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 Révélations [Tour VI - Terminé]

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MessageSujet: Révélations [Tour VI - Terminé]    Révélations [Tour VI - Terminé]  EmptySam 18 Aoû - 18:03







Révélations







Mère était revenue de son exil forcé depuis plusieurs jours maintenant. J'avais éprouvé une forme de soulagement à la revoir en vie. La joie n'était pas décemment concevable et je la laissais à mes petits frères quand ils la reverraient. Leur jeune âge les autorisait à pardonner sans comprendre, ce qui n'était pas mon cas. Un fils aîné a toujours un devoir de loyauté envers son père.Le mien l'a peut-être oublié, mais pas moi. Avant d'accepter de l'entendre nommé par tous "le félon" ou le "traître lâche" j'avais besoin de savoir ce qui s'était passé pour qu'il en arrive là. Trop longtemps j'avais dû différer, à cause des événements puis de sa captivité, un tête à tête avec ma mère, une franche explication, du moins l'espérai-je aujourd'hui. Peut-être aussi la redoutais-je et attendais-je d'avoir rassemblé mon courage.

J'avais besoin de savoir d'où je venais pour savoir où j'allais. Je n'étais plus rien. Rien que le fils du traître. Je voulais savoir si je finirais fou comme mon père et comme mon grand père, car il m'apparaissait presque comme une évidence qu'une tare se transmettait de père en fils chez les Hoare. Cette idée me donnait des suées nocturnes qui m'éveillaient en pleine nuit. La folie du pouvoir, la soif de sang, la haine et la méfiance, tous ces maux avaient corrompu mon grand-père et mon père au point de les dresser l'un contre l'autre, au point d'obliger ma mère prendre une décision inconcevable. Étions-nous une lignée de rois fous ? Où y avait-il dans ce chaos une logique qui échappait encore à l'enfant que j'étais ?

J'attendais des explications avant de conclure que les Hoare n'étaient pas digne de régner sur le Conflans et les Îles de Fer. Une conclusion dont la perspective m'horrifiait surtout considérant ce qu'elle impliquait. Mais je voulais croire encore à une autre issue. Cette entrevue m'éclairerait peut-être, en plus de me donner le réconfort secret de revoir ma mère malgré la rancune que j'affichais à son égard. J'avais croisé Mère à plusieurs occasions, mais jamais seule. Mon oncle Yoren avait mille raisons de quérir son attention pour avoir des renseignements utiles politiquement et stratégiquement, ce qui avaient différé un véritable huis-clos entre elle et moi.  Aussi avais-je échappé à l'épreuve d'une étreinte. Nous ne nous étreignions jamais en public. Aussi avant de frapper à la porte de ses appartements, me gainais-je dans une sorte de rectitude qu'on pouvait attribuer au guerrier que j'aspirais à devenir.

J'aimais la simplicité des lieux, leur authenticité. Pierremoutier se situait non loin de la Néra, bâti de pierres plus que de bois, ce qui lui valut son nom, c'était un ancien lieu de prière et de religion, comme le terme moustier l'indique. Mais je comprenais pourquoi mon Oncle Yoren avait choisi ce lieu comme capitale du Royaume exilé car même s'il avait été bâti par des religieux qui se destinaient à la méditation, l'architecture et l'organisation en avaient été pensées comme si la petite cité avait une vocation militaire. Le fortin était compacte et difficile de prise avec un pont-levis gardé par une grosse tour de ronde flanquée d'une terrasse dédiée à l'ébouillantage des importuns. La citadelle s'épanouissait autour du Moustier en rangs serrés et en ruelles étroites derrières des remparts d'une épaisseur considérable.

D'une superficie modeste et ramassée, la cité pouvait cependant abriter une garnison importante grâce à ses plateaux herbeux accessibles uniquement par la porte ouest des remparts. Ces plateaux accueillaient d'ailleurs les troupes ralliées à Yoren et leur campement. L'état major lui même se réunissait sous la plus grande tente. Les chevaux trouvaient pâture et abri sur ce plateau car il était barré au nord par une montagne sans accès et à l'ouest par une falaise à pic surplombant la Néra. L'est et le sud étaient gardés par des fortifications et des douves impressionnantes dont la seule porte n'auraient été prenable que par un siège long et coûteux affamant les assiégés.

C'était d'ailleurs une éventualité qui pouvait être écartée par une solution assez simple mais il fallait que j'en parle à mon oncle. Il me semblait qu'argumenter avec lui me serait presque plus facile que de questionner Mère sur les événements tragiques de ces derniers mois. Je pris une profonde inspiration  avant de me présenter devant le garde personnel que mon oncle lui avait attribué et qui était posté devant la tente de feu mon Père parce qu'on l'avait attribuée à ma Mère. Le guerrier Fer-né la suivait partout comme son ombre. Je ne savais qui allait m'accueillir derrière la tenture une fois qu'il m'aurait autorisé à passer, mais j'espérais presque que ce fut une de des suivantes qui me fasse patienter dans l'entrée afin de me laisser le temps d'affermir ma détermination.  





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MessageSujet: Re: Révélations [Tour VI - Terminé]    Révélations [Tour VI - Terminé]  EmptyMar 21 Aoû - 22:31

Myria travaillait nuit et jour depuis son retour. Entre les missive diplomatiques et amicales, les conseils stratégiques, la politique, les relations publiques avec les riverains et les Fer-nés ainsi que ses très nombreuses visites privées au Roi, elle dormait peu et mangeait mal. Pourtant, elle restait affaiblie par sa folle entreprise de Vivesaigues et sa servante ne cessait de lui répéter qu’il fallait qu'elle se repose. Avec le rude hiver qui s’abattait sur eux, elle risquait une pneumonie mortelle si elle continuait comme ça. Heureusement, elle avait obtenu de Yoren de l’eau chaude pour sa toilette et du bois pour ses braseros, aussi le froid glacial qui régnait dehors devenait vite un mauvais souvenir une fois dans la tente.

C’est dans cette douce chaleur, une robe de velours bleu brodée de chaînes en fil d'argent soulignant sa taille et son décolleté en V, que la veuve aux yeux azurs s’était endormie, épuisée. Assise sur le confortable fauteuil de Joren, doté d’un haut dossier sculpté d’un bas relief représentant les armoiries de la Maison Hoare : un boutre, un pin, une grappe de raisin et une corbeau séparés par des chaînes croisées au centre. L’assise était recouverte de moelleuses fourrures. Face à la grande table qui avait autrefois accueilli tant de conseils de guerre présidés par feu le Boucher du Bois du Roi ainsi que nombre de ses ébats avec épouse et maîtresses. Dessus, une plume dans l’encrier, des tas de parchemins vierges ou remplis, certains déjà scellés du sceau au sautoir et un plateau avec du pain, du fromage, des pommes, des oeufs et du vin tiède. Sa servante l'avait recouverte d’une couverture et Ser Greydon Frey, l’oncle de Myria, gardait l’entrée. Il entendit qu’on approchait et écarta un pan de la porte pour voir l’intru.

__ Prince Beron ! Votre mère sera contente de vous voir, entrez donc vous mettre au chaud. »

Le chevalier tint la porte au jeune homme avec un grand sourire. La servante secoua doucement la Princesse pour la réveiller et lui annonça à voix basse que son fils était là. Dans un demi sommeil, la brune sortit une main de la couverture, la tendit vers l'intéressé et balbutia :

__ Aenarion, viens, approche mon chéri… »

Puis la Hoare se réveilla tout à fait en s'apercevant qu’il ne pouvait pas s’agir d’Aenarion puisqu'il était à Villevieille ou embarqué sur la Flotte de Fer aux dernières nouvelles. Ca n’était pas non plus Euron, envoyé auprès de Tricia Gardener et d’Eren. Encore moins les jumeaux qui avaient tout bonnement disparus. C’était donc nécessairement Beron.

__ Beron, excuse-moi, je rêvassais. Viens mon fils, viens que je te regarde. »

La jeune femme tendit ses mains délicates vers lui et sourit avec tendresse. N’avait il pas grandi encore durant ce mois de séparation qui lui avait paru une éternité loin de ses enfants ? Il lui sembla que oui. Et ce dont elle était certaine, c'était qu'il avait forcit et gagné en maturité.

__ Tu m'as tellement manqué. »

Dés qu’il fut suffisamment près d'elle, elle l'attrapa par une main et l’attira dans ses bras où elle le serra de toutes ses forces en soufflant dans son cou. C’était là peut être un geste déplacé alors qu’il approchait de cet âge fatidique où il deviendrait un homme fait, mais malgré tout il resterait toujours son fils. Et après toute la retenue dont elle avait dû faire preuve au banquet, il était hors de question de ne pas lui témoigner tout son amour dans le seing privé.

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MessageSujet: Re: Révélations [Tour VI - Terminé]    Révélations [Tour VI - Terminé]  EmptyDim 26 Aoû - 1:14







Révélations




Ce fut Ser Greydon Frey, l’oncle de Mère qui m'accueillit à l'entrée de la tente de feu mon père.

Chaque fois qu'une pensée me ramenait au traître, à Joren Hoare, je devais refouler mes larmes et me comporter non seulement en homme, mais aussi en héritier présomptif, dans tout ce que cela avait de contradictoire. Je savais que mon oncle Yoren m'avait désigné comme tel. Mais, bien que je ne doutasse point de sa sincérité, je savais aussi que c'était pour lui une façon d'asseoir son autorité encore fragile aux yeux de ses barons, les défiant et en me prenant comme son protégé. Mais combien de temps cela durerait-il avant qu'il prenne conscience que sa descendance à venir pouvait prétendre au trône, en cela encouragé par ma tante Héléna ?

Les adultes me pensaient dupes de leurs manœuvres, mais je savais bien que malgré l'affection sincère qu'ils me portaient, l'attrait du pouvoir et l'envie de perdurer au sommet étaient plus forts que tous les attachements. J'étais né dans une famille qui ne vivait que pour cela et bien souvent, sans oser le dire à quiconque je réfléchissais à une façon de changer tout cela... Après ... Quand la guerre serait finie. J'avais même commencé un carnet que j'avais titré "Après la guerre" car il me semblait n'avoir vécu que douze ans de guerre indirectement, et maintenant que j'étais en première ligne, je ne tremblais pas mais je n'avais à l'idée que d'éviter cela à mes petits frères et sœurs, à mes enfants à venir, si le Dieu Noyé m'en accordait.

Peut-être d'ailleurs qu'il serait plus sage de laisser cette branche maudite des Hoare s'éteindre et de laisser celle ouverte par mon oncle s'épanouir. Sa mère tant décriée, était du peuple sans doute. Peut-être avait-il hérité plus de sagesse et d'humilité que moi fils d'un Hoare et d'une Frey. C'est dans cet état d'esprit que je saluai mon oncle avec une sorte de pincement au cœur et en refoulant une montée de larmes je gardai pour moi ma réplique "pas si sûr mon oncle, pas si sûr" et la remplaçai par un aimable" Merci mon oncle, puisse le Dieu Noyé veiller sur ta famille et sur tous les Hoare".

Accueilli par une servante, je fus mené vers maman qui semblait se reposer. Je fus bouleversé par sa pâleur et ses traits tirés mais n'en laissai rien voir devant sa suivante. Je n'eus qu'une envie, la prendre dans mes bras et bercer cette silhouette familière qui m'avait bercé si souvent dans mes jeunes années, lui murmurer des mots tendres comme elle l'avait fait. Ma petite Maman, comme j'ai envie de la serrer contre moi et de la rassurer en lui disant que je suis là pour veiller sur nous...

Nous ? Qui ? Elle et moi ? Où étaient Aenarion, Euron et mes derniers frère et sœur nés ? Disséminés pour fuir la vindicte et la honte que le choix -très discutable  d'un père- a voué à la vindicte collective. Et encore qu'en ayant côtoyé Harren malgré son empressement à me former et m'enseigner comment devenir un digne Hoare, je me trouvai très démuni  à faire front, je savais depuis toujours où allait la préférence de Mère aussi ses murmures au sortir du songe ne me surprirent guère.

"Je suis un guerrier, je suis l'arrière petit-fils d'Harwyn la poigne. Je ne dois pas pleurer comme une fillette." Aussi je ravalai ma déconvenue en pensant plutôt combien elle aimait mon frère Aenarion qui était loin de nous, sans doute terrorisé lui aussi sans oser le montrer. J'espèrais l'avoir assez bien endurci par mes taloches de grand frère, qui étaient autant de preuves d'amour. Comme Père et Mère me l'avaient enseigné naguère.

Autant l'enfant en moi avait envie de revendiquer sa part d'attention, autant le Hoare remerciait sa Mère de l'avoir forgé dans le Roc et le Sel, mieux dans le fer des batailles qu'elle avait du livrer pour lui apprendre à faire face à ses obligations d'aîné. Aussi son excuse fut-elle perçue mais pas pour ce qu'elle croyait. Je m’agenouillai auprès d'elle et lui sourit. Pourtant tout se fissura l'espace d'un instant et je murmurai:

- Mère vous m'avez tellement manqué aussi ...


Lorsqu'elle m'attira dans ses bras pour me/se, nous réconforter, je ne me dérobai point. Il est  des batailles que les guerriers gagnent dans leur cœur et j'en livrai une farouche ce soir-ci. Celle du pardon et de l'abnégation, celle du rachat: ma faute de n'être encore pas homme à revendiquer ma couronne, la sienne d'avoir consenti à faire assassiner mon père. Nous nous étions déçus l'un l'autre à ne pouvoir trouver d'autre solution. Roi, j'aurais épargné la vie de mon père. Reine elle l'aurait juste répudié. Le Destin en avait décidé autrement et il avait pris alors les traits d'Harren le Noir.

Je me dégageai à contre cœur de son étreinte pour la contempler mieux.

- Mère vous semblez épuisée. Il faut me promettre de prendre soin de vous.


Je me promis intérieurement de voir quelle bâtisse rénovée pourrait accueillir ma chère Mère et de souffler quelques mots à mon oncle quant à l'occupation des locaux en pierre de Pierremoutier la bien nommée. Les Fer-nés tout comme moi pouvaient s'accommoder de vivre sous des tentes à l'approche de l'hiver mais Mère, tout comme sa Reine Lady Héléna seraient mieux abritées dans une enceinte de pierre. Le lieu n'en manquait pas et je ne doutais pas que mon oncle saurait l'entendre .

- Mère comment allez-vous ? Avez-vous des nouvelles de mes quatre frères et sœurs ? Aenarion, Euron, Victarion et Victoire que je choie déjà ?


Puis constatant son amaigrissement frappant, je m'alarmai:

-Mère, vous pourvoie-t-on suffisamment ? Je veux dire en denrées alimentaires ?


Je l'enlaçai de trop mais je n'en avais cure. J'avais tant rêve de ses parfums , de la douceur de sa voix, du soyeux de ses cheveux que je caressais sans même en avoir conscience. Les larmes finirent par s'échapper, traîtresses féminines. Mais bientôt, les sanglots plus masculins leur firent renfort. Et je ne pus que murmurer à mon tour en la serrant contre moi.

- Mère vous m'avez tellement manqué aussi ... Tellement ... Si seulement vous saviez ...







