Jon n'avait pas eu trop de mal à se remettre des festivités de son mariage, autant dire qu'il n'en avait pas vraiment profité, car sans doute le sentiment de fête n'y était pas tout simplement. Il avait passé la nuit aux côtés de sa nouvelle épouse, remplissant les devoirs conjugaux qu'on attendait de la part d'un nouveau couple royal. Il ne fallait pas s'attendre à ce que la conception d'un héritier se fasse dès la première nuit mais il savait parfaitement où était sa place, quel était son devoir et pour le bien du Nord, le bien de l'Empire également et pour faire perdurer la maison des Stark de Winterfell, il viendrait la rejoindre chaque nuit durant jusqu'au moment où le front finirait par le rappeler, au moment où la guerre serait à nouveau le sujet central. Ce qui ne tarderait surement pas à arriver très prochainement. En effet, son Sénéchal n'avait pas manqué de le prévénir peu de temps après le saut du lit, que la veille au soir, tout ne s'était pas passé comme les choses auraient du se faire. Déjà que le mariage ressemblait plus à un petit banquet de mauvaise fortune entre deux mouvements de troupe, ce qui n'était pas des plus représentatifs d'un mariage royal qui symbolisait en plus de cela une nouvelle alliance. Jon n'avait pratiquement pas bu une goutte d'alcool, certains pensaient peut-être qu'il n'était pas des plus futés, mais le jeune loup observait énornément ce qui se passait autour de lui, ce qui donnait l'impression qu'il était toujours distant puisqu'il ne prenait la parole en général seulement pour dire quelque chose qui était important à son avis. Jon avait bien vu le départ de son père et de son beau-père pendant le banquet mais il n'avait rien dit, sachant pertinement que ce soir on attendait de lui qu'il se comporte comme un marié heureux et innocent, devant profiter de son nouveau bonheur même si ce n'était que pour quelques heures.

Jon avait appris par la suite qu'il avait été question d'empoisonnement dans les cuisines de Vivesaigues et que l'ennemi était déjà connu. Quand il avait su le nom, il n'était même pas étonnant de sa part qu'il puisse agir de cette façon, il se demandait même pourquoi il n'avait pas agis avant, pour le symbole sans doute que devait représenter le mariage de Jon Stark avec Eleanor Tully. Le jeune roi avait bien évidement pris des nouvelles de sa belle-mère qui semblait être la première personne qui avait été ciblé par cette attaque des plus viles. Même dans la trahison, Jon préférait que cela se fasse directement. Eleanor ne semblait pas avoir subis un quelconque dommage, sinon il aurait eu l'occasion au cours de la nuit de se rendre compte que son état était encore plus étrange qu'à l'ordinaire. Il ne l'avait quitté qu'au matin, restant toute la nuit durant à ses côtés. Pour autant, son inquiétude se porta alors sur une autre personne. Une personne des plus importantes à ses yeux et avec laquelle il n'avait pas eu beaucoup de temps pour converser depuis qu'il avait passé les portes de la forteresse de Vivesaigues. Jon se dirigea donc vers les appartements qui avaient été mis à disposition de sa jeune sœur dans le château. Il espérait que rien ne lui soit arriver surtout qu'elle était enceinte et qu'il n'avait pas plus envie que cela que son neveu ou sa nièce ne vienne à subir une quelconque conséquence à cause d'une manœuvre politique. Une fois devant ses appartements, Jon demanda donc aux gardes royaux des Terres de l'Ouest de l'annoncer auprès de Jeyne Lannister. Il attendit ce qui lui sembla un long moment avant d'être autorisé à entrer pour la rejoindre. Dans le fond, l'idée qu'elle allait à nouveau partir lui fendait le cœur, il aurait tellement aimé pouvoir la garder un peu plus longtemps auprès de lui. Cependant, il était maintenant essentiel qu'elle retourne sur ses nouvelles terres et qu'elle rejoigne son époux. Quant à Jon, il allait bientôt repartir pour continuer la guerre contre Harren le Noir, en espérant que cette fois, il réussirait à l'avoir. Une fois seul à seule avec elle dans les appartements, il vint doucement la prendre dans ses bras avant de poser un baiser sur son front. « Comment vas-tu Jeyne ? J'espère que les festivités d'hier soir ne t'ont pas trop fatigué, toi et l'enfant. »

C'était un étrange climat qui régnait à Vivesaigues. Pas vraiment celui d'un lendemain de mariage. De faste. Les Tully avaient fait ce qu'ils pouvaient avec les moyens du bord et au vu des circonstances spéciales. Mais il était difficile de ne pas remarquer que la guerre était présente et que ce n'était là qu'une parenthèse dans une vie de danger. Jon s'était montré plutôt silencieux durant les festivités. Un peu... fermé. Préoccupé plutôt. Pensait-il à son futur départ ? Aux futures batailles ? Ou aux anciennes ? Ou bien songeait-il à son futur avec sa jeune épouse ? Je connaissais les doutes de la nouvelle reine du Nord concernant ce mariage. Je l'avais rassurée et conseillée autant que faire se peut. J'avais espéré que Jon se montre doux avec elle pour cette première nuit. Il ne semblait pas très attaché à elle. Cela me faisait craindre un véritable mariage arrangé, sans aucun sentiment entre eux. Bien que Lady Eleanor se montre encline à s'ouvrir à mon frère. Mais lui, en revanche... C'était une tête de mule, un nordien, qui laissait peu de place aux sentiments. La Tully allait devoir s'armer de patience. Et de finesse.

Je m'étais retirée au départ des époux vers le lit conjugal, adressant un sourire de soutien à ma nouvelle belle-sœur. Je lui avais fait part de mes recommandations pour cette première nuit, lui faisant bénéficier de ma propre expérience, comme j'aurais aimé qu'on puisse le faire pour moi. Même si Eleanor avait la chance d'avoir encore sa mère. Et elles semblaient proches toutes les deux. Peut-être avaient-elles pu en discuter. Surtout que Lady Tully n'avait pas du tout goûté le fait que son époux marie ainsi sa fille au Nord sans en avoir été informée. Ce que je pouvais comprendre, même si les femmes n'avaient pas vraiment leur mot à dire à ce sujet. Comme dans beaucoup d'autres sujets d'ailleurs. Quelle reine serait Eleanor Stark ? C'était elle la nouvelle dame de Winterfell. Celle qui me succédait. Et cela provoquait immanquablement un pincement au cœur chez moi à cette pensée. Ma vie n'était plus là bas. Elle était au Roc. Sauf que j'avais la désagréable impression que je ne serais jamais la Dame du Roc...

Des coups frappés à la porte me tirèrent de ma rêverie alors qu'une servante finissait de me coiffer. Ma tenue, plus ample sous la poitrine, ne dissimulait plus mon ventre arrondi. Il était resté discret les 4 premiers mois, se dissimulant aisément par quelques stratagèmes vestimentaires, mais ce n'était désormais plus possible. Comme si l'annoncer à mon père, à mon frère, avait accéléré le processus et que le bébé s'était mis à prendre enfin ses aises. A cette pensée, je souris en me caressant doucement le ventre, avant de permettre à mon frère de venir me voir. Je partirais bientôt. On m'avait laissé le délai du mariage de mon frère, mais le temps était désormais écoulé. D'ici une poignée de jours, je quitterait Vivesaigues pour retourner au Roc, retrouver Lyman. Qui avait manqué tout le début de ma grossesse... Parce que je m'étais lancée dans une mission diplomatique qui avait été un désastre. Les intérêts de l'Ouest ne concordaient pas avec ceux de l'Empire. Ni du Nord. Ma dispute avec Jon à ce sujet me faisait encore mal. Mon père s'était montré plus tolérant. Bien que déçu. Seul Bowen avait semblé totalement comprendre ma position. Mon cher Bowen...

Je me redressai quand Jon pénétra dans la pièce, me levant et congédiant ma femme de chambre d'un geste, avant de sourire de joie sincère de le voir. Il était encore tôt. Il quittait déjà sa jeune épouse pour accorder du temps à sa sœur. Et même si c'était dommage pour Eleanor, moi, cela me remplissait de joie. Parce qu'il s'écoulerait beaucoup de temps avant que je ne puisse étreindre de nouveau mon frère. Je fermai les yeux dans son étreinte, alors que sa bouche se posait sur mon front avec bienveillance. « Je vais bien. Un peu fatiguée, mais je le suis tout le temps. » Je me reculai un peu pour passer un pouce sous les cernes de ses yeux, pensive. « Toi en revanche, tu n'as pas beaucoup dormi. Comment va ton épouse ? La nuit s'est bien passée ? » C'était un sujet forcément délicat à aborder. Mais je n'avais pas d'interdit avec Jon. Au pire, s'il me jugeait trop intrusive, il saurait me le dire. Nous avions cependant suffisamment parlé de mon propre mariage pour que je lui rende la pareille, non ?

