Enfin arrivés. Nous étions enfin arrivés. Après des jours entre la terre et la mer, à un rythme rapide, je sentais la fatigue habiter chacun de mes membres, chaque cellule de mon corps. Et pourtant, c'était bien loin d'être fini. Cela ne faisait que commencer, au contraire. Je dormais peu en règle général, mais tout particulièrement lorsque j'étais dans une tente ou sur un bateau. Mais je tenais le coup, et arrivais encore à donner le change. J'étais habituée ; je ne me faisais guère de soucis. Je n'avais guère le choix, de toute façon. IL me fallait avancer. Pour le Val, pour les enfants. Car les autres royaumes, eux, ne m'attendraient pas. Ils n'attendraient pas non plus que mon fils soit assez grand et capable de tenir un royaume. Justement. C'était le test que je lui faisais passer en ce moment, en quelque sorte. Je ne lui avais écrit directement durant le trajet, mais on m'avait fait parvenir quelques nouvelles des Eyrié, selon lesquelles tout se passait sans incident, pour le moment. Relativement bien. J'étais consciente que le temps que les nouvelles me parviennent, s'il se passait quelque chose, je serai certainement impuissante et devrait m'en remettre aux capacités de mon fils, de mon frère, et de tous ceux à qui j'avais prié de se tenir à son écoute et à son soutien. J'avais pris avec moi une partie de mes courtisans, tout de même, mais j'étais loin d'avoir ramené tous les Eyrié. Juste pour la forme, dirons nous. Et pendant le voyage, aucun de ces nobles avides n'avait perdu une occasion de m'offrir leurs beaux sourires et ronds de jambes, me rappelant implicitement que même penser au mariage de Ronnel ne pouvait réellement éloigner le mien. Oh, j'aimais jouer, mais cela en devenait redondant et lassant. A force. Comme si la fatigue d'être sur les routes n'était pas suffisantes... Il fallait y ajouter cela. Cela, et Jonos. Avec qui j'essayais de recréer des liens normaux entre une mère et son fils, mais les choses n'étaient guère aisées. J'allais sûrement devoir choisir avec lui aussi entre la mère ou l'espèce de mentor, plus dure, plus froide, que j'avais déjà imposé à son frère. Je parlais de choix, mais l'avais-je finalement ? Pas tant que cela. Encore une fois, le monde ne m'attendrait pas.

Après avoir passé beaucoup de temps avec lui, je laissais un peu de distance entre nous, alors qu'arrivés à Winterfell, nous étions accueillis en grandes pompes par nos hôtes nordiens et l'ouest, présents eux aussi depuis quelques semaines. J'imaginais Jordane fort occupée par les préparatifs du mariage de son fils, mais je trouverai bien une occasion de discuter avec elle de nos affaires. En attendant, je saluais tout le beau monde rassemblé ici. Je me débrouillais tout de même pour garder un œil sur mon jeune fils, mais je devais lui reconnaître qu'il savait se tenir et qu'il avait le droit de respirer. Je sentais bien qu'il avait déjà envie de partir explorer, de faire ses propres expériences... Il fallait dire que le Nord n'avait rien à voir avec le Val, et surtout Winterfell avec les Eyrié. Et je ne venais que d'arriver. J'imaginais que cette grande bâtisse devait sembler bien austère en temps normaux, surtout quand tous les hommes étaient à la guerre. Mais en l'instant, on ne voyait que la joie de la victoire sur les sauvageons, et des noces royales qui approchaient. On en oubliait presque que la Néra était en feu, et que ce feu pouvait se répande d'un instant à l'autre. Remarquez, le marbre parfait des Eyrié m'avait aussi souvent paru froid et austère, particulièrement ces dernières années où je m'y sentais plus seule que jamais. Mais passons. Je n'étais pas ici pour comparer quoi que ce soit, et de toute manière, découvrir un autre air ne pouvait me faire du mal. Surtout lorsque ce n'était pas dénué d'intérêt pour mon royaume. Je n'étais là pour rien d'autre, finalement. Oh, certes, j'avais de l'affection pour Lyman et assister à son mariage était un grand plaisir, Mais me déplacer pour cela, alors que la guerre gronde et que les clans des montagnes m'ont renvoyé l'un de mes émissaires sous forme de cadavre, est totalement absurde.

