Il sait ce qu’il veut et ce qu’il ne veut pas. Nassio a longtemps été un des bras armés du Tigre. Avant cela, il est passé par les arènes d’Essos. Son ascension s’est faîte au travers de multiples épreuves et de la loi du plus fort. Le Tigre avait été fort malin de le choisir pour ce poste parce qu’il connaît sa hargne et sa discipline.  « Promenons-nous alors, Dame Qorgyle. » Rigide comme il est, Nassio ne revient pas sur leur dernière discussion. Il commence alors à lambiner le long de cette allée arborée.

Hathor fait référence à son fils, Haakon, qu’elle tient dans ses bras. Elle n’a fait référence à aucune précédente union. Son fils est pourtant issu d’une liaison relativement récente. «Je n’ai rien à atténuer. » Le ton est donné. Céder, reculer, atténuer…ne font pas partie de son vocabulaire. Nassio est tout de même prêt à passer à autre chose sans se renier. Il était peut-être de bon ton d’éviter une esclandre pour son Empereur tant que la situation est encore fragile pour ses homologues d’Essos.

Les rapports humains sont dénués de toute fioriture chez lui et il le prouve à nouveau en jetant un regard rapide sur l’enfant. «Vous avez un fils. C’est un fait. Formulez-moi vos attentes. Si vous préférez un retrait de ma part à ce sujet, sans conséquence pour vous, je suis prêt à l’accepter. »  Elle aurait pu connaître un tout autre sort si elle l’avait croisé en un autre lieu. Sans doute, Hathor le sait dans un coin de son esprit. Il y a quelque chose de terrible prêt à émerger chez lui. «Vous m’accusez de ne point vous connaître. Je ne connais peut-être pas vos goûts en matière de boissons et vos coutumes en Westeros…mais ce que je sais, c’est que vous êtes seule avec un fils, que votre territoire est en guerre et que vos affaires ne se portent pas au mieux.  Je ne distingue que des vulnérabilités chez vous ce qui me confirme que c’est le moment adéquat pour vous cueillir. » Lord Demestris s’exprime sans souhaiter que ses propos soient perçus comme une quelconque provocation. Il explique toute sa démarche, son analyse, prouvant ainsi qu’il est droit dans ses bottes et qu’il le restera.

«Est-ce qu’il y a quelque chose de plus important que je devrais savoir selon vous ? » Les deux serviteurs se tiennent un peu en retrait.

« La colère se lit dans vos yeux. Vous m’en voulez pour mes mots. » C’était assez prévisible en fait. Nassio a mené la charge tambour battant tout en demeurant résolument calme. Un mélange détonant. « Vous avez raison, Vous n’êtes pas un objet, ni une prostituée. Mais, je ne pense pas pour autant m’égarer loin de la vérité. Faire mieux ? Je ne vous demande pas de vous vendre mais de faire preuve de raison. » Sans se montrer aussi offensif que tout à l’heure, lord Demestris demeure rude. La dornienne lui fait face désormais maintenant que son enfant venait d’être confié à sa servante. Maintenant que la bataille vient d’être lancée, ils peuvent entrer tous les deux dans le vifs du sujet.

« Vous voulez savoir ce que je pense ? Vous hésitez. Vous ne m’avez apporté aucune réponse lors de notre dernière entrevue. Vous m’invitez ensuite pour une promenade tout en sachant ce que je suis prêt à faire pour vous obtenir. Je ne vous laisserai le loisir de me mener par le bout du nez. » Il s’est affirmé avec moins de provocation sans accorder la moindre concession. Il avance d’un pas vers elle pour réduire sa marge de manœuvre et la pousser à s’adosser à un arbre. « Les hommes de mon âge développent une certaine arrogance…peut-on le leur reprocher après maintes épreuves, maintes batailles ? » Il se rapproche encore sans la quitter des yeux. Elle est sortie de ses gonds tandis que lui s’applique à se défendre habilement. Sa main droite vient se glisser le long de sa hanche. « Vous aimez la violence. Vous aimez l’idée que je puisse m’en prendre à un de vos soupirants pour vous obtenir. Vous aimez être désirée plus que tout. » Nassio continue de la sonder du regard. Il sait qu’elle doit trouver cette façon de faire relativement déplaisante. L’Essossien ne lui laisse aucun répit et est même prêt à relever son menton à l’aide de son index si elle souhaite se défaire de son emprise en baissant les yeux.

