduction, même si, entre deux baisers de plus en plus approfondis, le jeune homme se demanda furtivement s’il n’y avait cependant pas dans ses dires une part d’inquiétude, qui aurait fait écho à sa crainte de le lasser. Il était difficile de calmer ces peurs-là, à moins d’avouer qu’il n’avait finalement pas tellement d’expérience auprès des femmes. Et pour le moment … Aussi idiot que cela soit, il craignait que son épouse ne se moque de lui, ou de perdre en panache auprès d’elle. Le manque de confiance en soi lardait son amour-propre de plaies vivaces, malgré les années écoulées depuis sa piteuse adolescence.

« Vous m’appâtez, ma mie, à tenir des propos aussi … délicieusement indécents. Il va falloir que je me souvienne sur le champ, alors ! »

Il était volontairement taquin, amusé, presque. Néanmoins, il reprit un instant son sérieux avant de souffler au creux de son cou qu’il mordillait désormais, amusé d’y retrouver une marque qu’il avait apposée durant la nuit, le visage caché pour que Maedalyn ne voit pas son émoi, et sa faiblesse :

« Même si … En vérité ... J’aurais bien du mal à oublier la nuit dernière … Je crains qu’elle ne reste gravée dans ma mémoire, et que son doux souvenir ne m’accompagne durant toute la campagne future. »

Il n'attendit pas de réponse, étouffant les mots sur les lèvres de son épouse en les couvrant des siennes, et entreprit de laisser libre court à ce désir qui le dévorait à nouveau. Le reste de leurs tâches respectives attendraient. Ils étaient de jeunes mariés, après tout. N'avaient-ils pas le droit de croire que le temps suspendait son vol au-dessus d'eux, et qu'il leur accordait quelques heures propices avant les adieux?

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