Je laisse mes pensées divaguer quelques instants, alors que la cérémonie d'accueil prend fin, assez rapidement finalement. Je me tiens près de mon hôte, mais il est difficile de réellement converser durant ce genre d'occasion. Néanmoins, Torrhen Stark semble bien se porter, ainsi que Jordane. Mais je m'occuperai de cette dernière plus tard. Je glisse au Roi du Nord :

« Que diriez vous que nous nous retirions dans un lieu plus tranquille pour converser ? »

Les Fer-Nés sont partout. Une embuscade au point du jour, dans les valons des Roches. Les hommes au tabard du Loup jonchent le sol et de partout nous sautent dessus des pillards depenaillés. Mailles légères, casques nasal, haches en main. Ils dépécent mes hommes. Tout devient folie et l'ennemi est nombreux. Mes hommes lâchent des cris d'alarme ou d'agonie, selon l'échéance de leur destinée. Sigyn est là, devant moi. Je la devine nue, sous sa robe d'un blanc immaculé, très échancrée. Sa robe de nuit.On cogne contre mon casque et le coup me l'arrache. Je crache un glaviot de sang et tire Hurlements. C'est elle qui m'a sorti des pires situations, pas Glace. Glace est un symbole. J'étais monté, je ne l'ai pas emportée car impossible à manier à cheval. Hurlements fait son affaire et siffle dans les airs, ouvrant un cou qui m'inonde de sang. Un autre se jette sur moi, me balance sa hache en plein visage. Je suis jeune, je suis vif. J'esquive en me penchant en arrière et lui plante ma lame entre les cotes en me redressant. Le type s'écroule en jurant et je dégage mon épée, lui aplatissant le visage d'un coup de botte en plein dans le nez. Sigyn m'appelle. Elle hurle, elle me maudit, elle me supplie, elle est là et elle crie, sa voix me cinglant l'âme. Un type s'avance et Hurlements tranche la cognée et la main avec. Un revers lui arrache la mâchoire. Quelque chose ou quelqu'un bute contre mon dos. Je me retourne, couvert de sang, le regard fou et l'épée penchée en avant pour cueillir l'impudent en pleine poitrine. Mais ce n'est que Brandon. Bran qui me regarde, un sourire sauvage sur les traits. Nous hurlons un féroce cri de guerre et nous jetons en avant, semant la mort en duo. L'ennemi est bientôt défait. Et lorsque je me retourne, les vois tous deux. Bran et Sigyn. Enlacés et couverts de sang, ils disparaissent, s'éloignent à toute vitesse.


Je me réveille en sursaut, la bouche pâteuse. Fébrile. Haletant, couvert de sueur.


