You can count on me like one, two, three... I'll be there.

Jeyne & Alys

Il y a un an, jamais Alys n’aurait pu deviner la place que prendrait Jeyne Lannister dans sa vie. Elle avait commencé ses premiers pas à la Cour à ses côtés et la jeune femme lui avait appris énormément de choses. Sans son aide, elle n’aurait jamais pu s’intégrer à Castral Roc comme elle l’était aujourd’hui. Évidemment, elle avait connu quelques maladresses en commençant à ses côtés comme dame de compagnie. Mais en apprenant à la connaître, elle avait pallier ses erreurs. Elle savait dorénavant ce que la princesse aimait manger, boire, faire…

Au départ, elle n’avait pas imaginé un seul instant que la princesse de l’Ouest deviendrait son amie. Ce n’était plus des conversations sérieuses qui régnaient entre elle, mais tantôt du rire et tantôt des confidences. Jeyne savait qu’elle pouvait compter sur la discrétion d’Alys et elle savait qu’elle pourrait toujours compter sur les conseils de Jeyne. Un compromis mutuel qui avait fini par lui faire énormément de bien. La jeune Kenning grandissait et tout un tas d’événements se mettait en place, auxquels elle n’était pas préparée. Gareth lui parlait déjà de mariage et elle devait avouer qu’elle commençait à paniquer.

Mais cela n’était rien à côté de ce que la princesse était en train de vivre. Elle venait à peine de sortir d’un accouchement difficile qu’une tentative d’assassinat était faite sur le Roi. De quoi affoler la Cour, mais également mettre les Lannister dans une situation compromettante. Tous les regards étaient braqués sur eux pour tenter de voir comment ils allaient réagir face à cette tragédie. Alys pouvait aisément se mettre à la place de Jeyne pour comprendre ce qu’elle ressentait en ce moment-même. Et puis, elle voulait tenter d’apaiser un peu sa conscience, rien qu’une après-midi. Pour cette raison, elle lui avait fait parvenir une missive par le biais d’un garde, l’invitant à se préparer à sortir l’après-midi même.

Afin de lui faciliter la tâche, elle avait prévenu sa nourrice. À partir de ce moment, Alys ne lui laisserait pas la possibilité d’annuler. Elle devait un peu penser à elle et se détendre. Et les deux jeunes femmes n’avaient pas été réunis depuis un moment, bien trop aux yeux de sa dame de compagnie. Ainsi, elle venait de réserver l’une des salles du château et avait demandé en cuisine à ce qu’on prépare les friandises et les entremets préférés de la princesse. Elle avait également demandé à des musiciens de leur accorder une heure de leur temps. La jeune Kenning ne voulait pas les embêter plus longtemps, mais faire danser Jeyne lui ferait sans doute le plus grand bien. Et puis, cela pouvait peut-être lui permettre de se défouler, d’extérioriser les sombres événements qui devaient la tourmenté.

Ce n’était pas grand-chose, mais elle espérait donner le sourire à son amie. De ce fait, elle se rendit dans ses appartements et demanda à l’un de ses gardes de l’annoncer. Alys devait s’avouer quelque peu excitée par la surprise qu’elle lui avait préparée. Et lorsque la porte s’ouvrit pour la laisser passer, elle ne put contenir l’immense sourire qui commençait à se dessiner sur son visage.

— Votre Altesse.

Elle fit une légère révérence, avant de redresser son buste dans sa direction.

— Puis-je vous enlever à vos obligations une heure ou deux ?

Ses deux mains se joignirent dans son dos, alors qu’elle laissa basculer son corps vers la gauche puis vers la droite, incapable de retenir son impatience. Elle appréciait faire des surprises à ceux qu’elle appréciait, tout du moins apporter un peu de bonne humeur. Et puis, elle devait aussi avouer qu’elle n’avait pas énormément de choses à faire ces derniers temps à la Cour. L’annonce d’un mariage prochain l’avait quelque peu perturbé et elle avait préféré concentrer tous ses efforts pour que cet après-midi soit parfait. Jeyne la connaissait assez bien sur ce point. Quand quelque chose la tracassait, elle surmenait sur une autre tâche, histoire d’éviter au maximum d’y songer.

You can count on me like one, two, three... I'll be there.

Jeyne & Alys

An 1 Mois 7

"Alys, quel plaisir de te voir." Surprise par la présence d'Alys, je m'étais levée pour l’accueillir, alors que je pouvais deviner qu'elle se forçait à rester sage. Enfin... Alys était jeune et pleine de vie et j'aimais énormément sa façon d'être. Elle était naturelle. Et loyale. J'avais accepté de la prendre à mon service pour faire plaisir à Gareth, mais il s'était avéré que la jeune femme était quelqu'un de précieux et que nous étions vite devenues amies. J'aimais la proximité qui s'était installée entre nous. Oh ce n'était pas vers Alys que j'allais chercher conseil pour me tenir comme une digne Dame de l'Ouest, comme une future reine, mais c'était vers elle que j'allais m'épancher, que j'allais demander ce qu'il se disait de moi et quels étaient les ragots de la Cour. Totalement ouestrienne, sœur de l'époux de la princesse du Roc, elle était légitime à cette place. Lynara était nordienne comme moi, les langues ne se déliaient pas facilement devant elle. Et sa grossesse l'épuisait alors qu'elle devait se reposer. J'avouais que son entrée en matière m'intriguait. Les derniers temps avaient été vraiment difficiles... Et je m'efforçais de ne pas étouffer mon fils en étant trop protectrice avec lui, alors que j'avais pu constater que la félonie était tapie n'importe où et pouvait déjouer la surveillance des gardes. En témoignait l'état du roi en ce moment. Les Mestres préféraient ne pas se prononcer sur son état, c'était pour dire.

Je souris, amusée, en voyant Alys tenter de contenir tant bien que mal son impatience. Son regard pétillait alors qu'elle semblait avoir quelque chose derrière la tête. Elle ressemblait terriblement à son frère quand elle agissait ainsi. "Pourquoi pas..." Qu'est-ce qu'elle manigançait ? Il était heureux que la jeune Kenning soit de si plaisante composition. Elle aussi avait vécu un drame et perdu sa famille. Je ne la connaissais pas encore alors, puisque c'était la perte des siens qui l'avait faite entrer à mon service, mais j'avais pu voir la douleur de Gareth et la réserve de la jeune femme dans les premiers temps, impressionnée par le fait d'être dame de compagnie d'une princesse. J'avais vite réussi à entamer sa réserve, alors que ce n'était pas forcément dans son caractère et elle avait découvert qu'au delà d'une princesse nordienne, j'étais une femme plutôt fougueuse. Et que j'avais besoin d'amies dans mon entourage proche.

