La guerre commence à toucher la totalité des royaumes... Etes-vous partisan de l'unification de Westeros par l'Empire ou les Puissances Centrales, ou plutôt attaché à l'indépendance de votre Royaume? Pourquoi?
Pour le moment, Sybelle n’a pas clairement défini auprès de qui elle souhaitait se tourner – en effet, elle trouve à chaque camp avantages et inconvénients. Actuellement, elle suit son père dans ses choix et initiatives, et lui-même suit fidèlement les lions Lannister. Mais Sybelle, elle, commence à perdre patience – les Rois Lannister sont à ses yeux trop indépendants du reste de Westeros, et devraient choisir un camp et tenter de tirer leur épingle du jeu, plutôt que de rester dans l’ombre et de se terrer dans leur tanière.
Mais quoi de mieux entre l’unification des peuples par l’Empire et les Puissances Centrales ? D’un côté, l’Empire permettrait sans doute de mettre fin à la guerre plus rapidement, et ramènerait la paix d’une simple signature au bas d’un parchemin. Mais d’un autre côté, Sybelle ne peut qu’admirer la puissance des Hoare et des Puissances Centrales – si elle n’a jamais rencontré aucun d’entre eux, elle sait que son père a déjà eu à traiter avec eux et les Îles de Fer – mais elle envie cette puissance qui est la leur. De plus, Harren Hoare est celui qui a fait tomber Aegon – il a pour cette raison plus de légitimité que quiconque, aux yeux de nombreuses personnes, pour lui succéder.
Sybelle est née au troisième jour de la première semaine du deuxième mois de l’an -17, au château de Belcastel, à Belle-Île – fief de la maison Farman depuis l’Âge de l’Aube, à l’époque des Premiers Hommes. En tant que fille de l’héritier Farman, Loan, elle fut éduquée comme une véritable dame, et elle apprit tout ce qu’elle avait à savoir – de l’histoire aux arts, en passant par les enseignements un peu moins ordinaires de sa grand-mère Lucia ; celle-ci, véritable femme forte, tint à apprendre à sa petite-fille qu’une femme pouvait être l’égale d’un homme si elle affûtait son intellect et son sens logique de la même façon qu’un chevalier aiguisait son épée – la petite Sybelle écouta chacun de ses enseignements avec attention, et les mit en application.
Alors qu’elle était encore toute jeune, deux enfants naquirent rapidement au sein de la maison Farman : à ses quatre ans, elle eut une sœur cadette – Roslin – et un oncle et rival, Quenten, d’un an son cadet. Elle développa des relations fraternelle avec la première, et des relations en apparence cordiales avec son oncle. En effet, bien qu’héritière légitime de Belcastel – du moins jusqu’à ce que sa mère, Anya, mette au monde un fils –, elle craignait que Quenten tente un jour de la faire tomber – si l’ambition démesurée était une tare familiale, alors elle serait une cible pour son oncle.
Redoutant le jour où viendrait un fils, Sybelle se sentit presque soulagée lorsque sa mère accoucha d’un fils mort-né, alors qu’elle avait douze ans – elle craignait que son père, auquel elle était terriblement attachée, ne lui préfère ce nouvel enfant, mais aussi que cet enfant lui vole cette place qu’elle ne pouvait s’empêcher de chérir : celle d’héritière de la maison Farman.
Selon le mestre – Sybelle avait la sale habitude d’écouter aux portes –, les quatre fausses-couches qu’avait fait Anya ces dernières années étaient annonciatrices de ce triste événement ; et il disait qu’une fausse-couche de plus lui serait très certainement fatale.
Anya et Loan oublièrent donc l’idée d’avoir un fils – et Sybelle devint officiellement l’héritière de Loan, lui succédant un jour comme lui succéderait à l’actuel seigneur, Amalu…
* * *
HÉRITIÈRE En tant qu’héritière, l’éducation de Sybelle changea radicalement : finies la danse, la broderie, la musique… Ces disciplines ne furent plus que minimes pour elle. Son enseignement était, à partir de ce moment, plus focalisé sur ses connaissances théoriques et politiques. Elle ne saurait pas manier une lame, se battre à la manière d’un homme – mais elle saurait être imposante, éloquente, pragmatique – elle serait un seigneur, à sa manière.
Et qu’elle n’était pas sa fierté en sachant qu’un jour, elle serait comme son père – elle ne doutait pas un instant que le jour où il succéderait à son père, il serait le seigneur le plus puissant qui soit.