Je mets une bonne heure à reprendre mes esprits, et prends un bain brûlant alors qu'il fait encore nuit. Je titube pendant qu'on m'habille, qu'on me pare de mes mailles, de ma tunique grise, frappée du Loup. Je ceins Hurlements, dont je caresse le pommeau. On m'aide à enfiler mes bottes. On me taille la barbe, on me coiffe. Je suis fin prêt, lorsque vient l'heure d'accueillir l'Aigle. Sur les marches de la forteresse, entouré de toute ma famille et de tout ce que le Nord compte comme nobles, soldats et commerçants, susceptibles d'être présentés à la Reine de la Montagne et sa suite, nombreuse. Partout sont déployées les bannières aux couleurs des Stark, Arryn et Lannister. Peut être le signe d'une nouvelle ère. Il n'échappe à personne que je marche à l'aide d'une canne, pourtant mon pas se fait plus assuré au fil des semaines. Bientôt, un jour prochain, je n'en aurais plus besoin. Mes entraînements quotidiens me faisaient souffrir et me laissaient vidé de toute force, mais j'avais une résolution d'acier. Il ne faisait aucun doute qu'un jour prochain, je mourrais, mais pas avant d'avoir affronté mon destin les yeux dans les yeux, droit dans mes bottes. La cérémonie bat son plein, des toasts sont échangés et les serments d'amitié renouvelés. La Reine de la Montagne me demande audience, me le souffle. Je souris. Nul protocole entre nous, nous avons dépassé ce stade. J'appelle nos nobles à boire à la santé du Nord et de ses alliés pendant que je vais échanger des nouvelles avec mon illustre invitée. On nous escorte jusqu'à mes appartements, où nous attendent vins, bières et en-cas. Je claudique en silence, tout à mes pensées. Je me retourne finalement vers Sharra Arryn lorsque la porte se ferme, et lui offre un sourire franc. Je lui prends la main et me baisse pour y déposer un baiser poli, mais chaleureux.


| Ma dame, quel plaisir donc, de vous revoir. Je suis heureux que vous ayez pu nous soustraire à cette cérémonie. Je n'en peux plus de ripailler, je ne fais que ça depuis que je suis rentré du Véritable Nord. Maintenant que nous n'avons plus à nous comporter comme de parfaites statues de pouvoir à l'état brut. Bien qu'il ne fasse aucun doute que de statues, vous incarnez la Mère et moi j'ai bien peur d'avoir ces derniers temps plus l'allure de l'Etranger que du Père en personne. |


Je nous sers un verre de vin, que je lui tends.


| Trinquons et buvons à ces retrouvailles. Il me plaît que vous ayez fait bonne route jusqu'ici, et de vous voir assister aux noces à venir de ma fille. Pour tout ce dérangement, je vous dis merci. |


Pour l'instant, l'heure était aux effusions, car j'étais heureux de revoir mon amie. Sharra Arryn m'avait peut être mis dans de bonnes dispositions pour mieux me manipuler, ou peut être était l'inverse. Pour autant, je ressentais pour elle une sympathie et une affection sincère. Une compassion irrémédiable, surtout. Nous étions les mêmes reflets brisés d'époques plus glorieuses.

Je donnais le change, en public, face à tout le noble monde réunis ici. Pourtant, j'avais toujours cette profonde envie de me poser et d'avoir un peu de calme, loin de tous ces grands rassemblements, qui seraient loin de manquer en vue d'un mariage royal. Pour autant, je ne cachais pas être contente d'être ici, malgré tout, alors que les bannières des Stark, Arryn et Lannister flottaient au vent. Je n'avais juste guère le cœur à pavoiser, mais je m'en cachais bien. Cependant, au fur et à mesure que le temps passe, je sens que je commence bien malgré moi à décrocher et à laisser mon esprit divaguer, vers la fin de la cérémonie. Mon hôte esquisse un sourire à mes paroles à voix basse, peu protocolaire j'en conviens. Mais je n'avais guère envie de m'embarrasser de trop d'étiquette avec lui ; il me semblait que nous avions dépassé cela, et il paraissait aussi de cet avis. Certes, à bien y regarder, nous ne nous étions rencontrés que depuis peu, alors que je connaissais mon homologue oustrienne depuis bien des années. Pourtant, je pensais aujourd'hui l'appui du Nord beaucoup plus sûr et fort que ne le serait celui de l'Ouest. Mais qu'importe. L'avenir du Val se jouerait avec ses alliés. Je le suis, alors que l'on nous guide jusqu'à ses appartement. Un dernier regard à mon fils, qui ne semble pas même le remarquer, et un mot murmuré à son sujet à l'un des gardes Arryn qui m'avait accompagné, et nous laissons l'assemblée. Je ne peux me permettre de m'inquiéter à chaque instant pour ma progéniture, et comme me l'a fait comprendre son ainé, il fallait aussi que Jonos vole de ses propres ailes. J'espérais pour autant que tout se passerait sans mal dans un lieu qu'il ne connaissait pas ; car je connaissais assez son caractère aventureux. J'en savais peu sur lui, finalement, mais cela, oui. Bref. Passons.