Une amie précieuse donc, et convoitée. Obtenir sa main permettrait à l'époux de se rapprocher de la famille royale, ce n'était pas rien. Et il y avait quelques candidats d'ailleurs. Je n'avais pas vraiment eu l'occasion d'aborder ce sujet avec Alys, de la taquiner ou de savoir comment elle le vivait et pour qui allait sa préférence, si toutefois, un prétendant lui plaisait réellement. Même si nous n'avions pas voix au chapitre sur les hommes que nous épousions, on se plaisait toujours à en avoir l'illusion. Et puis... Gareth écouterait sa sœur, non ? Il ne voulait que son bien et qu'elle soit heureuse. Le seul inconvénient d'un mariage serait qu'elle risquait de quitter mon service... étais-je prête à perdre ainsi une amie ? Je n'en étais pas certaine. "Qu'est-ce que tu mijotes Alys ? Tu as la même expression que ton frère quand il a une idée derrière la tête." Et je savais de quoi je parlais, alors que j'étais proche de Gareth, sans doute davantage que la bienséance l'aurait voulu, mais je n'allais pas me mettre à le fuir pour ne pas éveiller les ragots. Je n'avais rien à me reprocher. Ma loyauté et ma fidélité étaient toute acquises à mon époux. Il me semblait montrer suffisamment mon attachement à sa personne pour que le doute ne soit pas permis. Comme j'avais tendance à rappeler que j'étais son épouse quand de jeunes femmes enamourés le regardaient avec des yeux de poisson mort ou en soupirant comme de petites idiotes.

You can count on me like one, two, three... I'll be there.

Jeyne & Alys

La compagnie de Jeyne avait toujours fait du bien à la jeune Kenning. Elle dégageait une aura douce et délicate qui l’enveloppait dès son arrivée. À chaque fois qu’elle la rejoignait, elle sentait toutes les tensions s’évaporer de son corps. Elle ne connaissait pas la vie de la princesse en détail, parce qu’il y avait certains points qui n’étaient pas abordables. Mais elle se doutait que ses obligations étaient parfois difficiles, encore plus depuis qu’elle était devenue mère. Alys la voyait comme une femme forte et indépendante. Elle avait une prestance qui imposait le respect. Au fond d’elle, la jeune femme était fière d’être son amie, au-delà de ce qu’une simple dame de compagnie devait faire. Elle était à la fois un modèle pour elle et une oreille attentive qui était prête à écouter ses tourments. Alys savait qu’elle avait énormément à apprendre à ses côtés. Si elle avait su s’adapter aussi rapidement à la vie de Castral Roc, c’était principalement grâce à elle et son aide précieuse. Jeyne lui avait certainement apporté bien plus qu’elle au cours de l’année qui s’était écoulée et il était évident qu’elle devait lui rendre la pareille en ces temps difficile.

— Tu ne le regretteras pas, je te le promet !

Alys avait les deux mains jointes dans son dos et ne pouvait s’empêcher de se balancer d’une jambe à l’autre, réellement impatience de lui montrer ce qu’elle avait préparé pour elle. La jolie brune était du genre à plus apprécier offrir que de recevoir. Elle aimait voir la joie embellir le visage de sa famille et de ses amis. Malheureusement, elle trouvait que ces derniers temps, les traits de Jeyne étaient beaucoup trop tirés, que ce soit de fatigue ou d’inquiétude. Elle voulait revoir son teint lumineux d’antan, même une seule après-midi. Elle voulait lui faire oublier les problèmes politiques qu’ils rencontraient avec Lyman. Peut-être que cela ne fonctionnerait pas, mais elle ne pouvait le savoir sans avoir au moins essayé.

— Patience, tu le sauras très bientôt.

Un immense sourire s’étira sur son visage, dessinant le début de fossettes sur ses joues. Elles marchaient toutes les deux le long du couloir, l’impatience gagnant visiblement plus Alys que Jeyne. Ce qui rendait d’ailleurs la situation assez ironique. Peut-être aussi que cette après-midi était un échappatoire pour la benjamine de la famille, pour ne pas avoir à penser à une future union pour elle. Quoi qu’il pouvait se produire, elle ne cesserait jamais d’être auprès de Jeyne et de la soutenir en cas de besoin. Elle serait toujours ses yeux et ses oreilles à la Cour, autant qu’elle le pourrait, même si cela serait assez douloureux pour elle de quitter ses services, elle devait bien se l’avouer.

— Nous y sommes. Tu peux rentrer ! s’exclama la jeune femme pleine de vie, une fois stoppée devant une immense porte.

Elle avait fait en sorte que la première chose qu’elle entende soit la douce mélodie créée par les musiciens qu’elle avait appelés pour une petite heure. Au centre de la pièce, elle découvrirait un petit coin aménagé avec des cousins et des fauteuils confortables. En leur centre se trouvait une table empli de gourmandises que la princesse adorait. À consommer avec modération, ou non…

You can count on me like one, two, three... I'll be there.

Jeyne & Alys

An 1 Mois 7

"Je ne pourrais rien regretter qui vienne de toi Alys." Je souris, amusée alors qu'elle me faisait la promesse que ce serait quelque chose d'agréable pour moi. Alys était mon amie et je ne doutais pas qu'elle allait tout mettre en œuvre pour me faire plaisir. J'étais plutôt fermée et mélancolique ces derniers temps et cela semblait inquiéter mon entourage. Mais difficile de faire preuve de légèreté quand le Roc était en péril aussi facilement. Quand ses hauts murs n'étaient pas capables de vraiment nous protéger. Comment ne pas ressentir un puissant sentiment d'insécurité dans ces conditions ? Et c'était encore plus important maintenant que j'étais mère et que j'avais un enfant à protéger. Un enfant pour qui je donnerais ma vie, sans aucun problème. Pourtant, l'excitation d'Alys avait quelque chose de communicatif et je me retrouvais à ressentir le même sentiment, avec toute la force de mes 17 ans. J'étais jeune encore en réalité, même si les épreuves de la vie me donnaient l'impression d'avoir le double de cet âge parfois.

J’emboîtai donc le pas à Alys. Gareth avait décidé de me dérider en m'offrant une promenade à cheval. Lyman m'avait offert un couple de faucons... Et voilà qu'Alys s'y mettait aussi. Avais-je donc si triste mine que tous s'inquiètent ainsi autour de moi ? Moi qui pensais pouvoir masquer mes émotions et endurer les épreuves sans rien laisser paraître, j'avais encore bien du chemin à faire avant d'y parvenir. Quelque part, cela me contrariait. Je n'arrivais pas à la cheville de Jordane Lannister à ce niveau, ni même de Megara. Et une reine en qui on lit trop facilement était une reine faible et manipulable, c'était bien le problème. Et j'en avais conscience. Et si je pensais avoir encore le temps d'apprendre, la vie fragile de Loren Lannister, le roi de l'Ouest, m'avait ramené à la réalité et rappelé que rien n'est éternel et qu'une existence est aussi fragile que la flamme d'une bougie ballottée par le vent.

