« Il n'est permis de faire la guerre que malgré soi.» [Tour II - Terminé]
Sujet: « Il n'est permis de faire la guerre que malgré soi.» [Tour II - Terminé] Mar 22 Déc - 23:15
Voilà près de deux mois que mon père, seigneur de Castel-Cerwyn ainsi que mon frère, héritier du royaume, étaient partis combattre aux côtés du Roi du Nord. Durant ces longs mois, mon sommeil s’était fait léger et par intermittence. L’angoisse de ne pas savoir s’ils allaient bien, la peur d’apprendre leur perte. Mon esprit vagabondait entre appréhension et crainte, interminablement. Lors de notre dernière conversation le Roi m’avait indiqué qu’ils étaient bel et bien vivants. Blessés, avait-il précisé, mais vivants. J’avais, en effet, vu revenir plusieurs de nos combattants. Une dernière vague était rentrée hier. J’avais alors espéré voir leur visage parmi les revenants. J’avais été désappointée, lorsqu’aucun des miens ne m’était apparu. Un soupir, puis, l’angoisse à nouveau, qui se nicha au creux de mon ventre. J’en venais à me questionner quotidiennement. Les mêmes questions revenaient, et j’y trouvais toujours les mêmes réponses - inachevées. Bien que mon père reprendrait ses lubies de mariage et d’alliance dès son retour, je souhaitais qu’il revienne. J’avais associé Winterfell à la solitude et à l’inquiétude. Le fief de la maison Stark, me paraissait peuplé d’inconnus et d’étrangers. Je m’y sentais seule et je m’y ennuyais fermement, j’avais en réalité pour seule activité de penser. Penser à Castel-Cerwyn, à ma famille et nos proches partis combattre. Résolue à obtenir une réponse cette fois-ci, j’arpentais la forteresse. Avançant vers l’entrée du château, j’observais les hommes et dames se croisaient sans se prêter attention. Mon regard se posa par hasard sur un homme brun portant une cape sombre. Je fronçai les sourcils. Cet homme me rappelait Bowen Glover, où tout du moins ce dont je m’en souvenais. Cela faisait bien longtemps que je ne l’avais pas revu mais il me semblait reconnaître ses cheveux ébène et son air renfrogné. Il avait grandi, incontestablement. Je songeai à Eldrick Manderly, qui avait vécu avec nous en raison vives tensions qui régnaient entre les Manderly et les Cerwyn depuis déjà plusieurs années. Le garçon avait été envoyé à Castel-Cerwyn en tant que pupille de mon père, Eddard Cerwyn, dans une tentative de faire revenir le calme entre eux. Bowen Glover était son oncle par alliance. Mes souvenirs étaient vagues, mais je pensais que mon impression était juste. En revanche, je n’aurais pas mis ma main au feu pour autant. Marchant en sa direction d’un pas lent, j’observais l’homme avec modération. Plus je m’en rapprochais, plus ces traits me semblaient familiers. Lorsque je vis sa broche aux armes de la maison Glover, mes doutes s’évaporèrent. Je me rappelai que Bowen Glover avait été l’écuyer de Torrhen. J’avais entendu à nouveau, il y a un temps, le nom des Glover resurgir. Sa famille était dorénavant connue pour son massacre… En repensant à cet épisode, le doute m’habita et j’hésitais soudainement. Devais-je tenter d’aller le voir ? Avait-il gardé de solides liens avec Torrhen Stark ? Possédait-il les réponses à mes questions ? Nos regards se croisèrent sans pour autant que je m’annonce à lui. Puis, dans un regain de volonté, je me tournai vers lui ; « Sir Bowen Glover, c'est exact ? »
Les sourcils froncés, j’observai ses traits, mettant à l’épreuve l’exactitude de mes souvenirs. Il ne répondit pas de suite laissant mon imagination me jouer des tours. Allait-il me reconnaître ? Etait-est-ce bien lui ? Se souvenait-il de moi ? A vrai dire nous nous étions aperçu quelques fois lors de ses venues à Castel-Cerwyn alors même qu’il accompagnait Torrhen Stark en visite. Nous étions jeunes tous les deux. A l’époque, nous faisions presque la même taille et le voilà plus grand que moi d’une tête au moins. Les fourrures et le cuir qui ornaient ses épaules rendaient sa carrure impressionnante. Il était imposant, bien plus large et plus grand que moi. Le temps où nous étions enfants semblait bien loin tout à coup.
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Sujet: Re: « Il n'est permis de faire la guerre que malgré soi.» [Tour II - Terminé] Mer 30 Déc - 0:41
La cour d’honneur de Winterfell semblait bourdonner d’activités, avec toutes ces charrettes de nourriture et marchandises entrant pour être déchargées. A n’en pas douter, maintenant que le péril sauvageon était écarté, les préparatifs des noces qui allaient unir le Nord et l’Ouest pouvaient enfin battre leur plein. Certains se réjouissaient de voir de telles festivités se préparer : c’était le signe que la paix revenait, que le royaume se fortifierait au prix d’une de ses filles envoyées dans une contrée étrangère. Après tout, le temps des mariages avait toujours suivi celui de la guerre.