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MessageSujet: Re: Révélations [Tour VI - Terminé]    Révélations [Tour VI - Terminé]  EmptyMar 28 Aoû - 1:25

Ser Greydon Frey adressa un sourire à la jeune femme et à son fils avant de reprendre son poste. Il était redevenu le capitaine de la garde rapprochée de la Princesse et conseillère politique du Roi Yoren le réformateur depuis quelques jours à peine après avoir été emprisonné un moment pour la trahison de Myria et il serait bientôt Lord Frey si, comme elle le pensait, Anderan et toute sa famille avaient été tués suite à sa tentative d’empoisonnement du banquet du mariage de Jon Stark et d’Eleanor Tully. Les autres Frey, qui avant, faisaient partie de la garde de Myria avaient été déployés dans les unités montées de Yoren, ses filles en revanche étaient soit aux mains de l’Empire, soit mortes, la brune n’en savait rien. Ainsi, le nombre d’hommes chargés de veiller sur la jeune femme avait considérablement baissé et c’était bien normal, elle n’était plus la future Reine, le chevalier se relayait avec deux de ses fils. Néanmoins, pour aller dans l’Ouest elle allait devoir prélever une escorte sur les forces vives du Royaume, cela l’inquiétait beaucoup, le Roi aurait besoin de chaque homme disponible.

__ Je le ferais. Je le ferais… »

Répondit la brune aux yeux azurs sans faire grand cas de la requête de son fils. Mais il semblait sérieux et à le voir la regarder ainsi, elle devait avoir une mine abominable. Elle reporta toute son attention sur Beron et d’un geste de la main, désigna tous les papiers qui trainaient sur la table.

__ J’ai tant à faire, un Royaume à sauver, tant d’erreurs à racheter. Auprès du peuple d’abord, auprès de toi, bien sûr, et auprès de Yoren, que j’espère servir avec suffisamment d’ardeur et assez longtemps pour que le rêve de ton père prenne forme. »

Myria eut un sourire emprunt de tristesse et hocha la tête avant de reprendre.

__ Je le ferais, c’est promis. Dès que je pourrais décemment trouver un peu de répit, mais tu le sais, tout le monde souffre de cette tragique situation et je ne suis pas la plus à plaindre. »

Fixant Beron avec ce même visage plein de la nostalgie d’un bonheur lointain qui n’avait aucune chance de revenir, la veuve se perdit dans ses pensées. Je compte bien te voir grandir encore, et devenir un homme. Voir ce que j’ai forgé avec Joren et tous ceux qui t’ont entourés. Constater mes erreurs et te laisser faire les tiennes. Ton père t’aimait tant, comme il doit te manquer. Tu étais son préféré. Si tu avais vu son visage s’éclairer lorsqu'il t’a tenu dans les bras pour la première fois. Tu avais déjà presque un an quand il est revenu de campagne, mais je lui avais tout raconté par corbeaux. Il t’a aimé avant même de te rencontrer, mais quand il t’a vu, j’ai su que tu serais un enfant bercé par l’amour de ses parents contrairement à Joren. Chaque fois qu’il te regardait, ses yeux souriaient et mon coeur s’emplissait de joie à le voir si heureux, si fier de toi. Amusé par tes frasques et enorgueilli de tes progrès. Mais il était souvent envoyé au loin par Harren et il nous manquait tant n’est-ce pas ?

__ J’ai confié Euron à la Reine Tricia Gardener, c’est une amie chère. Aenarion est sur la Flotte de Fer, ta tante Eren étant, je crois, à Hautjardin pour sa grossesse, j’ignore avec quel commandant et sur quel boutre il navigue. J’ai demandé des nouvelles à son altesse Tricia. Quand à Victarion et Victoire, ils sont… bien là où ils sont. C’est mieux ainsi. »

Myria eut un rictus qui ressemblait vaguement à un sourire pendant un bref instant et elle se tortilla sur sa chaise, puis elle plongea le nez dans son vin le temps de reprendre contenance. Elle n’avait pas eut vent de la mort des jumeaux, ni de leur survie cela voulait probablement dire que la nourrice avait fait ce qu’elle lui avait commandé. Ainsi, ils étaient désormais des enfants du peuple, ils grandiraient tous deux dans un ferme non loin d’ici, car la jeune femme chargée de deux nourrissons n’avait pas pu aller bien loin. Bien sûr, ils pouvaient être tués si l’Empire attaquait, bien sûr ils pouvaient mourir de faim, mais si la Maison Hoare touchait à sa fin, ils ne connaîtraient pas le destin tragique de leurs grands frères. Alors oui, c’était mieux ainsi. S’ils étaient encore en vie, ils mèneraient, lorsque cette guerre serait enfin finie, une vie paisible de paysans, loin des intrigues, des complots, des assassinats, des guerres de succession, loin du pouvoir. Et s’ils étaient morts, elle préférait ne pas le savoir et continuer de les imaginer gambadant dans les champs et sautant dans les ruisseaux, libres, merveilleusement libres…

La brune eut un petit sourire furtif, mais Beron lui demanda encore si elle était bien traitée et elle ouvrit de grands yeux étonnés. Depuis quand était-il devenu si prévenant avec elle ? Et depuis quand il se prenait pour son père ou son mari ?! Elle était veuve et donc libre et elle comptait bien le rester, le plus longtemps possible, jusqu’à ce que son devoir de Princesse lui apporte un nouvel époux qu’elle tâcherait de ne pas tromper, du moins pas avec son propre père.

__ Comment ça ? Oui bien sûr ! »

La brune commençait à douter de sa propre apparence et passa la main sur son visage, mais non, elle n’était pas si maigre, si ? Peut-être un peu… elle comprit néanmoins qu’elle devait avoir beaucoup changé depuis la dernière fois qu’il l’avait vue et trouva une explication toute simple.

__ Fils, la dernière fois que tu m’as vue, je venais d’accoucher, j’ai perdu beaucoup de poids depuis, tu sais comme je gonfle en fin de grossesse. De plus, j’ai été retenue captive et je dois dire qu’entre le rude hiver et les corvées, le voyage et le peu de nourriture digne de ce nom que j’ai reçu, je dois avoir bien changé. Mais n’ai crainte, Yoren a été… très généreux avec moi et je vais reprendre du poil de la bête peu à peu. Tu sais, ce n’est pas parce que ton père n’est plus là pour veiller sur moi que j’ai besoin d’un chaperon, Beron. Je n’ai besoin de personne pour me protéger ou prendre soin de moi, je me débrouille très bien toute seule, la preuve, je suis là, avec toi, je suis en vie, j’ai été graciée, promue et innocentée le tout en moins d’une semaine. Tel le phœnix, je renais de mes cendres pour mieux servir le pays. Ton grand père ne peut pas en dire autant mais c’est peut-être un mal pour un bien… hum… pardon. Où en étais-je ? Ah oui… le phœnix. Cesse de t'inquiéter pour moi, c’est mon travail à moi de m’inquiéter pour toi, mais toi, tu es mon fils, alors inquiètes toi de… ce dont les garçon de ton âge s’inquiètent. Et la guerre, ceci est vraiment inquiétant. Tu t’entraines j’espère ! »

Pourtant, si Myria le cachait bien, elle avait bien cru ne jamais le revoir et avait beaucoup souffert de cela, plus peut-être que des privations et de sa condition. Elle craignait de mourir sans avoir pu lui donner la moindre explication, ni sur la trahison de Joren, ni sur la mort de son père, ni sur son départ pour Vivesaigues. Beron enlaça de nouveau la brune aux yeux azurs qui répondit en le serrant contre elle et en cachant son visage dans son cou. Un large sourire étirait sa bouche tandis que des larmes coulaient le long de ses joues. Elle était partagée entre la joie de le retrouver et le chagrin de devoir bientôt le quitter à nouveau, pire, de ne peut-être plus jamais le revoir, elle préférait se dire peut-être que probablement, mais elle était parfaitement consciente qu’il avait toutes les chances de mourir dès la prochaine bataille, elle aurait adoré l’emmener avec elle dans l’ouest, mais c’était impossible, l’héritier présomptif de Yoren ne pouvait se trouver qu’ici, auprès de son Roi et bien sûr auprès de son peuple de de son royaume. Elle le serra un peu plus fort à cette pensée et murmura qu’elle l’aimait alors qu’il disait à nouveau qu’elle lui avait manqué.

Elle se redressa d’un coup et fit signe à sa servante d’approcher un siège, puis elle le prit par les épaules, comme souvent Joren faisait, mais à sa manière plus douce et féminine, tendre. Elle reprit avec plus d’entrain, dissimulant son chagrin et ses regrets ainsi que la peur qui lui tordait les boyaux.

__ Assez parlé de moi. Et toi mon fils, comment vas-tu ? Tu es beau, tu as grandi et forci. Bientôt tu feras tourner les têtes et tu brisera des cœurs. Promet moi juste une chose. Aime ta femme comme ton père m’a aimée et ne l’abandonne pas. »

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MessageSujet: Re: Révélations [Tour VI - Terminé]    Révélations [Tour VI - Terminé]  EmptySam 15 Sep - 21:18







Révélations




Mère m'étreignit et j'en ressentis une sorte d'apaisement mais aussi un regain de courage pour ce que j'allais devoir lui dire, pour les questions qui me brûlaient les lèvres. Elle me montra d'un geste résolu les liasses de parchemins qui s'étalaient sur son bureau et m'expliqua ses devoirs envers le peuple, envers Yoren et aussi sa volonté de rachat aux yeux de tous. Je me dégageai doucement et me redressai.

- Des devoirs, nous en avons tous, du plus humble de nos citoyens au plus haut placé. Mais chacun sait qu'on ne peut bien servir que si on commence par prendre soin de soi-même du mieux qu'on le peut. Et aussi de ses proches.

L'allusion à mon père et au rêve qu'il avait caressé pour le Royaume et ses sujets me prit de court.

- T'avait-il dit ses rêves et combien il étouffait de les voir entravés par le Noir ?  Il me disait de m'en inspirer pour devenir héritier mais qu'il m'appartenait de prendre la part de son enseignement que je jugeais pertinente et de rejeter celle qui était indigne d'un roi. Tu sais, c'est troublant, mais quand il a prononcé ces mots, j'ai eu peur pour lui. Son regard était si étrange comme si une folie y dansait. Une souffrance mêlée de haine. Je crois qu'Harren lui avait pris beaucoup de ses rêves, avait sali ses espoirs. Combien il se sentait seul et mal armé face à la haine du spectre d'Harren qui l'accompagnait dans chacun de ses gestes .


J'hésitai à poursuivre. Est-ce qu'en confiant à Mère ce que mon père m'avait confié, je ne trahissais pas sa confiance ?

- Tu penses qu'il t'a trahi, n'est-ce pas ? Qu'il nous a lâchement abandonnés ? Et ton cœur l'a condamné pour cela. Mais tu ignores à quel point il se sentait seul, indigne de nous et méprisé. Je crois ...

Je n'avais plus besoin de réprimer la monté de mes larmes car j'étais redevenu Beron, le Prince du Sel et du Roc et je parlais au nom de mon Père.

- Je crois qu'il ne s'aimait pas lui-même, qu'il portait depuis trop longtemps les humiliations qu'un père lui avait infligé. Alors ... alors ... il a tenté seul l'ultime coup qui lui semblait jouable. Il s'est engagé dans une partie de Cyvosse qu'il avait bien peu de chance de gagner... Et il a perdu. Tout : la bataille, l'honneur, la légitimité princière et ... ton amour.

Je me détournai pour jeter un regard circulaire à cette tente que je connaissais bien pour y avoir parfois rejoint mon père pour ce qu'il appelait un conseil de guerre entre Princes Hoare. Le décor n'avait guère changé à peine féminisé par la présence de ma mère.

- C'était un père aimant et un guerrier magnifique, mais un homme terriblement seul, écrasé par la haine qu'il vouait à mon grand père. Il m'a enseigné mes premières passes d'armes mais plus encore à me défier de celui que vous tous admiriez comme le fondateur du Royaume. Il me disait souvent "tous l'adulent, à commencer par ta mère, et c'est bien compréhensible. C'est un conquérant avant d'être un bâtisseur. Il s'enorgueillit d'avoir érigé la plus grande forteresse de Westeros mais elle ne sert que son orgueil et les guerres qu'il livre à nos ennemis. Nous, toi et moi, Beron, serons les vrais bâtisseurs, d'édifices plus modestes, mais plus glorieux: ceux qui mettront notre peuple à l'abri de la misère. Un Roi doit être élevé par l'amour qu'il a de son peuple et non par la terreur qu'il lui inspire. Retiens bien cela, mon fils.".

Un silence embarrassé s'installa entre Mère et moi. Peut-être ignorait-elle que nous ayons pu tenir Père et moi des conversations aussi profondes ou peut-être cela réveillait-il la douleur en elle d'évoquer ainsi la mémoire d'un homme qu'elle avait condamné à mort. Le père de ses enfants, son époux. Mais je me devais de rétablir une certaine vérité sur l'homme qu'il avait été. Je le lui devais et je me le devais, même auprès de celle qui avait scellé son destin. Même si je devais encore lui infliger plus de souffrances qu'elle n'en portait déjà. J'étais désormais dépositaire de la parole de Joren, contre tous ceux qui le décriaient. Un jour je rétablirais la vérité. Je poursuivis...

- Tel était le rêve de mon père dont vous vous targuez à présent, après avoir signé son trépas, de poursuivre l'oeuvre. Il ne pouvait, ni ne voulait vous impliquer sans nous mettre tous en danger mortel. Cela je l'ai compris. Et vous, Mère, le comprenez-vous ? Bien sûr, nous sommes des parias à présent, aux yeux de bien des gens qui croient savoir. Mais s'il vous avait rendue complice de ses choix, nous serions tous morts, vous et tous vos enfants. Au lieu de cela, Yoren vous a graciée et il m'a désigné comme son héritier présomptif, et écuyer. J'ignore si Père avait prévu cette éventualité que son frère bâtard soit légitimé puis Roi, mais qui sait, après tout, qui connaissait mieux les humeurs du Noir que Joren ? En outre, ce n'était un secret pour personne qu'Harren préférait Eren mais ne la désignerait jamais comme son héritière et qu'il préparait son bâtard à devenir un guerrier féroce. Alors je pense que cet homme qui fut mon père était un stratège brillant, un stratège du désespoir, certes, mais qui avait peut-être conscience d'être pieds et poings liés et méprisé par son Roi. Il s'est sacrifié, voilà ma vérité et celle que je répandrai un jour à travers tout le Royaume.

Je cherchai du regard un signe du passé de mon père dans cette tente mais n'en découvris aucun. Mes yeux tombèrent sur un siège posé là et je m'y serais volontiers assis tant mes paroles me demandaient effort par le bouleversement qu'elles m’infligeaient, mais un Hoare ne s'assoit pas pour revendiquer haut et fort ses convictions. Il les assume debout même si ses jambes tremblent d'émotion. Je conclus ma tirade en proie à un étourdissement fiévreux:

- La vérité est que ce nouveau Roi que vous désirez servir avec abnégation, aux dépends même de votre santé, a mérité sa couronne mais qu'il la doit en partie à mon père.

Après une ombre d'hésitation j'ajoutai:

- Que cela vous plaise ou non, Mère, j'ai le devoir et l'envie de veiller sur vous et mes frères et sœurs. Oui, j'ai grandi et forci, cependant pas assez pour faire valoir une valeur d'homme aux yeux de tous. Mais j'ai surtout grandi dans mon cœur et mon âme, bien plus que vous ne croyez, au contact d'Harren par votre choix, de Joren mon père aimé, mais aussi et surtout à la faveur malheureuse des événements que j'ai vécus. Mais l'humilité me rend bien conscient que j'ai aussi beaucoup à apprendre de Yoren qui a réussi là où mon père à échoué.

Si les réponses de Mère me rassuraient un peu sur le sort d'Aenarion et d'Euron, celle, évasive, qu'elle fit au sujet des jumeaux ne me plût guère.

