La pièce est plongée dans la pénombre. A travers les longs rideaux frôlant le sol filtrent quelques rayons de lune, pâles, bleutés, diffus. J'ai froid, recroquevillée sur moi même. Les jambes repliées contre ma poitrine, mes mains agrippant fermement, anxieusement, le bout du drap. Je sens que je tremble, doucement, mais constamment, et de tout mon long. Pourtant, il ne fait pas froid, il n'y a pas de courant d'air. La nuit est paisible. Mais je tremble, frêle créature à la peau douche et fine, fragile, seule, en position fœtale. Je ne suis rien d'autre que cela. Rien de bien plus puissant ou solide. Je me demande comment je fais pour rester entière et ne pas me dissoudre sur le matelas, tellement j'ai l'impression de n'être qu'un souffle, qu'un grain de poussière insignifiant et balayé d'un rien. Je tente de fermer les yeux, n'y arrive que quelques secondes. Ils restent grands ouverts sur la chambre luxurieuse, mais grande et froide. Comme ce lit. Comme mon corps. Tout est d'un silence parfait. J'ai même peur de respirer, envie d'interdire à mon cœur de battre pour ne pas troubler ce calme. Je bouge, un instant, m'enfonçant un peu plus dans les draps. Puis reste ainsi, le regard vide, le regard perdu. Jusqu'à ce que la porte s'ouvre. Je sursaute, brusquement, mais ne me retourne pas pour autant. Je sens le matelas sous moi se fléchir légèrement sous le poids de l'homme, mais lui tourne résolument le dos. J'arrive à fermer les yeux, cette fois. Je force, je les ferme résolument, comme si je craignais qu'on ne me les ouvre de force. Je sens les mains, grandes, froides, possessives, retourner mon corps chétif. Malgré moi, je déplie mes jambes. Ouvre les yeux. Je tremble. Les écarquille. Je ne sais pas ce que je vois. L'ombre d'un visage, qui se rapproche du mien. Un corps beaucoup plus grand, plus fort, qui colle le mien. Je tremble, alors que j'entends sa voix me murmurer quelques mots à l'oreille. Une voix douce, chaude, familière. Totalement en opposition avec ces mains froides, brutales, comme des lames affutées. Je cligne des yeux. Les mains sont tantôt chaudes, tantôt froides. Tantôt bienveillantes, tantôt glaciales. La voix est celle du vieux mestre, celle de Jehan. Tout en même temps. Tout se confond. Tout s'accélère, dans ma tête, dans mon esprit, se brouille. Jehan. Le mestre. Mon bourreau. Mon époux. Je ne sais si je dois accueillir l'homme, le rejeter. Je n'en n'aurais sûrement pas la force, de toute façon. Je ne sais s'il me veut du bien ou du mal. Je tremble. Les deux hommes se brouillent, n'en font qu'un, me cherchent, me hantent, me tiraillent. Et moi, je ne suis rien. Là, impuissante.

Je tremble encore.

Cligne des yeux. Une fois, deux fois, avant de les tenir ouverts définitivement.

Je respire rapidement plus calmement, plus posément. J'ai la vue sur un torse tapissé de cicatrices, marques diverses et variées. Je reste calme, immobile, revenant rapidement à moi, reprenant mes esprits. C'est toujours les mêmes images, de toute manière, lorsque je sombre dans les méandres du sommeil. Toujours les mêmes qui me réveillent. Mais elles ont toujours un impact sur moi, malgré les années, malgré l'âge, malgré que je sois loin d'être une petite loque incapable, aujourd'hui. Ou en tout cas, je ne pensais pas l'être. Je me remémore rapidement la soirée. La nuit. Si douce, si torride. Si libératrice. Si courte. Je ne savais véritablement où nous allions, mais cette incertitude serait certainement de courte durée. Je prenais également le temps de réfléchir à tout ce qu'il m'avait dit avant, à tout ce que cela allait impliquer. Aux mariages.

