Jon avait cherché autant que possible de repousser son départ de Winterfell. Il avait toujours su que la guerre finirait par l'appeler, et qu'il viendrait un jour à quitter le fief de la maison Stark, car il lui était clairement impossible d'agir autrement, car il lui était inconcevable de rester à l'abri de la forteresse du Nord, à donner des ordres au loin, sans savoir réellement ce qu'il pouvait se passer sur place et réagir au plus vite. Néanmoins, dans un premier temps, il avait envoyé son frère, avide de découverte, en compagnie du Sénéchal du Nord pour pouvoir parfaire son éducation militaire et pour le laisser libre également de voir autre chose que le Nord et surtout autre chose que Winterfell, alors que lui y était resté bien des mois pour tout superviser en l'absence de leur père, puis en son absence à lui après la passation de la couronne et des charges qui allaient avec. Chacun trouvait son intérêt d'une certaine façon, Jon faisait pleinement confiance à Bowen pour s'occuper des troupes sous ses ordres que de veiller sur Walton. Et cela lui permettait à lui de rester auprès de sa femme dont la santé était plus que préoccupante. Certes, d'être présent ne changerait sans doute rien à son état physique, il laissait cela aux bons soins de Mestre Roshar, mais il avait espéré quand restant auprès d'elle, il lui faisait du bien au moral même si leur couple n'était clairement pas au beau fixe à ce moment-là, c'était une façon comme une autre de faire un pas vers elle. Aujourd'hui, avec du recul, il se rendait bien compte que cela avait été bénéfique et c'était le cœur plus lourd qu'il avait quitté Winterfell, et qu'il avait du laisser sa famille derrière lui.

Mais l'appel du devoir était plus grand, l'appel de la meute également. Son père lui avait demandé de se préparer à la guerre et c'était ce que Jon avait fait. Après avoir préparé ce qu'il convenait pour assurer la sécurité des siens dans le Nord, il avait chevauché aussi rapidement que possible jusqu'à Blancport avant de prendre la mer pour rejoindre Fort-Darion et le reste des troupes du Nord qui s'y trouvait déjà. Il ne serait pas inutile, et il comptait bien repartir à la guerre aux côtés de ses soldats, leur montrer qu'il était toujours là et qu'il verserait son sang à leur côté, pour le Nord et pour l'Empire. En espérant que cette croisade serait la dernière, même si elle venait à durer plusieurs mois, qu'ils puissent tous enfin voir une nette avancée pour leur cause, même une victoire à long terme, et qu'enfin ces temps de paix dont Torrhen vantait si souvent les mérites, puissent enfin voir le jour de manière définitif. Mais la guerre était loin d'être terminée, et l'ennemi en face était tenace, il y aurait nombre de morts et il savait qu'il ne reviendrait peut-être jamais à Winterfell. C'était un risque à prendre pour sa petite fille, autant que pour sa femme qui attendait à présent leur second enfant. Les Stark ne viendraient pas à disparaître totalement.

Pour le moment, c'était une réunion au sommet qui l'attendait. Jon avait été quelque peu surpris que ce soit Walton qui prenne l'initiative d'une telle rencontre, entre le père et les deux fils. L'aîné des Stark avait beau recherché dans sa mémoire, cela devait faire des années qu'ils ne s'étaient pas retrouvés juste tous les trois en tête à tête. Il n'arrivait même pas à trouver un souvenir clair à ce sujet, marque alors du délitement des liens familiaux que la guerre n'avait clairement pas arrangé. Mais Jon s'entendait mieux avec Walton aujourd'hui, et les choses étaient, pour le moment, apaisées avec son père. Il n'y avait pas de raison que cela se passe mal, tant qu'on évitait certains sujets de discussion. Le Jeune Loup s'était donc rendu au point de rendez-vous, une taverne du cœur de Fort-Darion, choisie par son frère, pour pouvoir se retrouver en famille, loin du carcan que pouvait imposer une rencontre plus officielle directement dans le château. Il se fit poli en entrant dans les lieux, avant de se diriger vers une table à l'écart où Walton avait déjà pris ses quartiers. Jon lui donna une tape affectueuse dans le dos. « Comment vas-tu mon frère ? » Il ne manquait plus que le paternel à présent.