Jon n'avait sans doute pas eu le mariage dont il avait rêvé, même s'il pouvait se poser la question d'avoir un jour chercher à savoir quel genre de mariage il aurait désiré pour lui. Jon avait été instruit depuis toutes ses années dans un but et un seul but précis : celui de devenir roi. Il n'était pas question de bons sentiments, si ce n'est à l'égard de son peuple, non il avait été question de stratégie militaire, de maniement d'épée, de séances assidus d'équitation, de recherches avec le mestre dans de vieux livres poussiéreux sur la façon dont un souverain devait se comporter à longueur de temps. Le jeune prince héritier qu'il avait été, se transformait doucement en roi, il faisait des erreurs, il avait encore tant de chose à apprendre, même s'il se doutait déjà pertinemment qu'il n'arriverait pas à la cheville de son père qui avait mené ses idéaux avec force et volonté pendant quinze longues années avant d'en venir à créer un nouvel Empire. Jon s'était rendu compte que la tâche n'était pas aisée et que finalement, malgré tout ce qu'on avait voulu faire de lui, il était plus un guerrier qu'un diplomate, se parant d'une franchise qu'il avait encore du mal à maîtriser et dont il lui arrivait parfois de perdre le contrôle. De nombreuses choses lui tournaient dans l'esprit, plus encore que quand il se trouvait à Winterfell. Il avait toujours eu ce côté un peu torturé, qui l'empêchait de dormir la nuit, provoquant de sombres cauchemars. Aujourd'hui, les choses se montraient toujours ainsi, mais les préoccupations n'étaient clairement pas les mêmes.

Cependant, Jon était certain d'une chose, c'est qu'il n'avait pas désiré ce mariage, et même s'il n'avait pas eu un objectif précis concernant ce point de sa vie, le mariage qu'on lui avait clairement imposé ne lui plaisait que trop peu. Pour Walton, il était trop tôt pour parler de ce genre de chose, mais Jon s'était promis quelque chose, maintenant qu'il était Roi du Nord et quoi que puisse en penser leur père, Walton était un Stark, un Stark qui devait répondre aux décisions de son roi avant ceux de leur père. Si Jon réussissait à avoir une descendance masculine qui permettait à son frère d'être libéré de ces obligations à monter sur le trône si Jon venait à disparaître prématurément, il ferait en sorte que son frère épouse celle qu'il désirait et non pas celle qu'on désirait pour lui. Il ne voulait pas que son frère soit malheureux comme lui il l'était aujourd'hui. Jeyne, elle, avait eu la chance de trouver l'amour auprès de Lyman Lannister. Même si Jon nourrissait de gros doutes vis-à-vis de l'Ouest, il était heureux que sa sœur puisse vivre un mariage d'amour et pas seulement un mariage d'alliance politique. Cela se voyait sur elle et il ne pouvait espérer qu'une chose, que cela continue ainsi. Pour son bien-être, pour celui de l'enfant qu'elle portait, sans doute des autres qui ne manqueraient pas à venir si son mariage continuait à prospérer ainsi. Mais Jon veillerait toujours sur sa petite sœur, car il l'aimait et ne voulait pas qu'il lui arrive quoique ce soit, il n'était pas certain de réussir à s'en remettre s'il venait à la perdre.

Quant à son mariage à lui, il avait la nette impression d'avoir été vendu pour pouvoir répondre aux désirs et aux dessins de son père. Cette sensation désagréable de n'être qu'un pion entre les mains de son père ne cessait d'occuper son esprit et de ce fait, Jon doutait encore plus, de lui, du bien fondé de son mariage et même celui de l'Empire. Au final quelle pierre pouvait-il amener à l'édifice alors que tout le monde n'attendait qu'une chose de sa part, qu'il suive toutes les décisions de son père. Torrhen lui avait bien demandé de sourire pendant la cérémonie et même durant le banquet, mais le jeune Loup n'en avait pas eu la force. Il était resté fermer, replier sur lui-même. Il avait fait son devoir et ça s'arrêtait là tout simplement. Ce matin, Bowen était venu le trouver pour lui parler de choses qui dépassaient la simple frivolité d'un lendemain de mariage. Son mariage n'avait clairement rien d'un mariage royal, plus d'une parenthèse presque insignifiante au cœur d'une guerre qui occupait tout l'espace et tous les esprits. Il était donc venu trouver sa sœur, car il avait besoin de la voir, sans doute se sentirait-il plus apaiser une fois qu'il aurait pu discuter avec elle. Telle une mère attentive, elle passa un doigt sur les traits de son visage, sans doute un peu cerné. Il sourit faiblement. « Tu devrais savoir depuis le temps, que je ne dors jamais beaucoup la nuit, où plus par intermittence. Et ce n'est pas pour autant que c'est à cause d'une femme. » Il leva les yeux au ciel un instant avant de la regarder à nouveau. « Ne t'inquiète pas pour elle, ton frère a beau être aussi glacial que le froid qu'on rencontre au Mur, il a su se montrer attentif et doux. Je ne suis pas un monstre. Nous avons parlé, et je l'ai rassuré du mieux que j'ai pu avant de faire ce qu'il fallait faire. Puis je l'ai laissé tranquille. Je suis resté à ses côtés, pendant qu'elle dormait et je ne suis parti que ce matin quand les obligations d'un roi m'ont appelé ailleurs. Je n'ai pas la prétention de parler d'amour ou de bonheur, je n'en ressens pas moi-même pour le moment mais elle n'aura rien à craindre avec moi. Je suis quelqu'un d'honneur. »

Oui... Et je le connaissais aussi suffisamment pour deviner quand il essayait de ne pas parler d'un sujet en particulier. Une lourde charge pesait sur les épaules de mon frère. Elle était probablement venue trop tôt. En théorie, il n'aurait du endosser le rôle de roi qu'à la mort de notre père, qui n'était pas pour maintenant, hormis un décès accidentel, évidemment. Mais notre père avait emprunté une autre voie, surprenante, qu'aucun de nous n'avait envisagé, naturellement, s'autoproclamant meneur d'un empire nouvellement créé et laissant ainsi les rênes de son royaume à son fils. Une charge qui avait toujours été source de doutes pour Jon, je le savais. Combien de fois avions-nous discuté de notre avenir, de notre famille, de notre père, quand nous étions enfants et tout jeunes adultes ? Non, Jon n'avait jamais dormi beaucoup et il devait encore moins céder à la fatigue désormais. Sauf quand il tombait d'épuisement. Combien de décisions se jouaient dans son esprit ? Combien de doutes, de possibilités ? De stratégies de guerre ? Pas de place pour sa jeune épouse... Et sa réponse me confortait malheureusement dans cette idée. J'étais rassurée d'apprendre qu'il s'était montré attentif et prévenant avec elle, mais je n'en attendais pas moins de lui. Ce n'était pas parce que nous étions nordiens que nous étions des barbares, n'en déplaise à la plupart de Westeros.

Je hochai la tête quand il me rassura, avant de souffler : « Comme n'importe quelle jeune fiancée, elle était inquiète concernant cette nuit... C'est bien que tu ai pu la rassurer. J'ai essayé de faire de même en lui disant que tu étais quelqu'un de prévenant. » Et j'étais heureuse qu'il ne m'ai pas fait mentir. Jon était un frère, lui-même avait souhaité que tout se passe bien pour moi, ce qui avait été le cas, il ne pouvait que se montrer attentif à sa femme. Même s'il n'éprouvait rien pour elle. Pas même de la passion. « Ton épouse est une belle femme et elle a à cœur de te plaire, tu sais ? L'amour ne se commande pas, je le sais bien, mais je sais qu'elle fera tout pour que tu l'apprécies à défaut de l'aimer. J'aimerais que tu sois heureux, Jon. Tu le mérites. » Mais le serait-il avec cette femme qu'on avait choisi pour lui ? La jeune Tully avait l'air un peu maladroite, pas vraiment prête à endosser son rôle de reine du Nord. C'était là une ascension très rapide, qui avait de quoi décontenancer. Et Jon n'était pas d'un abord facile.