Il m'avait proposé de rester avec lui pour cette soirée, j'avais accepté. Je m'étais endormie rapidement. Et combien de temps avais-je dormi... ? J'étais tout de même allongée, nue avec un autre homme, dans un lit qui n'était pas le mien. Je me mordais doucement la lèvre, me redressais à peine dans le lit pour regarder autour de nous. Nous semblions être au petit matin, et le soleil en train de pointer. Je passais une main sur mon visage, et tournais le regard vers mon partenaire, pour voir s'il était éveillé ou non.

La vie n'est qu'une bataille, une lutte sans merci pour la suprématie. Même les personnes les mieux intentionnées du monde attendent toujours quelque chose. Du confort. De la sécurité. Plus de richesses. De quoi sustenter leur famille, leurs proches. Je me bats toujours. En ce moment, ce n'est qu'une boucherie perpétuelle dans mes rêves. Cette nuit, c'est l'assaut sur les Jumeaux. J'étais jeune et fringant. La lourde couronne de fer sur la tête, par dessus mon casque en cimier de loup hurlant. Mes hommes grimpent sur les échelles alors que le bouclier du bélier chancelle sous les pierrailles. Tout autour de moi, les hommes décochent leurs flèches sur les créneaux tandis qu'eux mêmes font pleuvoir la mort sur nos têtes. Beaucoup d'hommes sont repoussés depuis les murs. Partout, les cris, les hurlements. Le bouclier chancelle encore. Je me précipite en avant, Hurlements au poing, ayant laissé Glace sur mon destrier dans son énorme fourreau. Un siège se prête infiniment mieux aux coups d'estoc qu'aux gigantesques coups de taille que l'on peut trouver par ailleurs avec une épée de la taille de ma lame d'acier valyrien. Clameur des guerriers présents, des hommes portant casques et mailles, poussant l'énorme tronc d'arbre pour enfoncer les porte. Un homme à ma droite perd sa main sous une pierre jetée de plusieurs mètres de haut, il hurle, en tenant le membre broyé. Un autre s'effondre, une flèche dans la clavicule. Secousse dans mes bras quand le tronc percute l'huis, le faisant trembler. Encore ! Je serre les dents. Nouveau choc. Il faut encore de nombreux coups pour ménager une ouverture. Cors de guerre. L'armée du Nord s'engouffre. On m'appelle. Sire ! Sire ! Votre frère... ! Poursuit le courrier d'une voix étranglée. J'arrive bien vite au pied de l'échelle, alors que mon armée laisse libre cours à sa colère. Je vois mon frère. Une flèche dans l'oeil. Il tressaille plusieurs fois. Et ne bouge plus. Je me réveille en me redressant en sursaut.


Haletant, je ferme les yeux et grimace en me tenant le côté des côtes, toujours si à vif, si douloureux. Je me retrouve bientôt à me pencher sur le côté. Il fait encore sombre, dehors. Je tire la couette, uniquement de mon côté. Je recouvre bien le corps de la souveraine du Val, m'éloignant. Je me rapproche du feu, que j'attise en faisant le moins de bruit possible. Je sirote un verre de vin en tirant toutes mes cartes, les étudiant, étalées devant le feu. Je n'ai pas fait beaucoup d'efforts pour me vêtir, quand la belle finalement se réveille et regarde dans ma direction. D'instinct, j'étais toujours plutôt sympathique les lendemains. Là, je ne savais pas trop comment me comporter, je n'avais encore jamais couché avec des reines, hors mariage. C'était aussi nouveau, que dénué de sens. Je choisissais donc l'instinct.


| Bonjour, ma Dame. J'espère que pour vous la nuit fut meilleure que pour moi. Souhaiteriez vous que je nous fasse porter à manger ? Ne sachant pas que vous êtes avec moi, mon chambellan risque de débarquer d'une minute à l'autre. Je pense que le mieux pour nous deux est de briser dans l'oeuf toute rumeur, ne croyez-vous pas? |