Notre chemin s'arrêta face à une porte et je regardais Alys, interrogative. Je souris face à son impatience et poussai le lourd battant, entendant une douce mélodie résonner alors. Je vis les musiciens dans un coin, mais surtout, le petit salon improvisé en son centre et les pâtisseries sur la table. Mes yeux s'agrandirent de surprise et je regardai de nouveau Alys qui semblait piétiner à côté de moi. "C'est pour nous ?" C'était un peu idiot comme question, mais j'étais encore sous le coup de l'étonnement. Je m'emparai alors des mains de mon amie, et lui baisai la joue. "Merci !" Avant de l'entraîner à ma suite vers le centre de la pièce, le regard attiré par les gourmandises. Je me laissai tomber dans le moelleux des coussins, attirant la jeune femme avec moi en riant et m'emparai d'un gâteau au chocolat que je portai à mes lèvres. "Hummmm." Un délice, vraiment ! "C'est adorable de ta part Alys... Je fais donc si peine à voir que tu ai réservé ton après midi pour moi ?" probablement que oui en fait. Voulais-je vraiment une réponse à cette question ?

You can count on me like one, two, three... I'll be there.

Jeyne & Alys

Alys était un peu plus âgée que Jeyne, mais la jeune femme avait tendance à l’oublier. Elle semblait si mature, si sage. Elle avait ce regard qui racontait une longue histoire. Elle n’avait que dix-sept ans, mais elle avait grandi à la Cour, que ce soit celle-ci ou celle de Winterfell. Une enfance n’était certainement pas la même dans un petit village et à la capitale du royaume. Alys pouvait le confirmer. En un an, elle avait beaucoup plus pris en maturité qu’en dix-sept ans à Kayce. Les jeux qui se faisaient à Castral Roc était très différent et il fallait apprendre à jouer les cartes avec des pincettes. Ici, il n’était plus question de discuter normalement, mais de pas divulguer d’informations compromettantes concernant son frère ou Jeyne. Alors évidemment, Alys avait appris à tourner sept fois sa langue dans sa bouche avant de parler. Cela n’avait pas été une tâche facile, mais la princesse l’avait énormément aidé. Si elle décidait de lui rendre la pareille en ce jour, ce n’était pas seulement à cause des événements de vie récents, mais également pour tout ce qu’elle avait fait pour elle. Elle ne s’en rendait très certainement pas compte, mais la jolie brune le savait. Cette fois-ci, les mots ne suffisaient plus à lui faire comprendre ce qu’elle ressentait. Alors elle avait organisé cette douce après-midi.

— Évidemment que c’est pour nous !

La jeune Kenning s’exprima avec un vive entrain. Elle adorait s’amuser, autant que faire plaisir à ceux qu’elle aimait. Pourquoi ne pas allier les deux le temps d’un après-midi, après tout ? Jeyne semblait être aussi heureuse qu’elle l’était et vint lui déposer un petit baiser sur la joue. Le sourire de sa dame de compagnie s’élargit. Sa surprise avait visiblement eu l’effet escompté.

Très rapidement, elle se fit entraîner sur les canapés et se laissa tomber à la suite de la princesse, laissant un petit rire mélodieux s’emparer de la pièce. Il ne faisait aucun doute que l’après-midi allait être confortable pour elles-deux. Alys aussi avait besoin de se changer les idées et passer du temps avec celle qui avait fini par devenir son amie ne pouvait que lui faire le plus grand bien.

De son côté, elle s’empara d’une friandise au citron et laissa son goût réveiller ses papilles. Ces gâteaux étaient vraiment un pur délice. Il ne faisait aucun doute qu’elle irait remercier les cuisiniers dans la soirée. Ils y avaient vraiment mis tout leur cœur, même s’il fallait avouer que la demande d’Alys s’était faite assez tardivement. C’était exquis ! Mais alors qu’elle allait s’emparer joyeusement d’une nouvelle friandise, gourmande qu’elle était, son mouvement se stoppa par la question de Jeyne. Touché. Mais il était hors de question qu’elle lui avoue la véritable raison de cette rencontre. Alors, elle se contenta de hausser les épaules en souriant, lui répondant, sans pour autant lui mentir.

— Faut-il une raison pour passer un moment avec une de mes plus proches amies ?

Son regard se déposa dans le sien et elle gardait son doux air candide sur le visage. Évidemment qu’elle voulait lui remonter le moral, mais cela ne changeait rien quant au fait qu’elle n’avait pas passé un moment avec elle depuis bien trop longtemps à son goût.

You can count on me like one, two, three... I'll be there.

Jeyne & Alys

An 1 Mois 7

C'était agréable de retrouver une âme d'enfant parfois. J'avais eu à gérer des choses beaucoup trop graves et lourdes ces derniers temps. Je n'avais pas été une princesse totalement insouciante à Winterfell non plus. J'avais connu des drames très jeune, vécu les conséquences d'une guerre inlassable et proche. Mais là bas, j'avais pu être moi-même et je savais que j'avais été choyée parce que j'étais la princesse du Nord et la fille de Torrhen Stark. Ici, c'était bien plus difficile. J'étais l'épouse étrangère de Lyman Lannister, j'étais la fille de l'envahisseur. Cela rendait tout plus compliqué et ma conversion récente n'avait pas vraiment changé la donne... Avais-je sacrifié ma foi pour rien au final ? Ce serait bien trop injuste.

J'étais donc très reconnaissante à Alys de me réserver son après midi et cette surprise. C'était adorable. Peut-être pouvais-je laisser mes soucis à l'entrée de cette salle, refermer la porte et ne plus m'en préoccuper pendant quelques heures. C'était bien le but non ? Et quand je lui demandais ce qui me valait cette surprise, Alys ne répondit pas vraiment. Décidément, c'était une technique Ouestrienne de répondre à une question par une autre question ? On dirait bien. "Non bien sûr, mais il en faut parfois une pour prendre la décision de se dégager du temps pour se faire." Je n'étais pas vraiment dupe. Je devais avoir triste mine pour que tout le monde se soucie de moi ainsi et si cela me faisait plaisir d'être ainsi appréciée des gens qui m'entouraient, j'étais également contrariée d'être si facilement déchiffrable.

Qu'importe. Ce qui était fait était fait. A quoi bon faire semblant maintenant ? Cependant, puisque j'avais Alys sous la main, autant en profiter. Et me mêler de sujets purement féminins. Qu'elle ne pourrait pas esquiver alors que nous étions seule à seule et qu'elle m'était toute dévouée pour les prochaines heures. "Et bien, puisque nous voilà toutes les deux, nous allons pouvoir discuter un peu de tes prétendants." Mon regard se fit malicieux alors que je l'observais. Je connaissais surtout le jeune Potter, qui s'était confié à moi concernant de possibles fiançailles avec Alys, approuvées par Gareth. Qu'en pensait l'intéressée au juste ? Je savais qu'il avait commencé sa cour ou du moins, qu'il avait discuté avec elle. C'était déjà un début. Timide comme il était, j'aurais bien aimé être une petite souris pour pouvoir assister à cela. Je n'avais malheureusement pas eu l'occasion de revoir William avant qu'il ne parte reconquérir son fief. "Tu as pu discuter avec William Potter ? Comment ça s'est passé ? Que penses-tu de lui ? Allez, raconte-moi, je veux tout savoir !" Une certaine excitation était palpable dans ma voix et mon expression. J'avais été toute aussi enthousiaste concernant les amours de Lynara même si inquiète qu'elle se fasse ravir sa virginité par l'homme dont elle était éprise et qui ne l'épouserait pas. J'avais malheureusement eu raison et ma chère cousine était désormais mariée à un homme dont elle n'était pas amoureuse, condamnée à voir celui qu'elle aimait heureux avec une autre. Cela avait de quoi calmer l'enthousiasme. Mais la situation d'Alys était bien différente.