« Je sais que tu es honorable. Et que la situation ne se prêtait pas vraiment à un mariage... » La guerre était toujours d'actualité. Ce n'était là qu'un interlude. Il n'avait pas la tête à jouir de son mariage. Et bientôt, elle serait envoyée dans le Nord afin de devenir la nouvelle dame de Winterfell. Prenant ainsi ma place. Et la tâche serait ardue pour cette étrangère. J'espérais que Walton se montrerait ouvert et accueillant avec elle. Puisque Jon ne serait pas là. Aucune présence féminine pour l'aider. Moi, j'avais eu la chance d'avoir Megara. Et puis, je m'étais liée d'amitié avec Gareth, le meilleur ami de mon époux. Et d'avoir également Lyman. Et Lynara était venue avec moi, me soutenant à chaque instant, doux visage familier à qui je pouvais tout confier, tout montrer... « Cela va être difficile pour elle, à Winterfell. Elle sera seule. Dans un royaume étranger. Apprends-lui. A se comporter en Dame de Winterfell. » Ma voix se mit un peu à trembler, alors que ce titre n'était plus le mien, balayant 16 années de ma vie. Le Nord me manquait. Atrocement. Mais ma place n'y était plus. « Même si une part en moi espère qu'elle ne pourra jamais me remplacer... C'est égoïste, non ? »

Jon n'avait pas besoin de parler énormément avec Jeyne pour qu'elle puisse comprendre ce qu'il ressentait au plus profond de lui-même, pour qu'elle comprenne ce qui se jouait dans son esprit ou dans son cœur à cet instant. Jon ne pouvait qu'en être soulagé que ce lien entre eux deux existe toujours et il en avait assez de devoir parler, de devoir s'expliquer sur chaque chose à chaque instant et de faire de son mieux pour faire semblant, pour faire plaisir à l'assistance qui l'oublierait sans doute dès qu'il quitterait le Conflans pour retourner sur ses terres de Winterfell, s'ils obtenaient la victoire lors des prochains combats qui ne manqueraient pas de se profiler bientôt. Son mariage avait été une véritable épreuve pour lui, ce n'était pas physiquement qu'il avait eu de la peine à faire ce qu'il fallait. Il n'était pas un homme incapable de ce côté là, mais c'était plus une blessure psychologique, dont il était interdit qu'il fasse cas trop longtemps au risque de fâcher son père, sa belle-mère ainsi que sa nouvelle belle-famille dont cette union était censée être bénéfique pour pouvoir rapprocher le Nord du nouveau Royaume des Collines et des Rivières. Mais il n'en avait pas eu envie, il aurait même aimé être partout ailleurs qu'à Vivesaigues, la veille pour ses propres noces et il ne voyait pour le moment son épouse que comme une obligation en plus qu'on lui mettait sur les épaules. Pour autant, il n'aurait pas été capable de faire quoique ce soit de mal à l'encontre de Eleanor. Il n'avait jamais rien fait contre les femmes, ce n'était pas aujourd'hui avec son épouse qu'il allait commencer, quoique puisse raconter les rumeurs à ce sujet, le mariage avait été consommé.

Jon hocha doucement la tête en direction de Jeyne et soupira doucement. « Je te remercie de ce que tu as fait pour elle, même si je crains qu'au début elle n'ait pas réussi à faire confiance à tes paroles concernant ma personne. Il faut dire que durant la cérémonie ou les festivités, je n'ai pas été non plus des plus chaleureux, je veux bien te l'accorder. » Le grand frère qu'il était se mit à sourire tendrement à sa sœur, avant de venir poser un nouveau baiser sur son front puis de reculer quelque peu alors qu'il continuait à écouter ses paroles concernant l'état et les impressions que sa jeune épouse pouvait avoir, des envies qu'elle formulait par rapport à cette union. Il finit par croiser les bras sur son buste avant d'hausser les épaules. « Je ne remets pas en question sa beauté … Je n'ai rien dit contre cela, elle ne fait juste pas partie des femmes que je préfère d'un point de vue physique. J'ai un goût un peu plus prononcé pour les chevelures brunes et le regard foudroyant. Je sais que ses intentions à mon égard ne sont pas mauvaises. Et j'aimerais te dire que tout va bien se passer … Mais je ne suis pas comme ça, je ne me laisse pas approcher facilement de base … De plus, je suis devenu roi depuis, et j'ai besoin d'une femme à mes côtés, pas d'une enfant. Ce qu'elle m'a présenté d'elle à nos premières rencontres ne lui a pas été favorable. Elle est reine aujourd'hui, elle n'aura pas beaucoup de temps pour pouvoir se préparer à ce rôle et pouvoir pouvoir l'assumer. Si elle tombe enceinte rapidement, elle devra quitter Vivesaigues, sa famille pour rejoindre le Nord et Winterfell avant que l'hiver ne vienne à bloquer toutes les routes. Il est hors de question qu'un Stark naisse en dehors de nos frontières et se serait un affront dont le peuple, ni moi ne pourront accepter. Cependant, je ne serais pas là pour l'accompagner, pour le moment je dois rester au côté de notre père pour pouvoir continuer la guerre. Walton sera là pour l'accueillir et c'est d'abord auprès de lui et des femmes de la noblesse du Nord qu'elle devra apprendre à devenir la Dame de Winterfell. » Il caressa doucement la joue de Jeyne. « Personne ne pourra jamais te remplacer, ni à Winterfell, ni dans mon cœur. Je suis déjà si triste de savoir que nous allons devoir nous quitter bientôt sans peut-être avoir à nouveau la chance de nous revoir avant longtemps... »

C'était le moins que je puisse faire que de tenter de guider son épouse dans son rôle futur et dans sa façon de gagner au moins le respect de mon frère. Et c'était loin d'être quelque chose d'aisé. Je n'étais pas étonnée que la jeune Tully n'ai pas totalement cru mes paroles concernant mon aîné. Il était difficile de percer la carapace de Jon, ce n'était pas un Stark pour rien. Et en plus de son nom, son passé l'avait façonné d'une certaine façon, ne lui permettant pas de s'ouvrir facilement aux autres. Et doutant profondément de lui et de sa légitimité, enfant alors en quête d'approbation de son illustre paternel. Moi aussi j'avais couru après la fierté et la reconnaissance de mon père et il me semblait ne pas l'avoir trop déçu. Jusqu'à très récemment. Et probablement que j'allais le décevoir de plus en plus alors que sa route divergeait de celle des Lannister... Mais je ne pouvais pas grandir en restant constamment aux aguets de ses bonnes grâces... Et Jon devait apprendre à faire de même. Même si, comme moi, il s'était retrouvé le pion d'un mariage arrangé. Et si j'y avais trouvé mon compte, mon frère semblait moins heureux et enclin à embrasser ce mariage et à lui accorder une vraie chance d'y trouver le bonheur. "La chaleur n'est pas vraiment quelque chose de réputé chez les Nordiens." Je répondis avec un sourire et une moue amusée, même si j'avais su trouver refuge dans les bras de mon frère à maintes reprises. Et lui dans les miens.

Je fermai les yeux un instant sous son baiser, aussi tendre qu'une caresse, puis l'observais tout en parlant et en lui livrant mes impressions. Un léger rire accueillit sa remarque sur le physique de son épouse, bien différent des femmes qu'il appréciait d'ordinaire. "Tu sais, Lyman n'entrait pas non plus dans mes critères de beauté pour un homme. Quand tu sais que j'avais le béguin pour Bowen quand j'étais plus jeune..." Je m'étais faite malicieuse en parlant de cet amour de jeunesse. De ce coup de coeur de fillette encore immature qui idéalisait l'amour et la chevalerie. Même si, encore maintenant, force était de constater que je trouvais toujours Bowen fortement séduisant et qu'il était totalement mon type d'homme. Lyman était plus raffiné et délicat avec sa corpulence mince, ses traits fins, ses cheveux blonds et bouclés... Et pourtant, il avait su me séduire par son regard pétillant et son sourire malicieux.

Le jugement de Jon envers son épouse était sévère. S'il ne la voyait que comme une enfant, c'était mal parti... "Elle a été propulsée reine de Nord sans y avoir été préparée. Sa famille n'est devenue souveraine que très récemment et elle na certes pas été éduquée dans ce but, contrairement à toi ou moi. Ou Walton." Malheureusement, ça, Jon s'en moquait pas mal. Il avait besoin de pouvoir se reposer sur celle qui allait lui donner des héritiers, il n'avait pas le temps de la materner. Il avait une vision très froide, mais très lucide, de ce qui attendait son épouse. Je hochai la tête, espérant que Walton saurait aider la jeune reine, que les dames de Winterfell ne lui seraient pas hostiles et ne la mettraient pas en difficulté. "J'espère que l'on saura lui faire bon accueil là bas et ne pas la mettre en difficultés parce que c'est une étrangère. J'ai eu la chance de pouvoir compter sur quelques soutiens à mon arrivée au Roc. Sans eux... Cela aurait été vraiment pénible." Quoique là, Eleanor aurait au moins la chance de ne pas avoir à composer avec l'aura écrasante d'une Jordane. Elle n'avait à se soumettre devant personne elle. Je confiais, dans un moment de vulnérabilité, qu'égoïstement, j'espérais ne pas être remplacée malgré tout. La caresse de Jon me fit monter les larmes aux yeux, comme la douceur de ses paroles. Je me rapprochai de lui pour me serrer contre lui, passant mes bras autour de son cou pour nicher ma tête dans le creux de son épaule. Je n'avais que trop conscience que nous ne nous reverrions peut-être pas avant longtemps... Que la guerre pouvait me l'enlever. "Cela me réchauffe le cœur d'entendre cela. Nous avons vécu trop de choses toi et moi pour qu'il en soit autrement, malgré les aléas de la vie et nos chemins qui semblent se séparer. Tu seras à jamais mon frère, qu'importe la politique et les jeux de pouvoir."

