L’Orage avait bien souffert de deux ans de guerres, de campagnes militaires qui s’étaient largement jouées sur son sol. D’abord engagé contre Dorne, puis contre la coalition qui amena finalement à la fondation de l’Empire, le Bief quant à lui avait alterné les postures défensives, victime des ambitions de ses voisins, avant de pousser. Le nouveau Roi Manfred Hightower accordait moins d’importance au résultat des armes qu’à celui de la plume. On mettait à son crédit ou à celui du Grand Septon qu’il soutenait, quantité de ruses, de stratagèmes, vrais ou faux d’ailleurs. On disait que c’étaient ses agents qui avaient excité les plus fidèles dévôts des Sept du Royaume, pour les retourner contre la jeune Reine Argella. On disait aussi que la tentative d’assassinat des héritiers impériaux était sans doute de son fait, tout comme la vigoureuse campagne offensive menée dans le sud du pays par le général Stackhouse. A l’accuser de tous les maux, on se leurrait devant l’ampleur de ses plans, et des stratégies qu’il poursuivait. Les armées impériales avaient bien tenté, au Printemps, de dégager la capitale Accalmie et de pousser en plein Bief… mais l’Empereur et l’Impératrice avaient dû à nouveau disperser leurs forces, pour combattre les menaces apparues sur ses flancs béants, Val et Ouest entrant dans la mortelle danse de la guerre.

Le Bief contre-attaquait, alors.

Des dizaines de milliers d’hommes avaient été réunis pour combattre l’armée impériale sur la Mander. Menés par Lord Tarly, un vieux briscard très conservateur, ces troupes avaient franchi la frontière orageoise et cette zone, déjà largement désertée par la population déjà victime de nombreux mois de pillages de part et d’autre, avait trouvé refuge ailleurs. Lord du Rouvre mena l’avant-garde. Et toute ce qu’il restait de la région, déjà traversée par une armée Hoare, puis une impériale, puis une bieffoise et une orageoise, pris feu. Les villages furent passés à la torche. Fourrage et cultures pris sur place, alimentant la bête tentaculaire dont les bataillons par blason s’étalait sur tout l’horizon. Ses ramifications alertèrent Mossegonde, et Horpe. Ces maisons, très mineures, n’étaient défendues par aucune garnison. Ces castels se rendirent, et la population épargnée. Deux jours plus tard, c’était sous les murs de Felwood que l’armée déboulait.

Quarante mille hommes. Des milliers de chevaux. Toute la fine fleur de la chevalerie du Bief, et les meilleurs archers longs ou d’infanterie lourdement équipée que comptait le royaume. Des levées féodales par dizaines de milliers. Le nouveau Lord Fell appela la reine à son secours. Il n’avait qu’une milice pour se défendre, sur place. Bien trop peu. Et l’inventaire des stocks ordonnés par la Reine révéla la pire des nouvelles ; les vivres étaient gâtés, les stocks consommables de mauvaise qualité, ou bons à jeter. Pas de quoi tenir très longtemps. « Aidez-nous vite, Votre Grâce, ou profitez de notre agonie pour tourner ces salauds », voici en substance le message qui fut envoyé. Doublé d’une estafette recrutée par Tarly parmi les villageois des environs, indiquant à la Reine que si elle ne règlait pas toute cette affaire rapidement sur le champ de batailles, il purgerait l’hérésie par le feu, au nom des Sept et du Grand Septon leur représentant sur Terre, et qu’il brûlerait tout l’Orage si besoin pour faire sortir la biche du bois.

Rendez-vous était donné dans la plaine des Bronzes, si les orageois avaient encore quelque courage quand ils n’avaient ni dragons ni vieux loups pour les protéger.

En attendant, la ville commença à subir la dure loi de la guerre, et fut soumise au bombardement intensif des trébuchets et des pierrières.