Mes pensées se recentrent bien vite sur Torrhen Stark, alors qu'on nous laisse seuls. Un peu de calme... Et il me plait de le retrouver en bon état, si je puis dire, après les batailles qu'il vient de traverser. Oh, certes, il se sert encore d'une canne, mais il semble tout de même marcher convenablement. Je lui souris tout aussi franchement en retour, et le laisse se saisir de ma main pour y déposer un baiser. J'esquisse un sourire amusée à ses paroles, et lui répond alors qu'il nous sert.

« Vous êtes bien flatteur, je ne sais si je possède réellement une telle étoffe. Je ne peux vous cacher que tout ceci a fini par me donner envie d'un peu de calme. Mais avant tout, vous m'avez manqué, il me plait de vous revoir. »

Je me saisis du verre de vin, et nous trinquons donc. Je commence à tremper mes lèvres, en appréciant la douce saveur. J'étais sincère et franche ; nos premières rencontres à Goeville m'avaient laissé un bon souvenir, outre nos rapports diplomatiques, qui pouvaient augurer de bonnes choses pour le Val. Peut être cherchait il à mieux m'utiliser pour ses intérêts, mais quoi qu'il en soit, je considérais que ceux ci pouvaient coïncider avec les miens. Et quoi qu'il en soit, il fallait continuer à entretenir cette bonne relation entre nous.

« C'est moi qui vous remercie, de m'y avoir conviée. J'avais hâte que nous puissions nous retrouver ; et vous connaissez désormais le Val, il était temps que je fasse connaissance avec le Nord. »

Je marque une pause, buvant une nouvelle petite gorgée avant de reprendre.

« Vous avez l'air de bien vous être remis de votre dernière campagne. »

A peine avais-je retrouvé la souveraine du Val que je me trouvais dans la même posture que la dernière fois. Intrigué par elle. Attiré par elle. Pas au sens physique, bien qu'elle soit désirable. Dans une foule d'étrangers, elle était ce que j'identifiais très rapidement, au premier coup d'oeil, comme un véritable point de repère. Une personne à laquelle je m'identifiais, dont je me sentais naturellement proche. Si je ne contrôlais ni le lien ni mon point de vue sur Sharra Arryn, ce serait une faiblesse. Ce n'était pas le cas. Je me rendais bien compte que la souveraine pouvait aisément s'en prendre à moi, à mes intérêts. Nous étions proches et le Val était la clé de voûte de mes projets, de mes ambitions. Je devais prendre garde. Ressentir de la proximité pour cette femme était néanmoins essentiel, car le Loup et le Faucon ne pouvaient l'emporter qu'en restant ensemble. Les deux plus formidables forteresses de Westeros, avec les guerriers parmi les meilleurs du continent.


Sharra Arryn est grande, digne. Elle a fait long voyage mais ne montre pas de signes de lassitude. La plus belle femme de Westeros esquisse un sourire alors que je la salue. Mon sourire s'élargit à ses paroles qui me frappent; je lui ai manqué. Un drôle de choix de mot. Elle déplaçait le curseur de notre relation bien au-delà du protocole. Etions-nous véritablement amis? Je n'en savais guère encore.


| La flatterie, j'en suis sûr, ne marche plus auprès d'une femme telle que vous, Majesté, puisqu'étant réputée plus belle femme de Westeros, vous devez en recevoir en continu. |


J'entrechoque ma coupe contre celle de Sharra et avale une gorgée de la boisson. Elle insiste à nouveau sur nos retrouvailles. J'ai un petit sourire d'excuse.


| Oui, en effet. Encore qu'il s'en est fallu de peu pour que je ne rejoigne les Anciens Dieux pour de bon. Tout le monde n'a toutefois pas eu ma chance. Et vous-même, ma dame, comment vous portez-vous? On me dit que l'on vous presse aux frontières autant qu'au remariage, en votre pays? |


Je lâchais cela sur le ton de la plaisanterie et de la connivence.