Les retrouvailles en famille étaient toujours des moments qu'il attendait autant qu'il pouvait venir à redouter. Il fallait dire que rien n'avait jamais été simple entre les différents membres de la famille Stark. Cela faisait bien longtemps qu'ils ne faisaient que de se croiser les uns et les autres, ne prenant plus réellement le temps de se poser, de se regarder, de se parler. Alors certes, la guerre ne laissait pas les membres du Nord ou de l'Empire tranquille pour pouvoir profiter de moments familiaux réels, mais en même temps, Jon estimait que c'était une bonne excuse pour chacun d'entre eux. Les relations étaient loin d'être sereines, et chacun semblait malheureusement avoir le même mauvais caractère pour qu'ils arrivent à s'écouter ou à entendre le message que l'autre voulait faire passer. C'était déjà compliqué quand ils n'étaient que deux, alors à trois … Finalement, c'était peut-être les autres occupants de la taverne sélectionnée qui devraient se méfier de la discussion prochaine qui allait avoir lieu entre les trois Stark. On pouvait chercher à remonter dans le passé pour trouver un moment entre le père et les deux fils, mais encore une fois, la dernière fois que c'était arrivé, c'était la guerre lors de la Bataille de la Mort-aux-Loups, Torrhen avait fini dans un sale état, sans savoir s'il allait s'en sortir, Walton avait pris les armes sans demander la permission de son père ou de son aîné, quant à Jon, il avait failli tout simplement y passer, traverser de part en part par l'arme d'un sauvageon que Bowen Glover avait arrêté juste au dernier moment. Sans doute que ce moment aurait pu compter, qu'ils auraient pu essayer de se retrouver après tout ça, craignant malgré tout pour la vie des uns et des autres, mais d'une certaine façon, tout le monde avait continué son chemin de son côté.

Jusqu'à se retrouver aujourd'hui à Fort-Darion dans une petite taverne. Jon n'avait pas vu Walton depuis plusieurs mois, quand ce dernier était sur le point de quitter Winterfell pour la guerre. Il savait qu'il n'avait pas réellement pu combattre comme il l'aurait voulu. Néanmoins, rien qu'en le voyant ainsi, il était certain qu'il avait grandi, et pas seulement physiquement. Il devenait petit à petit un homme et bien qu'il restait malgré tout son petit frère, il était heureux de voir qu'il semblait plus épanoui qu'auparavant. Il fallait dire qu'il était resté extrêmement longtemps plus ou moins seul dans le Nord et qu'à sa place, Jon aurait fini par ne plus supporter d'être ainsi enfermé dans la forteresse des Stark. Il ne savait pas ce que désirait aujourd'hui Walton, si son parcours l'emmènerait à nouveau sur le front ou s'il resterait à Fort-Darion. Jon veillait au grain mais il le laissait prendre ses décisions, qu'elles soient bonnes ou mauvaises. Le jeune Loup sourit doucement face au commentaire de son frère et l'entraînement de Bowen. « Promis, je ne lui dirais rien … Ou pas tout en tout cas ! Néanmoins ça a l'air de te réussir de travailler avec lui ! » Bowen était plus qualifié que lui pour pouvoir lui enseigner ce qu'il fallait et puis il ne voulait pas lui mettre la pression et que cela brouille à nouveau leur relation. Leur père arriva alors, et bien que ce n'était pas la première fois qu'ils se revoyaient tous les deux, cela lui faisait quand même étrange d'être ici avec les deux autres. Ils trinquèrent tous ensemble et Jon but une longue gorgée pour tenter de changer cette impression. « Ca va également de mon côté. Je suis heureux de vous retrouver tous les deux. C'est étrange, soyons honnêtes mais nous sommes toujours en vie malgré les deux dernières années, et ça c'est déjà une belle victoire. »

Cela aurait sans doute pu passer pour un échange banal entre un père et ses deux fils, comme tout bon nordien autour d'une choppe de bière, la première avant bien d'autres. Il fallait oublier les statuts officiels de chacun, avec la présence d'un empereur, d'un roi et du prince héritier de ce dernier, mais il fallait essayer de faire abstraction également du contexte dans lequel cette réunion familial se faisait, c'est-à-dire dans le contexte de la guerre. Jon était parfaitement conscient que si la paix avait régné sur Westeros, ils n'auraient sans doute pas été aussi simple de les retrouver tous attablés ensemble. Si Jon prenait quelques instants pour y réfléchir, pour songer à la situation qui serait sans doute la leur si un jour la guerre prenait fin, les trois hommes nés tous sous la bannière du Stark, ne feraient que de se croiser suivant les aléas politiques, mais sûrement pas tous en même temps. Torrhen avait un Empire à gouverner, et si Fort-Darion avait une place aussi centrale que possible au cœur des différents royaumes fédérés, on ne pouvait pas dire que c'était la porte à côté quand on se trouvait à Winterfell. Car il était certain que le jeune Roi du Nord serait chez lui, sur les terres de son enfance, auprès de sa femme, de sa fille et de cet enfant qui aujourd'hui, n'était pas encore né. Cherchant à développer le royaume, à redonner espoir en la vie, et à accompagner tous ceux de chez lui qui avaient tant perdu avec cette guerre. Quant à Walton, lui, il ne manquerait pas d'être souvent sur les routes. Après avoir été si longtemps confiné à Winterfell, il ne rêvait que de voir le monde, bien plus ouvert sur les autres que Jon ne le serait sans doute jamais. Il finirait par aller au Sud, une fois les routes sûres, et ne serait jamais là où on l'attend finalement, manquant les retrouvailles pour une nouvelle destination. En tout cas c'est ce que son frère lui souhaitait.