Ce n'était pas une question de chaleur, ce n'était même pas réellement une question simple de culture et de traditions qui lui avaient été inculqués depuis l'enfance. Bien sûr que tout cela avait joué depuis bien longtemps sur l'homme que Jon était devenu, mais il avait un caractère bien particulier, il était pour cela un vrai Stark dans toute sa splendeur et sa complexité également. Bien loin d'être aussi diplomate, séducteur et beau parleur comme son sénéchal du Nord, Bowen Glover, il avait un tempérament de feu qui se cachait sous une importante carapace et qui donnait l'impression qu'il avait le cœur aussi froid que la glace que chacun pouvait rencontrer quand il venait à se rendre jusqu'au Mur, au niveau des frontières les plus hautes du royaume du Nord. Jon pouvait être passionné par ce qu'il faisait, par ce qu'il désirait, il s'emportant facilement quand une idée lui tenait à cœur, même si aujourd'hui, de plus en plus, il venait à apprendre à contrôler ses réactions, cela n'avait clairement pas été à son avantage ces derniers temps. Il était aussi catégorique dans un sens que dans un autre. Il pouvait aimer et être prêt à tout donner, pour autant, quand le doute le submergeait et surtout quand il venait à douter de la personne qui se trouvait en face de lui, il avait du mal à s'ouvrir et à accorder de l'intérêt, et même un quelconque crédit à ce qu'on pouvait lui dire. Quand Jon était sur la réserve, il devenait alors très difficile de l'approcher, d'être au plus proche de la personne qu'il était réellement et le temps ne pouvait être que la réelle solution au problème. Il avait beaucoup trop de chose sur le cœur, de regrets, de remords et de colère qui l'empêchaient d'avancer comme il aurait du le faire. Ou plutôt comme un véritable souverain aurait du le faire.

Les mots de Jeyne n'avaient pas toujours suffis à faire disparaître toutes les craintes que Jon pouvait ressentir et pour autant, elle était bien souvent la seule à réussir ce miracle, mais elle semblait si loin maintenant, un jour serait-elle peut-être même devenue inaccessible pour lui et il n'avait clairement pas envie de perdre cette connexion qu'il avait avec elle. Pour autant, il se souvenait que leur dernière conversation avait été un moment compliqué pour l'un comme pour l'autre. Et aujourd'hui, ce n'était pas le souverain du Nord qui rencontrait la princesse de l'Ouest mais, c'était le frère aîné qui allait sans doute recevoir les conseils de sa petite sœur, qui s'était mariée avant lui, et qui pourrait l'aider dans sa vie conjugale. Il fronça doucement les sourcils quand elle vint à lui parler de son béguin pour Bowen, il ouvrit la bouche avant de la refermer. « Je préférerai ne pas penser à toi et à Bowen dans ces termes-là, c'est quelque peu étrange. Tu es ma sœur, il est sans doute la personne la plus proche de moi après toi … Et puis, surtout qu'heureusement qu'à l'époque je n'ai jamais rien su de cela sinon cela ne m'aurait sans doute amené qu'à une seule chose, que je déteste un peu plus Bowen qui obtenait toute l'attention de notre père à l'époque, alors de toi en plus ... » Il lui fit un petit clin d'oeil avant de lui sourire. Toute cette histoire était du passé bien évidement, mais il était certain que par le passé cela aurait posé encore plus de problèmes alors que ce n'était au final qu'une question de confiance que Jon n'avait toujours pas en lui. « Il t'a cependant attiré … Ce n'est … Enfin cela ne sert pas forcément à grand chose d'étudier la question sous tous ses aspects. »

« Je le sais parfaitement Jeyne et c'est pour cela que j'en veux à notre père. Il a désiré ce mariage pour pouvoir faire tenir son empire. Je n'ai pas eu réellement la main sur les dernières décisions politiques. Du fait que ce soit notre père qui a fait le choix de créer l'Empire, il a de ce fait engagé directement le Nord à l'intérieur de cet engrenage. Et j'ai lu la constitution et j'ai signé pour un accord moral à ce projet mais pourquoi me faire épouser une fille qui comme tu l'as dis, ses parents ont été propulsé du jour au lendemain en tant que roi et reine d'un nouveau royaume à construire mais surtout à conquérir et elle va se retrouver directement en tant que reine du Nord. Ce n'est pas quelque chose que je peux prendre à la légère. J'ai besoin d'une reine, pas dans un an, pas dans un mois, j'ai besoin d'une reine immédiatement car qu'en elle se retrouvera dans le Nord, on ne lui laissera pas beaucoup de temps pour pouvoir s'habituer à son nouveau rôle, surtout pour une étrangère qui appartient à une famille qui a combattu nos troupes au nom de Harren Hoare. » Il détestait tout ce qui se profilait à l'horizon, pour lui, pour celle qui serait son épouse, pour Jeyne, pour leur famille si complexe dans les caractères et au plus profond de leurs âmes. Mais ils n'avaient plus le choix à présent, d'ailleurs avaient-ils eu seulement le choix un jour ? Il serra un peu plus la jeune femme dans ses bras, la serrant avec force tout en espérant ne pas lui faire du mal. Le présent était déjà complexe, l'avenir se montrait déjà si sombre. Où seraient-ils tous les deux dans quelques mois ? Jon aurait voulu remonter dans le passé, finalement ces moments d'allégresse que l'on ne connaissait durant l'enfance, passaient terriblement vite. « Et tu seras éternellement ma sœur. J'espère que nous n'en viendrons pas à nous opposer dans un avenir plus ou moins proche sur un champ de bataille. Je ne saurais comment vivre sans toi. »

Je savais que j'allais chérir cette conversation pendant longtemps. Elle venait balayer la précédente, quand nous nous étions disputés concernant les choix de politique de l'Ouest, avec lesquels je n'étais pas forcément d'accord, mais que je devais pourtant défendre et appuyer. Parce que je n'étais plus princesse du Nord, mais de l'Ouest, quoiqu'il m'en coûte. Jon me l'avait reproché. Il était impulsif, prenait les choses à cœur. Nous n'étions pas frère et sœur pour rien, sauf que j'étais obligée de changer, de m'adapter à mon nouvel environnement. D'être celle qu'on attendait que je sois. Et il en serait de même pour son épouse, si elle était un temps soit peu intelligente. Il lui faudrait guetter les réactions de chacun, adapter son comportement, afin que la couronne du Nord ne soit pas trop lourde à porter. Au moins n'avait-elle pas à vivre dans l'ombre d'une reine, contrairement à moi. Mais elle se devait d'être opérationnelle immédiatement, alors que j'avais encore du temps pour me préparer. A un rôle que je savais tenir un jour, alors que cela n'avait pas été le cas de la jeune Tully, propulsée reine alors qu'elle n'était que noble. Quelle ascension... Cependant, rien ne serait facile pour elle. Apprendrait-elle à aimer l'austère et froide Winterfell, forteresse si différente de la demeure de son enfance ? Rien n'était moins certain, surtout si elle se retrouvait isolée là bas, avec un époux qui ne se préoccupait d'elle que pour concevoir des héritiers... Quelle triste condition. Pouvais-je adoucir Jon ? L'amener à de meilleurs sentiments envers sa jeune épouse qui souhaitait simplement lui plaire, même si c'était maladroitement ?

Elle ne correspondait pas aux critères de beauté habituels de Jon et j'en arrivai à lui confier que Lyman ne correspondait pas davantage aux miens, mais qu'il avait pourtant su me charmer, non sans avouer que j'avais toujours trouvé Bowen à mon goût. Pendant longtemps, j'aurais adoré être son épouse. A défaut d'amour (et encore, quelque part, je me disais qu'il aurait pu fleurir avec l'intimité), il y avait de l'affection, du respect et de la compréhension entre nous. Mais Père en avait décidé autrement et Bowen en avait épousé une autre. Cela ne nous empêchait pas de rester proches, comme un frère et une sœur quelque part. Je ris de bon cœur alors que Jon était presque offusqué par ma confession, avant de simplement sourire, un peu désolée de l'entendre me parler d'une certaine jalousie envers Bowen. "Oh, cela t'aurait déplu d'avoir ton meilleur ami en beau-frère ? Tu aurais su que j'étais entre de bonnes mains et qu'il aurait bien pris soin de moi. Et on se serait vus plus souvent." J'essayais demeurer légère dans mes propos, comme lui, mais il y avait un vrai brin de nostalgie dans ma voix en parlant de rester proches et se voir plus souvent. Comme je savais qu'il avait effectivement du envier Bowen pour cette proximité avec Père. J'étais heureuse que cela ne soit plus le cas. Je haussai une épaule à la conclusion de mon frère sur Lyman et moi. "Il y a bien des façons d'attirer quelqu'un..." Que ce soit par la beauté, par le charme, par l'intelligence, par la gentillesse... tant de facettes qui permettaient aux sentiments d'évoluer. Et heureusement.