You can count on me like one, two, three... I'll be there.

Jeyne & Alys

Alys savait que son amie passait une période très difficile. Entre la tentative d’assassinat du roi, ses obligations et la naissance de son enfant, elle n’avait eu que très peu de temps à elle. Et il était évident que sa dame de compagnie savait qu’elle devait être bien malheureuse ces derniers temps. Si elle avait organisé cet après-midi, cela n’avait rien à voir avec de la pitié, au contraire. C’était de la pure et simple bienveillance. Jeyne allait mal, alors elle devait être là pour elle, au-delà de son simple rôle de dame de compagnie.

Mais la jeune Kenning n’allait pas lui avouer tout ça. Ce n’était pas ce qu’elle voulait entendre. Elle se contenta donc de hausser les épaules en lui offrant un doux sourire amical. Elle connaissait Jeyne depuis le temps qu’elle la fréquentait et elle savait qu’elle ne voulait pas connaître la réponse. C’était plus une question rhétorique.

Quoi qu’il en soit, elle sembla se prêter au jeu, au plus grand plaisir de la jeune femme. Très rapidement, elle se dirigea vers des sujets purement féminins : ses prétendants. Alys crut avaler son gâteau de travers, mais elle se ressaisit bien vite. À croire que tout son entourage était au courant que la course au mariage était lancée. La benjamine des Kenning en était terrifiée. Il fallait bien l’avouer. Auparavant, elle s’amusait à parler de l’allure de certains hommes avec Jeyne, mais sans réelles intentions derrière. Ce n’était que de l’amusement. À présent, elles laissaient place au côté plus sérieux de la question et elle n’y avait pas été préparée.

— Tiens ! J’adore cette mélodie. Allons danser !

Elle commença à se redresser, persuadée qu’elle pourrait échapper à ce sujet de conversation, mais à en juger par le visage de la princesse, elle avait compris son petit stratagème. Se laissant retomber mollement dans le fauteuil, Alys lâcha un soupire plein d’entrain. Jeyne devait se douter qu’elle n’était pas à l’aise avec la situation actuelle, mais s’il y avait bien une personne avec qui elle pouvait parler librement de tout cela, c’était bien elle.

— J’ai discuté avec lui. Cela change de l’épier au bout du couloir.

Un léger rire franchit le seuil de ses lèvres. Son amie savait qu’elle avait été très curieuse de son passé, qu’elle avait énormément écouté les bruits de couloir et qu’elle l’avait souvent épié de loin sans jamais oser aller le voir. Il avait l’air quelque peu intimidant aux premiers abords, et elle avait fini par se rendre compte qu’il l’était bien plus qu’elle.

— Je me suis promenée avec lui, il y a quelques jours et… commença-t-elle avant de se stopper et de laisser le rouge lui monter aux joues. Et il m’a embrassé, avant de me demander de réfléchir à sa demande, pendant qu’il part reprendre son domaine.

Alys n’avait jamais embrassé personne. Tout cela était assez nouveau pour elle et semblait bien loin de ses enfantillages et ses rêveries. Elle n’avait pas encore osé regarder Jeyne, mais elle était persuadée qu’elle devait arborait un immense sourire d’amusement, face à sa gêne.

— Mais tu me connais. Tu sais comment je peux être énergique et dissipée parfois, expliqua-t-elle en haussant légèrement les épaules. Il est vraiment très attentionné et gentil. Mais je crains justement qu’il le soit trop pour parvenir à me calmer si besoin… Je veux dire… Il me complimente tout le temps et rougit à chaque fois que je le regarde trop longtemps. Je vais finir par avoir un sentiment de surpuissance après ça.

La jeune femme avait préféré terminer sur une note d’amusement, comme si cela pouvait lui faire oublier la chaleur sur ses joues. Évidemment que William était plaisant, mais Alys était terrorisée par tous ces changements qui la poussaient à s’interroger sur tout un tas de choses.

You can count on me like one, two, three... I'll be there.

Jeyne & Alys

An 1 Mois 7

Je ne retins même pas mon rire alors qu'Alys semblait s'étouffer avec son gâteau à ma question sur ses prétendants. Et bien quoi, elle pensait vraiment que je n'étais pas au courant ou que cela ne m'intéressait pas ? Grossière erreur ! Elle était plus qu'en âge d'être mariée et même mère de famille. Mais pour le moment, aucun prétendant n'avait été choisi et je soupçonnais Gareth d'être assez laxiste avec les fiancées potentiels de sa sœur. Il ne choisirait pas quelqu'un qui ne plairait pas à Alys. S'il pouvait la préserver, il ne ferait. Elle avait ce luxe, qu'elle en profite. Cela ne pourrait pas durer éternellement, alors que la pression commençait à se faire petit à petit plus forte, surtout maintenant qu'elle était la belle sœur de la princesse Megara, la suivante de la future reine. Cela faisait un beau palmarès, alors que les Kenning n'étaient que des petits nobliaux de l'Ouest. Ils avaient grandi en prestige récemment. Médusée, je vis Alys tenter de noyer le poisson en m'invitant à danser. Je ne bougeais pas, haussant délicatement un sourcil pour bien lui faire comprendre que je n'étais absolument pas dupe et que je ne me laisserais pas divertir si facilement.

La jeune femme n'insista pas et se rassit donc, prête à affronter cette discussion. Enfin affronter... Cela ne devait pas être aussi pénible. Surtout que nous avions tout de même échangé plusieurs fois sur le physique et le pedigree de certains nobles présents à la Cour, bien innocemment. C'était désormais moins anodin. Je souris de sa bonne humeur contagieuse alors qu'elle m'avouait avoir discuté avec lui, plutôt que de l'observer sans se faire voir. J'aurais été curieuse d'assister à cette conversation. William Potter était un solide gaillard et un preux chevalier, mais il était aussi timide qu'une jeune fille face à moi. Et probablement face à Alys étant donné ce qu'il convoitait d'elle. J'imaginais bien le jeune homme balbutier face à la pétillante jeune femme, submergé par sa vivacité.

A l'annonce de sa promenade et surtout à la jolie coloration de ses joues, je me penchai un peu en avant, comme pour écouter un secret connu de nous deux seulement. J'écarquillai les yeux de surprise à la mention d'un baiser. Vraiment ? William avait osé se montrer aussi hardi ? J'étais stupéfaite. "Il t'a embrassé ? Je ne le pensais pas capable de faire ça..." Enfin, il avait du probablement connaître des demoiselles peu farouches et avenantes, évidemment, mais là, on parlait d'une suivante de la princesse, une fiancée possible, pas d'une vulgaire servante qu'on troussait dans un coin. Je l'aurais pensé plus intimidé que ça. Pour rassurer et tranquilliser Alys, je me permis un petit commentaire : "Tu sais, le premier baiser que j'ai reçu, c'était dans les cuisines de Goeville, par une jeune homme fort charmant qui avait un petit creux, au beau milieu de la nuit. Il pensait que j'étais une servante. Je pensais que c'était un laquais. Il m'a embrassé avant de disparaître. C'était le prince de l'Ouest et mon futur époux en vérité." C'était un doux souvenir. Précieux. Insouciant.