La guerre faisait intégralement partie de leur vie, et même de ce qu'ils étaient au plus profond d'eux-mêmes. Peut-être que Walton pourrait s'en sortir dans un Westeros plus calme, plus en paix, mais pour son père comme pour lui sans doute, il était déjà trop tard. Que feraient-ils, l'un comme l'autre, quand tout sera enfin fini et s'ils étaient encore en vie ? Ce jour n'était pour le moment pas venu, bien loin de là. Tant de choses restaient encore à faire, mais on pouvait néanmoins réfléchir à la suite. Jon sourit légèrement à son père. « La peau du loup est difficile à obtenir, quoi que nos ennemis peuvent en penser. » Torrhen avait en effet perdu tous ses frères au cours des différentes années de bataille contre Harren le Noir ou encore face aux sauvageons. Jon n'avait pas autant de frères que son père, et il avait déjà perdu Jeyne, bien qu'elle soit encore en vie mais aujourd'hui, ennemie de leur famille, alors il ne lui restait déjà plus que Walton. Walton qui semblait en tout cas bien heureux de ce qu'il faisait avec Bowen, et Jon ne doutait pas qu'il n'aurait pas pu être aussi bon professeur avec son frère que ne l'était le Sénéchal du Nord. « Continue comme ça, c'est à un endroit stratégique que vous allez vous rendre, il faut être préparé. » Jon se tourna vers son père et haussa les épaules à sa question. « Est-on réellement prêt pour ça ? Il y a tellement de forces différentes en jeu, qu'il peut y avoir nombre de retournements de situation, on peut être perdant le matin et gagnant le soir, ou inversement. Néanmoins, je peux t'assurer que je suis prêt à aller jusqu'au bout. »

Retrouvailles du père et des fils, tous les trois enfants du Nord, tous les trois membres de la meute légendaire des Stark, se retrouvant autour d'une chope de bière. Le tableau était intéressant à observer, le tableau pouvait même apparaître idyllique pour certains. Alors que l'exercice était particulièrement exceptionnel, totalement inhabituel pour les hommes de leur famille, et qui si on connaissait bien ces derniers, cela pouvait même finir par être dangereux de les avoir les uns avec les autres dans une même pièce. Sans parler que l'alcool pouvait facilement jouer des tours. Il suffisait bien souvent d'une étincelle pour que tout vienne à s'embraser entre eux et que la situation se mette bien vite à dégénérer, pas seulement les fils envers le père ou inversement, mais même entre les frères présents. Néanmoins, il y avait quelque chose d'agréable dans cet instant, même si cela ne se reproduisait jamais dans l'avenir, il garderait cela comme un bon souvenir, tant que la discussion restait aussi sereine et détendue de celle-ci. Jon hocha doucement la tête aux paroles de son père. Chacun devait trouver sa place au sein de la communauté, quelle qu'elle soit. Et les soldats en étaient une à proprement parler. Surtout dans l'histoire du Nord, on passait de nombreuses années à combattre, et donc cela finissait par former une autre famille, une de celles qui se forgeaient dans le fer et dans le sang. « On a tous notre rôle à jouer, que ce soit ici, dans le Val, dans le Conflans ou partout, où notre action sera essentiel pour le maintien de l'idéal impérial et de cet avenir que l'on désire faire prospérer. Et les plus petits détails sont bien souvent les plus importants, ils sont les petits grains de sable qui peuvent changer bien des choses. Et puis cela permet de voir différentes éléments, dans un cas comme dans un autre c'est formateur. Tu auras tôt ou tard l'occasion de te battre. Il n'y a aucun doute à avoir là-dessus. »