- Qu'est-ce à dire ? Où sont exactement Victoire et Victarion actuellement ? Quels projets nourrissez-vous pour leur vie ? Ne souhaitez-vous pas les voir grandir auprès de nous ? Combien de temps accepterez-vous que le destin nous sépare ? Cela ne vous a-t-il pas suffi de perdre votre époux ? Mon frère et ma sœur sont princes aussi et doivent vivre leur destin auprès des leurs. Mon projet est de les retrouver quand j'en aurai les moyens et le temps et de les réunir sous la bannière Hoare. Je l’accomplirai avec ou sans votre aide, sachez-le bien. Jamais je ne souffrirai qu'ils puissent mourir loin de nous. Si tel est notre destin alors nous l'affronterons ensemble.

Je faisais face à ma mère, cette femme que j'aimais plus que tout, et tentais de cerner cette étrangère qui avait décidé de la mort de mon père et de maintenir apparemment mes petits frère et sœur dans un éloignement indifférent, toujours pour des raisons qu'elle jugeait elle justifiées sans doute. Qui était cette femme et quelle puissance sombre et irrésistible lui soufflait ses choix ?

©️️️ Jawilsia sur Never Utopia

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MessageSujet: Re: Révélations [Tour VI - Terminé]    Révélations [Tour VI - Terminé]  EmptyDim 16 Sep - 22:44

Myria soupira et regarda son fils d’un œil mi-amusé mi-réprobateur. Elle avait bien envie de lui dire de se mêler de ses oignons, mais elle trouvait très touchant sa façon de prendre soin d’elle et elle ne voulait pas briser son élan, bien qu’elle soit parfaitement capable de prendre soin d’elle toute seule et surtout qu’elle n’aimait pas que qui que ce soit interfère dans ses activités. Elle envoyait déjà Freya sur les roses sans arrêt, ça n’était pas pour que Beron s’y mette aussi. Pourtant, elle le savait, ses paroles étaient pleines de bon sens. Elle lui adressa un sourire en coin, ses yeux azurs brillaient de toute la fierté qu’une mère peut ressentir en voyant son enfant grandir et apprendre ce qu’il doit de la vie elle même. Elle se demanda si la dernière de ses phrases était un reproche, mais préféra balayé l’idée. C’était déjà assez compliqué comme ça dans sa tête pour qu’elle n’aille pas en plus chercher où elle avait pu ne pas prendre soin de ses proches autant qu’elle le pouvait.

C’est alors que le Prince désormais héritier présomptif de Yoren, son oncle, parla de Joren, son père, de ce qu’il lui avait transmis, de ce qu’il pensait des événements. La brune aux yeux azurs écouta attentivement, mais elle eut pu paraître distraite. Elle tripota sa coupe un moment avant de se cacher dedans, elle fuyait le regard de son fils pour ne pas y apercevoir son époux. Pourtant, elle le laissa terminer et elle laissa s’écouler un long silence avant de répondre, silence durant lequel elle essaya de ravaler ses larmes, sa colère et toutes les émotions qui la submergeaient, mais elle ne parvint qu’à les étouffer, à peine. Elle commença néanmoins. Elle fronça les sourcils et fixa longuement Beron avant de lui répondre sur le dernier point abordé.

__ S’il est permis à Victarion et Victoria de ne pas grandir dans cette famille, de ne pas porter ce nom maudit, de vivre une vie simple loin des jeux de pouvoir et des mensonges, loin du destin tragique qui nous attends peut-être, je préfère les perdre pour qu’ils ne soient pas perdus, qu’au moins, si Torrhen nous massacre tous il subsiste deux de mes enfants, les plus innocents de tous. Si tu les trouves, tu les condamne à vivre ce que tu as vécu, ce que j’ai vécu, est-ce vraiment ce que tu veux pour eux ? Je leur préfère une vie longue, sans nom et sans devoirs, sans sacrifices et sans choix cornéliens. Pour toi et tes frères, il est trop tard, vous êtes des Hoare, des Princes et où que je vous envoie vous ne serez jamais en sécurité, mais pour eux, il n’est pas trop tard, ne gâche pas leur chance en croyant veiller sur ta famille. Ne fais pas les mêmes erreurs que moi à toujours vouloir réunir tout le monde, il faut parfois sacrifier l’union pour la survie et c’est ce que je fais pour ton frère et ta sœur. »

La princesse sourit brièvement en hochant la tête. Beron avait à la fois tout saisi et rien compris, mais elle ne pouvait pas lui en vouloir, c’était un enfant. Il comprenait ce qu’il voulait bien comprendre, élevant un piédestal à un père mort pour mieux enterrer sa mère sous des montagnes de reproches. Comme si tout cela était sa faute… Mais elle ne lui en voulait pas non plus de lui donner le mauvais rôle, cela semblait être la nouvelle mode. Seulement son âme déjà en proie aux flammes lancinantes du remord, noire d’avoir trop brûlée de rêves brisés sur les falaises de la réalité, se brisait un peu plus à chaque mot prononcé. D’une voix calme et assurée, elle commença à raconter à son fils son point de vue sur les événements.

__ Il ne m’avait pas tout dit, non, mais je n’avais pas besoin qu’il me dise tout avec des mots, je le voyais, tous les jours, dans ses yeux, ce qu’il voyait pour le Royaume et la manière dont il vous regardait, ainsi que sa lutte tant intérieure qu’extérieure avec Harren. Peut-être aurais-je dû lui dire plus souvent encore que je comprenais, que je le soutiendrais quoi qu’il arrive, je pensais qu’il le lirait dans mes yeux, mais peut-être ne lisait-il pas en moi comme je lisais en lui. Peut-être aurais-je dû lui rappeler les vertus de la patience avant qu’il ne soit trop tard, mais il était loin, il revenait de l’Orage pour défendre un Conflans déjà divisé. Peut-être que le jour où il m’a dit qu’il trahissait son père, j’aurais mieux fait de ne pas lui avouer mes craintes, de ne pas lui demander d’attendre encore et de faire machine arrière. Mais vois tu, à ma décharge, il m’a mise devant le fait accompli, nous appelant tous les quatre auprès de lui et de son armée sans me prévenir de ce qu’il préparait. Si j’avais pu imaginer un seul instant ce qui nous attendais, je serais venue, mais après avoir tué le Tyran. Je le pouvais, je le voulais et j’aurais dû le faire avant de perdre mon époux, avant qu’il se perde lui même dans sa haine envers son père. Je sais qu’il n’aurait pas cautionné, je sais qu’il m’en aurait voulu. Mais ça aurait été mieux pour tout le monde, il serait encore en vie, il aurait été couronné Roi et grâce à l’union de tous et aux talents stratégiques de Joren, nous aurions gagné la guerre. Cependant, il aurait aussi pu être un peu plus patient. »

Le discours de la Princesse était empreint de regrets et de mélancolie. Elle termina néanmoins sur une note de rage contenue. Elle serra si fort le pied de sa coupe en argent que ses doigts blanchirent. elle eut toutes les peines du monde à déglutir et à ravaler ce qui aurait pu être un cri de rage, le feu du dragon ou des larmes capables de noyer les Îles de Fer elles-même. La tempête faisait rage, mais elle tira le boute et monta la voile. Elle reporta son regard sur son aîné, un regard sévère et froid, ses lèvres pincées avant de reprendre :

__ Pour autant Beron, si je pense qu’il nous a trahi, abandonnés, c’est parce qu’il l’a fait. Le jour où je l’ai rattrapé et où je l’ai mis à mort, laissant ses hommes le juger pour sa traîtrise, il allait fuir. Fuir son propre camp, fuir son armée, fuir les soldats et Seigneurs qui l’avaient suivis et lui étaient restés loyaux malgré le passage d’Harren. Je n’ai jamais compris pourquoi il avait fait ça, cela lui ressemblait si peu, mais je n’avais pas le choix. J’aurais pu le laisser partir, certes, et j’ai pleuré toutes les larmes de mon corps de ne pas l’avoir fait. J’en pleure encore et je porterais cet échec jusqu’à ma mort, de ne pas avoir pu l’aider, de ne pas avoir compris ses intentions avant qu’il ne me les révèlent, de ne pas avoir tué Harren avant qu’il ne soit trop tard. Mais pas celui de l’avoir tué lorsque je l’ai fait, car si je l’ai fait, c’est pour la meilleure raison qui soit. Contrairement à ce que tu crois, il nous a mis en danger en nous appelant à ses cotés et il ne m’a laissée aucune marge de manœuvre en m’éloignant d’Harrenhall. Il nous a impliqué de fait sans même nous laisser le choix de le suivre ou non, contrairement au choix qu’ont eu ses hommes, pour ma part je n’en ai eut aucun. Il nous a rendu complices et si tu n’es pas mort mon chéri, si nous sommes encore en vie, tous, c’est parce que j’ai fait en sorte que vous surviviez à tout ça et pour cela j’ai dû faire un sacrifice, un immense sacrifice, un sacrifice que j’espère tu n’auras jamais à faire, choisir entre tes plus grands amours, la femme que tu aimeras et tes enfants. Quelles garanties aurais-je offert à Harren de ma loyauté retrouvée et surtout de celle des hommes qui avaient suivi le Prince Félon, quelle union du Royaume aurait été possible sans le pardon du Noir envers eux ? Il fallait qu’il meure pour qu’ils vivent, pour que je vive, pour que toi et tes frères et sœurs vivent. J’ai choisi, contre mon cœur, de tuer un homme, l’homme que j’aimais - je lui en voulais, mais je l’aimais Beron, je n’ai jamais cessé de l’aimer - pour en sauver 26000. »

La veuve commençait à s’échauffer à entendre son fils parler de son père ainsi. Il avait entièrement raison, et elle le savait, toutes sa vie elle avait fait en sorte de donner confiance à cet homme de lui montrer tout son amour et tout son soutien. Mais l’ombre du Noir ainsi que les machinations avaient donc été plus fortes, bien plus fortes que son amour, bien plus destructrice que n’importe quelle guerre. La haine, le mépris de son père, la façon dont ce dernier avait monté ses enfants les uns contre les autres. Elle avait lutté contre ça, de toutes ses forces, probablement très mal vu le résultat, mais elle avait essayé. Et cela, Beron le voyait-il ? Voyait il le prix qu’elle avait payé ? Voyait-il quelle femme elle était ou ne voyait-il que ce que les autres voyaient, la Princesse hautaine et ambitieuse que tout le monde adore tant détester. Elle avait déjà du mal à le supporter, de plus en plus de mal en fait, de la part des autres, mais de la part de son fils, bien qu’elle aurait dû s’y attendre, c’était un véritable crève cœur. Elle planta un regard glacial dans celui de Beron sans même y prendre garde et continua sur un ton plus âpre, teinté de toute son amertume.

__ Sais tu toi, à quel point je me sentais seule, à Harrenhall en compagnie du Noir, avec ton père battant la campagne dans des guerres qui profiteraient à un autre ? Sais tu comme je l’ai aimé et comme je l’ai soutenu des années durant, comme j’ai essayé de le protéger contre les humiliations de son père ? Sais tu combien il est difficile de combattre la Tyranie d’un Hoare pour en sauver un autre, combien ils sont têtus et orgueilleux ? Sais tu seulement ce que c’est de se retrouver au milieu de cette putain de famille et devoir concilier, négocier et apaiser les tensions malgré les caractères merdiques de tout ce beau monde ? Ton père n’était pas en reste niveau impulsivité, crois le bien. Je sais parfaitement pourquoi il a fait ce qu’il a fait et je sais aussi qu’il a eut raison de le faire, s'élever contre son père, mais ça n’était ni le bon moment ni la bonne méthode et c’est ce que je lui ai dit avant qu’il ne me claque la porte au nez et qu’il refuse de me parler jusqu’à sa fuite. Il n’est même pas venu voir ses nouveaux nés Beron, j’ai accouché à quelques pas de sa porte et il n’est pas venu, je l’ai appelé, j’ai hurlé son nom et il est resté sourd. Il a perdu la vie Beron ! Et nous aurions bien plus tous la perdre si je n’avais pas fait ce que j’ai fait. Tu peux m’en vouloir, mais tu ne t’avise pas de dire que je l’ai tué par manque d’amour. »

Myria se leva en élevant une main prête à frapper son enfant mais elle dévia son geste et frappa de toutes ses forces le bureau, poing fermé. Elle regarda un instant ses jointures ensanglantées, la douleur avait ceci de bon, c’était qu’elle pouvait vous remettre les idées en place de manière assez efficace. Elle rugit :

__ Il n’était pas seul, j’étais là ! S’il était si seul c’est qu’il ne m’a jamais fait pleinement confiance ! Comme vous tous qui vous méfiez encore de moi ! Quoi ? Y-a-t-il marqué salope vénale et cupide sur mon front ? Putain de merde Beron, ouvre les yeux, arrête de faire l’enfant ! J’admirais ton père encore plus plus que j’admirais Harren, je l’aimais, j’aurais donné ma vie pour lui, je lui ai donné ma vie, cinq enfants, tout mon cœur tout mon amour, toute mon énergie ! J’aurais pu porter encore dix enfants pour lui, déplacer des montagnes, me convertir au Dieu Noyé, monter sur un bateau, me frotter à Eren et même la supplier de m’aider, tuer Harren sans hésiter une seconde. J’aurais fait n’importe quoi pour Joren, n’importe quoi ! »

La jeune femme se rassit, ou plutôt s’écroula dans sa chaise et se mit à pleurer, ses yeux coulaient comme la Bleuefurque, son visage se liquéfiait, mais elle parvint tout de même à parler, d’une voix presque sereine, étrangement détachée. Elle ouvrait son cœur à son fils comme elle n’avait pas pu le faire avant, à lui elle pouvait dire la vérité, et cela était un soulagement après tout ce temps et toutes ses larmes silencieuses.

__ C’était un père aimant, un guerrier magnifique, un Prince d’une grande noblesse et un grand stratège, c’était aussi un époux admirable malgré ses infidélités, un amoureux passionné, comment lui en vouloir, nous étions si souvent séparés. Il aurait fait un grand Roi Beron, un immense Roi, plus grand qu’Harren le Noir, mille fois plus grand. Plus grand encore qu’Harwyn La Poigne, comme tu le dis, un bâtisseur, un Roi de l’amour et non de la peur. C’était aussi un Hoare, impulsif, brutal, plein de rancœur et de méfiance. Dans cette famille c’est ainsi, tout le monde se méfie de tout le monde, tout le monde se déteste, l’amour n’existe pas, il n’y a que la haine et la peur, le mépris et les mensonges. Une putain de couronne pourrie ! Voilà de quoi a hérité Yoren. Heureusement, j’ose espérer que le lien qu’il possède avec sa sœur sera plus solide que ceux entre elle et ton père. Que l’ombre d’Harren cessera de nous oppresser et qu’il pourra bâtir le rêve de Joren, car c’est de ça qu’il s’agit mon fils. Tout ce que je n’ai pas pu faire pour ton père, j’espère avoir une petite chance de le réaliser pour Yoren, mais pour ça, il me faut sa confiance, sans cela je ne peux rien, tout comme je n’ai rien pu faire pour ton père… Je n’ai pas pu le sauver d’Harren, mais surtout, je n’ai pas pu le sauver de lui même. Je l’ai tué oui, mais si c’est moi qui ait porté le coup fatal, il s’était déjà suicidé avant que je ne songe à l’abattre. »

La Princesse pris sa tête entre ses mains et crispa ses doigts dans ses cheveux tirant dessus pour qu’à nouveau la douleur l’aide à garder pied. Elle releva enfin la tête et reprit, d’une voix mêlée de rage et de tristesse.