Elle me confia alors craindre qu'il ne soit trop doux pour elle. "Oh, il rougit très facilement, je te l'accorde." Il faisait de même avec moi. "Alys, qu'est-ce que tu as ressenti quand il t'a embrassé ?" Rien ? De la gêne ? Du... Plaisir ? Son cirps s'était-il embrasé, répondant à ce délicieux stimulus ? C'était important qu'elle soit consciente de ce genre de choses, alors que c'était nouveau pour elle. Si je pouvais l'aider à être plus sereine avec ça... Ce serait parfait. Et mérité. "Lyman me compliment beaucoup également. Et me regarde comme si j'étais un trésor précieux. Je ne sais pas si cela me donne un sentiment de surpuissance, mais cela me donne simplement envie d'être digne de son amour."

You can count on me like one, two, three... I'll be there.

Jeyne & Alys

À vrai dire, le rythme de vie de la jeune Kenning avait été bien modifié ces dernières semaines. L’annonce faite par Gareth concernant un mariage prochain pour sa jeune sœur l’avait totalement fait paniquée. Elle en avait presque perdu toute sa confiance en elle lorsqu’elle adressait la parole à des hommes. Alys les voyait tous comme des prétendants ou comme des personnes qui voulaient la voir dans cette optique. Et puis, son frère l’avait mise en garde concernant sa position à la Cour : dame de compagnie de la future Reine, sœur de l’époux d’une Lannister… Il y avait énormément d’enjeux, bien plus qu’elle n’aurait été capable d’imaginer autrefois. Et maintenant qu’elle avait cerné ces dimensions, elle tremblait comme une feuille à l’idée de prendre une pareille décision. Comment cerner les demandes honnêtes de celles des profiteurs ? La main disponible d’Alys Kenning avait-elle fait le tour de Castral Roc ou seulement quelques intimes étaient au courant ? Toutes ces éventualités rendaient la belle presque paranoïaque et cet après-midi là lui ferait très certainement du bien au moral. En plus d’apaiser celui de son amie.

— Moi non plus… Néanmoins, je pense que l’euphorie de notre course à cheval a dû l’emporter sur la raison.

Il fallait dire qu’ils s’étaient amusés comme des petits fous à galoper à travers la forêt de Castral Roc, victimes de leur jeunesse et de leur insouciance. Baissant légèrement la tête, Alys se mordilla la lèvre inférieure, voulant en avouer un peu plus à son amie, même si elle se doutait qu’elle ne pourrait pas contenir un rire face à l’hilarité de la situation.

— Il m’a tellement surprise que j’en suis tombée de mon cheval.

Les joues de la dame de compagnie s’empourprèrent quand elle se remémora la scène. Le visage de William avait changé du tout au tout. Il était devenu inquiet et arborait une mine presque triste. Comme si son attitude tout entière montrait qu’elle ne voulait pas de lui. Alors que la belle avait seulement était prise au dépourvu.

Puis, la princesse dévia la conversation vers un souvenir un peu plus personnel, qu’Alys n’avait jamais eu la chance d’entendre auparavant. Un doux sourire s’étendit sur ses lèvres tandis qu’elle écoutait son histoire. La jeune Kenning avait toujours eu une âme sensible, innocente et romantique. Les scénarios comme ça l’attendrissaient fortement. Et puis, il fallait dire que Lyman et Jeyne s’étaient bien trouvés !

— Je n’imaginais pas que c’était le genre du prince Lyman d’embrasser une servante pour la remercier d’un délicieux repas, s’exclama-t-elle en laissant un petit rire empli d’ironie franchir le seuil de ses lèvres.

Alys glissa une de ses petites mèches rebelles derrière son oreille et se remémora ses moments passés avec William. D’un côté, elle avait envie de tout garder pour elle, comme un souvenir précieux qu’elle ne voulait pas dévoiler au monde entier. De l’autre, elle voulait raconter le moindre détail à Jeyne, espérant intimement qu’elle l’aiderait à comprendre toute cette situation.

— De la surprise. Et je pense qu’il a été un peu déçu de ma réponse à son baiser. Puis il s’est montré extrêmement gentil avec moi… expliqua-t-elle en soufflant entre ses lèvres. Je lui ai rendu un peu plus tard, en lui promettant de réfléchir à sa proposition.

La jeune Kenning s’humecta les lèvres et se mit à songer à tout un tas de choses. À Damon Reyne, notamment. Alys n’avait jamais été très douée pour tout garder en elle. Enfin, surtout quand les informations étaient beaucoup trop importantes à son goût. Une partie d’elle avait envie de confier ce qu’elle savait à Jeyne, tandis que l’autre était tiraillée par la promesse qu’elle avait faite à son ami de ne pas répéter ce qu’il lui avait confié.

— Jeyne… J’ai aussi besoin de discuter d’autres choses avec toi. Mais j’aimerai que ça reste entre nous, si tu le veux bien ?

You can count on me like one, two, three... I'll be there.

Jeyne & Alys

An 1 Mois 7

Si j'étais ravie de ce moment privilégié avec Alys, j'avais bien l'intention de discuter un peu avec elle de sa situation, qui, à mes yeux, était moins dramatique que ce qu'il se tramait au Roc. C'était difficile d'être une jeune fille à marier, surtout qu'elle avait gagné en intérêt. J'étais curieuse de connaître le nom de ses prétendants, même si j'en connaissais déjà un et de savoir également ce qu'elle pouvait bien en penser. Et comment elle vivait cette situation. Heureusement que j'étais assise, d'ailleurs, quand elle me révéla l'audace du jeune Potter, qui lui avait volé un baiser. C'était pour le moins surprenant et je n'étais pas certaine que c'était simplement du à l'euphorie d'une course à cheval d'ailleurs. "Quoi ?" Alys était tombée ? "Tu ne t'es pas fait mal au moins ?" Je n'avais pas vu Alys blessée ou alitée, mais une chute était toujours douloureuse. Que ce soit physiquement, ou pour l'ego. Mais au moins, son prétendant avait pu jouer au chevalier servant avec elle. "Donc si je résumé, il t'a embrassé et tu as... chaviré ?" Il y avait de l'amusement dans ma voix. Elle était tombée, au sens premier du terme en effet. Et il avait du être tout contrit. "Pauvre William, il du être tout penaud d'avoir provoqué ce drame."