J'essayais de plaider la cause de son épouse, mais Jon était inébranlable, alors qu'il m'avouait en vouloir à Père de l'avoir mis dans cette situation. Il n'avait pas totalement tort d'ailleurs. Je devinais aussi ses griefs vis à vis de l'Empire, me rappelant que Jon était roi du Nord et pas le sbire de notre père l'Empereur, que s'il l'avait rallié, il n'était pas forcément d'accord avec tout, comme il n'était pas forcément d'accord avec ce mariage. "C'est délicat... Père a été fort avisé de te faire épouser une alliée avant de renoncer à ses prétentions sur le Nord. Il n'aurait alors pas pu te l'imposer, que ce soit en tant qu'Empereur ou en tant que père..." Je soupirai. "Certaines personnes se révèlent dans l'adversité..." Mais je n'étais pas certaine que ce serait le cas de la reine du Nord. Je ne la connaissais pas suffisamment. Mais elle me semblait... trop douce. Effacée. J'enlaçai mon frère, consciente que cela ne se reproduirait plus avant très longtemps. Ses mots me touchaient, me rassuraient, après mes doutes. "Je l'espère aussi, mais tout ce qu'il se joue est tellement plus grand que nous... Je rêve d'un futur où mes enfants joueront avec les tiens... Où nous avancerons main dans la main... Un jour peut-être. Mais si affrontements il y a, c'est toi que je risquerai de perdre, je suis en sécurité. L'avantage d'être une femme. Je ne suis pas une Rhaenys Targaryen ou une Argella Durrandon, à brandir l'épée face aux hommes." Je me fendis d'un petit sourire amusé. "Gardons confiance Jon." Je posai mon front contre le sien en murmurant.

La rancoeur, les décisions politiques, l'avenir funeste, toutes les choses négatives ne semblaient plus avoir de place à cet instant, tout n'avait pas disparu bien évidement, mais les mots qui avaient été porté d'un souverain à un autre souverain avaient, pour le moment, été mis de côté. Rien ne comptait plus réellement, si ce n'était l'amour d'une sœur pour son frère et inversement. Ils parlaient de choses communes, de leurs sentiments personnels sur leur vie marital et leur vie de famille également. Jon ne pouvait pas dire que c'était comme au bon vieux temps à Winterfell, car quand ils étaient encore un peu plus jeunes, il ne serait jamais venu à l'idée du jeune garçon de s'épencher sur ce genre d'histoires, de peines et d'espoir, c'était quelque chose qu'il gardait pour lui et d'une certaine façon cela lui permettait de se protéger de voir sa petite sœur devenir une femme et commencer à ressentir certaines choses auprès des garçons. Jon ne l'aurait sans doute pas supporté protecteur comme il était. Du coup, cela avait à la fois quelque chose de nouveau, car le sujet l'était mais aussi de terriblement familier, comme quand ils se retrouvaient autrefois, au crépuscule dans la chambre de l'un ou de l'autre, s'allongeant sur les lits pour parler ou pour ne rien se dire, juste savoir que l'autre était à ses côtés et qu'il serait toujours là pour lui. Finalement, plus encore que la conversation houleuse qu'il avait eu avec elle, c'était ce moment de complicité qui était en train de lui déchirer le cœur, car il savait que c'était peut-être la dernière fois qu'ils se verraient, que la guerre pourrait se mettre entre leurs deux royaumes et qu'il faudrait agir en tant que souverain et non en tant que frère et sœur. Chacun prendrait les armes pour protéger ceux qui étaient les siens à présent. C'était finalement, un bien lourde tâche que de grandir, encore plus de devenir roi, faire passer la raison avant son cœur, faire passer l'Empire avant Jeyne … Il se retint de soupirer, ne voulant pas se laisser submerger par la mélancolie qui était en train de le prendre à la gorge.

Jon préférait penser à Jeyne, et à son coup de cœur pour Bowen. Ou non en fait, il ne voulait surtout pas imaginer ce genre de choses, ni avec Bowen, ni avec Lyman Lannister, qui avait épousé sa sœur, c'était beaucoup trop étrange pour lui, même s'il savait parfaitement que l'enfant qu'elle portait n'avait pas été conçu de façon très chaste. Il sourit doucement à Jeyne. « Je te rappelle ma très chère sœur, qu'il n'y a pas si longtemps que ça, Bowen n'était pas mon meilleur ami … Je dirais même qu'il y a deux ans encore environ j'aurais sans doute souhaité sa mort d'avoir une place si proche de mon père … La jalousie m'a longtemps obscurcis mon jugement sur cet homme qui a de nombreuses qualités. C'est à partir de la bataille de la Mort-aux-Loups que les choses ont commencé à changer avant d'en faire aujourd'hui mon meilleur ami, presque comme un frère même je dirais. Et puis nous faisons bien la paire tous les deux, lui si mesuré en tout et si positif, moi tellement fougueux dans mes sentiments et tellement renfermé à la fois … Nous avons su trouver notre équilibre et je ne pourrais me passer de lui à présent. Cependant, ce n'est pas pour autant que j'aime voir des hommes tournés autour de ma si belle sœur … Même si je sais qu'il est un peu tard pour cela maintenant. » Il se mit à rire malgré le voile de tristesse dans ses yeux. « Mais je sais qu'il aurait pris soin de toi, et j'aurais tellement aimé que tu restes à Winterfell à mes côtés … Notre éloignement me pèse énormément, mais nous n'avons jamais eu le choix dans ce domaine-là. » Il se souvenait des paroles de nombreuses personnes quand il avait osé parlé de ses doutes concernant sa fiancée, tout le monde lui avait répondu que l'amour pouvait venir par la suite, que cela ne voulait pas dire qu'il n'y aurait pas de la tendresse mais Jon n'avait pas envie de se contenter de ça. Au moins, il pouvait se dire que sa sœur était heureuse avec son mari, même si cela la séparait de sa famille, son époux veillerait sur elle et dans le cas contraire Jon se ferait un plaisir de le transpercer avec son épée. « Père a marié le Nord à l'Empire, tout comme il m'a marié moi à Eleanor Tully … Cependant, il y a bien des manières de faire entendre sa voix. Je reste le Roi du Nord. Quant à elle … L'avenir nous le dira, dans tous les cas, c'est un contrat signé jusqu'à la mort, alors je vais bien devoir composer avec. » Il y avait une certaine forme de résignation et même s'il était Roi et qu'il ferait passer son devoir et son peuple avant toute chose, Jon ne s'était dans le fond pas résigner à une vie sentimentale malheureuse. « Tant que tu es à l'abri Jeyne, je serai rassuré. Tu as d'autres capacités pour te battre que de venir sur un champ de bataille. Je te connais tu es ma sœur et tu as été Dame de Winterfell, ce n'est pas rien. Gardons foi en l'avenir … Rien n'est éternel, nous aurons peut être l'occasion, notre génération de faire à nouveau bouger les lignes. » Il aurait aimé partager la même vision qu'elle mais il était bien pessimiste face à la réalité qui se présentait à lui.

Je levai les yeux au ciel alors que Jon me rappelait qu'avant qu'il y ai de l'amitié avec Bowen, il y avait eu de la rivalité. Et de la jalousie. Mais simplement de la part de mon frère. Père avait encouragé cela sans même s'en apercevoir en réalité, donnant l'impression que le jeune Glover était le fils qu'il aurait aimé que Jon soit. Impression renforcée par le peu de confiance que Jon avait en lui. Surtout quand cela touchait notre père si absent et lointain. Oncle Bran avait essayé au mieux de nous rassurer et nous élever, mais cela n'avait pas vraiment suffi... Je hochai la tête à ses paroles. "Je n'ai jamais douté que vous pourriez vous entendre et qu'il puisse avoir une place privilégiée à tes côtés. Vous vous complétez et tu peux lui faire confiance pour avoir le recul qui te fait parfois défaut, surtout quand de lourdes décisions planent sur tes épaules de monarque." Et je ris doucement, avant d'ajouter : "Rassure-toi, Bowen n'a jamais été intéressé par ma personne ! J'étais l'adorable fille de son roi, voilà tout ! Trop jeune pour être intéressante." Puis, j'ajoutais, malicieuse : "Et désormais, plus aucun n'aurait l'outrecuidance de me tourner autour alors que je suis mariée et enceinte et que mon mari est le futur roi de l'Ouest." Je pris un air faussement désespéré : "Quel dommage, je n'aurais jamais connu le sentiment étourdissant d'avoir une foule d'admirateurs béats devant ma beauté." Je ris encore un peu, avant d'avouer, à mi-voix, sur le ton de la connivence : "Tu sais... Quand nous sommes allés à Goeville pour ce tournoi et ces festivités... Je me suis sentie terriblement insignifiante face à toutes ces dames et princesses plus belles les unes que les autres... Et pourtant, je me faisais une telle joie de quitter le Nord et sa rigueur pour quelques frivolités." Un nuage voila mon regard quelques instants. "Mais Winterfell me manque. Souvent. Oui, il aurait été doux de continuer à y vivre, à tes côtés, avec Walton, ton épouse, nos enfants..." Pourtant, je ne pouvais pas dire regretter ma vie actuelle, parce que j'avais tout de même la chance d'avoir un époux qui tenait réellement à moi et qui savait faire battre mon cœur plus rapidement. Cela aurait-il été le cas avec Bowen ? Je l'ignorais.