Pour autant, il resta dubitatif quand son père vint à dire qu'à partir du moment où ils restaient soudés, rien ne pourraient leur arriver. Ils avaient perdu tellement de familles, tellement de gens qu'ils aimaient sincèrement au cours des dernières années, et Jon savait parfaitement qu'ils viendraient tous à dire au revoir encore à d'autres personnes qui leur étaient chers. Mais il cacha néanmoins ce sentiment en buvant dans sa chope de bière, écoutant le reste de cette discussion. La victoire était loin d'être certaine, il restait tellement de choses à faire, tellement de fronts ouverts et qui étaient loin d'être refermés, et Torrhen était sans doute le plus optimiste de cette tablée, ce qui était peu dire, vu le niveau des deux autres convives. « Je te remercie pour tes mots père, ils sont réconfortants. » Il lui adressa un bref sourire. Qui finit par devenir un véritable rire quand il vint à entendre la dernière phrase de son père. Il secoua la tête avant de tourner cette dernière vers son petit frère. « C'est vrai qu'on oublie trop souvent que Walton est en train de venir un véritable homme. Quinze ans, que cela passe vite ... » Il le regarda attentivement et il comprit bien vite que cela ne plaisait guère à son frère d'être amené sur un sujet comme celui-ci. C'était bien trop personnel, et comme pour chacun des Stark, les questions personnelles étaient toujours un blocage. « Il faudra bien en discuter tous les deux, si je décide seul, tu pourrais m'en vouloir jusqu'à la fin de notre existence respective. Et nous faisons actuellement des progrès l'un avec l'autre. »

Les deux frères se ressemblaient plus qu'il n'y paraissait aux premiers abords et c'était peut-être pour cela que les choses avaient été au début si compliquées l'un avec l'autre. Ils n'avaient pas été élevés de la même façon, puisque chacun avait un rôle différent à jouer pour le Nord et parce qu'ils n'avaient pas été accompagnés dans leur éducation par les mêmes personnes non plus. Pour autant, le résultat restait d'une certaine manière le même, rendre honneur à la famille, aux siens, au nom des Stark et pouvoir s'élever à la hauteur de leur prédécesseur. Mais pour pouvoir parvenir à avoir certains résultats, certaines récompenses, il fallait accepter des contreparties, et l'une de celles-ci était le mariage. Jon s'était montré plus d'une fois réticent, mais il avait toujours su qu'un jour ou l'autre, il lui faudrait se marier et que sa volonté dans cette histoire ne serait pas forcément suivi, car le cœur pouvait aimer, mais le devoir réclamait autre chose. Voir plus grand, c'était les mots que son père avait prononcé quand il s'était exprimé sur le fait qu'il désirait voir son destin uni à celui d'une Nordienne, plutôt qu'avec une femme venue d'un autre royaume de Westeros. Il fallait bien avouer que le Jeune Loup n'aurait pas été contre de se terrer au sein du Nord et de ne pas avoir à s'unir avec une personne qui ne pouvait véritablement comprendre et aimer le territoire et le peuple qui y vivait comme lui pouvait le faire. Le fait d'avoir signé la Constitution Impériale, imposait inévitablement le fait de nouer des alliances avec les autres espaces fédérés et c'était ainsi qu'il s'était retrouvé marier à Eléanor. Et si aujourd'hui, les choses allaient mieux au sein du couple, il en avait clairement voulu à son père de lui avoir, à l'époque, forcé la main pour épouser la fille de Lyham Tully.

Le Roi du Nord hocha la tête aux paroles de son père, tournant alors son visage en direction de ce dernier, il plongea son regard dans le sien. « Et je continue de vouloir faire mes preuves. C'est un combat de tous les jours pour être à la hauteur du nom des Stark, à la hauteur du Nord. Mais, il est vrai que beaucoup de choses ont changé en très peu de temps. Je veux faire parti de l'Histoire, tant que mon nom ne vienne pas à être synonyme de désastre ou d'horreur. Néanmoins, devenir père a malgré tout modifié ma façon de regarder le monde et de me pousser à envisager les éléments sous un autre angle, et de revoir mes priorités. » Sa petite princesse était la chose la plus précieuse qu'il avait, et l'enfant qui allait naître dans quelques mois, si les Anciens Dieux venaient à veiller sur la mère autant que sur le bébé, serait un nouveau cadeau que la vie avait bien voulu lui offrir. Et finalement, cette naissance heureuse avait été le meilleur moyen possible pour pouvoir rapprocher le couple royal du Nord. Il se tourna vers son frère et lui fit un petit sourire. « Nous continuons à avancer, pas après pas, même si c'est plus long que ce qu'on espérait, ce qu'on avait envisagé, on avance face à nos ennemis, contre nos ennemis, et vu ton rang et ta position, tu seras forcément un parti plus qu'intéressant pour pouvoir nouer une alliance avec une force étrangère. Je sais que pour le moment, cela ne te donne pas plus envie que cela, et que tu penses que ton avis ne compte pas. Peut-être que cela sera vu comme un sacrifice, comme j'ai pu moi-même le percevoir au début. Et peut-être que tu seras l'homme le plus heureux, regarde Jeyne, même si la finalité de cette union n'était pas ce que nous avions imaginé ou espéré, il n'en reste pas moins qu'elle a épousé l'homme pour qui elle avait une réelle affection. Je ne promets pas de miracle, mais je peux te promettre au moins de faire en sorte que ça soit la meilleure des solutions pour toi. » Il récupéra une pinte pleine qu'il frappa contre celle de son frère avant d'en boire une longue rasade.