Et puisque nous en étions aux confidences et qu'Alys était totalement novice en la matière, je tentai de la rassurer en lui confiant ma propre expérience, pour ce qu'elle valait. "Oh, c'est tout à fait son genre de faire le joli cœur face à une charmante demoiselle. Lui voler un baiser, c'est plus rare. Il faut croire que je lui ai vraiment plu. Autant te dire que cela m'a rendue méfiante au début, de savoir qu'il pouvait se comporter comme cela. Et s'il continuait une fois marié ? Mais je suis rassurée maintenant." Et je revins donc à William et Alys et ce qu'elle pouvait ressentir face au baiser. Sa réponse n'était pas très encourageante... De la surprise, c'était tout ? Le baiser de Lyman m'avait prise au dépourvu et m'avait rendue furieuse, mais cela avait aussi remué et éveillé quelque chose en moi, de bien plus agréable... "Oh, tu l'as embrassée toi aussi ? Pour lui faire plaisir, ou par envie ?" Parce que ce n'était pas du tout la même chose.

Mon intérêt monta encore d'un cran quand Alyse sembla hésiter à me dire quelque chose, et me demanda de promettre de le garder pour moi. Je fronçai les sourcils, un peu surprise, avant de hocher la tête : "Bien sûr. Hormis si cela met en danger le Roc, tout le reste demeurera secret. Promis." J'étais très amie avec Gareth, mais ce n'était pas pour ça que j'irais lui raconter ce que pourrait bien me confier sa sœur. J'avais la confiance d'Alys et je ne la briserais pas pour cancaner. Elle avait piqué ma curiosité, alors que je me demandais ce qui pouvait exiger une telle promesse... Un autre prétendant qu'elle aurait également embrassé ? Oh... Pourvu qu'elle ne se soit pas déshonorée surtout ! Je le garderais pour moi, mais cela la mettrait dans une situation vraiment embarrassante ! Comme Lynara...

You can count on me like one, two, three... I'll be there.

Jeyne & Alys

Alys savait que Jeyne risquait de se moquer d’elle. En même tant, sa dame de compagnie n’était pas des plus adroites quand la gêne venait s’en mêler. Elle était aussi une personne assez moqueuse qui avait le don d’attirer les situations embarrassantes. Il ne fallait pas s’attendre à quelque chose de plus sérieux venant de sa part. Sa vie n’était qu’un enchaînement de maladresses qui ne faisait que mettre un peu de piquant à son existence. Voilà comment elle percevait les choses.

— Ne t’en fais pas, je n’ai rien. J’ai appris à chuter très jeune.

Sa famille tenait un domaine où ils élevaient des chevaux. Dès son enfance, elle avait appris à monter à cheval, mais aussi à tomber. Les personnes qui travaillaient pour la famille Kenning lui avaient donné toute une série de conseils à ce sujet et, à chaque fois, elle s’était mise à les appliquer dans la journée.

— C’est un très bon résumé de la situation. Le pauvre était embarrassé et très pensif après tout ça.

Puis Alys écouta attentivement l’histoire de Jeyne et un sourire s’étira lentement sur ses lèvres. Lyman était quelqu’un de très gentil, mais il faisait également chavirer bien des cœurs. La dame de compagnie de Jeyne en avait fait les frais lors de ses quelques visites à Castral Roc pendant son enfance. Son frère, Gareth, s’était gentiment moqué d’elle et elle avait fini par virer au rouge vif à chaque fois qu’elle le croisait. À cause de cette histoire, il lui a fallu des années pour se débarrasser de cette habitude.

— Je trouve que vous vous êtes bien trouvés, conclut-elle avec un sourire doux et sincère. Concernant William, je dois t’avouer qu’il s’agissait un peu d’un mélange des deux. Il s’est montré délicat et sincère avec moi et d’un autre côté, il semblait culpabiliser de m’avoir embrassé.

La jeune femme haussa doucement les épaules et se mordilla la lèvre inférieure, prête à avouer un secret qu’on lui avait confier. Elle savait que son amie appréciait William et elle risquait de ne pas apprécier la suite de la conversation. Pourtant, sa demoiselle de compagnie avait plus que jamais besoin de ses conseils et de son soutien.

— J’ai également fait la connaissance de Ser Damon Reyne. Les choses avec lui sont… différentes, souffla-t-elle entre ses lèvres après un instant de réflexion pour trouver le terme adéquate. Il m’a proposé d’unir nos deux familles, mais il m’a également avouer quelque chose. J’ai du mal à le garder pour moi et cela m’envahit d’une désagréable sensation d’entre-deux avec Lord William.

Mince alors. Il était vraiment tant pour elle de se jeter dans le gouffre et de tout avoue avec son amie. Elle seule serait capable de la conseiller sur ce qu’elle devait faire ou non.

— Te rappelles-tu du duel judiciaire entre Lord Reyne et lui, il y a de cela quelques mois ? Eh bien, Ser Damon souhaite l’affronter à nouveau, pour sauver l’honneur de sa famille. J’ai tenté de l’en dissuader, mais il est profondément ancré dans cette idée. Lord William n’est pas au courant pour le moment et il m’a fait promettre de ne pas lui en parler.

Alys marqua une légère pause, après avoir enchaîné l’explication à un rythme assez soutenu. Elle était assez angoissée pour l’avenir de ses deux amis et avait besoin de l’oreille attentive de Jeyne pour l’aider dans toute cette histoire.

— Je les apprécie tous les deux, Jeyne, et je ne peux pas me résoudre à accepter l’idée d’un duel entre eux.

You can count on me like one, two, three... I'll be there.

Jeyne & Alys

An 1 Mois 7

"Je ne sais pas si cela doit me rassurer." Alys était une très bonne cavalière, comme moi, ce qui était plutôt appréciable. Je me demandais si elle avait déjà essuyé beaucoup de chutes pour en parler avec une telle désinvolture. Cela pouvait avoir de très graves conséquences. Ça faisait des années que je n'étais pas tombée de cheval, mais je me souvenais encore de la peur et du soulagement en m'apercevant qu'il n'y avait rien de grave. Tout le monde n'avait pas cette chance. Enfin, ce n'était pas tant la chute l'important, que ce qui l'avait causée. Un baiser d'un jeune chevalier. Rien que ça. La situation était cocasse quelque part. Et un peu romantique aussi. Surtout quand on savait qui lui avait donné ce baiser. Je n'aurais pas pensé Lord Potter capable de cette hardiesse. Comme quoi... Je ne résistais pas à l'envie de lui raconter comment cela s'était passé pour Lyman et moi. Notre première rencontre avait quelque chose d'irréel. Et c'était un souvenir amusant et tendre, que je n'oublierai jamais. On aurait dit que finalement, au delà des décisions de nos familles, le destin avait décidé de nous mettre sur la route l'un de l'autre. Je hochai la tête quand Alys conclut que nous nous étions bien trouvé, avant de revenir à William. Ses réactions étaient plutôt contradictoires et offrait un mélange assez déroutant.