Mon frère n'avait pas la même chance que moi en amour malheureusement. Mais il était beaucoup moins enclin à s'ouvrir aux autres que moi, ni à montrer ses sentiments. Il avait déjà quelques a priori sur la jeune Tully, qui ne facilitaient pas la tâche de la jeune femme, qui m'avait confiée ses peurs et ses doutes déjà. Et il me semblait que la conquête de mon frère serait une entreprise longue et ardue, semée d’embûches. Je me fendis d'un sourire désabusé à la réponse de mon frère concernant son mariage. Il était Roi du Nord, mais quelle était réellement sa marge de manœuvre alors qu'il était allié de l'Empire ? Je n'aimais pas du tout cette prétention à vouloir gouverner tout Westeros en empereurs absolus et en ne laissant aux souverains qu'un rôle de gestion de leurs terres. Je simplifiais à outrance, mais voilà. Quelle liberté Jon avait-il réellement ? "Jon... En étant allié de l'Empire, quels droits et devoirs as-tu réellement ? Quelle est ta liberté en tant que souverain de tes terres ?" C'était une réelle question, je ne cherchais pas à le piéger ou à contrer ses arguments, juste à comprendre quel serait l'intérêt de l'Ouest de s'allier un jour à l'Empire par exemple. Et qui de mieux que mon frère et déjà roi pour m'en parler ?

Je hochai la tête à ses dires, emplis d'une réelle foi en moi et en mes capacités, ce qui me fit curieusement chaud au cœur. "Pour le moment, je ne peux pas déployer ces talents, pas alors que je ne suis qu'une pièce rapportée. Mais un jour viendra où la seule personne qui aura un tant soit peu d'autorité sur moi dans l'Ouest sera mon époux. Ce jour là, je pourrai me battre comme la louve que je resterai à jamais. J'apprends la patience et la tempérance. Difficilement, je le reconnais. Mais attaquer frontalement ma belle famille et surtout ma belle-mère est une technique qui ne fera que me porter préjudice. Mais je te promet qu'un jour viendra où ce mariage entre le Nord et l'Ouest portera ses fruits."

Jon était quelque peu gêné par la tournure que prenait la discussion avec sa sœur. Il n'avait jamais été simple pour lui de parler de ces sentiments, même si Jeyne avait été sa confidente, la personne avec laquelle il avait toujours été la plus complice et qui connaissait sans doute bien mieux qu'il ne se connaissait lui-même. Cependant, il n'était jamais simple de parler des choses du passé, des difficultés qu'il avait notamment rencontré avec Bowen. Certes, ce dernier était devenu son meilleur ami en quelques mois, ce que personne n'aurait jamais pu imaginer même si sa sœur semblait prétendre le contraire. Jon avait terriblement souffert de la mise à l'écart de son père sur le terrain de la guerre. Celui qui venait toujours à l'accompagner ce n'était pas Jon  Stark, prince héritier de la couronne du Nord, mais le fils de Lord Glover, dont son père ne se détachait jamais. Bowen avait quelques années de plus que lui, et Jon avait pendant un temps compris la situation, il était bien trop jeune et il n'était pas assez prêt pour voir la guerre d'en face et savoir se défendre une fois sur le front. Pour autant, en vieillissant, rien n'avait vraiment changé. Jon s'était longuement entraîné, il avait cru se sentir fort, assez fort en tout cas pour être à la hauteur des attentes de son père et il avait espéré, à chaque fois que celui-ci rentrait, qu'il serait choisi à son tour pour venir combattre à ses côtés. Il ne remettait nullement en cause les différents précepteurs qui avaient été les siens, et surtout pas son oncle Bran dont il avait été bien plus proche qu'il ne l'avait jamais été de son père. Mais ce n'était pas son oncle qu'il voulait impressionner, c'était son père, et au final, la première fois où il avait été autorisé à l'accompagner c'était lors de la Bataille de la Mort-aux-Loups. La rancune avait été tenace, et aujourd'hui encore il n'avait pas oublié. Il avait été dur avec son père. Au contraire, avec Bowen, les choses avaient semblé bien plus simple et il ne saurait pas quoi faire aujourd'hui sans sa présence à ses côtés, les deux hommes ayant trouvés une entente presque parfaite, se complétant l'un l'autre.

« A t'entendre parler Jeyne, on pourrait presque dire que tu as des dons de voyance pour avoir su anticiper ce changement dans mes relations avec Bowen. » Il se mit à rire doucement. « Ne viens pas à me critiquer, je vais finir par croire qu'en réalité c'est toujours lui qui a plus de popularité que moi. Et puis, j'essaie sincèrement de m'améliorer au niveau de mon caractère, d'avoir une envergure plus digne d'un roi. » Il lui fit un clin d'œil. « Je ne veux réellement pas savoir s'il a un jour nourris un quelconque sentiment pour toi. Cela ne me regarde pas et ne me regardera jamais. Et concernant ton état marital et le fait que tu sois enceinte, ne va pas pour autant empêcher les hommes de poser les yeux sur toi … Ils le feront tout simplement plus discrètement s'ils ne veulent pas se voir couper la tête, par ton mari ou par moi … Même si je n'aurais pas l'occasion de vérifier que personne ne porte atteinte à ton honneur. » Jeyne allait terriblement lui manquer, il n'avait pas vraiment cessé de sourire depuis qu'il était en sa compagnie. Il ne souriait pas pour les convenances, ce qui était rare même dans cette perspective-là, avec elle pourtant tout lui semblait plus facile et plus léger. Il ne devait pas se laisser submerger par la mélancolie à l'idée de leur prochaine séparation. Il fallait juste savoir profiter du moment présent et le faire durer autant de temps que possible. « Tu étais l'une de ces belles femmes et belles princesses présentes à Goëville … Ce n'est pas parce que tu n'as pas les cheveux blonds et que tu n'as pas passé ta vie sous le soleil de Dorne que cela ne t'a pas permise d'être une véritable beauté. Tu ressembles de plus en plus à notre mère ... » Il caressa doucement la joue. « Un jour, tu reviendras à Winterfell et tu verras que personne ne t'aura oublier là-bas. Oui un jour tu reviendras à la maison. »

Jon n'avait pas envie de parler de politique avec Jeyne, la dernière fois que le sujet avait été abordé, ils avaient fini par tenir des propos qui ne leur ressemblaient pas et ils s'étaient mutuellement blessés. Il n'avait pas envie de recommencer à gérer une situation comme celle-ci. « Père a choisi pour le Nord, que voulais-tu que je fasse ? Que je renonce de ce fait à mon trône … Tout doit encore se définir réellement, et puis je ne doute pas que notre père est pris le temps de te parler de la Constitution, dans l'espoir que l'Ouest nous rejoigne. Je reste le mettre de mes terres, je bonifie le commerce, les échanges, en permettant au Nord de vendre ce qu'il possède et d'acheter plus facilement ce que nous ne pouvons avoir sur nos terres. Certes, je participe à l'effort de guerre mais les choses ont été défini. Mes soldats resteront toujours sous mon commandement ou sous celui de Bowen. Harren le Noir reste notre objectif … Tant qu'il n'est pas tombé nous ne pourrons voir l'avenir plus clairement. Mais je ne pousserais pas mes soldats tout au Sud de Westeros. Je garde à l'esprit mes convictions et mes objectifs. Je ne suis sans doute pas le mieux placé pour défendre la cause de l'Empire devant toi, car j'ai mal vécu mon intégration dans ce vaste système, car les enjeux se sont révélés bien plus personnelles … Je ne veux pas que nous coupions définitivement les relations avec l'Ouest, mais je n'ai pas confiance en tes beaux-parents. Mais ne doute pas que je porterais la voix du Nord et que je mourrais pour celle-ci. » Il espérait sincèrement que l'avenir entre leurs deux royaumes seraient plus prospères que ce qu'il entrevoyait pour le moment.

J'étais soulagée que mon frère puisse compter sur Bowen désormais. La royauté était un fardeau et il fallait être bien entouré pour bien régner. Il était difficile de prendre le relais d'un Torrhen Stark, qui avait été un roi guerrier, fédérateur, respectant les traditions, mais sachant aussi faire preuve d'audace et changer le destin du Nord... Et de Westeros. Pour autant, il fallait garder à l'esprit que le Nord était surtout loyal... au Nord. Jon devait miser sur cette unité, leur rappeler qu'il était avant tout un homme du Nord et pas un soldat à la botte de l'Empire malgré tout. Je me demandais quel était le sentiment général à ce sujet d'ailleurs. Je souris, malicieuse, aux réflexions de mon frère : "Pas de dons de voyance, simplement, je vous connais tous les deux. Je vous ai fréquenté pendant des années et j'ai bien vu vos nombreux points communs mais aussi vos différences qui pouvaient se compléter. Il fallait juste passer au delà du ressentiment." Je parlais simplement. Il n'était aucunement question de faire la leçon à Jon à ce sujet, parce que je ne comprenais que trop bien ses sentiments. Cette impression d'être mis de côté, de ne pas être vraiment le fils que Père aurait voulu. Pendant longtemps, Bowen avait eu une place privilégiée auprès du souverain, au détriment de son héritier. De quoi nourrir n'importe quelle jalousie. Mais Jon avait du dépasser cela et j'en étais fière.