Laissés tous deux seuls, je me montrais souriante et sincère. Je n'avais rencontré Torrhen Stark que depuis que, pourtant il me plaisait tout autant de le revoir que ma vieille amie de l'ouest. Toujours cette même impression de connivence entre nous, bien différente des rapports que j'aimais d'habitude entretenir avec les hommes. Il ne m'était pas repoussant, certes, mais je n'avais eu le besoin ou l'envie de jouer le même jeu de séduction que celui auquel je m'étais adonnée parfois à certains nobles valois. J'aimais jouer avec le feu et avec ma beauté, je n'avais jamais cherché à le cacher. Et pourtant, cette fois-ci, ça n'avait pas été le cas. Pas de manière aussi poussée que d'habitude, tout du moins. J'aimais plaire, naturellement, en toutes circonstances, et on avait trop vanté la beauté de mes traits. Mais je n'avais dépassé les bornes. Nous restions réservés, peut être trop enfermés dans le carcan de nos fonctions. Et du respect que j'avais pour un guerrier tel que lui. Nous avions vécu certaines expériences similaires, qui nous rapprochaient implicitement, cela allait de soi. Et des perspectives d'avenir, également. Il était venu de lui même, et j'avais profité dès son arrivée à Goeville de cette main tendue. Parce que j'avais beau être à la tête de l'une des premières puissances de Westeros, le Val marchait sur un fil, et il lui fallait de quoi tenir l'équilibre. Il profitait de cela, bien entendu, mais j'y avais été toute aussi gagnante.

Bref. Laissons là pour le moment ces considérations, bien qu'elles ne soient jamais loin et qu'elles s’immisceront bien vite dans notre échange. L'heure était encore aux retrouvailles. Restait que j'aimais toujours jouer de mes charmes ou des mots, même de manière ténue. Il avait raison, en particulier depuis la mort de Jehan, où chacun était à l'affut pour me servir, me complimenter ou quoi que ce soit puisse permettre de s'attirer mes faveurs. Et c'était lassant. Mais ainsi était fait le jeu, et ainsi continuerait il ainsi, au moins jusqu'à ce que je me marie.

« Certes, vous avez raison. Cela est loin de me manquer, et j'en viens presque à ne plus les entendre. »

Toujours les même, toujours. Aux Eyrié, j'avais parfois l'impression de vivre une même séquence qui se répétait à l'infini, jusqu'à ce qu eje me décide à intervenir en marquant ma préférence pour l'un de mes prétendants. Ce que je n'arrivais à me résoudre à faire, pour le moment.

Il enchaine lorsque j'évoque son état, confirmant mes paroles. Bien sûr. A la guerre, il s'en faut toujours de peu. Il a suffit d'une fois, pour Jehan, alors que des années durant il m'était revenu. Pas intact, grignoté chaque fois un peu plus, mais vivant. Le Val avait toujours un roi... Et c'était bien cela le problème, aujourd'hui. Personne n'était dupe ; Ronnel ne régnait pas, pas encore, et il n'y avait que moi qui tirait les reines. Une femme. Et même si je gardais de l'autorité, être une femme seule à la tête d'un état n'est jamais bien vu.

« Etre en guerre ne vous a pas empêché de rester bien informé, à ce que je vois. Outres les deux détails que vous venez d'évoquer, je me porte bien, oui. »

J'esquisse un nouveau sourire plus résigné qu'autre chose, pour poursuivre sur un ton plus sérieux.