« Je pourrais vous courtiser et vous dire que je vous offrirais volontiers les parures qui vous plaisent. Je présume que ce n’est pas ce que vous êtes venue rechercher chez moi. » Effronté, il prend doucement sa main pour la porter à ses lèvres et déposer un simple baiser qui se veut pourtant bien évocateur.

« Vous n’aimez pas la violence, vous n’aimez pas l’idée que je puisse m’en prendre à lui mais cela ne vous empêche pas de me donner son nom. N’est-ce pas relativement curieux? » Il y a quelque chose d’amusant à relever des éléments contradictoires dans le discours de la dornienne. Il est possible qu’elle soit perturbée par la rudesse de Nassio ou par le cours des évènements et qu’elle commet des erreurs impardonnables qui peuvent se relever tragiques, surtout pour Arman. Il existe aussi une façon de voir les choses aussi. Elle pourrait encourager Nassio à se débarrasser d’Arman. Cette idée ne lui a jamais effleuré l’esprit, n’a jamais été crédible à ses yeux, même si ses paroles ont pu prêter à confusion la dernière fois. L’homme d’Essos pense qu’elle ne tient pas tant que ça à ce dornien dénommé Arman et qu’il n’est pas nécessaire ou souhaitable d’en venir à un meurtre pour avoir les coudées franches afin de séduire Dame Qorgyle.

Nassio ne peut entrer dans l’esprit du Diadoque mais n’est pas pour autant à court d’arguments pour faire pencher la balance de son côté. « Si Dorne vient à brûler, vous pourriez toujours partir avec moi et emmener votre fils loin des Bieffois ou de l’Empire des Loups et des Dragons. » Dame Qorgyle révèle ses hésitations et en vient finalement à avouer ses préoccupations sur l’avenir plus ou moins proche. De ce qu’on a pu dire à Nassio sur les particularités du continent de Westeros, Dorne entretient des relations conflictuelles avec le Bief et l’Empire qui s’érige au nord n’est guère plus apprécié. Alors, pourquoi ne pas tirer profit de la situation pour s’octroyer ses faveurs ? Les conditions sont plutôt idéales pour faire preuve d’opportunisme. Il continue de l’observer puis enserre soudainement la hanche de la dornienne avec sa main droite. « Et qu’est-ce que je suis venu chercher chez vous ? » Sa poigne demeure verrouillée sur le tissu de sa robe et sur sa peau. « Je suis d’accord avec vous, je ne pense pas avoir besoin de décorer mes membres supérieurs. » Nassio relâche son emprise brusquement et toise la dornienne les yeux dans les yeux sans ajouter quoi que ce soit. Il a repris ses paroles pour mieux la provoquer et la bousculer. Il pourrait réceptionner une gifle certes. C’est bien Hathor qui l’a mené sur ce chemin glissant de ce qu’il recherche chez elle.

Où se distingue la vérité ? Croire une femme sur parole est une hérésie. Elles manoeuvrent avec leurs armes et la duperie en est incontestablement une. Quelque part, Nassio est persuadé qu’elle n’a pas avancé le nom de son amant de manière fortuite. Elle devait avoir une idée derrière la tête. Aussi, elle ne doit pas le rappeler trop souvent aux oreilles de l’ancien général du Tigre. Un accident est si vite arrivé, d’autant plus qu’il ne s’est pas énervé depuis son arrivée sur les terres dorniennes…