J'émerge doucement des méandres du sommeil, secouée comme ces douloureuses images le faisaient régulièrement. C'était toujours pareil, après toutes ces années... Mais peut être avais je réussi à me reposer plus longtemps qu'à l'accoutumée, éreintée comme je l'étais par mon voyage, et surtout par la nuit que je venais de vivre. Je prenais un peu de temps pour reprendre mon souffle, poser les choses dans mon esprit. Je n'avais eu le temps de réfléchir à tout ce qui s'était dit, premièrement, vu ce qui s'était passé ensuite. Mais je n'avais guère le temps de m'y attarder non plus. Je n'étais pas dans mon lit, pas dans ma chambre. Il allait falloir gérer la situation que j'avais moi même créée en acceptant son offre de passer la nuit ici. Les rumeurs courraient déjà... Je pourrais me dire que je ne suis plus à cela près, mais tout de même. Les enjeux sont différents d'une ou deux petites escapades avec un noble valois. J'avais toujours été discrète, et j'avais ainsi pu éviter les pires scandales, mais je savais que j'avais tout de même déjà une certaine réputation. Je pouvais m'estimer heureuse d'avoir toujours pu éviter de me retrouver enceinte de quelques bâtards, en ayant parfois recours à un ou deux thés de lune. Le Mestre des Eyrié ne posait pas de question et ne parlait pas. Ici, je n'étais pas dans ma demeure, pas dans ma chambre. Les quelques amants que j'avais pu avoir arrivaient en général à partir assez discrètement au milieu de la nuit, alors que je restais bien confortablement enfouie dans mon lit. Mais peu importe. A moi d'assumer, aujourd'hui, ce qui s'était passé. Je n'avais guère d'autre choix, et les bruits devaient déjà commencer à courir au petit matin si on avait remarqué que je n'avais pas gagné mes appartements. Enfin. Ne trainons pas.

Je me redresse totalement lorsque je remarque que je suis désormais seule dans le lit. Je fouille plus profondément du regard la pièce, mon regard s'habituant rapidement à la semi obscurité, le petit jour entrant à peine, et le feu diffusant une faible lumière. Je le vois, penché au dessus de ses cartes, et m'extirpe finalement des draps. Un frisson parcourt ma peau nue, alors qu'elle n'est plus du tout protégée par la chaleur des fourrures. Il se tourne vers moi, me salue. Je ne sais trop non plus que faire ou que dire ; mais il va bien falloir trouver. Je le salue, un sourire amical aux lèvres.

« Bonjour, Torrhen. »

Je ramasse d'une main mes affaires toujours par terre, me rapproche de lui.

« Cela me semble le mieux, oui. Mieux vaut prendre les devants. Je suis désolée... Je vais sûrement vous apporter des complications ; il aurait été plus sage que je ne reste pas dormir. Enfin, ce qui est fait est fait. Et j'ai apprécié cette nuit. Sincèrement. »

Je dépose le tas de tissus sur le canapé, passe une main dans mes cheveux pour tenter de les ordonner avant de commencer à me rhabiller.

« Je vais déjà me remettre dans une tenue décente. »

Je la regarde se redresser. Belle au naturel comme elle l'était hier encore toute apprêtée, je me rends compte que je la désire encore. Attractive comme elle est, il ne m'étonne guère qu'elle soit poursuivie des assiduités de toute son aristocratie masculine. Sa bouche délicate porte encore les traces d'un maquillage discret, fichu en l'air par nos baisers. Ses cheveux sont en désordre, mais conservent néanmoins une certaine forme, preuve sans aucun doute de l'habitude. Au loin, le petit matin éclaire ses traits fatigués mais néanmoins sereins. La belle repousse les couvertures, les fourrures par dessus, dévoilant à nouveau sa peau nue. Son pouvoir d'attraction se vérifie une fois de plus, pourtant je ne bouge pas. Pas tout de suite. Je ne quittais pas sciemment une dépendance pour retomber dans une autre. J'étais maître de ce qu'il s'était passé avec la souveraine du Val, et elle-même avait, je l'estimais assez bien, dominé la situation. La souveraine arbore un sourire en me souhaitant le bonjour, m'appelant par mon prénom. Je la détaille tout de même du regard quand je la vois venir récupérer sa robe. Je la dévisage.