« Le Dragon veut me presser à prendre les armes, et quoi qu'il en soit, la guerre est à mes portes... Quant au mariage, je m'y suis habituée, depuis deux ans. Pour le moment, je préfère songer au mariage de mon fils, tout aussi important, car départager la moitié des nobles non mariés du val sera tâche ardue. »

La Reine du Val m'avait manqué. Dans l'amer creuset de la guerre, la violence était telle qu'il était véritablement difficile de faire autre chose que de résister à l'écharpement mutuel qui nous menaçait tous. En dehors de cela, je devais avouer que sa compagnie m'était plaisante. Quelque part, elle me flattait l'égo. Je n'écartais pas le moins du monde le risque que ce soit elle qui me manœuvre, mais il n'en restait pas moins que j'étais accompagné de la femme qui avait la réputation de première beauté de Westeros, ce qui permettait d'augmenter ou en tous cas, d'élargir mes perspectives. La Reine n'est plus toute jeune, elle est comme moi. Si je suis un vieux Loup, elle n'en reste pas moins une souveraine aguerrie et diplomate. Une femme forte. Pas si rigide que cela, mais qui avait ses propres impératifs, ses objectifs. Je devais les faire coïncider avec les miens pour que notre alliance fonctionne. Je savais ce que j'avais à faire. Avoir eu Sigyn comme épouse ne pouvait que m'aider en ce sens. Je ne pouvais pas nier qu'avoir eu une Reine difficile comme épouse m'avait forgé quelque expérience en la matière. Je lui offre un sourire complice, par dessous ma barbe épaisse et filée de poils blancs.


| Oh, je n'espère pas que ça soit réellement le cas. Vous flatter ne demande pas beaucoup d'efforts et c'est presque impossible à éviter. |


D'accord, je la flattais encore... Mais d'un autre côté, c'était sincère. Et comme je lui disais, inévitable. Une femme comme elle est objet de désirs et de fantasmes, elle était unique en son genre. Je n'avais encore jamais rencontré femme comme elle. Ce qui paradoxalement, m'avait permis de m'en approcher suffisamment pour faire concorder nos besoins en termes de puissance et de diplomatie, mais qui m'en maintenait éloigné, car pareille femme n'est guère facile à approcher, vous pouvez me croire. Je notais ses paroles par rapport aux sujets que je soulevais.

Oui, j'aimais autant jouer de ma beauté et de ma réputation que cela pouvait parfois me lasser et m'ennuyer. Tant que je pouvais l'orienter vers mes intérêts... Il fallait bien utiliser toutes les cartes que nous avions en main, encore plus lorsque l'on est une femme, car elles sont peu nombreuses. Si on me définissait aujourd'hui toujours comme la plus belle des créatures de westeros, je ne pouvais me limiter à cela, et à ce simple constat. J'étais Reine, surtout. Régente, certes, mais la régence n'était pas encore finie. Et même lorsqu'elle le serait, je ne pourrais abandonner mon fils seul aux charges qui étaient les siennes. Pas par amour du pouvoir –ou du moins ne le voyais-je pas ainsi- mais par sens des responsabilités, et par amour pour lui. Mais passons. Nous n'en n'étions pas là, et j'espère que nous ne le serions pas de si tôt, au vu du contexte actuel. Pourtant, je restais consciente des réalités. Que c'était à lui de régner, et que c'était ce que les valois attendaient de leur roi. Ils attendaient une reine, aussi. Plus moi, une reine à côté de leur roi. Moi... Je restais une main à prendre. Je devais trouver une épouse pour mon fils, une épouse à la hauteur et un parti qui nous donnerait les meilleures cartes possibles pour la suite. Le choix avait été assez aisé, mais le plus gros restait à faire ; cette union n'était encore qu'à l'état de projet. Quant à la mienne, il me fallait encore supporter toutes ces flatteries que l'on me servait, devenues si habituelles qu'elles avaient perdu tout effet sur moi. Mais plutôt que l'on se désintéresse de moi, ce qui ne risquait pas d'arriver, je préférais tout de même continuer à les entendre. Surtout lorsqu'elles semblaient sincères. Tout cela restait malgré tout un jeu. J'esquisse un simple sourire de connivence, à ses paroles à ce sujet.