La paix était à peine retrouvée à Dorne, mais cela ne voulait pas dire la fin des troubles. La Flotte de Fer, éreintée par un an et demi de conflit qui avaient étrillés ses effectifs, grognait. La perspective de la victoire et du pillage avait enrichi quantité de capitaines, mais les désastres du Conflans avaient massacré des milliers d’hommes d’un pays qui renouvelait peu sa population, du fait de la dureté des conditions de vie sur les îles. Les seigneurs de Fer étaient partagés entre la gloire et les richesses obtenues, et les incertitudes vis-à-vis de l’avenir. Le mariage du dernier fils d’Harren, le Roi Yoren, avait jeté de l’huile sur le feu. Comme d’autres contrées s’étant liées avec l’étranger, une partie de la population réprouvait ce choix. Les riverains étaient perçus comme inférieurs depuis des générations, et étaient en sus taxés d’être les principaux responsables du désastre qui avait condamné l’essentiel des possessions continentales du Royaume. Pis, quantité de choix étaient pris en faveur de ces mêmes riverains, et la Flotte de Fer, oubliée à Dorne, n’était cantonnée qu’à un rôle secondaire. La rumeur grondait et surtout, les appétits de puissants seigneurs étaient aiguisés. Sans grande armée, sans flotte directement sous son contrôle, qu’est-ce qui empêchait les insulaires de se réapproprier leur propre pays ? Certains capitaines en venaient à se disputer entre eux, s’accusant pour certains d’ambitions folles, ou de collusion avec le Bief. Bientôt, les rixes furent courantes, entre loyalistes et factieux, opportunistes et légitimistes. Personne toutefois, ne se risqua à une sédition franche, et la bannière Hoare flottait toujours sur les navires de la flotte. Dans la crainte de la sédition, la Flotte du Bief prit ses distances, et était rapatriée sur le continent. Tout le monde craignait que les accusations et les loyautés propres à Yoren ou sa soeur Eren ne finissent par provoquer un désastre.

Le Roi coupa court aux rumeurs, par une missive dans le plus pur style fer-né qui rassénéra les équipages. Ils n’avaient pas été oubliés, et il y avait d’autres missions à accomplir pour ce nouveau royaume, des missions qui feraient la part belle aux compétences de ces terrifiants équipages.  Qu’importe ces sudiens, disaient les fer-nés. La guerre à Dorne était finie, et la Flotte de Fer repartait se couvrir de gloire. Les incidents n'étaient pas oubliés, mais il y avait un nouvel espoir, celui de pouvoir s'illustrer plus encore qu'à Lancehélion.

La flotte avait disparu depuis trois jours à l’horizon que deux chébèques de Lys, rescapées des combats navals en Esso, accostèrent dans les Degrès. Les pirates avaient battu pavillon dornien pendant des semaines, mais étaient restés sans ordres et sans directives. Les forbans firent couler l’alcool à flots, et leur chef, entouré de catins et de jeunes marins avides, que les Degrès de Pierre redevenaient possessions de la Confrérie des Pirates. Ces ilôts désolés, battus par les vents, battaient à nouveau pavillon noir, pavé d’ossements. Les pirates n’avaient pas disparu sous les assauts du Tigre, et de petits esquifs partirent dans toutes les directions pour rameuter aux Degrès les autres survivants des anciennes confréries.

L’affront était grand pour Dorne, comme pour le Tigre. Ces pirates n’avaient dû leur salut qu’à leur lettre de marque adressée par la Princesse Deria Martell en personne, et ces marins sans honneur piétinaient ainsi allégrement leur serment.