| Ne vous excusez pas, Sharra. Je l'ai moi aussi appréciée, de bout en bout, et vous en remercie encore. C'était un moment particulier que j'estimerais. Mais ne vous en faites pas pour les complications. Le Roi du Nord se fiche de l'indécence et avec ces cartes partout, de la table au coin du feu, le chambellan, s'il ne nous surprend dans des ébats ni au lit, n'en déduira qu'une fois de plus j'ai négligé l'hospitalité d'invités pour discuter plans et avenir jusqu'au bout de la nuit. Ce qui, finalement, ne serait pas totalement faux. Prenez l'air plus fatigué encore que celui que vous arborez, et nous limiterons les on-dits au mieux. De toute manière, mes gardes sont sûrs, et personne ne s'aventure jamais jusqu'ici. Quant au reste, je compte sur vous pour nous éviter des complications braillantes. J'aurais pu être moi aussi plus prudent, mais il était compliqué à ce moment là de vous renvoyer à vos étreintes, Sharra. |


Cela dit, elle avait raison. Il fallait se faire un minimum discret. Je m'amuse, d'un petit rire.


| C'est dommage, l'indécence vous va à ravir. |


Je nous ressers du vin et ne perds pas une seule seconde de vue sur ce corps qui, petit à petit, retrouve une perfection supplémentaire dans l'habillement, qu'elle arrive habilement à remettre dans ses dispositions de la veille. J'ai un sourire d'excuse. Il fallait que nous fassions vite et j'étais toujours nu comme un ver.


| Si nous voulons échapper aux regards interrogateurs, je crains, ma dame, qu'il ne vous faille m'aider à nouveau. Comme vous l'avez sans doute noté hier. J'ai toutes les peines du monde à me baisser ou à lever les bras pour enfiler mes cuirs. Si vous pouviez m'aider, pour cette fois seulement... |


Terrible aveu, mais je n'avais pas le choix. Je risquais autrement, de me froisser les muscles déchirés en plein travail de cicatrisation.

J'ai profité hier soir comme je ne l'avais que rarement fait. J'avais apprécié ce moment, peut être plus que tout les autres, car il me semblait que cela faisait une éternité que je n'avais pas lâché la corde de cette manière. Deux ans, ça peut être long, oui, surtout selon ce qu'il s'y passe. Nue, je me lève et fais quelques pas dans la pièce, alors que j'imagine déjà mes traits toujours aussi fatigués, et mes cheveux dans un état qui trahirait obligatoirement l'agitation qui leur a été infligée cette nuit. Peu importait. Je ne regrettais pas, non, loin de là. Au contraire. Je ne pouvais affirmer en toute sincérité ne plus éprouver aucun désir pour l'homme nu penché sur ses cartes à quelques pas de moi. Mais je n'étais pas une bête, et il était temps d'être un peu plus sage ; surtout qu'il allait déjà falloir gérer toutes les rumeurs que le fait d'avoir passé la nuit ensemble pouvait faire courir. Oh, certes, j'en avais déjà supporté quantités et ma réputation était loin d'être sans tâches, malgré ma discrétion et toutes les précautions que j'avais toujours prises. Mais autant pour le Royaume que pour moi, je n'avais pu arrêter mes petits jeux avec les nobles du Val que lorsque mon marié était mort, et que c'était eux qui venaient me chercher d'eux même. Et j'estimais être assez intelligente pour ne pas faire scandale aujourd'hui, même si concrètement, j'avais moins la main que lorsque les choses se passaient aux Eyrié.