Mais au delà de ce baiser, il y avait quelque chose qui semblait tracasser Alys.Je fronçai les sourcils alors qu'elle débutait en disant que les choses étaient différentes, avec un autre homme. Deux soupirants. Deux rivaux. Quelle délicate et inconfortable situation. "Il t'a proposé d'unir vos deux familles ? Il l'a formulé ainsi ?" Ne cherchait-il qu'à entrer dans les bonnes grâces d'une famille proche du pouvoir et ainsi, s'en rapprocher . Etait-il un jeune intrigant pétri d'ambition ? Ou bien trouvait-il Alys charmante, et joignait-il l'utile à l'agréable ? Si je pensais avoir cerné lord Potter, je ne connaissais pas ce Reyne.

J’acquiesçai à sa question concernant le duel judiciaire, apprenant alors qu'il désirait en découdre à nouveau. A quel point cela était-il motivé par les beaux yeux d'Alys également ? Difficile à dire. "Que pouvons-nous face à l'entêtement des hommes..." Je murmurais, affligée. "Lord Potter relèvera le défi, c'est certain. Sait-il que Lord Reyne te courtise ?" C'était aussi quelque chose à prendre en compte, c'était loin d'être anodin. "Tu ne peux pas trahir ta parole Alys... T'a-t-il fait promettre de ne pas lui en parler à lui spécifiquement ou à qui que ce soit ?" Parce que s'il n'avait pas été suffisamment précis, rien n'empêchait Alys de m'en parler et que je le rapporte ensuite au concerné, sans qu'elle n'en arrive à trahir sa parole. "Tu les apprécies tous les deux... Mais y'en a t-il un qui a ta préférence ? Et Gareth est-il au courant ?" Parce qu'en définitive, c'était lui qui aurait le dernier mot, et qui choisirait pour sa sœur. A moins que ce ne soit Lyman qui ne fasse un choix, qui amènerait du soutien à la famille royale, en récompense encore une fois. Tout était possible. J'aimerais qu'Alys ai son mot à dire... Mais c'était probablement trop demander à son frère, aussi aimant soit-il envers elle.

You can count on me like one, two, three... I'll be there.

Jeyne & Alys

Alys se sentait quelque peu honteuse de raconter tout cela à son amie. Déjà, elle avait eu la bonne idée de commencer par l’épisode du baiser, suivi de la chute de cheval. La jeune Kenning était connue pour être une éternelle maladroite. Autrefois, cela ne touchait pas que la sphère physique, mais également du langage. Son arrivée à la Cour lui avait permis de tourner sept fois sa langue dans sa bouche avant de parler et elle avait réussi à apaiser un peu ce défaut de sa personnalité. Quoi qu’il en soit, elle était bien souvent tombée de poneys lorsqu’elle était plus jeune. Les chevaux étaient leurs semblables, mais en un peu plus grand, n’est-ce pas ? Elle ne voyait pas grande différence entre ces deux chutes. Évidemment, elle restait prudente : « toujours protéger sa tête » l’avait averti son père lors de sa première leçon. Et elle n’avait jamais cessé de mettre à contribution ses leçons de vie.

La jeune femme sourit doucement à Jeyne, tout au long de la narration de son histoire. Elle aimait les histoires romantiques et elle lui en mettait réellement plein les oreilles. Lyman et elle avaient toujours touché Alys. Elle voyait en eux la sincérité et la loyauté. Ils étaient un peu un modèle pour elle, un idéal qu’elle espérait atteindre un jour. Que ce soit avec William ou un autre.

Finalement, sa révélation surprit la princesse, la mettant encore plus dans une situation inconfortable. Elle avait l’impression d’avoir trahi la parole de son ami, mais également d’être jugée par Jeyne. Elle ne savait pas vraiment si cet aveu avait été une bonne idée. Mais soit ! Elle était lancée et il était trop tard pour revenir en arrière et corriger sa bêtise.

— Je suis un peu ailleurs par moment, Jeyne, mais je suis persuadée de ce que j’avance.

Alys serra nerveusement le pan de sa robe du bout de ses doigts. Elle sentait le rouge lui montait aux joues. Elle aurait tant aimé se taire et ne pas révéler ce secret à qui que ce soit. Elle n’aurait jamais dû le faire après tout.

— Je ne saurai te confirmer quelle réponse est correcte. Nous avons eu une conversation assez houleuse. J’ai essayé de le dissuader de tout ça. Et je dois bien t’avouer que mes souvenirs ne sont pas très clairs.

La jeune femme se mordilla la lèvre inférieure, ne sachant pas vraiment si elle pouvait compter sur le soutien de Jeyne ou si elle risquait de la juger d’un moment à l’autre. Elle espérait vraiment pouvoir compter sur le soutien d’une amie à cet instant, plus que la présence d’une princesse à qui elle devait tenir compagnie. Et elle sembla entendre ses prières.

— Je pense que Lord William reste la meilleure alternative. Gareth le tient dans son estime et il trouve Ser Damon trop ambitieux, souffla-t-elle entre ses lèvres. Dans tous les cas, en considérant leur personnalité et leur histoire, Lord William est celui qui me correspond le mieux et j’ai la chance d’avoir mon frère derrière moi, pour me soutenir qu’importe ma décision.

Un léger sourire se dessina sur le coin de ses lèvres, plus empli d’inquiétude que de joie.

— Je dois sûrement t’ennuyer avec tous mes tracas. Ils semblent tellement minimes à côté des tiens. J’ai seulement peur de prendre une décision que je regretterai le restant de mon existence.

You can count on me like one, two, three... I'll be there.

Jeyne & Alys

An 1 Mois 7

Pauvre Alys... Cela n'était vraiment pas aisé pour elle. Si il était flatteur d'être courtisée (quand bien même on ne savait jamais si c'était pour nous ou pour notre rang ou notre influence), c'était bien plus difficile quand les soupirants entraient en conflit. Ou l'étaient déjà. Je vis Alys devenir plus nerveuse encore tandis qu'elle chiffonnait l'étoffe de sa robe entre ses doigts. Le problème était que ces rivalités pouvaient avoir un impact sur le bon ordre des choses, et prendre une tournure plus importante que des querelles de soupirants. Les affaires de Lord Potter étaient préoccupantes et avaient fait intervenir l'autorité royale. Ce n'était pas rien. Repartir en guerre pour reprendre ce qui lui appartenait n'était pas davantage anodin. Nous n'étions pas sur une petite querelle de seigneurs. Si les choses venaient à s'envenimer... Lord Potter n'avait décidément pas de chance. C'était regrettable, parce que c'était un homme bien. Je ne connaissais pas l'autre soupirant, alors mon avis était forcément peu objectif. J'essayais toutefois de demeurer neutre et surtout, d'aider Alys... Dans la mesure de mes faibles moyens.