Pourtant, décelais-je encore des traces de rivalités derrière son humour ? Se pourrait-il qu'il craigne vraiment que Bowen prenne davantage de place dans mon coeur que lui ? Bowen était simplement plus mesuré et n'avait pas les mêmes responsabilités, il était plus aisé de me confier à lui concernant mes doutes, sans qu'il ne me voit comme une traîtresse et une ennemie. Il était moins sanguin que Jon. J'avais moins à craindre ses réactions que celles de mon frère. Le rejet de Jon était un poignard en plein cœur, tout simplement. J'avais peur de... le décevoir. De décevoir Père. De ne pas être à la hauteur de leurs attentes. C'était à mon tour de connaître ce sentiment. J'esquissai donc un pâle sourire. "Et je vois les améliorations. Personne n'est exempt de défauts tu sais. C'est signe de sagesse que de les connaître et de travailler dessus pour devenir meilleur." La suite me dérida davantage. La question de mes amours mettait Jon mal à l'aise, et cela me réjouissait de le mettre dans cet état, car la conversation était bien plus légère, presque anodine. Cela me fit néanmoins plaisir qu'il continue de me flatter. Je n'avais jamais vraiment eu l'impression d'attirer les convoitises des hommes. Autrement que par le fait d'être la fille de Torrhen Stark s'entend. "Je pense que mon époux y veillera. Lyman peut se montrer très possessif." Cela me faisait sourire doucement. J'aimais beaucoup qu'il me revendique comme sienne de façon subtile mais compréhensible. Il n'était pas du genre à venir m'embrasser mais il se portait à ma hauteur, m'effleurait le dos, et par quelques paroles diplomates mais fermes, rappelait que j'étais son épouse. Et son égale. C'était cela qui me ravissait surtout. Mon avis comptait pour lui.

Mon regard se voila de nostalgie alors que Jon me complimentait et me rassurait, me comparant à notre mère. Il n'aurait pas pu toucher plus juste. J'avais toujours admiré notre mère. C'était une vraie louve, qui avait tenu tête à son époux et défendu ses enfants. Jusqu'à ce que la mort ne l'emporte, bien trop tôt. Jon et moi conservions des souvenirs d'elle, même s'ils se faisaient plus vagues et plus idéalisés au fil des ans. Walton, n'en avait aucun. Je m'emparai de la main qui caressait ma joue à la promesse de mon frère et fermais les yeux pour savourer ce contact, avant de m'en saisir et de l'embrasser doucement. "Je l'espère." J'avais envie de retourner chez moi un jour... De montrer ce qui avait été mon univers à mes enfants, qu'ils comprennent leur mère.

Malgré moi, j'abordais la situation en Westeros, l'Empire et la position de Jon... Ainsi que celle de l'Ouest, par extension. Je cherchais à comprendre... L'idée d'un empereur et d'une impératrice me révulsait, mais peut-être avions-nous été trop prompts à rejeter tout cela. Voilà pourquoi je demandais l'avis de mon frère à ce sujet. En tant que membre de ma famille, mais également que roi. "Tu as raison de ne pas te fier à eux." J'avais murmuré ces mots. C'était probablement de la trahison envers l'Ouest, mais le fait était que le Roc jouait sur plusieurs tableaux. "Mais auras-tu toujours confiance en moi ? Ils ne seront pas éternels." Et quand viendra mon heure et celle de mon époux... Bien des choses pourraient changer.

Depuis la bataille de la Mort-aux-Loups, Jon avait pleinement changé d'avis concernant Bowen Glover. Le jeune homme l'avait sauvé de la mort, le jeune prince avait manqué de peu de se faire transpercer de part en part par l'épée d'un sauvageon. Dans les premiers temps, après le fâcheux événement, souvent dans la nuit, il ne manquait pas se remémorer ce moment où il avait vu la lame anciennement argentée, masquée par la saleté, le sang séché et sans doute par la rouille également, se lever juste au-dessus de lui alors qu'il était allongé sur le sol et qu'on venait finalement à la planter dans son cœur. C'était souvent là qu'il se réveillait en sursaut dans la nuit et se mettait alors à réfléchir à ses sombres pensées. Les mois passés à chevaucher ensemble avaient finalement permis aux deux hommes d'apprendre à se connaître, Bowen était un homme de nature facile, toujours agréable, toujours optimiste, cherchant toujours à aider son prochain. Ils partageaient tous les deux des valeurs communes, et cela avait fini par les rapprocher. Jeyne semblait certaine de ce qu'elle avançait et Jon ne se serait jamais permis de s'opposer à elle. Cependant, elle n'avait pas tord pour une chose, bien souvent, quand on regardait une situation d'un œil extérieur, sans en prendre part véritablement, il était alors possible d'imaginer l'issus de la chose. Il ne pouvait rien répondre à cela, il ne pouvait qu'hocher la tête à ce qu'elle disait et il vint une nouvelle fois embrasser son front. Ne rien dire était bien souvent la marque de fabrique de Jon , pour autant, par ce simple petit geste, il venait à la remercier pour l'écoute qu'elle avait à son égard et le regard bienveillant qu'elle posait toujours sur son frère aîné. Elle avait toujours été bien moins sévère à son égard que lui, il pouvait l'être le concernant. Jon avait toujours été quelqu'un d'exigeant, même s'il ne le formulait pas forcément à voix haute. Mais avant tout, il était surtout très exigeant envers lui-même, ce qui le rendait sans doute si soucieux, si sombre aux yeux de ceux qui ne le connaissaient pas réellement.

Jon essayait sincèrement de faire des efforts dans tous les domaines de sa vie, ce n'était pas chose aisé car il se remettait souvent en question, mais son tempérament fougueux l'avait bien souvent desservi malheureusement. Il allait apprendre, il n'avait pas le droit de faillir à la tâche qui était à présent la sienne. Le Nord n'était pas un royaume simple à gouverner, sur de nombreux points, celui-ci était très conservateur et malgré tout ce que Jon pouvait dire et la vision nouvelle qu'il désirait d'apporter à son peuple et sa façon de gouverner, il y avait des choses sur lesquelles il serait bien impossible de traiter. Pour autant, il aurait bien l'occasion plus tard de se renfermer sur lui-même et de se laisser à nouveau aller à ses rêveries et à ses divers questionnements. Le temps auprès de sa sœur lui était compté à présent et il n'avait pas envie de se poser trop de questions. Il aimait à plaisanter avec elle sur les sentiments qu'elle avait pu avoir pour son second, ceux qui auraient pu encore exister si Jon n'avait pas été certain que sa sœur était pleinement tombée sous le charme de Lyman Lannister. Il espérait sincèrement que la réciproque était toute aussi forte, il n'avait pas su apprécier la célébration du mariage de Jeyne, bien trop protecteur pour le bien de tous ; et il continuerait à se présenter comme le protecteur de sa sœur même si elle était à des centaines de kilomètres de lui.

Pour autant, aujourd'hui la politique n'était jamais très loin, Jon et Jeyne devaient se comporter comme les souverains qu'ils étaient ou les futurs souverains qu'ils allaient devenir. Des souverains qui ne seraient pas là à se partager un même royaume, mais qui s'installaient sur des territoires et dans des familles bien différentes, aux idéologies et aux manières d'agir bien distincts. Certes, la position de Jon était particulière, son père avait une certaine influence sur le Nord, mais il pouvait espérer avoir néanmoins les moins libres sur différents sujets. Il n'était nullement question de rébellion, mais il n'accepterait jamais de devenir un simple grand seigneur au-dessus d'autres grands seigneurs faisant le lien entre Winterfell et Fort-Darion, et transmettre les ordres venir de l'empereur et de l'impératrice. Il fut quelque peu surpris par les mots prononcés par Jeyne, elle même ne semblait pas certaine de pouvoir se fier à ses beaux-parents. Jon préféra éviter tout commentaire avant de reprendre la parole et de répondre à ta question. « Avoir confiance est une chose Jeyne et tu sais bien que quand j'accorde ma confiance, ce n'est pas une chose que je fais à la légère. Aujourd'hui, tu es là, mais demain tu seras partie et tu rentreras à Castral Roc. Nous avons déjà eu cette discussion, les parents de ton époux forment toujours le couple régnant, mais ils ne seront pas éternels. Personne ne l'ait véritablement et ce jour-là, ça sera à ton mari et à toi de régner. Si je peux te faire confiance, il faudra cependant que Lyman me donne des raisons de lui faire confiance, et ainsi pouvoir espérer créer un vrai partenariat entre le Nord et les Terres de l'Ouest. Mais ce n'est pas de paroles dont j'aurais besoin mais des actes. De ta part également, savoir si tu soutiens encore le Nord, ou au contraire si l'empire t'apparait comme étant ton ennemi. Je ne parle pas au nom de notre père, je ne veux pas de guerre avec l'Ouest, car tu en ais la princesse. Cependant, la politique ne nous épargnera pas, nous serons amenés à faire des choix. Si l'amour que je te porte ne disparaitra jamais, je ne sais ce que l'avenir nous réserve et peut-être que dans les faits nos deux royaumes seront ennemis. Comme tu l'as si bien dis nous prendrons la défense des nôtres malgré tous ce qui nous lient. » Il soupira. « Je te pose également la question, me fais-tu toujours confiance aujourd'hui alors que le Nord est fédéré à l'Empire ? »