Au fond de lui, Bowen aurait vraiment aimé être comme tous ces gens, à pouvoir regarder vers l’avenir en oubliant sa rancœur. Il aurait sincèrement voulu se réjouir pour celle qu’il avait côtoyée longuement à l’époque où il était l’écuyer du roi Torrhen. Il le faisait certes, en son for intérieur. Mais quelque part, il en voulait aussi à tous ceux qui tiraient un trait sur ces événements au cri du futur. Il était aisé d’en parler quand le sien ne ressemblait pas à un tas de cendres dispersées au vent.
Certes, l’armée ennemie avait été mise en déroute, écrasée, massacrée sans pitié, ce qui n’était que justice. Mais ce n’était pas suffisant. Des hordes amaigries, à demi-folles, arpentaient toujours le Nord, cherchant à piller pour se ravitailler ou à simplement se venger. Et encore, si ce n’était que cela… Les Glover n’avaient pas quelques morts à pleurer, mais toute une famille, des enfants qui n’avaient même pas l’âge de porter des armes, tout un peuple qui se demandaient avec angoisse comment il allait survivre sans femmes pour enfanter, sans hommes pour travailler la terre. Les survivants étaient si peu nombreux… Et ceux récupérés dans le camp sauvageon, des jeunes filles sans doute jugées agréables à l’œil, semblaient complètement ailleurs, éteintes. Certaines étaient enceintes de bâtards sauvageons, issus de nuits de viols. Imaginer que les enfants des assassins de sa mère, de ses frères, pourraient un jour grandir sur ses terres hantait l’imagination de l’héritier de Motte-la-Forêt, qui hésitait très sérieusement à demander la mise à mort des nourrissons une fois ces derniers-nés. Ils n’étaient pas responsables… Innocents… Mais ils portaient la souillure de leur ascendance en eux, de la haine.
Etait-ce donc cela que Torrhen Stark avait ressenti quand il avait ordonné la crucifixion des survivants sauvageons ? Ce mélange de détermination, de froideur…. Et d’horreur ? Sans doute. Pourtant, il faudrait trancher, et s’il y avait bien une leçon que Bowen avait apprise auprès de son ancien protecteur, c’était qu’un homme devait toujours assumer ses choix, quels qu’ils soient, et aussi douloureux soient-ils, et ce, dans l’intimité ou dans la gouvernance. Châtier un coupable, prendre femme… Quelle différence, finalement ? Tout cela restait des affaires à pondérer, où entraient rarement des considérations sentimentales. Et si tel était le cas, il était du devoir d’un Lord de respecter ses engagements, peu importe leur raison… et même si elles apportaient malheur et souffrance.
Décidément, la vue de ces préparatifs n’apaisait en rien son esprit tourmenté, qui répétait en boucle depuis des heures ce qu’il dirait au roi quand il le verrait. Ce dernier avait accepté une demande d’audience, qui devrait se dérouler plus tard dans la journée. En attendant, livré à lui-même, Bowen errait dans Winterfell, espérant trouver un endroit qui le calmerait enfin. Manifestement, il ne fallait pas compter sur le petit vent frais du dehors pour cela, aussi il finit par tourner les talons et rentrer en trombe à l’intérieur, ses sourcils froncés et sa mine soucieuse décourageant toute velléité de se mettre sur son passage. Et quand les regards se posaient sur sa broche en forme de poing ganté, les yeux se faisaient fuyants. Que dire en effet ? Offrir des condoléances, déjà entendues des centaines de fois ? Parler de la pluie, du beau temps, de la santé ? Futilités. Tous le savaient… Et Bowen mieux que personne, hélas.
S’arrêtant face au mur, il resta un instant sans rien dire, perdu dans ses pensées, quand une voix féminine l’en tira. Interloqué, le jeune homme se tourna vers son interlocutrice, curieux de savoir qui avait eu le cran de s’adresser à lui. La surprise ne fut pas désagréable à l’œil, il fallait en convenir, bien que Bowen n’ait pas la désagréable manie de loucher sur les damoiselles de manière contraire à la bienséance, et ce de façon fort différente de la plupart de ses confrères du sexe fort. Il tenta d’adoucir un peu la rudesse de son expression, sans forcément y parvenir totalement. Le visage lui était familier, quoique les traits dont il se souvenait étaient un brin plus juvénile à l’époque. Enfin, quand il avait rencontré Maedalyn Cerwyn pour la première fois, il n’était qu’un gamin à peine pubère qui se contentait de regarder le roi discuter avec un vassal tandis que sa fille, déjà dans sa pleine florescence, n’allait guère s’attarder sur l’écuyer au duvet brun légèrement ridicule. Inutile de préciser à quel point ce temps était lointain, maintenant qu’il la dominait d’une bonne tête… Et que sa barbe brune soigneusement taillée arborait une forme toute virile.
