Il ne faut pas beaucoup pour ajouter au calvaire des hommes. Alors que la guerre ravageait l’Orage depuis près de deux ans, les combats y étaient toujours indécis. Une partie du pays restait occupée par le Bief, et menacée par lui et ses nouveaux alliés dorniens. Les combats se déplaçaient des frontières aux régions montagneuses du sud du pays, et Empire comme Puissances Centrales s’échinaient dans un ballet de sanglantes manœuvres, à prendre enfin l’ascendant sur leurs adversaires. La Reine Argella en personne menait l’offensive contre ses ennemis et l’on disait le combat proche entre son armée coalisée et celle de Lord Stackhouse, dirigeant une armée bieffo-dornienne.

C’est alors qu’en sus du fracas des armes, ce fut bientôt celui de la foudre et du tonnerre qui se firent entendre. Le pays était connu pour ses orages, surtout aux saisons intermédiaires. Le printemps, jusque là sec, devint plus chaud encore. La température grimpait et les hommes enduraient désormais les affres de leur marche pour la guerre ou de leur labeur aux champs avec difficulté. Le ciel se zébra d’éclairs, et le grondement du tonnerre sur les hauts monts de l’Orage laissait présager du pire.

Par endroits et par moments, des trombes d’eau tombaient sans discontinuer des heures durant. Les hommes et les chevaux étaient aspirés dans la boue, épaisse. Et il y eut des accidents. Des coulées soudaines de boue. Des crues de rivières et de ruisseaux qui se mirent à charrier des excédents de mois entiers de pluie en quelques heures. Il y eu peu de victimes, mais le temps ralentit considérablement les opérations militaires et agricoles, et une première récolte de blé sur les coteaux de Pierheaume fut perdue par des chutes de grêle intense, qui brisèrent les épis en pleine pousse. Les hommes continuaient, pourtant, de travailler ou de guerroyer, mais guettaient les abris les plus proches quand les éléments se déchaînaient sur eux.

Ce fut en mer que les choses prirent une tournure plus dramatique. Le vent forcit et les nuages noirs annoncèrent le pire. La flotte impériale, du Bief et de Dorne, croisaient en ces eaux et se battaient le contrôle des côtes et des Iles, notamment de Rocvert et de Torth. Les navires furent soulevés par des vagues géantes et bien en peine furent les capitaines qui ne réussissaient à rejoindre à temps un port ou une crique à l’abri, quand un grain s’annonçait. Les flottes militaires ou commerciales de la région subirent des pertes ; des vaisseaux impériaux furent lourdement endommagés, démâtés pour certains, tandis qu’un accident faisait échouer plusieurs navires des Puissances Centrales sur des hauts fonds.

Le temps ne semblait pas se calmer et plus que jamais la Fureur de l’Orage s’exprimait en ses frontières.

Tous ceux qui n’avaient pas l’habitude, impériaux, nordiens, peyredragoniens, dorniens et bieffois, apprirent bien vite à craindre les nuages noirs, avant-garde du déferlement de rage pure des éléments qui leur tombaient dessus.