A côté de ces enseignement dignes d’un héritier mâle, sa grand-mère Lucia continua de lui transmettre son savoir quant à la vie d’une femme dans leur société : puisque Sybelle était en âge de comprendre, Lucia lui apprit à être belle – se sentir belle – et charmer par des sourires, des courbettes mais aussi par ses mots ; elle apprit également à mentir – mentir à merveille, comme si cela était naturel chez elle.
En l’an -3, lorsqu’elle saigna pour la première fois, son père délaissa légèrement son éducation politique pour lui chercher activement un époux : il ne lui fallait pas seulement un prétendant, mais bien le prétendant. Le bruit avait couru dans l’Ouest que le seul héritier qu’aurait jamais Loan était une femme – une femme d’une grande beauté, disaient certains – et que, par conséquent, si un homme épousait Sybelle, ses enfants et lui hériteraient de la maisonnée si elle venait à mourir.
Mais seul un mariage au contrat très strict saurait être accepté par Loan – il refusait de voir son nom tomber dans l’oubli, et Sybelle était bien d’accord avec lui. De plus, il fallait éviter toute mésalliance – il était hors-de-question de jeter le déshonneur sur leur maison. Hors-de-question.
Puisqu’aucun prétendant ne leur convint, Loan refusa chacune des propositions qu’il reçut pour sa fille – et les recherches continuèrent inlassablement : même si on ne lui laissait pas le choix, il préférait voir sa maison disparaître que de la laisser aux mains d’un autre.
* * *
RENOUVEAU En l’an 0, lord Amalu tomba malade – alité, c’est Loan qui dut s’occuper de la maison à sa place. Du haut de ses trente-neuf ans, Loan avait eu le temps de se préparer à ce jour. Presque impitoyable en comparaison avec son père, celui que tous se mirent à appeler lord – alors que son père n’était même pas encore dans la tombe – mit en place de nouvelles taxes – notamment sur le port –, débarrassa les cellules du château de ses quelques prisonniers en les faisant envoyer au Mur, et fit rénover le septuaire de Belle-Île, faisant tout pour s’attirer la sympathie et le respect de son peuple tout en tirant profit de leur travail.
Puisqu’il était désormais à la tête de la maison Farman, Loan fit entrer Sybelle dans son conseil – elle le conseillerait, et apprendrait auprès de ceux qui aidaient à diriger la maison depuis des années.
Au onzième mois de l’an 0, Loan se rendit à Castral Roc pour assister à l’assemblée contre les dissidents du bas peuple, dirigés par Jaldemar. Sybelle l’y accompagna – elle avait encore à apprendre. Une accusation grotesque fut portée à l’encontre de la maison Farman : une insulte, aux yeux de Sybelle. Elle ne croyait pas un mot de ce qu’ils dirent : en poussant le petit peuple à se rebeller et en venir aux armes, les Farman auraient pu affaiblir leurs éventuels adversaires ; or ils n’en avaient pas – cela ne rimait à rien. Par chance, ils s’en sortirent sans problème et rentrèrent paisiblement à Belle-Île – où les attendait une triste nouvelle.
En leur absence, lord Amalu s’était éteint. Quelques jours après leur retour, après qu’il eut fait le deuil de son père, Loan fut fait nouveau seigneur de la maison lors d’une cérémonie officielle. Sybelle devint alors réellement héritière de Belcastel.
Les mois passèrent, Loan poursuivant l’expansion de Belle-Île pour tenter d’en faire une place forte, commercialement parlant – il envoya rapidement des émissaires à divers endroits, notamment dans les Îles d’Été, sans vouloir pour autant concurrencer le Bief – en effet, suivant les préconisations des membres de son conseil, Loan approcha la Compagnie Commerciale Maritime de la Treille afin de trouver un accord – tous y seraient gagnants ; Ouest et Bief étaient faits pour marcher main dans la main, et chacun y trouverait son compte.
Sybelle, elle, grandit paisiblement – et suivant toujours ce que lui avait enseigné sa grand-mère, elle s’entraîna – elle s’entraîna aux mensonges, aux tromperies… Ne résista pas à l’appel de la chair, mentit toujours à son père… Au-dessus du monde, elle se fiche des convenances – elle qui voit le pouvoir comme une liberté, ne se veut que libre et puissante – rien d’autre.