Ce qui venait de se passer, était d'une rareté infime, et sans doute qu'il serait difficile de revoir aussitôt le père avec les deux fils présents en même temps, à une table de taverne, devant une choppe de bière, presque comme si tout cela était naturel. Et sans doute que pour le public qui était autour d'eux, cela devait sans doute être le cas. Car il était difficile de passer inaperçu dans un tel environnement, quand un Empereur, un Roi et un Prince héritier venaient à se retrouver pour passer quelques longues minutes ensemble. Certes, les visages des deux nordiens, ceux qui y habitaient encore officiellement, étaient moins connus sans doute que celui de Torrhen Braenaryon, lui ne pouvait pas être un total inconnu face aux visages de ses sujets directs et puis si on y regardait bien, il devait y avoir quelques autres nordiens qui se trouvaient ici. Pour la première fois depuis le mariage de Jeyne, une partie de la meute s'était reconstituée et la rencontre s'était finie sans grands cris, verres brisés ou tentation de frapper l'un ou l'autre des participants présents. Qui venaient à dire que les hommes du Nord étaient aussi froids que leur contrée, ne les connaissaient pas véritablement. Bien que la frontière entre les trois Stark, étaient toujours aussi minces.

Jon avait su reconnaître combien la paternité avait réussi à changer sa vision de son couple en premier lieu, mais de son existence principalement. Et Torrhen n'avait pas manqué de sauter sur l'opportunité de dire que cela permettait de se rendre compte qu'il fallait se battre pour des idées communes, plus que pour des personnes. Un sujet de grief qui revenait plus ou moins souvent entre l'Ancien et le Nouveau Roi du Nord. Néanmoins, le Jeune Loup préféra pencher sa tête dans sa choppe de bière, laissant son père à son beau discours, qui avait une part de vérité, tout n'était pas à remettre en question mais il ne manquait pas que si Jon avait fait le trajet jusqu'à Fort-Darion, c'était dans l'optique de finir définitivement la guerre pour pouvoir mettre sa femme et ses enfants à l'abri et qu'ils n'en parlent plus ensuite. L'Empire était un moyen d'y parvenir, et malgré les idées divergentes, Jon n'était pas prêt à retourner sa cape tant que son père serait en vie. Mais le nordien continuait à se battre bien plus pour des personnes que pour une idée commune. Et quand vint la question du mariage, et que leur père se dit près à être un chef de famille qui pourrait écouter les désirs et les injonctions de chacun, Jon dut se faire violence pour ne pas commenter les quelques mots de Torrhen. Comme quoi, pour certaines choses, il valait mieux être le second que l'aîné. Lui n'avait pas eu le choix. Quant à être encore le chef de famille, de cela aussi il doutait. Il le respectait oui, mais il avait décidé de suivre un autre chemin et ne portait aujourd'hui même plus le nom des Stark.

Jon vint à vider sa choppe en entière, il devait arrêter d'avoir de telles idées, il avait sans doute atteint le seuil de temps à passer avec son père sans que la situation dérape et qu'il ne se mette à tiquer sur certains mots. Cette amertume qui le suivait, et le consumait parfois, il aurait aimé s'en débarrasser et il pensait y arriver quand il était loin de lui, mais elle revenait malgré tout quand il se retrouvait. Il salua, quand même, son père d'un sourire sincère quand il leur dit qu'il serait bon de réitérer un tel moment et il regarda alors son frère. « Oh je viendrai à glisser un mot à Bowen s'il décide de te taper sur les doigts pour ton retard, mais je ne voudrais pas qu'on pense que tu dois être favorisé. Et puis ça forge le caractère une corvée d'épées à briquer. » Dit-il en riant légèrement. Il le serra quelques instants dans ses bras. « Moi aussi, j'ai été heureux de te voir. » Il le regarda partir, finit sa bière, paya et se retira à son tour.