__ La vérité Beron, c’est que je me suis sacrifiée pour Joren, pour Harren, pour le Royaume, pour le peuple, pour les soldats, pour vous, mes enfants, que je l’ai fait par devoir et que je continuerais de le faire tant que vie m’est prêtée. Je me suis sacrifiée pour aucune couronne, pour aucune reconnaissance et j’ai même perdu l’amour de ma vie et celui de mes fils. La vérité c’est que Yoren porte la couronne la plus lourde qui n’ait jamais été donnée à un Prince de sang et qu’il a le courage dont ton père a manqué quand il était au pied du mur. Tu penses que Joren s’est sacrifié en partant ainsi ? Mais il n’a fait que jeter ses hommes et sa famille en pâture au Noir sans assumer les conséquences de ses actes. Voilà la vérité, la vérité n’est pas belle à entendre, ni à voir, la vérité est faite de toute la noirceure de l’âme humaine, de l’orgueil et de la Tyranie. Si Joren avait voulu nous sauver, il serait allé voir son père, se serait agenouillé et aurait assumé les conséquences de sa trahison sans frémir, car c’est ainsi que font les Princes. Mais il a préféré fuir, plutôt que de se battre et de mourir, plutôt que de se rendre et de mourir, il a fui, ceci est la vérité, que cela te plaise ou non. Tu peux continuer à croire des fables ou regarder la vérité en face. Mais voilà la dernière chose que tu dois apprendre de moi, tout n’est jamais tout blanc ou tout noir, nous faisons des choix et nous en portons les conséquences toute notre vie. Seulement le choix est rarement entre le bien et le mal, mais souvent entre un mal et un autre mal, que nous estimons moins pire. »

La brune aux yeux céruléens soupira et se leva, faisant face à son aîné, elle s’agenouilla devant lui, il était à peine plus petit qu’elle encore, mais elle voulait se mettre à sa hauteur.

__ Si tu veux venger ton père, si tu veux me tuer, fais le ! Mais fais le franchement. Achèves moi une bonne fois pour toute aies pitié, je t’en supplie ! »

La veuve sortit son stylet d’entre ses seins et le lui tendit, garde en avant avant de la lui glisser tendrement dans la main. Elle tint la main de son fils dans laquelle était à présent la garde de sa fine lame et l’approcha d’elle sans le quitter du regard. L’arme était pointée vers elle et appuyait légèrement sur sa poitrine à l’endroit où battait son cœur, la finesse de la pointe entama les chairs et un filet de sang s'écoula alors qu’elle regardait son fils, les yeux et les joues détrempées par les larmes et qu’elle lui souriait.

__ Vas y Beron, abrège mes souffrances et laisse moi le rejoindre. Je sais qu’il ne me pardonnera pas, je sais qu’il m'infligera les pires souffrances, mais au moins, je verrais son visage une dernière fois. »

A nouveau, sa gorge se serra et une larme coula sur sa joue. Elle explosa en un hurlement de désespoir.

__ FAIS LE ! »

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MessageSujet: Re: Révélations [Tour VI - Terminé]    Révélations [Tour VI - Terminé]  EmptyMer 26 Sep - 21:21







Révélations



Je fronçai les sourcils en entendant la réponse redoutée au sujet de mes frère et sœur. Ainsi avais-je bien pressenti les choses. Ainsi Mère projetait-elle de les laisser grandir dans l'ignorance de leur nom, de leur famille, de leur destin. De quel droit privait-elle deux êtres de leurs libre arbitre? Certes ils n'étaient que des bébés encore, mais ils grandiraient, feraient leurs propres choix, prendraient certaines voies plutôt que d'autres. Comment pourraient-ils le faire de la façon la plus juste en ignorant leur naissance ? Comment pourrai-je les protéger en ignorant où ils grandissaient ?

Je pris une grande inspiration avant de répondre sur un ton volontairement sarcastique et cinglant à cette hérésie:

- Sans doute allez-vous arguer que vous les avez portés et que vous détenez sur eux le droit de vie et de mort ? Sans doute la désertion de mon père, mon jeune âge vous laissent à croire que vous pouvez décider seule pour nous tous ? Eh bien je vais vous détromper Mère. Décidez pour vous seule, c'est votre droit. Mais vous ne détenez pas leur vie entre vos mains, pas plus que vous n'êtes maîtresse de la mienne. Je suis le Prince Héritier et pas seulement par votre grâce. Mon père y est pour quelque chose, le Roi Yoren y est pour quelque chose. Je ne suis plus le petit garçon de Harrenhall. J'ai désiré ardemment combattre à Eysines et si je ne m'y suis guère illustré, j'aurais préféré y mourir plutôt que de vivre comme un gueux caché dans une étable. Est-ce cela que vous souhaitez pour vos enfants ? Aenarion, Euron ? Non, nous ne sommes pas réunis mais dispersés aux quatre coins de Westeros, sous la protection d'alliés mais au moins nous sommes unis dans un même combat et cette conscience de participer à écrire l'Histoire des Hoare et du Royaume nous lie. Qu'en sera-t-il de Victarion et Victoire ? Qui vous dit qu'ils ne périront pas dans une attaque des forces impériales ? Croyez-vous que le peuple ne succombe pas sous les lances, les épées et les haches ? Vous préférez les laisser mourir loin de nous dans l'anonymat pour contenter votre instinct maternel. Allez-vous m'enfermer dans une cage pour n’empêcher de combattre au côté de Yoren afin d'apaiser ce même instinct ? C'est indigne de décider pour eux et je m'efforcerai de leur faire savoir qui ils sont quand j'aurai retrouvé leur trace.Qu'ils grandissent au moins dans la conscience de leur nom et de leur destin. Peut-être un jour seront-ils les derniers Hoare et le dernier espoir de notre peuple ? Vous osez escamoter deux héritiers possibles.

Je me mis à arpenter la tente devant le bureau de Mère d'un pas rageur avant de tourner vers elle un regard noir.

- Mais si ce nom est tellement maudit à vos yeux, pourquoi continuez vous à le servir ? Épousez-donc un Tully, ou un Braenaryon !

J'étais déjà stupéfait par sa réponse mais ce qui suivit ne calma en rien ma colère montante. Bien au contraire. Dans l'emportement, je me remis à la tutoyer.

- Que tu le soutiendrais quoi qu'il arrive ? Que tu le soutiendrais quoi qu'il arrive ? Ai-je bien entendu ?

Je me retournai face au bureau et j'envoyai valser tous les parchemins qui s'y trouvaient d'un revers de la main. Je devais avoir les yeux hors de la tête lorsque je fis à nouveau face à ma mère. Je levai les bras au ciel en hurlant:

- Mais par le Dieu Noyé ! C'aurait été lui mentir ! Il est heureux que tu n'aies pas tenu de tels propos à mon père ! Au moins puis-je te reconnaître deux chose chère Mère : tu nous aimes, nous tes enfants ! Cela je le sais, je le sens dans ma chair, dans mon cœur ! Et j'ose espérer aussi que tu as aimé mon père et ne lui as jamais menti ! L'as-tu fait ? Regarde-moi dans les yeux ! Arrête de te cacher dans ce fond de boisson et dis -moi que tu ne lui as jamais menti, jamais rien caché ! Lire en toi, dis-tu ? Mais comment l'aurait-il pu ? Qui en Westeros, peut se vanter de savoir lire en toi ? Qui ? Les Auspices ? Tes Dieux, tes sept divinités ? Le Dieu Noyé peut-être, sans doute même. Moi j'en suis bien incapable et pourtant tu es celle qui m'a bercé, nourri, soigné, aimé. Tu es ma Mère. Je t'aime au point d'être prêt à mourir pour toi. Je t'aime comme aucun homme ne t'aimera jamais. Mais depuis notre établissement à Harrenhall, je t'ai vu changer, t'assombrir comme si les hautes tours de cette prison de pierre te volaient ta lumière. Tu crois que je n'ai pas su tes escapades hors de ta chambre ? Tu crois que je ne t'ai pas cherché lorsque tu étais introuvable dans tes appartements ? Tu crois que je n'ai pas senti les secrets que tu gardais jalousement ? Tu as pensé me protéger. Harren le Noir nous a tous terni de son ombre et moi bien plus que tu l'imagines. A l'époque je n'étais qu'un enfant et je ne mesurais pas à quel point le mal qu'il transmettait était pernicieux. Un jour tu sauras ce que j'ai subi sous son joug. Mais je sais que tout ce qu'il touchait se transformait en violence, en haine, en mort. Il était atteint d'un mal terriblement contagieux: la fièvre du pouvoir. Et il te l'a transmise. A présent, je vais devenir un homme si je vis assez longtemps et je comprends bien des choses. Je sais le jeu des hommes dès qu'ils ont un pouvoir si futile qu'il soit, entre les mains. Je sais l'aura qu'il exerce sur les femmes.

Je m'approchai de son fauteuil et lui tournai autour puis je murmurai à son oreille trop horrifié des mots que j'allais prononcer.

- Je sais comment les chefs de guerre attirent dans leur lit les filles, les épouses de leurs rivaux. Je sais comment la simple petite courtisane tombe dans les filets du Seigneur. J'ai passé mes dernières années d'enfance à Harrenhall et j'ai appris. Je sais aussi comment la femme d'un Lord peut tomber dans les bras d'un Roi et se coucher dans son lit. Alors "Maman", vas-tu me parler enfin comme tu parlerais à un homme ? Où étais-tu lorsque tu étais introuvable certaines nuits à Harrenhall, ou même en pleine journée ? Où étais -tu quand je te cherchais dans ces couloirs glacés, la torche à la main ?

Je m'éloignai soudain aussi promptement que je m'étais rapproché.

- Tu vois en moi un enfant et certes j'en suis un. Je suis puceau, j'ai peu de poils et mon corps n'a rien pour faire rêver les femmes. Le Dieu Noyé veut ainsi préserver ses enfants en leur donnant le temps de grandir et c'est une bonne chose. Malheureusement les Hommes qui écrivent l'Histoire sont pressés de l'écrire à leur manière et il n'y a pas de temps pour laisser grandir les enfants dans ces manières . Alors ne viens pas me parler de patience. Tu ignores à quel point mon père en a eu pour Harren, par amour pour nous, et pour le Peuple. Mais j'ignore si sa patience n'aurait pas atteint sa limite sur certains sujets concernant Harren. N'aurais-tu pas une idée sur la question ? Ne saurais-tu pas quelque chose que j'ignore ?

Je portais les mains à mes tempes et commençai à m'arracher les cheveux. Je levai la tête vers le plafond de la tente et me précipitai vers le fauteuil de ma mère, puis prenant appui sur les deux accoudoirs, mon visage si près du sien je murmurai:

- Oui, il nous a trahi après sa défaite. Il a déserté le campement. Il a pris la fuite comme un chien, comme un couard. C'est un fait admis et reporté par tous ceux que j'ai questionné sur ses derniers actes. Je porte cela en moi : je suis le fils d'un lâche, d'un déserteur, d'un traître. Je te crois. Tu ne mens pas en l'affirmant. Il m'a fallu du temps pour ne plus le mépriser, le haïr et le maudire durant mes nuits sans sommeil. Joren était-il un lâche, un traître, un déserteur avant cette défaite ? Quelqu'un l'a -t-il vu reculer sur le champ de bataille et abandonner ses hommes avant cela ? Quelqu'un a-t-il eu à souffrir de sa parole donnée et trahie avant cela ? Non! Non jamais ! Alors qu'on m'explique ce qui a pu le faire devenir ce traître, ce lâche !

Je me frappai le torse et le front avant de poursuivre.

- Réfléchissons! Tu as longtemps vu mon père comme un prolongement d'Harren. Un être épris de pouvoir et destiné à régner. Tu pensais sans doute que c'était le moteur de chacun de ses actes: succéder à son Père ! Avec des variantes et des projets pour notre peuple certes, mais un Roi succédant à un autre. Tu pensais qu'il le faisait pour lui et aussi peut-être pour ses enfants qui portaient son nom. Mais tu te trompes. Tout ce qu'il faisait, il le faisait en effet pour ses enfants, mais aussi pour toi. Toi qui avais tout sacrifié pour le suivre, toi qu'il aimait plus que tout. Tu dis qu'il ne t'a rien dit de ses derniers desseins ? Mais sois honnête Maman. Lui as-tu dit les tiens ? Et les moyens que tu employais pour y parvenir ? Tu dis qu'il ne nous as pas laissé le choix, qu'ils nous a entraînés à sa suite. Moi je pense qu'il l'a fait pour avoir une dernière fois sa famille réunie autour de lui et surtout... surtout pour la soustraire à Harren. Certes, c'était une décision irréfléchie qui nous a tous mis en grand danger. Il est probable que je n'aurais pas pris la même décision et que j'aurais pardonné. Mais je suis pour moitié riverain et il était Fer-né en son entier. J'imagine combien ses infidélités ont pu t'offenser, te déchirer le cœur. Une part de moi le méprise pour cela. Les Fer-nés et bien des continentaux sont ainsi. Ils piétinent les sentiments qu'ils font naître dans le cœur des femmes.

Je m'agenouillai alors devant ma mère avant de continuer ma confession. Tous ces mots et ces sentiments enfouis si profonds depuis ces dernières années.

- Peut-être fallait-il que la rage tempétueuse du guerrier et l'arrogance du Fer-né soient tempérées par la douceur des prairies, la quiétude des forêts, la beauté grandiose des montagnes. Père et toi avez réussi cette prouesse et vous m'avez fait ainsi. Je suis rage et tempête. Jamais je ne travestirai ma pensée par des paroles fallacieuses, mais je suis aussi la douceur de cette terre du Conflans. Ses rivières, ses prairies. Je suis le vent de l'ouragan aussi bien que la douce brise des collines. Et le Dieu Noyé a, je pense, dans sa grande générosité, accordé à votre union quatre autres enfants faits du même bois dont on construit les villages, les villes, pour abriter la vie.

Je baissai la tête et laissai couler mes larmes.

- Je ne peux parler qu'en mon nom, cependant. Mais si le Dieu Noyé m'accorde un jour de rencontrer celle qui sera mon épouse, jamais je ne piétinerai ses sentiments. Sois certain, Mère, que tu as au moins réussi cela dans mon éducation. J'ai toujours été un fils rebelle à vos injonctions, rétif à l'autorité. Ce n'était pas contre vous. C'était contre tout ce qui me semblait inique dans vos enseignements hérités. Chaque vie est précieuse et même celle de nos ennemis, je la respecte. Si Yoren et toi espérez  en moi un héritier conquérant, vous serez déçus. Je ne serai jamais autre Roi que celui du pardon, je ne serai jamais souverain d'un Royaume bâti sur les cadavres des peuples voisins. Je serai la Paix et la protection des plus faibles. Ou je serai manant, parmi le peuple.

Je me relevai en reniflant et revint sur les paroles que ma mère avait prononcées.