« Et moi de même. Je sais que ma réputation est déjà loin d'être sans tâche, mais j'aimerai éviter que d'embêtantes rumeurs puissent prendre de l'ampleur. Enfin, si vous m'assurez de votre chambellan et de vos gardes, je m'en remets à vous et à eux. »

J'esquisse un sourire, passe une main sur mon visage et tente de prendre l'air que j'aurais si je n'avais, en effet, pas pu dormir de la nuit. Ce qui m'arrivait, oui, alors la chose devrait être assez crédible. J'esquisse un sourire, à sa remarque, lui réponds d'un ton amusé :

« Je le prends comme un compliment. Mais il faut bien cacher ce genre de choses. »

Je me rhabille tant bien que mal ; je ne suis pas totalement manchote et sais enfiler quelques vêtements sans servantes. Je réprime une grimace alors que je serre et ferme le derrière de la robe. Je sens toujours son regard posé sur moi, alors que ma nudité est peu à peu recouverte, la robe laissant tout de même suggérer à qui voulait bien regarder. Une fois cela terminé, il me demande de l'aider lui aussi. C'est vrai qu'il est toujours aussi nu. J'esquisse un sourire, me baissant à nouveau pour ramasser ses habits à lui.

« Bien sûr. Je ne vais tout de même pas vous laisser dans cette tenue. Bien qu'elle soit loin de me déranger. »

Je l'aidais donc à se vêtir, du mieux que je pouvais, surtout pour qu'il n'ait pas à faire de trop grand mouvements qui semblaient le faire grandement souffrir. Je me redressais, une fois cela fait, me perdant un instant dans son regard. Avant de me reprendre.

« Eh bien, je crois que nous n'avons plus qu'à appeler votre chambellan, à moins qu'il ne vienne de lui même. Nous sustenter quelque peu ne devrait pas nous faire de mal. »

Je commençais à avoir froid. Normal. Je n'étais pas couvert, et les fenêtres avaient toujours laissé passer quantité d'air froid du dehors. La fraîcheur de ces matinées d'été me laissaient à penser que le plus gros de l'été était passé, mais il était vraiment difficile de savoir si nous étions réellement sur une pente descendante ou si ce n'était que passager. Près du feu, ça allait. En regardant Sharra, ça allait encore. Plus ou moins. Je ne devais surtout pas attraper froid, le Mestre avait été clair là dessus. Attraper froid maintenant signerait sans aucun doute mon arrêt de mort, puisque mes poumons étaient encore fort abîmés, surtout sur le côté droit. Mort d'un rhume ou d'une autre maladie, ce ne serait pas très glorieux. Pourtant, je laisserais derrière moi une certaine gloire et en voyant Sharra se relever nue devant moi, poitrine dressée par l'air frais ambiant, je me disais qu'il n'y avait pas eu que du mauvais. Restait encore à gérer la suite, pour transformer l'essai. La souveraine de la Montagne me confirme qu'elle se passerait volontiers de on-dits. J'acquiesçais. Je ne pourrais sans doute tous les éviter, mais je pouvais malgré tout faire en sorte d'en limiter l'impact et surtout, d'apporter une version officielle qui tenait la route.


| Oh, certains murmureront sans doute. Mais je me fais fort de garder un volume sonore à ce sujet qui ne nous dépeigne tous deux comme deux satyres en puissance. |


Je note tout de même que la belle parvient seule à modifier rapidement son apparence, son maintien, l'air qu'elle arbore. J'ai assez confiance en ses talents, finalement. Tout devrait bien se passer. J'acquiesce d'un sourire lorsque la belle me dit qu'elle devait cacher son indécence. C'était un fait. Vous imaginez un monde où les femmes se baladaient nues comme au premier jour ? Quel bordel ce serait ! Je la laisse se rhabiller donc, et elle revient sourire, m'aidant à me rhabiller.


