Les jours ont passés depuis notre arrivée à Vivesaigues. Très différents de ce à quoi je pouvais bien m'imaginer. J'ai retrouvé certains visages, j'ai pu faire de nouvelles rencontres tout en observant avec curiosité le remue-ménage provoqué par le mariage royal. Une alliance entre les Tully et les Stark, voilà qui est pour le moins novateur. Mais, à mesure que j'entends parler de l'Empire, de ce qui s'est passé, c'est en effet l'évidence. Je suis impressionnée de voir la façon dont les choses ont évolué et, plus encore, d'avoir été conviée au mariage. Il faut dire qu'en ayant sauvé l'Empereur et son beau-frère, l'on pouvait difficilement m'ignorer. Les regards que l'on continue de me jeter restent tout de même circonspects, parois méfiants, parfois reconnaissants. Les gens ne savent pas vraiment sur quel pied danser avec moi. Alors, le jour venu, je me tiens en retrait dans la Grande Salle, à regarder les gens danser, à écouter les toasts portés ça et là. Je souris distraitement, grignotant ce que j'ai dans mon assiette.

Quand j'aperçois Torrhen discuter avec le tout nouveau Roi du Conflans. Ils ont l'air soucieux et j'arque un sourcil, les fixant, la mine curieuse. Pour voir le loup me jeter un regard lourd de sens alors qu'il échange avec Conrad Omble. Je suppose que je dois le rejoindre alors qu'il quitte rapidement les lieux et que Conrad me fait un signe de la tête. Je finis cependant le morceau de viande que j'avais dans mon assiette, repose soigneusement mon couteau et je me lève pour les suivre d'un pas tranquille, nullement inquiète de la suite des évènements. Et je les suis en silence, les mains croisées derrière le dos, attendant qu'ils me disent de quoi il en retourne. Il ne nous faut pas bien longtemps pour arriver dans un couloir que je ne connais pas et je souffle, non sans ironie. "Je sais que je suis toujours aussi avenante mais vous auriez pu attendre la fin du repas avant de vouloir m'emmener dans une chambre m'ssire. Surtout que l'alcool aurait eu bon dos." Avant de lui adresser un large sourire. Même si je ne discerne pas ses traits car il me tourne le dos, je gage qu'il a du froncer les sourcils, n'appréciant pas, une fois de plus, mon impertinence, surtout en présence de Conrad. Mais peu importe, le pire qui puisse m'arriver et de prendre une gifle et il a suffisamment peur de ce que je peux faire pour ne pas s'y risquer tout de suite. D'autant que s'il requiert ma présence, ce n'est pas juste pour le plaisir de ma compagnie, je ne suis pas idiote. Et nous continuons de marcher, avant de nous  arrêter devant une porte gardée par deux hommes à la mine patibulaire. Eux, je suis sûre que je ne pourrais pas les passer aussi aisément que j'ai pu le faire avec d'autres gardes. Cela ne fait qu'accroitre ma curiosité mais je reste en retrait pendant que Torrhen parle aux gardes. Et je le suis à l'intérieur, pour voir d'autres gardes entourer un homme qu'il me faut quelques instants pour reconnaitre. Je laisse alors échapper un petit "oh, voyez vous ça", de surprise. Voilà bien quelque chose que j'aurais aimé entrevoir dans les flammes, cela m'aurait été bien utile.

Dehors, je suis bien vite rejoint par Conrad et Mathie, qui ont l’air passablement curieux, en tout cas sur le qui-vive. La jeune femme n’a pas l’air spécialement anxieuse ou apeurée, mais elle n’en sait pas plus que mon ami qui lui, se doute bien que sa présence impliquera sans aucun doute un certain seuil de violence. En fait, je l’avais surtout convié parce qu’en tant que mon plus vieux conseiller et plus vieil ami encore en vie, je ne pouvais pas confier tout ceci à n’importe qui et lui le méritait plus que tout autre. Mais aussi, parce qu’il connaissait Mathie… Pour le meilleur et pour le pire. Bien entendu, la jeune femme ne sait pas fermer sa bouche et elle se sent obligée de chercher à nous dérider par une plaisanterie. Nous ne sommes pas en train de badiner, mais j’ai sans doute moi aussi besoin de destresser un peu, alors je réponds d’une voix que j’espère un rien taquine, même si mon attitude reste globalement assez peu avenante.


| Tu te flattes. Même si nous savons Conrad et moi tes talents à l’horizontale, ce n’est pas pour ça que j’ai besoin de toi. Et puis, j’ai passé l’âge de dévorer des jouvencelles en compagnie de mes frères-loups. |


Nous continuons de marcher alors que j’évite de parler du passé, de le ressasser, alors que c’est bien du présent dont il est question. J’arrive bien vite à proximité du corps de garde, et deux Demalion qui font le planton m’informent qu’une escouade est à l’intérieur. L’huis nous est ouvert, est nous entrons à l’intérieur. Mathie se charge de jouer les surprises, et je lui jette un regard noir alors que je me retourne vers elle et Conrad, après avoir congédié la demie-douzaine de gardes d’un signe de tête.

J’ai un bref sourire en direction de Conrad, haussant les épaules à ses propos alors que je me décide enfin à le rejoindre. Et je souffle, d’une voix douce. "Les choses changent. Et je gage que vous ne me faisiez pas signe pour les mêmes raisons." Mais je le suis, évidemment. Loin de moins l’idée de vouloir contrarier Torrhen ET Conrad en même temps. J’ai beau avoir changé, je sais encore lorsque je risque de jouer avec ma vie. Si j’essaie d’alléger une atmosphère lourde de tension, je suis étonnée de voir Conrad sourire à ma remarque et, plus encore, d’entendre une répartie de notre cher Empereur. "Il semblerait que de toute façon, je ne sois plus une jouvencelle messire, ça tombe plutôt bien." Et voilà que nous arrivons à destination. Je suis bien plus curieuse qu’inquiète, me sachant en sécurité avec ces deux hommes. Sauf si cela me concernait directement mais je suppose que j’en aurais eu vent si c’était le cas.