- Tu as sacrifié l'homme que tu aimais parce qu'il t'avait déçue et pour tenter de nous sauver aux yeux d'un tyran. T'a-t-il pour autant protégée et amnistiée, ce tyran ? Non, ton véritable salut, tu le dois à Yoren, qui, j'ignore comment et pourquoi, porte en lui beaucoup des valeurs auxquelles je crois, malgré sa nature purement Fer-née. Qui nous a pris sous son aile et protégés après que tu aies sacrifié Père ? Ce n'est pas Harren, mais son fils bâtard Yoren. Lequel a probablement subi les mêmes traitements que tous ses enfants, en plus de l'affront de n'être pas légitime. Aucun enfant ne naît en choisissant sa destinée. Il porte celle que ses parents ont accepté pour lui. La vérité c'est que le Noir avait semé et cultivé dans sa propre descendance la fin de sa tyrannie. Je connais un peu ma tante Eren et je devine à quel prix elle s'est émancipée de son joug. Les enfants d'Harren, c'est une première étape. Chacun d'entre eux a écrit l'Histoire et si mon père n'est plus là pour continuer, Eren et Yoren détiennent pour le moment les clefs de notre avenir. As-tu songé, Mère, en condamnant mon père, que tu ôtais un appui à cette trinité ? Qui sait ce qu'il aurait mis en oeuvre dans sa retraite ? Qui sait ce qu'il aurait entrepris pour aider ses frères et sœurs, si tu l'avais laissé s'enfuir et avais couvert sa fuite ? Au lieu de cela, tu laisses un héritier à peine pubère, moi, la charge de reprendre son flambeau. Personne ne pourrait y voir une stratégie censée. Je démontrerai à tous que c'est la stratégie du Dieu Noyé.

Triste, vidé de toute mon énergie après cet affrontement, je soupirai.

- Tu as aimé mon père, tu as cru en lui, mais pas jusqu'au bout. C'est humain et j'arriverai à te pardonner, comme je lui ai pardonné. Tu dis avoir sauvé 26 000 âmes en condamnant mon père, mais quand les nôtres tomberont au champ de bataille, évite de compter les âmes, Mère. Nous attendrons toujours en vain un possible renfort du magnifique guerrier qu'il était. Tu as oublié combien il était doué pour rallier les autres à sa cause. Qui sait ce qu'il aurait pu faire s'il était resté en vie ? Moi sans doute, et aussi certains de ceux qui l'ont suivi et se souviennent. Au lieu de cela, tu nous as voués aux choix d'Harren qui a envoyé l'un de nos meilleurs généraux à l'abattoir. Lyle Salfalaise a refusé de se sacrifier et tous le méprisent pour cela. Parce qu'il est passé à l'ennemi. Prends-moi pour un traître aussi dans ta folie. Mais je comprends et respecte son choix. Ses enfants sont ici, sa femme est morte, ses terres ravagées. Lui, a choisi d'être fidèle aux siens, à défaut d'être fidèle à Harren. Sache qu'à sa place j'en aurais fait tout autant. De la même façon, si j'avais eu dix ans de plus, j'aurais couvert la fuite de mon père. Alors ? Vas-tu me sacrifier en me dénonçant à Yoren, tout comme tu as sacrifié mon père en le sacrifiant pour avoir la protection d'Harren ?

A travers ses propos, je mesurai la solitude qui avait conduit ma mère à ses errances et une fois de plus je n'y trouvais qu'un responsable. Harren le Noir qui n'avait eu de cesse d'envoyer mon père loin de nous, loin de son épouse. Harren était mort et il était vain de haïr les morts. Pourtant je me devais d'éclairer ce point.

- Penses-tu que Père s'éloignait de toi, de ses enfants à dessein ? Penses-tu que son amour des batailles allait jusqu'à manquer la naissance de son premier-né ? Qui, réponds, qui lui a imposé cela ? Celui que tu vénérait tant, au point de me soumettre à son enseignement ! Le si charismatique et séduisant Harren le Noir. Le Roi des Rois. Crois-tu que Père pouvait se soustraire à ses exigences ? L'as-tu pu toi-même ? Et quand, enfin, mon père a choisi de se rebeller et de lever une armée contre lui, y as-tu cru ? Non, bien sûr ! Alors oui nous avons tous souffert de son absence. Crois-tu qu'il ne manquait qu'à toi ? La solitude était notre compagne mais nous étions ensemble. Lui, il était loin, et seuls ses fidèles généraux lui tenaient compagnie. Ceux-là même qu'on honnit aujourd'hui avec facilité. Manque d'amour ou pas, jamais je ne tuerais ou ferais tuer mon épouse parce qu'elle a trahi notre Roi ou nos troupes. Jamais. C'est ce qui nous différencie Mère. Je serais jugé traître avec elle et nos enfants avec nous. Je m'enfuirais avec elle et j'emmènerais nos enfants. Une famille est une unité et c'est pour cela que je ramènerai Victoire et Victarion auprès de nous.

Nous hurlions tous deux notre souffrance et nos certitudes et je vis, médusé, ma mère se meurtrir les poings sur son bureau. J'avais écouté sa diatribe après mes propos tellement durs et implacables.

- Mais si tu l'aimais autant que tu le dis, si tu l'admirais plus que tu admirais Harren, alors pourquoi est-ce vers lui que tu t'es tourné au moment du choix décisif ? Qui détenait le pouvoir à cet instant crucial ? Comment veux tu, dans ce contexte, que je ne te prête pas des intentions vénales, cupides ? Encore que les mots sont mal choisis. Tu n'as jamais convoité la richesse sinon tu serais passée à l'Empire actuellement. Non, c'est le pouvoir à conquérir qui te fait vibrer, Mère. Celui de Harren à l'époque. Père avait échoué alors tu voulais te mettre sur les rangs. S'il avait été vainqueur, Père aurait été ton héros flamboyant. Et quel va être le tien, ton champion, à présent ? Toi qui te retrouves avec un fils pas encore fait homme sur les bras ? Ne dis plus jamais cela devant moi! Arrête! Tu n'aurais pas fait n'importe quoi pour Joren! C'est faux! Sinon tu l'aurais suivi dans sa fuite et nous serions encore ensemble, morts ou vivants !

Je trépignais sous ses invectives.

- Non, il n'y a pas que la haine ! La haine, c'était Harren qui la distillait. Père t'aimait, il nous aimait tous. Tu l'aimais, tu nous aimais. Et nous, vos enfants, nous vous aimions tellement , tellement. Comment as-tu pu perdre cela de vue ? Comment as-tu pu tirer un trait sur tout cet amour en le condamnant à mort parce qu'il fuyait ses démons ? Comment n'as -tu pas pu choisir de le poursuivre dans sa fuite au lieu de le condamner ? Je vais te le dire: cet amour dans ton cœur avait été délogé par la haine et la rancœur, et à sa place l'amour du pouvoir, cet appât que Harren savait si bien agiter devant ses proies, a pris toute la place. Tu as raison sur un point: mon père s'est suicidé quand il s'est vu seul contre tous. Mon cœur saigne qu'il n'ait pu savoir combien j'aurais voulu être à ses côtés en cet instant. Je m'en veux d'être ce que je suis: un enfant inutile. Un enfant qui n'a pas su aider et soutenir son père et qui n'est qu'un obstacle aux desseins de sa mère.

Je l'écoutais, abasourdi me débiter ses inepties dont elle semblait convaincue.

- Non Mère! Ne dis pas que tu t'es sacrifiée pour le Peuple ! Pas ça! En te couchant devant Harren alors que ton époux fuyait après avoir échoué dans son soulèvement contre lui ? En quoi Harren représentait-il un espoir pour le peuple ? Joren, même en fuite, n'aurait cessé, une fois ses forces rassemblées, de lutter pour son peuple ! Mais Harren  ?  J'ai envie de vomir. Je sais que tout n'est jamais blanc ou noir. Je l'ai appris de vous et de la vie . Mais je sais une chose: tout ce que Harren a touché est plus noir que blanc. Et je n'échappe pas à la règle !

La scène qui suivit me parut surréaliste mais je bandai mes muscles pour ne pas céder à l'envie de m'enfuir de cette tente où régnait la folie que je refusais d'embrasser. Ma mère, agenouillée devant moi, me présenta un stylet qu'elle tenait dans son décolleté, parfaite illustration de la femme franche qu'elle était. Je me retins de reculer sous le choc et si j'étais bouleversé par son visage inondé de larmes, je n'en laissai rien paraître. Sans y penser, naturellement, je repris le vouvoiement, comme si un autre prenait le commandement de mes mots.


- Qu'essayez-vous de démontrer par cet éclat, Mère ? Que je suis bien votre fils ? Prêt à faire passer de vie à trépas sa propre mère pour satisfaire une vengeance ? Ce n'est pas parce que vous avez procédé ainsi avec mon père que je vais suivre votre chemin. Sachez une chose et je n'y reviendrai pas avec vous. J'aime mon peuple, j'aime notre royaume. Je serai loyal à notre Roi tant qu'il partagera cet amour. Mais il n'est rien qui supplante en mon cœur l'amour que j'éprouve pour les miens: mes frères et sœurs, vous ma Mère. En premier lieu. En second ma fidélité ira à ma tante Eren et mon oncle Yoren. Toutes les personnes qui ont ma loyauté première, les voici. Ils peuvent me décevoir et trahir par les leurs, mes convictions personnelles. Je m'en éloignerais, mais jamais ne les mettrais à mort. Ni ne les livrerais en les trahissant. Selon les us et coutumes de ce Royaume et même de tout Westeros, je serais sans doute un bien piètre Roi, mais je n'en ai cure. J'entends justement changer les us et les coutumes de Westeros et inculquer à mes enfants que le pouvoir ne vaut pas tous les sacrifices, surtout pas celui d'êtres aimés. Relevez-vous, Mère ! Cette pantomime a assez duré et elle est indigne de nous deux.




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MessageSujet: Re: Révélations [Tour VI - Terminé]    Révélations [Tour VI - Terminé]  EmptyVen 28 Sep - 14:22

Myria écouta son fils sans broncher même si sa main la démangeait de plus en plus. Elle finit par lui offrir un visage et un regard glacial après avoir plissé les yeux un instant.

__ Je ne compte pas enlever son libre arbitre à qui que ce soit, mais pour l’instant la situation, ici comme ailleurs, est trop critique pour que je risque leur vie en les exposants. Peut-être mourront-ils dans une attaque, mais au moins, j’aurais essayé, je n’aurais pas mis tous mes œufs dans le même panier pour les voir tous se briser un à un face à l’Empire. Quand à toi et à tes frères, vous êtes mes enfants, je fais mon possible pour vous préserver, mais c’est à vous de faire vos propres choix. Seulement, fils, vous n’avez pas quatre mois. Tu resteras toujours dans mon cœur, le bébé que j’ai tenu dans mes bras nuit et jours, mais tu ne m’appartiens plus. Si tu as besoin de moi, de mes conseils, je serais là, mais toi plus encore que tes frères, tu es un homme désormais. T'ais-je enfermé dans une cage jusqu’à présent ? Pourquoi crois tu que je t’ai envoyé auprès d’Harren ? Pour apprendre, pour te battre, pour te faire un nom, ton propre nom et pas celui de ton père, pour prendre ta place, toi tout seul et crois bien que je suis fière de toi, car tu es effectivement l’héritier de Yoren et ça, tu ne le dois qu’à toi. J’ai envoyé Aenarion à Villevieille pour qu’il y rejoigne Eren, parce que je sais que naviguer est ce qu’il a toujours voulu. Un jour Aenarion dirigera la Flotte de Fer et sera le commandant le plus renommé que les Îles de Fer n’aient jamais connues. Quand à Euron, il est resté à Hautjardin pour apprendre auprès de Tricia et de Manfred, un jour, il deviendra ton bras droit, un érudit rompu à l’art de la politique. Tous les trois, ensemble, vous pourrez faire ce que votre père ne pouvait accomplir seul et contre sa propre famille. »

La brune aux yeux céruléens frappa du poing sur la table avec détermination. Voilà ce qu’elle avait prévu, car jusqu’ici elle avait pu prévoir, mais désormais, il appartenait à ses enfants de mener leur propre vie. Beron pouvait dire ce qu’il voulait mais elle connaissait ses enfants mieux que quiconque, elle savait qu’elle avait placé chacun d’entre eux là où il devait être pour s’épanouir pleinement et donner au Royaume le meilleur de lui même. Elle pensa à cette missive qu’elle avait écrite depuis si longtemps mais qu’elle ne pouvait envoyer ni à Euron, ni à Aenarion. Elle planta à nouveau ce regard glacial qu’elle réservait d'habitude aux personnes qu’elle ne connaissait pas et avec qui elle voulait maintenir de la distance sur son aîné.

__ Si nous survivons à cette guerre, si ne serait-ce qu’un Hoare survit à cette guerre, alors ils pourront vivre une vie de Hoare, nous les retrouverons et leur rendront leur nom. Mais pour cela, il faut qu’ils vivent. Torrhen veut voir la lignée du Noir disparaitre, aussi, leurs chances de survie sont meilleures si personne ne sait qui ils sont. Après nous somme en guerre, un terrible guerre et oui, ils risquent de mourir, tu risque de mourir, Aenarion risque de mourir, Euron aussi et moi, bien sûr. Nous risquons tous de mourir. Et deux bébés ne constituent pas un espoir pour le peuple mais, au mieux, une raison de plus de se battre. Yoren est un espoir parce qu’il peut diriger ce pays, rallier des Riverains et les Fer-Nés, parce que son histoire et sa personnalité le permettent. Que feraient deux nourrissons à la tête du Sel et du Roc dans l’état où est le Royaume ? Si tu as un autre plan pour leur éviter d’être exécutés sommairement en cas de prise de Pierremoutier, fais le moi savoir et nous pourrons en discuter. En attendant, tes critiques acerbes sur ma façon de protéger ma famille tu peux te les garder. Fais mieux que moi, je te le souhaite de tout cœur, fais donc et portes en les conséquences. »

Beron arpentait la tente et se retourna pour… insulter sa mère. Cette fois s’en était trop, elle se leva à son tour et lui retourna une cuisante mandale dont il s souviendrait longtemps en guise de réponse à ses assertions. Seulement cela ne le calma pas, bien au contraire. il était furieux, elle ne savait même pas pourquoi. Et elle était tout aussi furieuse qu’il aille remettre en cause jusqu’à sa loyauté et son amour envers Joren.

__ Et toi petit con ! Tu en m’as jamais menti ? Jamais rien caché ? Puisqu’il faut tout dire alors disons tout. Dis moi qui pissais sur les gardes depuis les remparts d’Harrenhall ? Je ne vais pas te faire la liste des bêtises que tu as faites ou que tu as faites faire à tes frères pour ton compte et que je sais que tu as faites, mais que je t’ai laissé me cacher car c’est normal d’avoir des secrets, même pour ceux qu’on aime le plus au monde. »

Savait-il ? Harren ? pourquoi parlait-il du Noir ? De ses absences ? Était-ce lui qui l’avait dit à Joren ? Était-ce pour cela que Joren s’était ainsi retourné contre son père et lui avait tourné le dos à elle ? La Princesse aurait pensé que, le jour où son époux apprenait sa liaison avec Harren, il la tuerait, il les tuerait tous les deux sans hésiter. Et elle ne lui en aurait pas voulu. Mais elle avait du mal à croire qu’il ne l’ait pas au moins frappée et qu’il n’ait pas tué son père de manière plus pernicieuse plutôt que de l’affronter ainsi. Était-ce cela ? Beron savait tout et i l’avait dit à son père ? Était-ce autre chose, Beron savait tout, mais cela n’avait rien à voir avec la trahison de Joren ? Beron savait-il ? Il lui murmura à l’oreille des choses qui lui donnèrent envie de vomir et elle se retint de ne pas l’étrangler de ses propres mains. Elle serra les dents pour ne pas pleurer, les poings aussi, seul le battement plus intense de sa carotide et ses clavicules creusées par le manque d’air trahissait son émoi. Il savait… Elle se leva et droite comme un I lui fit face et se ferma comme une huître. Jamais, jamais, jamais elle n'avouerait ce qu'avait été la plus grande honte de son existence. Peut-être savait-il, peut-être se doutait-il de quelque chose, hé bien soit, qu’il reste dans ce qu’il croyait savoir et pensait comprendre des choses, mais non, elle ne lâcherait rien, quitte à le perdre, elle ne lâcherait rien. Jamais. Elle pouvait tout dire, mais pas ça. D’un ton froid, mais calme, elle répondit enfin.