En dehors de toute considération politique, vers qui le cœur d'Alys balançait-il dans cette cour assidue ? Je me pinçai les lèvres quand elle m'avoua que Gareth trouvait Ser Damon trop ambitieux. Ah oui ? C'était possible qu'il ne s'intéresse effectivement qu'à la position qu'un mariage avec Alys lui conférerait. Mais je ne pouvais en juger alors que j'ignorais beaucoup de choses de cet homme. Et si William recherchait le même type de bénéfice, il l'avait soigneusement masqué, lui. "Je t'avoue ignorer beaucoup de choses sur Lord Reyne... Que sais-tu de lui ?" Cela me renseignerait un peu également. Et peut-être pourrais-je apporter un conseil un peu plus avisé et éclairé à Alys. "Oui, c'est une grande chance." Il fallait bien quelque chose qui vienne compenser le fait que ce ne soit plus le père d'Alys qui décide de ce genre de chose, malheureusement. Gareth était peut-être plus tolérant. Même s'il ferait passer le bien du royaume avant le sien et celui de sa famille. Il avait sacrifié son idylle avec Lynara pour épouser Megara sur ordre de Lyman... Ferait-il les mêmes sacrifices pour sa petite sœur ?

Je posai une main sur celle d'Alys, lui pressant doucement les doigts, afin de la rassurer : "Pas du tout. Je suis heureuse que tu me juges digne de confiance et de recevoir tes confidences. Tes tracas sont importants. Je n'aime pas savoir que quelque chose te peine, Alys. Je ne suis pas certaine de pouvoir faire grand chose pour t'aider, mais je suis avec toi. Si je peux t'aider, juste recueillir ta peine, t'insuffler un peu d'apaisement, alors je le ferais."

You can count on me like one, two, three... I'll be there.

Jeyne & Alys

Jeyne était sans doute la personne la plus douce et attentionnée qu’elle connaisse. En sa compagnie, elle se sentait quelque peu apaisée, rien qu’à l’entente de la tonalité de sa voix. Mais elle ne se risquerait jamais à réveiller la louve qui sommeille en elle. Alys savait que son amie était une personne des plus charmantes, sauf quand on lui tenait tête ou qu’on faisait du mal à quelqu’un qu’elle aimait ou qu’elle avait sous sa protection. Même si c’était à peu près le cas de tout le monde. Alys n’avait jamais su en imposer auprès des autres. Elle était plutôt la femme assez discrète à qui personne ne cherchait d’ennuis. Elle ne savait comment elle pouvait réagir en situation d’importantes pressions sur ses épaules.

Enfin… Là n’était pas le sujet à l’heure actuelle. Jeyne venait de la questionner sur Lord Reyne et Alys haussa doucement les épaules. Elle ne connaissait pas énormément de choses, ni sur lui, ni sur William. Seulement quelques détails, mais cela avait suffi à se faire une idée sur le type de personnes qu’ils pouvaient être. Très différentes, soit dit en passant.

— Alors, Ser Reyne est à l’opposé de Lord Potter, je crois bien, souffla-t-elle avec un petit rire entre ses lèvres. Il est ambitieux, mais pas de la même façon que Lord William. Il a énormément pris part aux combats et, de ce que j’ai pu entrevoir, l’honneur de sa famille et de son père compte beaucoup. Même s’il ne semble pas nécessairement y avoir un grand amour entre eux.

Alys sourit doucement à Jeyne, plantant son regard un court instant dans le sien, avant de se lever en effectuant un petit saut. Elle n’allait pas passer mille années sur ce dilemme. Elle était venue pour s’amuser avec son amie, et non pas s’apitoyer sur son sort ! La dame de compagnie lui tendit sa main et reprit la parole d’un air un peu plus serein.

— J’aurai tout le temps d’étudier la question plus tard. Si je t’ai fais venir ici, c’est pour s’amuser ! Et puis, cela fait un moment que nous n’avons pas dansé toutes les deux.

La jeune Kenning écouta les dernières paroles de la princesse et se mit à lui sourire tendrement. Elle était heureuse de l’avoir dans sa vie, mais également inquiète de perdre ce lien de complicité qui les unissait. Cela serait même douloureux pour elle de voir qu’elle accorde de nouveau un tel lien avec une autre fille qui n’est pas elle. Une pointe d’appréhension la saisit et elle se rendit compte que les moments comme celui-ci connaîtraient bientôt une fin. Elle espérait pouvoir quelque peu en profiter, avant qu’il ne soit trop tard.

You can count on me like one, two, three... I'll be there.

Jeyne & Alys

An 1 Mois 7

C'était assez cocasse que deux personnes aussi diamétralement opposées aient jeté leur dévolu sur Alys. Et surtout, qu'Alys ne sache pas vraiment les départager alors que chacun semblait lui plaire à sa manière. J'étais bien placée pour savoir que la réalité était souvent différente de l'idéal que l'on pouvait se forger. Je pensais que mon époux serait un guerrier solide et viril, un homme du Nord, comme j'en avais connu toute ma vie et finalement, j'avais été séduite par le visage délicat et les manières de courtisan de mon époux ouestrien. j'étais à peu près sûre que j'aurais ri avec mépris si on m'avait dit cela plus jeune. Mais pour le coup, les deux hommes étaient de l'Ouest, rien de très étrange ou exotique pour Alys. Que la jeune femme qualifie Lord Reyne d'ambitieux me mit quelque peu en alerte. A quel point l'était-il ? A quel point était-il intéressé par la situation d'Alys ? Je savais bien que c'était là le jeu des alliances et que l'amour n'avait rien à faire là dedans, mais quitte à pouvoir choisir un soupirant, autant prendre celui qui semblait le moins intéressé par sa position de dame de compagnie de la future reine et belle-sœur de la princesse. L'honneur était important pour lui. Il l'était aussi pour Lord Potter qui avait à cœur de réhabiliter son nom et sa maison. Maintenant, William était plutôt du genre réservé, intimidé par le pouvoir royal, droit et brave. Alors qu'était Damon Reyne si il était son opposé ?

Mais Alys semblait avoir fait le tour du sujet, alors qu'elle y mettait un terme en se levant vivement et en me tendant la main pour m'inviter à faire de même. "C'est vrai. Mais je suis heureuse que tu te sois confiée à moi Alys." Vraiment. Sa confiance me touchait et me faisait plaisir. Que l'on puisse avoir envie de me mêler à sa vie me ravissait. Cela me faisait me sentir intégrée dans cette cour étrangère. J'essayais de gagner le cœur et le respect de tous ces ouestriens qui me voyaient au mieux comme une curiosité, au pire comme une étrangère qui n'avait rien à faire là et ne comprenait rien à leurs problèmes. Alys n'était certes pas la plus difficile à amadouer, étant naturellement chaleureuse et ouverte, mais c'était quelque chose d'avoir pu en faire une amie, davantage qu'une dame de compagnie. Je savais aussi que son mariage finirait par l'éloigner de moi, sauf si son époux demeurait à la Cour. Cela m'attristait, mais c'était malheureusement le destin de beaucoup de jeunes nobles. Cela ne viendrait en rien rompre notre amitié. L'éloignement n'était pas une fin, juste un changement.

Je souris, repoussant cette triste pensée, pour entraîner Alys un peu plus loin et me mettre à danser avec elle, avec une insouciance feinte, car aucune de nous deux ne pouvait l'être de nouveau, pas après les épreuves que nous avions pu traverser et qui nous avaient définitivement fait sortir de l'enfance. Mais au moins pouvions nous profiter de ces quelques heures pour souffler un peu, pour juste profiter et être heureuses.