Je hochai la tête aux propos de Jon. Il changeait. Il était un monarque. C'était la place qui était la sienne, il était né pour devenir roi du Nord. Cela était venu plus tôt que prévu, alors que Père était toujours en vie et encore prêt à mener moult combats. Jamais nous n'aurions pu penser que c'était là l'avenir qui nous attendait tous. C'était normal que Jon se montre méfiant vis à vis de l'Ouest. Et cela continuera ainsi encore longtemps, même si je devais un jour monter sur le trône. Parce qu'il y avait ce que je désirais faire et il y avait le bien du royaume. Ce n'était pas toujours compatible malheureusement et Lyman avait la tête bien plus froide que moi. Il tenait de sa mère pour bien des choses, et notamment celle-là. Ce n'était pas forcément un mal, un monarque se devait de ne pas se laisser influencer par ses sentiments, mais je savais aussi que je ne serais jamais ainsi, contrebalançant mon époux à ce niveau. Cela donnerait peut-être un mélange juste et bon... ou serait totalement catastrophique. Difficile de savoir. "L'Empire n'est pas mon ennemi. Mais ses ambitions me paraissent menaçantes pour être honnête." J'avais parlé lentement.

Je relevai le regard vers Jon à sa question, sondant son regard sombre, aussi sombre que celui de Père. Il avait de la prestance mon frère. Il était beau, fort... Et seul. C'était ce qui m'alarmait. Il avait le poids d'un royaume sur ses jeunes épaules, un royaume en guerre, un royaume de soldats, et la moindre de ses décisions pouvait avoir des conséquences catastrophiques. Il était un roi guerrier. Lyman serait un roi diplomate. Ils étaient si différents l'un et l'autre et un jour, ils seraient amenés à traiter d'égal à égal, de souverain à souverain, avec des objectifs différents, des motivations différentes, des moyens différents... La seule chose qui les liait, c'était leur amour pour moi et le désir de me protéger. Mais cela ne serait pas suffisant sur le grand échiquier qu'était devenue Westeros.

"J'ai confiance en toi Jon." Cela n'était pas à remettre en doute. "Je sais que quoiqu'il arrive, tu feras toujours ton possible pour me garder saine et sauve." Ma main caressa sa joue rugueuse. "Je sais aussi que tu ne pourras pas faire de même pour ma famille... Pour mon époux ou mes enfants... Que les événements dépassent les êtres que nous sommes." Je n'étais pas naïve... Si un jour, une guerre éclatait entre l'Ouest et le Nord, si l'Ouest perdait, si nous nous retrouvions entre les mains de Jon, il se pourrait bien qu'il ne puisse rien faire que de satisfaire la soif de sang et de revanche de ses soldats, de son peuple... De celui qui avait été le mien pendant seize années. "Tant que la haine à mon encontre n'anime jamais ton cœur et ne motive pas tes gestes..." Mon sourire se fit triste et fataliste. je pouvais supporter beaucoup de choses. Mais pas que mon frère adoré me haïsse. Qu'il en vienne à désirer ma chute. Cela serait un coup au cœur bien plus tragique qu'une lame qu'il y planterait. "Quoiqu'il en soit, je sais que tu feras tout ce qui est en ton pouvoir pour être un bon monarque et mener fièrement le Nord. Tu es enfin devenu celui que j'ai toujours vu en toi... Pas de la façon dont j'aurais pu l'imaginer et bien plus tôt que j'aurais pu le prévoir. Mais Jon, ne laisse pas ton cœur s'endurcir totalement." J'entrevoyais le roi solitaire qu'il risquait de devenir et je ne lui souhaitais pas. Si seulement il pouvait se reposer sur ses proches, sur son épouse... J'aimerais le voir rire, de bon cœur. Cela n'était plus arrivé depuis... Longtemps. Trop.

Peut-être pouvait-on dire que Jon avait finalement jamais eu l'envie de grandir, qu'il aurait préféré rester encore quelques instants au creux de son enfance, avec Jeyne, avec leur mère, avec l'oncle Brandon à leurs côtés. Rien n'était simple déjà, mais rien ne pouvait être simple car il était roi et qu'elle serait reine un jour. Pourrait-il réussir à conserver ce lien qui les unissaient et pour ensuite le mettre au profit d'une alliance entre le Nord et l'Ouest. La chose pour le moment était bien difficile pour le moment, il n'y avait que peu d'ouvertures, peu de possibilités, Jeyne n'était pas reine et donc ne pouvait imposer à sa belle-famille ses désirs concernant les alliances entre les royaumes de Westeros. Jon était roi, mais il était un des royaumes fédérés de l'empire et sans un vote à la majorité, il n'y aurait pas de possibilités pour entamer un quelconque travail de paix avec les Terres de l'Ouest et la famille Lannister. Cela ne lui plaisait pas mais ils avaient tout simplement les poings liés pour le moment et ni l'un ni l'autre n'avaient vraiment les moyens de changer cela. Jon vint doucement caresser la joue de sa sœur, avec une tendresse infime. Il vient alors poser un baiser sur son front, son visage marquait une certaine tristesse en la fixant. « L'Empire a à sa tête deux personnes … Rhaenys et Torrhen Braenaryon » Il soupira légèrement. « Notre père a toujours eu certaines ambitions. Nos mariages sont le fruit de ses ambitions … Je ne sais comment les choses se passeront, mais j'imagine néanmoins que nous pourrons, que je pourrai donner de ma voix pour pouvoir faire vivre le Nord et mes opinions également. » Jon avait des inquiétudes, plus ou moins grandes, il s'était opposé à son père ouvertement et les choses s'étaient véritablement mal placées avec lui. La peur de l'inconnu était une chose terrible, Jon n'était pas en plus de cela un excellent diplomate, il préférait le silence ou alors il se mettait à exploser dans une grande fureur. Rien de bien bon, il en avait peur.

Tout ce qui comptait c'est qu'il était prêt à faire son devoir, c'était pour cela qu'il était né. Il était un Stark, et son honneur valait plus que tout. « Si je peux protéger tes enfants, je ferai tout ce qui sera en mon pouvoir pour y parvenir. Pour ton époux … Je ne peux rien promettre, la chose est trop complexe. Cependant, j'ose espérer que nous n'en viendrons pas jusqu'au moment où toi et les tiens viennent à risquer leur vie. Et puis, nous ne savons rien, peut être qu'un jour se sera moi qui finirait dans une situation inextricable, et si la situation venait à s'inverser, même pour moi, tu ne pourrais rien. » Jon ne pourrait en aucun cas détester sa sœur, mais la vie commençait déjà à les séparer, peut-être que ce serait une chose définitive d'ici quelques années. « Tu as toujours cru en moi Jeyne, bien plus que je ne le ferai sans doute jamais. Quant à ce qui concerne mon cœur … Il tiendra le coup. Tout le monde ne peut pas trouver l'amour comme toi tu sembles l'avoir trouvé auprès de Lyman. Je ne dis pas que les choses ne peuvent pas changer, mais pour le moment il est clair que nous ne semblons pas attendre et espérer les mêmes choses de cette union. Et j'ai bien peur que sur ce point, je sois le plus difficile à charmer, bien plus que père encore … J'apprendrais à connaître mon épouse, si la guerre se termine et que je réussisse à regagner Winterfell pour pouvoir y passer l'hiver. Il n'y aura plus de fuite possible à ce moment-là. Je sais que mes paroles sont rudes, mais si je me mets à réfléchir avec mon cœur, je redeviendrai ce prince fougueux et impétueux, et ce n'est clairement plus ce qu'on attend de moi aujourd'hui. Je ne serai alors que la cause d'une déception de plus pour notre père. » Il la serra à nouveau tout contre son cœur même si son ventre arrondi semblait les séparer quelque peu. « Il faut que j'y aille malheureusement … Je ne sais si nous aurons l'occasion de nous revoir … Promets moi de m'écrire, promets moi de me donner de tes nouvelles, ne laissent pas mes missives être des lettres mortes. Je ne pourrai dormir en imaginant qu'il puisse t'être arrivé quelque chose de terrible. Nous nous reverrons un jour ma Jeyne. » Dans ce monde, ou dans l'autre.