__ Tu as raison à propos d’Harren et de son mal contagieux. Tu as raison à propos de mon amour pour vous et pour Joren. Tu as raison à propos du pouvoir et de l’attraction qu’il exerce, sur tous, les femmes, mais aussi les hommes mon chéri, si tu savais. Le pouvoir corrompt, et le pouvoir absolu, corrompt absolument. Mais tu as tort sur un point, je soutenais ton père, quoi qu’il arrive je l’aurais fait, c’est lui qui a décidé de ne pas me faire confiance et de ne pas croire en moi, en nous, en notre amour et en notre famille. J’aurais pu mourir pour lui, j’aurais pu tuer pour lui. J’aurais dû tuer Harren pour lui, mais j’avais peur de le perdre en agissant trop tôt et ensuite, il était trop tard. Je ne sais pas pourquoi Joren a trahi Harren. Mais crois bien que si ce que tu insinues était vrai et qu’il l’avait découvert, je ne serais pas là pour en discuter avec toi. Donc ce n’est pas ça qui lui a fait perdre patience. »

La veuve avait un regard noir fixé sur son fils dont les insinuations et la façon de faire la dégoûtait au plus haut point. Plus encore que son propre crime peut-être, ou peut-être pas. Mais l'enfant continua… elle s’assit et encaissa. Chaque parole était un coup de poignard, mais elle savait qu'il avait raison, en grande partie tout le moins. Finalement, elle n’en voulait pas à Joren pour ses infidélités. Et elle savait parfaitement pourquoi il l’avait rappelée ainsi que ses fils auprès de lui. Effectivement, elle n’avait pas dit à son Prince bien aimé ce qu’elle comptait faire et comment, il ne lui parlait plus et elle ne savait pas quoi faire de toute manière. Il ne lui avait pas laissé le temps de lui dire qu'elle était avec lui quoi qu’il advienne. Il avait claqué la porte.

La jeune femme fut émue par le discours de son fils. Elle avait essayé de tempérer Joren,c'était son rôle, mais il était trop tard et surtout, surtout, elle avait échoué. Elle pleura avec Beron et s’agenouilla devant lui pour le prendre dans ses bras. Il avait raison. Il avait raison sur toute la ligne. Elle était responsable de ce chaos. En condamnant Joren, elle avait condamné ses frères et sœur à faire sans lui. Ils se haïssaient tous, mais comme les Riverains et les Fer-nés, ils auraient pu s’entendre enfin pour redresser le Royaume. Ils ne me pouvaient plus car elle avait tué Joren. Myria fondit en larmes et à genoux par terre, posa sa tête sur le tapis en pleurant.

Joren, Myria, Lyle. Tant de sacrifiés sur l’autel de la mégalomanie d’Harren. Beron disait que Lord Salfalaise était passé à l’ennemi mais pour elle, Ça n’était pas le cas, il s’était simplement rendu devant L’Empire et la menace du Dragon. Il avait payé un prix exorbitant pour cela et elle en était désolée. Désolée de ne pas lui avoir dit, lorsque le Noir l’avait envoyé à Fort Darion, de ne pas y aller, de prendre ses hommes et de faire n’importe quoi d’autre que cette mission suicide décidée par un Roi qui n’avait en tête que la vengeance. Mais qu'aurait-il pu faire d’autres tout en préservant sa vie, ses hommes et sa famille ? Si elle avait eut la moindre idée, elle lui aurait dit, mais elle n’en savait rien. Elle espérait qu’Harren ne serait pas assez bête pour laisser Lyle crever pour rien. Mais comme souvent, toujours en fait, elle avait été déçue. Au final, qui était le traître dans cette histoire si ce n’est le Noir lui même.

Mais voici que Beron en remettait une couche au sujet d’Harren et de ce qu’il imaginait des sentiments qu’elle lui vouait. Cette fois, le visage trempé de larmes, elle lui sauta dessus et le prit à la gorge avant de la plaquer au sol et de l’étrangler. Bien sûr que c’était Harren qui avait envoyé Joren au loin, mais c’était son rôle, que son père ait, en se faisant, des arrières pensées ou non. On ne devient pas Général du Sel et du Roc, Prince et héritier légitime d’un Roi tel qu’Harren en restant bien installé chez son père. Mais le charismatique et séduisant Roi des Rois ? Elle le vénérait ? C’était une blague ? Un affront de plus ? Que voulait-il ? la tuer ? Qu’il le fasse, avec une lme plutôt qu’avec ces mots déplacés, blessants ! Tremblant de rage, elle l’étranglait toujours en le secouant, lui frappant la tête par terre.

__ JE HAÏSSAIS HARREN ! IL ME DÉGOÛTAIT ! »

Se rendant soudainement compte qu’elle allait le tuer, Myria lâcha son fils. Tremblant comme une feuille, elle recula, toujours assise par terre en le regardant avec de grands yeux hagards, le souffle court. Si je l’aimais autant que je le dis, si je l'admirait plus que j’admirais Harren. Pourquoi est-ce lui que j’ai tué ? Pourquoi est-ce le Noir que j’ai choisi de suivre ? Mais le gamin ne comprenait pas. Elle ne pouvait pas fuir, non pour la conquête, mais pour le peuple, une Princesse ne fuit pas, pas plus qu’un Prince. Ce n’était ni pour la richesse, ni pour le pouvoir en tant que tel, ni même par survivre qu’elle avait fait cela, c’était bel et bien pour sauver ses hommes, hommes morts ensuite à Buron, un bien piètre sauvetage s’il en est, mais comment pouvait elle savoir que l’Empereur leur tomberait dessus ? Oui. Elle lui avait dit… Gagne général, gagne car le jour où tu perdras, tu perdras tes hommes. Mais elle ne parlait pas d’elle. Elle ne voulait pas le trahir, elle ne l’avait jamais voulu. Beron… arrête je t’en supplie. Beron parlait parlait, parlait, enfonçait des aiguilles pleines de venin dans sa peau, la tuait avec ces foutus mots, mais il ne savait rien, il n’était pas là, il n’avait pas eut à prendre les décision qu’elle avait eu à prendre. Elle pleurait à nouveau, elle peinait à respirer. Elle avait fait tant d’erreurs. Tant et plus, toujours plus. Elle se mit à quatre pattes tant elle manquait d’air. Mon héro flamboyant. Elle essaya de répondre en cherchant son souffle entre chaque mot.

__ Il… n’y… avait… pas… que moi… en jeu. Il y avait... le peuple… Qu’aurait fait... le peuple... dirigé par... Harren... seul... au commandes… Il serait mort à Eysine imbécile, qu’as tu empêché. Je... n’ai... rien... pu... empêcher… Je n’ai... sauvé... personne… »

La brune aux yeux azurs hurla. Mais Beron continuait… encore et encore… Un enfant inutile ? Un obstacle ? Son cœur allait s’arrêter, elle n’arrivait plus à respirer. Comment pouvait-il imaginer qu'elle pense de telles choses ?! Elle essayait de ne pas tomber, de rester consciente, mais c’était de plus en plus dur. Et Beron qui disait qu’elle n’avait pas agit pour le peuple ? C’était horrible, tout ceci était horrible. Ce n’avait jamais été Harren l’espoir pour la peuple, c’était elle ! Elle ! Eux… avec Joren et ses enfants. Avant que toute cette merde lui tombe sur la gueule ! Son fils croyait-il que c’était simple ? Tout blanc ou tout noir. Noir oui, la haine oui, la guerre, le sang, les larmes, la solitude. Elle préféré lâcher le stylet, elle en trouva pas le courage de se l’enfoncer dans la poitrine elle même, elle avait encore tant à faire, mais à quoi bon puisque tout le monde la voyait comme une sorcière horrible, n’ayant d’ambition que pour elle même. La colère, la colère montait et elle était salvatrice vu son état. Elle trouvait un peu d’air. Enfin. Ainsi sur les ordres de son fils, elle put se relever. Mais elle n’était désormais plus la mère de cet homme. Il avait choisi de la voir comme ce qu’elle n’était pas, elle pouvait pardonner à tous ceux qui en la connaissait pas et n’avait vu d’elle que ce qu’elle voulait bien montrer, mais lui… I ne pensait pas qu’elle avait agit pour le peuple ? Échoué certes, mais malgré tout essayé ? Soit… Alors elle n’avait plus rien à lui dire. Elle se dirigea vers la malle qui se trouvait au pied du lit de campagne et l’ouvrit. Elle y prit l’épée de Joren et la lui tendit en baissant la tête, tendant les bras devant elle.

__ Je t’aime Beron. Et quelque part, je suis fière de toi. J’ai dû, malgré toutes mes erreurs et toute ma cupidité, te transmettre quelques une des valeurs que je voulais te transmettre, je me contenterais de savoir que j’ai réussi cela au moins. Mais… je pensais que tu me connaissais mieux que ça et je me rends compte à t’entendre, que je suis, peut-être aussi mauvaise que tu l’imagine. Seulement, si tel est le cas, alors, je mérite de mourir, pour mes crimes et parce que mon existence n'a aucun sens. Mais tu refuses de me donner la mort, ce cadeau ? Peut-être que je dois rester en vie pour souffrir encore. Oui, c’est là ta vengeance. Soit. J’accepte le châtiment, le tien, celui de ton père, d’Harren et des Dieux. Je vis et je fais ce que je peux en mon âme et conscience, penses ce que tu veux sur mes raisons d’agir, un jour, probablement, je me ferais tuer à cause de mon image, peut-être plus tôt que tu ne peux l’imaginer. Fais ce que tu veux en ton âme et conscience, pour tes frères et sœur, je ne vais pas me battre contre toi, j’ai un Royaume à unifier et un empire à combattre, cela est largement suffisant pour une femme vénale à l’ambition démesurée. Quand à ma relation avec Yoren, elle n’a rien à voir avec le pouvoir, crois ce que tu veux. Il me rappelle ton père, sauf que nous nous entendons encore mieux, parce qu’il a la décence de m’écouter, même s’il en me fait pas entièrement confiance. Il est la seule personne dans ce foutu Royaume qui comprends ce que j’ai fait et pourquoi je l’ai fait. Peut-être parce que lui aussi doit prendre des décisions drastiques et terribles pour son Royaume et sait mieux que quiconque le poids des erreurs et du pouvoir. Yoren est le seul qui me donne encore la force de vivre et l'envie d’avancer. »

La veuve avait toujours du mal à respirer et dû faire une pause pour reprendre son souffle.

__ Mais je n’écouterais pas un mot de plus sortant de ta bouche, pas aujourd’hui, je n’en ai plus la force. C’est ce que tu voulais, que je te parle comme un homme, que je te considère comme un homme ? Hé bien voilà. Tu es un homme. Voilà le parfait héritage de ton père et celui de ton grand père. Le tyran et le génial général qui a divisé son peuple au pire moment alors que nous combattions l’Empire, le Loup et le Dragon réuni pour nous anéantir. Voila sa grandeur d’âme, son génie militaire et voila mes erreurs, uniquement les miennes, que je ne dois qu’à moi et non au fait que j’ai dû essayer de récupérer une situation merdique avec des moyens plus que limités. Mais tu as raison, j’aurais dû m’enfuir avec lui, nous nous serions aimés et nous serions restés tous unis, tous ensemble pendant que le Royaume se faisait écraser, d’un côté par Harren et de l’autre par Torrhen. De moi, tu n’as gardé que la haine et le goût du pouvoir, de lui tu as tout appris. Bien, si c’est ainsi que tu le vois, alors déteste moi, ou aime moi comme tu sais si bien le faire, comme tu le fais depuis tout à l’heure, en me détruisant un peu plus, c’est vrai, je n’ai pas assez souffert ces derniers temps. Je ne vis pas le mépris de tous au quotidien, il me fallait en plus celui de mon fils. tu as souffert, je ne dis pas le contraire, mais tu as souffert des décisions des autres, et tu peux désormais, t’en décharger sur moi, même si elles ne m’appartenaient pas toutes, je suis assez forte, certainement pour porter tout cela, mais quand je tomberais, quand je m’écroulerais sous le poids de toute la haine que le Sautoir a suscité, ce sera encore de ma faute, ah non, au temps pour moi, c’est déjà de ma faute, évidemment. Tu peux penser que ton père a trahi son père, nous et son peuple à cause de moi, tu peux penser que tous les maux du monde sont de mon fait, comme tout le monde, comme tous les autres. C’est tellement facile, en plus je suis une femme, qui se soucie de la vérité quand on parle d’une femme, surtout si elle a un peu de caractère, oulah, ce doit être le mal incarné ! Je te jure, j'ai l'impression d'entendre le Tully. J'accepte de porter le poids de mes erreurs, je vis avec, nous verrons ce qu’il en sera des tiennes quand tu auras fait tes premiers choix d’homme. Voilà l’épée de ton père, voilà sa tente, tu peux la garder si tu le souhaite ou y prendre tout ce que tu voudras. Moi, je vais aller… faire un tour pour essayer d’oublier cette conversation où en tout cas d’y survivre. »

La Princesse sortit de la tente en titubant. Elle rentra à nouveau, prit le pichet de vin, se l’enfila et le jeta aux pieds de Beron.

__ Tu aurais mieux fait de me tuer directement, abréger les souffrances d’un être vivant est parfois plus charitable que de le laisser en vie après l’avoir blessé comme tu l'as fait. J’ai hâte d’être dans l’Ouest, Eren va me tuer, ça me fera des vacances ! »

Myria sortit à nouveau, toujours en titubant par manque d’air plus que par excès d’alcool.


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Le membre 'Myria Hoare' a effectué l'action suivante : Lancer de dés


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Révélations



Qu'elle ne m'ôte pas le droit et l'espoir de retrouver un jour mon frère et ma sœur pour en faire des Hoare, pour les ramener sous notre bannière, pour les guider et les protéger, les soutenir dans les  épreuves de la vie, c'était tout ce que je demandais. Je fus rassuré qu'elle consente à les révéler si l'un de nous restait en vie au terme des terribles épreuves qui nous aurions à affronter. Mais comment Aenarion, ou Euron ou moi le pourrions nous en ignorant le lieu de leur retraite ? Ou alors étais-je le seul à en ignorer l'endroit ? Le seul qu'elle voyait destiné à mourir dans cette guerre démesurée contre l'Empire ? Non, ses propos le démentirent. Elle était bien conscience que chacun de nous pouvait mourir. Pensait-elle que nous pourrions trahir la retraite de notre fratrie  sous la torture ? Était-ce pour cela qu'elle souhaitait garder pour elle seule l'information ? Cette idée me fit réfléchir à la vision de ma mère qui n'était pas si erratique qu'il pouvait y paraître concernant ce sujet précis. Après tout dans notre famille, comme dans d'autres lignées, des frères avaient trahis leurs frères et sœurs, des pères leurs enfants. Mais je peinais à trouver un seul exemple d'une mère ayant trahi ses propres enfants.