| Vous n'êtes qu'une flatteuse et une séductrice, Sharra. |


Il me semblait évident que ce corps que je lui montrais était comparativement moins agréable à l'oeil que le sien. Je ne m'étais jamais trouvé laid, mais je n'étais pas l'homme le plus harmonieux du monde. Elle avait toutes les qualités physiques attendues d'une femme de sa statutre. J'enfile donc mes dessous, mon pantalon, ma chemise, mon cuir noir en plastron par dessus. Elle m'aide à enfiler ma cape, donc je m'enroule pour me réchauffer. Je ne parviens pas à réprimer de réaction physique tout ce qu'il y a de plus masculine et normale quand elle me touche, surtout au début et même sans aucune arrière pensée. Je n'en suis pas pour autant gêné. C'est presque rassurant en fait, d'être encore ainsi garant d'une certaine normalité. Son regard m'accroche. Seigneur, j'ai toujours été sensible à ce genre de chose. Je conviens pourtant des paroles de ma partenaire, de mon alliée.


| Il est vrai. Laissez moi donc une seconde, je vous laisse regarder mes notes sur les cartes étalées sur la table pendant que j'arrange le tout. |


Je claudique jusque la porte. Lourde et volumineuse, je peine à l'ouvrir. Les deux gardes, en faction depuis peu de temps, se retournent et me saluent.


| Faites venir mon chambellan avec le petit-déjeuner. Pour deux. La Reine du Val et moi-même sommes fourbus de nos négociations qui ont duré une dizaine d'heures et nous souhaitons maintenant nous sustenter. Vous l'escorterez ensuite dans les appartements prévus pour son arrivée, afin d'accorder enfin à la Reine de la Montagne le repos que ma compagnie lui a fait mériter.. |


Je me retourne vers Sharra et vais la rejoindre. Je reste de l'autre côté de la table.


| Est-ce que la nuit vous a porté conseil sur les sujets qui nous ont occupés hier soir, ma dame? |

Non, concrètement, après une nuit comme celle que nous venions de passer, la nudité ne me gênait guère. Que ce soit la sienne ou la mienne. Mais le Nord n'était pas le Nord pour rien, et je sentais tout de même que j'aurais rapidement froid si je restais debout au milieu de la pièce dans cette tenue. Et je devais retourner à la réalité ; ce que nous avons fait ne serait pas sans conséquences si nous ne prenions pas les dispositions nécessaire. Je ne connaissais pas réellement l'expérience de mon hôte en la matière, mais un Roi se contente rarement d'une seule personne, surtout lorsque cette dernière meurt et qu'il devient veuf. Mais la chose était toujours plus aisée pour un homme ; les prostituées n'étaient pas ce qu'il manquait. Mais passons. J'étais Reine, et je tenais à garder même qu'un semblant de réputation. Ne pas être totalement discréditée auprès des miens sur qui je perdrais tout pouvoir, toute crédibilité, et peut être même Ronnel avec, alors qu'il n'y était strictement pour rien. Je me rendais compte que j'avais même pas idée de ce que savaient et de ce que pensaient mes propres enfants. Bien sûr, j'avais toujours tout fait pour préserver leurs pauvres oreilles de rumeurs peu flatteuses sur leur mère, mais depuis la mort de Jehan, Jonos était plus ou moins laissé à lui même, et Ronnel volait de plus en plus de ses propres ailes. Viendrait sûrement un jour où l'un des deux viendrait me demander des comptes, je les connaissais assez pour cela. Comme Jehan. Les Arryn, avec leur honneur... J'utilisais mes atouts où ils se trouvaient, point. Je lâche un rire, alors qu'il me traite de flatteuse et de séductrice.

« Voilà qui est fort réducteur, Torrhen. »

Oui, je l'étais tout de même... Je ne le nierai pas. Je séduisais parce que de toute façon, même quand je ne le cherchais pas, les hommes étaient attirés par moi. Et me faisaient souffrir. Me volaient ma jeunesse, mon innocence. Alors autant prendre les choses en main, non ? Flatteuse, parce qu'on survivait difficilement sans, aux Eyrié. J'avais mis du temps à m'endurcir, mais je l'avais fait. Et je pensais tout de même pouvoir affirmer qu'il restait un cœur au fond de cette poitrine, capable d'aimer, d'apprécier, sans arrière pensée. Surtout mes fils. Mais on m'avait tellement pris... Je faisais ce que j'avais à faire, pour les miens, pour l'avenir. Pouvait on réellement m'en blâmer ?