Elle continue de lui faire face. Peine perdue. Il finira par la croquer d’une façon ou d’une autre. « Vous n’êtes pas certaine de comprendre et vous avez peur de ne pas apprécier la réponse. Donc, préférez vous ne pas comprendre ou être agacée par ma réponse ? » Ironique, Demestris continue de la faire attendre. A aucun moment il aurait pensé que la dornienne aurait souhaité une explication…de cette manière. Parfois, les mots n’ont pas leur place quand il s’agit de faire passer un message. « Ce que je veux chez vous ? » Il lui annonce l’imminence de sa réponse. Directe et sans détour. « Je veux votre corps. Je veux votre présence. Où et quand je le souhaite. » Demestris frôle le revers de sa main râpeuse contre la joue de la dornienne. « Je veux votre jeunesse et votre venue dans mes appartements ce soir. Dois-je continuer à ne pas vous faire apprécier ma réponse ? »  Arrogant, il s’attend à une réaction de rejet de la part de celle qui se prétend insoumise. Pour mieux la faire plonger lorsque le moment sera venu. Son regard fixe le sien et l’homme d’Essos s’attend à en prendre une bonne sur la joue.

Il n’en a pas fini pour autant maintenant que les masques tombent. Il est temps de sortir l’atout maître de son jeu. Lors d’une bataille, c’est lorsque l’on ordonne à la cavalerie de mener la charge décisive. Il s’avance alors vers elle pour chuchoter à son oreille avec sérénité. « La princesse Martell serait forcément déçue d’entendre une noble dame de son pays plongé dans la guerre s’en prendre à un nominé pour rejoindre son conseil restreint…A votre avis, de qui a t’elle le plus besoin en ce moment…Résistez et je vous briserai. Je briserai Arman. Je briserai tous vos proches. C’est ainsi que nous sommes et vous avez assez profité de ma patience, femme. »

Il se contentera de cette réponse somme toute suffisamment explicite pour ne pas qu'il ait l'idée de persévérer dans cette voie. On ne peut pas dire que Nassio consent à faire des efforts pour arrondir les angles. Il est bien trop vieux et perturbé par sa vie mouvementée pour changer. Le regard ferme, il garde la tête haute durant cette confrontation. Son arrogance est certes exacerbée mais elle encaisse le refus. Dans un coin de sa tête, il sait qu’il a tenté le tout pour le tout comme si il montait un assaut, comme à l’époque dorée. Il comprend ses craintes liées à cette question d’âge mais lui n’a pas été jusqu’à penser au moment où il rejetterait la dornienne. Il finit par réaliser un pas en arrière assez symbolique au vu de la situation. « Maintenant, je crois que nous nous sommes dits ce que nous avions à nous dire lors de cette marche, Dame Qorgyle. » Il ne considère pas cet échange comme un échec et son égo n’a pas été sérieusement impacté. Il a été franc et a obtenu une réponse assez rapidement. Maintenant, il est temps de plier bagage et de retourner rapidement à ses appartements. « Que la soirée vous soit profitable, Dame Qorgyle. » Le ton est clairement retombé. La virulence n’est plus perceptible parce qu’il est temps de passer à autre chose. L’homme natif de Volantis se détourne de la dornienne. Il doit désormais se reconcentrer sur sa mission au sein de la Principauté de Dorne. Cette situation nouvelle pour lui, et ce nouveau statut, ne doivent pas l’empêcher de combler les attentes du Tigre. Il fera tout pour y parvenir. Sa loyauté envers le Diadoque est à toute épreuve non pas seulement pour son ascension à ses côtés mais en raison de l’épopée qu’ils ont pu vivre en traversant le Détroit dans l’ivresse de l’esprit de conquête.

Peut-être doit-il se faire violence et se réfréner pour s’adapter à sa nouvelle mission. Parfois, le naturel revient au galop. C’est un des enseignements qu’il tentera d’intégrer pour s’adapter encore et toujours. Sa marche énergique le conduit jusqu’à ses appartements de Lancehélion. D’autres entrevues sont à préparer prochainement. La puissance ne permettra pas de se défaire du moindre obstacle ou, plutôt, elle sera à utiliser aux moments opportuns. Maintenant, il commence à avoir une première impression des dorniens…lui qui ne connaissait que les terres d'Essos.