Peut-être pensait-elle justement que Victoire et Victarion étaient plus en sécurité si leurs propres frères ignoraient leur refuge. Je pouvais comprendre ce point de vue et ses paroles à ce sujet me semblaient sonner comme un défi de plus, mais finalement censé et rassurant: "survis à cette guerre, mon fils  et tu auras le droit de ramener tes jeunes frère et sœur au bercail." Peut-être avait-elle couché sur un parchemin des indices permettant à celui de ses trois aînés qui survivrait au conflit de retrouver les jumeaux quand la situation serait plus sûre pour eux ? J'étais ivre de colère mais pas totalement aveuglé quant aux choix de ma Mère. Du moins ceux les concernant. Après tout, qui mieux qu'une mère, sait ce qu'il convient de faire pour sauver ses enfants ? Sur ce point-là au moins, je pouvais admettre dans ma cruauté implacable qu'elle avait peut-être fait le choix le plus judicieux finalement. Il me coûtait de considérer qu'elle ne me pensait pas capable de crever sous la question d'un bourreau impérial plutôt que de donner la position du refuge de ses derniers-nés mais je pouvais le comprendre. Je n'étais qu'un enfant à ses yeux et un gamin de douze ans céderait bien vite sous les supplices des tortionnaires. Il était légitime de le penser.

Je ne contestais pas ses choix pour Aenarion et Euron et ses explications au sujet de leur situation actuelle me satisfaisaient mais j'eus envie de rire à ses extrapolations sur mon jeune frère devenant mon conseiller. Mère se berçait sans doute bien plus d'illusions que moi si elle pensait qu'un jour j’accéderais au trône. Je ne me voyais que comme un rouage bien insignifiant dans le jeu des trônes et, étrangement c'est bien différemment que je voyais mon avenir. Bien sûr, j'aspirais à devenir un guerrier digne de mes illustres ancêtres mais plus encore je brûlais de l'envie de souffler sur le Conflans des idées de pacification, de construction, de protection en conseillant mes jeunes frères. Aîné d'un père décédé et d'une fratrie nombreuse, j'étais le dépositaire des visions de Joren, que je retrouvais étonnamment en grande partie dans celle de notre Roi Yoren, son frère, mais il me semblait que l'Histoire ne me destinait qu'à les transmettre en étant d'abord fidèle à ce dernier et ensuite à son héritier, qu'il fût mon cousin né de la Bracken ou l'un de mes frères survivant. Et même, je n'excluais nullement que ce fût à Victoire ma petite sœur, ou à une cousine que je dusse un jour prêter la sagesse de mes conseils.

Mais étrangement, j'avais du mal à me voir un jour Roi de ce Royaume. Peut-être avais-je été, comme Joren, mon père, trop flétri et brûlé dans mes ambitions au contact de feu mon grand-père, Harren le Noir. Trop humilié, abîmé, par le Tyran pour penser en être digne. Mère pensait me connaître, Yoren pensait me connaître. Sur certains aspects, ils avaient raison et peut-être me connaissaient-ils mieux que moi-même je me connaissais. Mais j'avais cette opiniâtreté chevillée au corps: le Peuple est le Royaume. Sans lui, point de Vrai Roi. Mais j'avais du mal à me projeter sur le trône succédant à tous ces rois féroces et auréolés de gloire qui s'y étaient succédés. Je n'avais d'ambition que pour les peuples du Conflans et des Îles de Fer, aucune pour moi-même. A tort ou à raison, je pensais que cela ferait de moi un bien piètre Roi. Si je survivais à la guerre contre l'Empire, viendrait le jour où je les décevrais d'abord tous avant de les faire sourire puis de les étonner par mes choix et mes conseils. Combien je l'espérais en mon fors intérieur. Combien je les surprendrais tous alors par mes mots. Il n'est de royauté légitime et pérenne que celle qui porte la voix du Peuple. Peut-être me mettraient-ils à mort pour avoir osé ces mots.

Mais dans ce moment déchirant où je déversais mes mots sur ma pauvre mère, je mesurais combien j'étais loin de ce moment de grâce où les miens me voueraient peut-être au supplice pour un crime contre la royauté absolue. Mot qui fut repris par ma mère. Le pouvoir absolu. Elle pensait que j'ignorais les perversions et les folies d'un tel Etat. C'est le lot des aînés que de croire que leurs enfants ne comprennent rien aux vices des abus totalitaires et n'ont jamais souffert de leurs effets. Les aînés pensent préserver leur descendance de ces maux en jouant à mots couverts dans la cour des grands, sans se douter que dans la cour des petits ils font des ravages. Sans doute, eux-mêmes ont-ils connu ces affres étant enfants, mais ils l'enfouissent si profondément lorsque le pouvoir leur parait accessible qu'ils en oublient jusqu'aux blessures qu'ils leurs ont occasionnés. Ainsi est l'attrait du pouvoir, ses mirages qui gomment toutes les convictions pures de l'enfance. Mère pense que parce que je suis puceau, je n'ai jamais aimé.

Si elle savait. Alors qu'elle me serre la gorge de ses mains ensanglantées, repasse le fil de mes dernières années à Harrenhall. Elle n'a su que ces provocations quand j'urinais du haut des remparts sur les gardes du Noir. Elle ne saura rien des scènes indécentes auxquelles j'ai assisté sous les instances de mon grand père, ni de la façon dont il m'a puni de m'être amouraché d'une fille de serf. Elle ne saura rien de mes larmes alors si brûlantes quand les gardes se sont "amusés " avec mon amoureuse et que mon aïeul m'a forcé à assister à leurs jeux. Elle ne saura rien. Moi, je sais. Je sais ce que j'ai laissé en quittant Harrenhall. Je sais désormais que la fosse commune où elle repose a été calcinée, vitrifiée par le dragon Meraxès. Que je ne pourrais, si un jour j'y retourne que me recueillir sur une coulée vitrifiée. Je sais ce qu'il m'appartient de faire pour qu'on ne sacrifie plus jamais l'amour pour le pouvoir. Ma mère pourrait-elle le comprendre sans tenter de me raisonner ? Non, bien sûr. Cette fille, à ses yeux, ne serait qu'une petite paysanne insignifiante qui n'avait peur de rien, même pas d'aimer un Prince. Je suis fils d'un Prince et d'une Princesse qui même déclarés traîtres restent plus considérés qu'une fille du peuple. Plus qu'un fils de traîtres, je suis un traître moi-même. J'ai trahi l'amour qu'on me donnait en refusant de voir les risques que je lui faisais courir. Je sais depuis ce jour ce qu'il me faudra faire. Pardonner et aimer, mais avant cela, montrer l'horreur de cette tyrannie du pouvoir absolu sur les âmes, sur les cœurs. Le chemin est long et infiniment douloureux. Il commence par les aveux de ma propres mère.

Je hoquetais sous son emprise mortifère. Elle retrouva ses esprits avant de me priver du dernier souffle et de me briser la nuque sur le sol en terre battue recouvert d'un tapis. L'épaisseur de celui-ci aurait bu mon sang. Peut-être Yoren aurait-il été un temps contrarié de mon trépas et de devoir écrire une histoire pour disculper sa conseillère. Le prince Beron, comme son père portait en son sang la traîtrise et il a voulu priver le royaume d'une conseillère avisée. Nous avons du le neutraliser et le tuer. Mais ma Mère m'aimait encore assez pour reprendre ses esprits et relâcher son étreinte mortelle. Pour autant, je ne cessais de mourir à chaque mot que je lui portais et qui la faisait chanceler, perdre souffle. Je me tuais moi-même, dévoré par ma colère, non contre celle qui m'avait donné le jour, nourri et soigné, mais contre celle qui incarnait cette soif de pouvoir absolu, ce jeu des trônes que je haïssais dans chaque fibre de mon être. Je ne savais véritablement ce qui avait fait perdre patience à mon père et j'espérais un aveu qui puisse conforter mes doutes. Mais il ne vint pas. Ce que je savais, c'est ce qui m'avait forgé dans mes convictions, par delà les enseignements de mon Père et de ma Mère, par delà les engagements louables de Yoren. Et surtout, par delà les diktats inhumains d'Harren. Rien ne pouvait m'en détourner car ces convictions étaient devenues en quelques années ma raison de vivre. Et du haut de mes douze ans de vie, elles me donnaient parfois l'impression de sombrer dans un tourbillon qui me faisait perdre pied.

Masquer, feindre, percepts que j'avais hérité de mes deux parents. C'est ce qui me permettait de faire face. Mon jeune âge était également un bon leurre en me permettant de passer pour un innocent nigaud qui ne comprend rien aux enjeux et à la vie. Quand ma mère avait hurlé son dégoût d'Harren, j'avais pâli. Mon dégoût du personnage allait bien au delà. Si j'avais pu le tourmenter dans les Enfers, je me serais fait démon. Est-ce que le dégoût que ressentait ma mère était aussi ultime ?

Je toussais en tentant de reprendre mon souffle. Dans un sens j'aurais souhaité qu'elle aille au bout de son geste, mais je savais qu'un infanticide l'aurait dévastée car je ne doutais point de son amour pour moi. Et je ne lui souhaitais pas cet enfer, même s'il aurait été une délivrance pour moi. A travers son plaidoyer en défaut, je compris que je me punissais à travers elle, de n'avoir pas à douze ans moins de poids sur la conscience qu'elle n'en avait. Avait-elle conscience de l'aveu implicite des propos qu'elle tenait au sujet de mon oncle Yoren ? Alors même que je n'avais jamais mis ce dernier en cause dans mon réquisitoire.
Yoren est le seul qui me donne encore la force de vivre et l'envie d’avancer.. En une fraction de seconde ces paroles m'éclairèrent sur bien des points. J'obtempérai mécaniquement à la dernière tirade de ma Mère. Oui je n'avais plus rien à lui dire et elle à entendre de moi. C'était ainsi désormais. Je continuerai de l'aimer comme un fils, mais l'homme auquel elle s'adressait à présent devrait faire ses propres choix. Elle venait de me livrer ses souffrances face aux siens, ses erreurs. Je les comprenais enfin et je m'efforcerai de les pardonner. Elle se trompait à mon sujet sur bien des points. Mais je savais que nous ne verrions jamais les derniers actes, les derniers jours de mon père de la même façon. Peut-être était-ce normal. J'étais le fils, elle était l'épouse. Ce que je refusais, c'était de commettre les mêmes erreurs que mes parents. Sacrifier l'amour pour le pouvoir, jamais je ne le ferai si je devais aimer encore. Que ce soit mon amour pour une femme ou pour mon peuple. Je m'efforcerai d'être fidèle aux deux, même si je devais renoncer au pouvoir ou en mourir.

Dans son délire, Mère fouilla dans une malle et en retira l'épée de mon père qu'elle me tendit en proclamant qu'elle me cédait également sa tente. Je m'en saisis sans émotion apparente et aussi surprenant que cela put paraître, cette proposition ne me choqua pas mais me parut découler de ses aveux explicites et implicites. Si j'avais eu la force d'éprouver de la haine, j'aurais hurlé "eh bien va rejoindre la tente de ton nouveau héros!" mais je n'en fis rien. Peut-être la haine viendrait-elle un jour si mes soupçons étaient fondés par des preuves, mais pour l'heure, elle venait juste de me délivrer un certificat de traîtrise concernant mon père et, malgré ses regrets et flagellations concernant ses propres erreurs, de me réaffirmer ce que tous disaient déjà: mon Père, Joren, était responsable de tous les maux du Royaume et des siens, en parts égales avec Harren. Mais, comme c'était commode, les deux étaient morts et bien en peine de la contredire.

Dans un dernier accès de rage, elle lança dans ma direction le pot de vin qu'elle venait de boire. Cet éclat ultime me rappela les accès de colère de mon père au retour d'une bataille qui n'avait pas tourné en sa faveur.

Je savais que ses derniers mots ouvraient pour moi l'ère de la solitude. Perspective peu rassurante pour un homme à peine fait, mais après tout, mon oncle Yoren avait bien surmonté cette épreuve. L'avenir dirait si j'étais digne d'être son héritier présomptif et de me faire homme en dépit de et sans le soutien de mon ascendance. L'épée de mon père dans une main et l'autre sur ma tempe, je regardai ma Mère se diriger vers la tenture qui masquait la porte de sortie en titubant. J'avais le sentiment de vivre le pire de mes cauchemars. Le sang battait à mes tempes mais j'avais cette certitude d'avoir fait ce qu'il fallait. Chaque sujet du Royaume pouvait me demander bien des sacrifices pour lui, verser mon sang j'y étais résolu, mais personne ne me ferait avancer en me demandant de cracher sur le cadavre de mon Père et de ceux qui l'avaient suivi dans son rêve, dans sa révolte contre un monstre tyrannique. En mon âme, je priai le Dieu Noyé pour qu'il montre la route à suivre à ma Mère et qu'il lui donne la force de me pardonner. Pour ma part, je l'avais déjà pardonnée de toutes ses invectives, de ses insultes, de sa gifle qui me faisait homme, mais surtout de m'avoir comparé au Tully et à Harren pour les actes desquels j'éprouvais respectivement incompréhension et mépris. Si un jour je pourrais pardonner au premier, jamais mon cœur n'éprouverait la moindre mansuétude pour le second. L'un était en vie, l'autre mort, ce qui laissait une once d'espoir pour l'avenir.

Épuisé, je tombai assis sur le fauteuil naguère occupé par ma propre Mère que je venais de chasser sans l'avoir vraiment voulu de cette parodie de trône lorsque j'entendis des exclamations étouffées à la porte. Je reconnus la voix de Greydon Frey, l'oncle de Mère. Il était d'ailleurs étonnant qu'il ne soit pas intervenu dans notre altercation. Je savais l'homme très dévoué et discret. Sans doute avait-il estimé qu'une entrevue hautement privée ne devait pas être interrompue entre une mère et son fils. Et qu'elle était sans aucun danger pour les deux. La suite allait le détromper. Un remue-ménage plus important m'alerta et je me relevai de mon siège, prêt à toute éventualité, même la mort.

Je me dirigeai vers la sortie et écartai le pan de draperie qui la fermait. A quelques mètres, ma Mère gisait, inanimée, sa tête soulevée par le bras dévoué de son oncle. Avisant sa pâleur extrême, je me penchai et la pris dans mes bras sans réfléchir. Puis levant mon visage sur le Frey j'ordonnai d'une voix impérieuse.

- Allez mon oncle, quérir le Mestre du Roi. Dites lui que Myria Hoare vient de faire un malaise ! Courrez !

Puis, malgré mon jeune âge, je soulevai sans peine le corps inanimé de ma mère, mesurant avec effroi, combien il pesait peu et combien les épreuves l'avaient amaigrie. Je l'emportai à l'intérieur de la tente et la déposai sur sa couche. D'une voix brisée, j'ordonnai aux gardes massés à l'extérieur:

- Appelez Freya! Qu'elle apporte des linges mouillés de frais et des sels !

Je retenais mes larmes tout en serrant contre moi le corps inanimé de ma maman.

- Pardon...  Pardon , Maman ... Tu dois vivre pour mes frères et sœurs. Et pour nous tous. Mais tu dois vivre pour toi, avant tout ...

©️️️ Jawilsia sur Never Utopia

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MessageSujet: Re: Révélations [Tour VI - Terminé]    Révélations [Tour VI - Terminé]  EmptyJeu 4 Oct - 14:56

Oh non mon fils, je ne crois pas que tu donneras tes frères et ta sœur à l’Empereur, même si tu dois en mourir, mais si tu ne le peux pas, alors tu seras plus en sécurité que si tu sais. Si tes frères ignorent tout, ils seront plus en sécurité eux aussi. Et si j’ignore où mes derniers nés se trouvent, alors nous serons tous plus en sécurité. Seules ta nourrice, Hilda sait et j’ignore où elle se trouve. Peut-être ira-t-elle vendre ce secret à Torrhen, mais j’en doute, elle m’a toujours été loyale et elles n’a rien à y gagner. Je la sais attachée aux enfants qu’elle a allaité, bien trop pour les conduire à une mort certaine et je la sais aussi attachée à moi. Lorsque la guerre prendra fin, elle reviendra, elle contactera les survivants et nous ramènera Victarion et Victoire. J’en suis persuadée. Si je me trompe, alors ils sont morts, mais qu’y puis-je, les retrouver ne les sauveraient pas pour autant. Ils sont là quelque part, probablement pas très loin d’ici, c’est ici qu’Elinor Blantree a été démasquée, Hilda a dû partir juste après se réfugier quelque part, dans une ferme ou je ne sais où. J’espère qu’ils survivront à la prochaine offensive impériale, je ne peux que prier pour cela.