Je finis rapidement de l'habiller, masquant ce corps tapissé de marques de guerre, qui avait donné beaucoup plus que de raison cette nuit. Faire cela n'est clairement pas habituel pour moi, mais peu importait. Il me laisse finalement, me montrant ses cartes et ses notes. Je m'assois donc, et commence à les parcourir du regard, ne pouvant tout de même réprimer un sourire en entendant la manière dont mon hôte présente les choses à l'autre bout de la pièce, alors qu'ils n'ont finalement pas le loisir de voir mon air fatigué. L'homme revient cependant rapidement vers moi, m'arrachant à ses notes. Je relève la tête, croise les jambes, reprenant un air un peu plus digne et sérieux que celui que j'avais depuis que nous avions abandonné les discussions diplomatiques à proprement parler.

J'essayais de me montrer plus vigoureux que je ne l'étais réellement. Vanné et vidé de toutes mes forces par la nuit passée autant que par les contraintes physiques qui me tiraient de partout, je ne pouvais nier que j'avais peut être été trop gourmand, trop confiant dans les efforts à fournir et ma capacité à les combler. Je donne l'impression d'être un vieillard, alors que je n'ai que trente-six ans. Point trop vieux, encore. Mes ancêtres, tous plus illustres les uns que les autres, avaient bien souvent dépassé les cinquante ans, devenant véritablement croûlants. Trente-six ans, c'était plus qu'acceptable. Harren Hoare n'était pas bien plus âgé? Je devais prendre garde à ne pas me sentir trop vieux, ni dans mon corps ni dans ma tête, car cela équivaudrait à abdiquer tout ce qui fait la force de la jeunesse, la sagesse avec l'expérience sans encore la débilité. La souveraine de la Montagne rit à ma plaisanterie, ma petite pique. Réducteur, mais néanmoins véridique. Je me doutais qu'il n'y avait pas d'innocence dans l'étreinte qui nous avait saisis la veille au soir. Je la laisse un instant, le temps de donner quelques consignes aux gens de ma maisonnée. Sharra Arryn se penche sur mes cartes pendant que je demande à ce qu'on nous sustente dès que possible. Lorsque je reviens, la voilà redevenue la maîtresse du plus grand Royaume en Westeros.


|je repasse en hide|

Je me penche sur les cartes étalées sur la table, éclairée à la lueur du feu, mais mes yeux sont relativement habitués au faible éclairage. Le jour se lève à peine ; et j'ai l'impression de n'avoir pas passé nuit aussi paisible depuis quelques temps déjà. Enfin, passons. Je ne sais encore où cette nuit nous aura emmené, où elle débouchera. Si elle débouche quelque part. Ce que je sais en revanche, c'est que je ne suis pas ici que pour partager quelques instants de plaisir avec un partenaire qui me ressemble et dont je me sens proche. Il reste un allié, avant tout. Je reste Reine, et lui Roi. Nous sommes responsables... Et surtout, étions tous deux à la tête de deux puissants royaume de westeros. Je n'avais pas la force militaire, mais j'avais la prospérité des terres du val, ses richesses, ses caisses pleines. Lui l'avait, cette force militaire. Un peu saignée suite à ses batailles contre les sauvageons, mais toujours plus grande que la mienne. Je me forçais donc bien vite à mettre de côté nos précédents échanges, et à rentrer à nouveau dans le rôle qui m'incombait. La chose était aisée, tellement je m'y étais enfermée depuis la mort de Jehan. La femme, ou même la mère, s'efface bien vite, quand les enjeux sont aussi grands, au profit de la reine. Je prenais le temps de me poser un instant, le temps qu'il donne ses quelques ordres. Réfléchir, ou plutôt, poser les quelques réflexions que j'avais pu avoir cette nuit, ce matin au réveil. Tant pis si je n'avais eu finalement guère de temps pour penser à tout ce que nous avions dit hier soir ; j'étais habituée à réfléchir vite, et surtout à trancher vite. Sans compter que finalement... Je n'avais guère un choix illimité.