Ne le prends pas contre toi, c’est bien contre l’Empire que je veux les protéger. Je veux aussi te protéger toi et tes deux petits frères, mais je crains de ne pouvoir protéger tout le monde, alors je fais au mieux. Si l’un de vous tombe, je veux que cela rende les autres plus forts plutôt que d’affaiblir la famille. Si lors d’une bataille l’un de vous est pris, il sera plus facile aux autres de résister à l’envie de rendre les armes pour le sauver s’ils ne peuvent pas voir ce qu’il se passe. C’est un risque que je prends en mon âme et conscience et je le fais seule, je ne te demande pas d’assumer ce risque avec moi, c’est là la deuxième raison pour laquelle je ne dirais rien. S’ils meurent, tu pourras m’en vouloir à moi et moi seule, pas à toi. Suis-je sûre de mon choix ? Non Beron, je ne suis sûre de rien, mais je suis sûre que je ne souhaite pas vous voir mourir tous ensemble. Je préfère vous voir vivre, quoi qu’il en coûte.


Les chances pour que Beron devienne un jour Roi étaient presque inexistantes, la Princesse le savait et ne se berçait pas d’illusions. Mais Beron saurait certainement trouver sa voie dans ce nouvel ordre des choses, elle avait confiance. Ce qu’elle lui révélait à présent n’était peut-être qu’un songe lié à des années où cela avait été son objectif, un Roi entouré de ses frères pour le conseiller et avancer avec lui et non contre lui comme cela avait été le cas entre Joren, Eren et Yoren à cause des manigances d’Harren. Mais c’était surtout l'expression de l’unité qu’elle voulait pour sa famille, finalement qu’importait qui était assis sur le trône, qui gouvernait, qui portait la couronne. Les Hoare étaient plus forts ensemble, œuvrant pour un même objectif, avec leurs qualités et leurs défauts à chacun, avec leur vision, parfois contradictoire, souvent complémentaire. Tout comme le peuple Fer-Né et Riverain marchant de concert vers la gloire ou vers l’oubli dans une coopération d’où pouvait naitre tous les espoirs. Myria sourit tendrement alors qu’ils prononcer l'imprononçable et voici ce qu’elle répondit, comme une écho à la voix de son fils.

__ Gouverner, c’est servir. »

***

Myria était étendue dans la neige boueuse du camp, le souffle à peine perceptible, trouvant enfin dans ce sommeil forcé un peu de paix et de repos. Les pensées, les remords et les fracas de la guerre s’étaient tus. Un peu de répit pour que son âme meurtrie retrouve vie, pour que la mort cesse de lui faire des avances qu’elle avait de plus en plus de mal à refuser en dépit de sa volonté. Les paroles d’un fils avaient achevées de lui faire croire qu’elle ne méritait pas de renaître, qu’elle était une mauvaise personne, une mauvaise Princesse et qu’elle méritait de mourir. Mais la mort n’était-elle pas une issue trop facile ? Si facile et si difficile à la fois en réalité. Elle n’avait pas pu se donner la mort, mais chaque mot de Beron la rapprochait de cette décision qui, à défaut de la sauver, la libérerait du poids qu’elle portait. Pouvait-elle lui faire cela ? Non. Pourtant après cet échange, elle en était proche, marchant sur le bord du précipice tel un funambule, chancelant vers l’abysse. Le calme et le silence dans son corps et dans sa tête alors que le monde s’agitait avec effervescence autour d’elle.

Freya alla chercher de l’eau et revint bientôt pour déposer un linge frais sur le front de la brune aux yeux clos, mais les sels ne parvinrent pas à lui faire retrouver connaissance. Lorsque le Mestre arriva en pestant contre les Hoare, car il venait de s’occuper de Yoren qui ne savait, pas plus que sa belle sœur, rester en place, il écouta son cœur et vérifia qu’elle respirait. Il fit une moue qui ne disait rien qui vaille. Elle était mal en point. Son cœur battait irrégulièrement et elle respirait faiblement.

__ Que c’est-il passé ? »

Il s’affaira quelques instants autour de la veuve et laissa du lait de pavot.

__ Elle doit se reposer absolument, donnez lui ça en petite quantité mais régulièrement pour qu’elle dorme et ce pendant au moins 24h et couvrez la bien. Je reviendrais plus tard. »

Il posa les yeux sur Beron et hocha la tête d’un air désolé avant de dire :

__ Je ne sais pas encore si elle vivra. »

Greydon et Creighton étaient abasourdis par la nouvelle. Le vieux Frey lança un regard noir au fils de sa protégée. Il aurait dû intervenir et si elle ne survivait pas, il s’en voudrait à mort d’avoir laissé le gamin aller au bout de cette explication. Freya apportait plus de couvertures pour qu’elle ait chaud et entreprit d’alimenter les braseros et de les rapprocher de la malade. Brandon pleurait dans un coin en espérant ne pas perdre cette tant qu’il aimait tant après avoir déjà perdu ses parents. Personne n’osa pour autant demander à Beron de sortir. Tous se relayèrent avec inquiétude auprès d’elle.

__ Voulez vous garder la tente votre Altesse ? » demanda Creighton après un long silence pesant.

Si tel était le cas, il pensait commencer à déménager les affaires de Myria pour s’occuper en attendant de pouvoir vraiment faire quelque chose. Lui aussi pensait que cette discussion serait salvatrice, qu'elle mettrait les choses à plat entre le fils et sa mère et il comprenait parfaitement que Beron lui en veuille, mais pourquoi l'accabler ainsi, accablait-elle Joren malgré ce qu'il avait fait ? Pas le moins de monde, elle remettait juste les choses en place, la vérité de ses choix drastiques liés à la situation critique dans laquelle il les avaient laissés. Il ne comprenais pas comment Beron pouvait ne pas voir cela et continuer à penser que c'était sa mère qui était responsable de la situation. Il fixait le gamin sans comprendre, les sourcils froncés choqué que ce dernier ait plus de considération pour un mort que pour sa génitrice. Même au moment où elle lui avait signifié qu'elle n'en pouvait plus, il avait continué de la malmener et de l'accabler. Il avait pu l'entendre à travers le tissu de la tente, mais pas voir ce qui avait suivi. La mort de la première ou la mort du second, voici ce que le jeune héritier de Yoren avait su faire exploser. Si le pardon était une évidence, pouvait-il encore y avoir la moindre sincérité de la part de la veuve ? Ses révélations, ses explications, ses excuses avaient été si mal accueillies, si mal perçues, à peine entendues, rejetées avec tant de véhémences et de reproches par l'être qu'elle aimait le plus. Comment pourrait-elle de nouveau lui parler à cœur ouvert comme elle l'avait fait ? Myria n'était, pas plus que Joren ou même Harren, responsable de tous les maux du Royaume. Chacun d'entre eux avait sa part de responsabilité, chacun d'entre eux avait commis des erreurs, chacun d'entre eux s'était fourvoyé dans l'attrait du pouvoir. Mais la née Frey était la seule à devoir encore en assumer les conséquences. Elle avait payé un lourd tribu en assumant pleinement sa tâche et en essayant de réparer les erreurs de son beau-père et de son époux, en essayant de réunir les uns et les autres au prix de son honneur et de sa propre personne, renonçant à son amour pour que ses fils et son peuple ait une chance d'aimer à nouveau. Seul Yoren avait compris cela, elle s'était attendu à ce que Beron le comprenne aussi, mais il n'en était rien. Elle devait se sentir plus seule que jamais à présent.

***

Lorsque le Mestre revint dans la soirée, la brune était toujours aussi pâle, mais son cœur avait repris un rythme normal, son souffle était plus profond et sa température moins basse. Il fut plus optimiste, même si le risque était encore grand. Il rassura les Frey sur son état, mais rappela à tous qu’elle devait prendre du repos au moins jusqu’au matin suivant et qu'ensuite, il faudrait veiller à ce qu'elle mange correctement et dorme régulièrement. Creighton et Greydon se regardèrent en hochant la tête d'un air entendu. Il serait difficile de la retenir, elle devisait avec Yoren toutes les nuits essayant de le conseiller au mieux dans le secret en attendant de pouvoir le faire au grand jour.

__ La nuit ! » précisa-t-il.

Brandon, très appliqué lui donnait une petite gorgée de lait de pavot toutes les heures, tous s’étaient mis d’accord pour faire en sorte qu’elle ne se réveille pas, sans quoi, même après ça et malgré les conseils du Mestre, il serait difficile de la retenir dans son lit. Dans la nuit qui suivit, le silence fit place à des rêves fiévreux dans lesquels la Princesse parla à Joren, s’excusant et s’excusant encore, mais même le lait de pavot, même la fièvre, même les bras de la mort qui s’était insinués en elle ne parvinrent pas à ouvrir le verrou de sa plus grande honte. Les Frey savaient, mais ils mouraient tous deux plutôt que de parler de ça à qui que se soit.

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MessageSujet: Re: Révélations [Tour VI - Terminé]    Révélations [Tour VI - Terminé]  EmptyDim 21 Oct - 17:10







Révélations



Tous s'activaient  autour de Myria avec une fébrilité qui trahissait la gravité de son état. Hébété, je regardais ma mère livrée aux bons soins du Mestre. J'avais vu cet homme sage faire des miracles sur les hommes blessés et les malades. Je savais aussi qu'il ferait tout pour la sauver. Je devais affronter le regard de tous les autres qui me désignaient comme responsable de son état. C'était légitime qu'ils me voient ainsi même si avec un peu de réflexion, il était évident que d'autres personnes et situations l'avaient menée à cet état de grande fatigue. Mon tort était d'avoir ajouté à sa souffrance et au poids qu'elle portait, une douleur qui l'avait fait sombrer. Sans doute, si j'avais été plus mûr et sage, aurai-je attendu que notre situation soit moins dramatique et que tous ses autres poids se soient allégés. Mais attendre après la guerre, dans l'espoir d'une hypothétique victoire était plus qu'aléatoire. Peut-être n'aurions nous jamais eu d'autre occasion d'aborder tous ces sujets brûlants. Nous pouvions tous mourir demain et je n'avais pas supporté l'idée de partir sans avoir tenté de comprendre ce qui avait motivé les actes de ma mère et de réhabiliter au moins partiellement un autre mort. Mon père.  

Cette discussion que je prévoyais déchirante avait pris une tournure dramatique. Nos caractères entiers et passionnés s'étaient exprimés. Cela avait débouché sur des aveux autant d'amour que de haine, une violence inouïe, peut-être le fruit de celles que nous avions subies depuis toutes ces années. Au lieu de se réunir sur le terrain convergeant de nous battre pour notre peuple, nous nous étions éloignés inexorablement au fil d'échanges amers et pleins de rancœur. J'en avais voulu à ma mère de ses choix et elle m'en avait voulu de ma dureté, de ma cruauté à son égard, du manque de compassion face à ses actes. Je lui avais pardonné à présent, de la mort de mon père, en passant par son rapprochement avoué avec Yoren, jusqu'au fait qu'elle m'aie presque étranglé dans son accès de rage désespérée. Je revoyais le fil des événements qui l'avait conduite à me serrer la gorge, à vouloir me tuer. Je comprenais  à présent qu'elle avait plutôt voulu me faire taire parce que je prononçais des mots qui lui étaient insupportables, parce que je la mettais face à elle -même et que cela était au delà de ce qu'elle pouvait endurer.

Je comprenais qu'il faudrait désormais me tenir loin d'elle et sans doute, ma nouvelle charge d'écuyer auprès de Yoren, m'y aiderait-elle. Elle m'avait signifié cette rupture entre nous et c'était un choix que je comprenais. C'était le mieux pour elle. Je continuerai de prendre de ses nouvelles par le Mestre je veillerai autant que possible sur elle, de loin. Même si elle m'avait bien stipulé qu'elle n'avait pas besoin que je prenne soin d'elle. La fierté était ainsi chez elle, qu'elle rejetait toute attention affectueuse de son fils avant même que la querelle éclate entre nous. Cela n'avait pas aidé à temporiser ma colère montante, tant il est vrai que me faire ainsi tenir à distance dans mes tentatives de fils aimant et prévenant n'avait fait qu’accroître mon malaise. J'écoutais Greydon Frey, son oncle, me demander si j'avais bien l'intention de m'installer dans cette tente à la place de ma mère.

La place ? Quelle place avais-je véritablement dans tout ce merdier ? La pensée qu'il aurait mieux valu que je meurs à Eysines m'effleura un instant. Un sourire triste étira mes lèvres en songeant que les occasions ne me manqueraient pas de mourir et je répondis à la question.

- Non, je n'ai pas ma place dans cette tente. Qu'elle y demeure et se repose. Elle choisira ensuite son lieu de résidence quand elle ira mieux. Quant à moi je vais partir et essayer de me pardonner d'être qui je suis. Dites lui que je l'aime et que je lui ai tout pardonné, même ce qu'elle n'a pas avoué, tout, absolument tout. Je peux compter sur vous, Ser Frey ?

Je tenais encore en main l'épée de mon père et elle ne me quitterait plus dans mon paquetage de jeune écuyer, même si par son envergure elle ne serait pas aisément maniable pour moi avant un an ou deux. Je la conserverai chèrement comme étant mon seul héritage. Un héritage que je transmettrai un jour à mon frère Aenarion ou Euron. A la seconde visite du Mestre, les nouvelles furent meilleures. Mère dormait profondément, assommée par le lait de pavot et sa respiration était plus régulière. Encore extrêmement pâle, elle avait retrouvé un battement de cœur plus calme et régulier. C'était moi qui l'avait mise dans cet état, fait frôler la mort. Cette pensée me poursuivrait toute ma vie durant. Je devais me tenir loin d'elle pour lui permettre de retrouver l'apaisement. Disparaître pour ne pas être le rappel vivant de tout ce que je lui avais reproché. La gorge nouée je me tournai vers le vieux sage.

- Je viendrai prendre de ses nouvelles dans vos quartiers, Mestre.

Je sortis de la tente et l'air froid me fouetta le visage. J'inspirai profondément et, m'interdisant de verser la moindre larme, je me dirigeai vers le quartier des jeunes guerriers, là où j'avais une couche qui m'attendait. Pourtant, à chaque pas, mon allure ralentissait et je finis par obliquer en direction de la pâture des chevaux. Les écuries étaient désertes. Je pris la selle de Shine et me dirigeai vers son enclos. Je le sentais à la fois interrogatif et excité à la perspective d'une sortie. Je le sellai et le harnachai. J'allais le monter lorsque je vis une silhouette se dessiner dans la  pénombre. Elle murmura à mon attention et je crus que mes oreilles me jouaient un tour en reconnaissant les intonations qui avaient bercées mes jeunes années de cavalier.

- Ce n'est pas prudent, mon Prince, de sortir seul à cette heure.

J'écarquillai les yeux en essayant de percevoir les traits de son visage.

- Banot  ? ...

Il avança d'un pas et je pus distinguer ses yeux noirs et brillants de joie, sa moustache et son sourire. Nous tombâmes dans les bras l'un de l'autre.

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