Prenant sa main délicatement dans la sienne, sa nature galante prit momentanément le dessus, les habitudes ayant la vie dure, et après avoir sacrifié au rituel du plus parfait baise-main, soit un effleurement et non un véritable baiser, ce que beaucoup ne se privaient pas d’ignorer, il releva la tête et demanda :
« Lui-même, Lady Cerwyn, si je ne m'abuse. Que puis-je pour vous ? »
Malgré la politesse de ses propos et de son comportement, aucun sourire n’avait éclairé son visage. Il y avait des limites à ce que son hypocrisie sociale pouvait assumer, semblait-il.
« Pardonnez-moi, mais je crains de ne pas être une compagnie très agréable pour passer quelques instants à deviser. »
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Sujet: Re: « Il n'est permis de faire la guerre que malgré soi.» [Tour II - Terminé] Dim 3 Jan - 20:36
Revoir Bowen Glover me renvoyait directement au passé… quelques années en arrière et beaucoup d’ennuis en moins. Cela me faisait également prendre conscience que j’avais grandi, mûri et que ces temps-là étaient révolus. Enfant, j’avais un caractère bien trempé et j’étais plutôt têtue, je savais ce que je voulais et ce que je désirais. Mal leur en a pris de tenter de me faire changer d’avis. L’adolescence n’avait pas allégé mon caractère. Coincée entre les conventions dues à mon rang et les règles d’usage, le peu de liberté dont je disposais me frustrait déjà. A l’âge où l’on rêve de liberté et de braver les interdits, je n’avais droit qu’à des cours de maintien, de géopolitique et de langage. A l’époque, Bowen Glover parcourrait le Nord et les contrées aux côtés du Roi. Un apprentissage long et enrichissant. Nous ne nous étions jamais vraiment épanché l’un sur l’autre, n’avions jamais vraiment discuté. Nous ne pouvions dire aujourd’hui que nous nous connaissions bien. Je connaissais son nom, son visage et ses airs renfrognés, voilà tout.
Lorsqu’il me confirma son identité je fus ravie de constater que ma mémoire fonctionnait toujours aussi bien. J’avais quelques années de plus que lui et autant cette différence se constatait aisément il y a quelques années, autant aujourd’hui, il faisait plus âgé que moi. Sa barbe et son air rude y étaient surement pour quelque chose. Il avait toujours eu ce regard dur et noir. Malgré les retrouvailles, aucun sourire ne s’afficha sur son visage. Cela me surpris, mais je n’étais pas là pour retrouver une connaissance de jeunesse ; J’étais bel et bien là pour prendre des nouvelles de mes proches, s’il y en avaient. Il m’avertit qu’il n’était pas de bonne compagnie, ce que je m’empêchai de confirmer. En guise de réponse un sourire en coin me vint aux lèvres.
« N’ayez crainte Sir Glover, je ne venais pas vous importuner afin de bavasser allègrement vous… Pas en ces temps… j’ai une situation bien plus sérieuse à vous faire part »
Les miens étaient partis combattre à la guerre. Les femmes, les enfants et les anciens étaient restés à Winterfell. Mon père et mon frère quant à eux, étaient partis depuis maintenant un mois. Quatre longues semaines où je me languissais de leur retour. A mon grand désespoir, ils ne faisaient toujours pas partis des combattants sur le retour... La plupart des troupes étaient déjà revenues et pour autant, pas l’ombre d’un Cerwyn à Winterfell. La peur me rongeait le ventre quand je prenais conscience qu’ils ne reviendraient peut-être pas. Etaient-ils blessés ou pire ? Pourquoi aucun d’entre eux n’étaient revenu ? La semaine dernière, le Roi m’avait informé qu’ils étaient sains et saufs. Pourquoi ne revenaient-ils pas ? Tout s’embrouillait dans mon esprit et je sentais mon cœur battre à tout rompre dans ma poitrine. Il fallait que j’en aie le cœur net. Il fallait que je parle à quelqu’un de la situation. Bowen Glover me semblait être la personne appropriée pour obtenir des réponses plus précises.
« Je m’inquiète pour mes proches partis à la guerre. Ils ne sont toujours pas revenus bien que le roi m’ait indiqué qu’ils étaient saufs. Blessés, mais rien de grave, a-t-il précisé. Pour autant, aujourd’hui ils ne sont toujours pas de retour à Winterfell »
J’avais l’air grave. En effet, la possible mauvaise santé de mes proches émouvait plus que de raison. La solitude me faisait réf La guerre était la cause de ma solitude. Et bien que je sois à Winterfell, je me sentais en insécurité. J’étais seule, j’étais jeune et non accompagnée d’un homme : ni d’un mari, ni même d’un membre masculin de ma famille. Je pressentais que mon père projette de me promettre en épousailles à son retour, pour ne plus jamais me laisser seule. Et j’espérais que mes craintes ne se révèlent pas être prémonitoires.
« Je venais à vous simplement pour savoir si vous aviez des informations à me transmettre… »
Je restais en attente de sa réponse, comme suspendue à ses lèvres.
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Sujet: Re: « Il n'est permis de faire la guerre que malgré soi.» [Tour II - Terminé] Lun 25 Jan - 22:25
En voyant la tension et la mine sérieuse de la jeune femme qui lui faisait face, Bowen eut l’espace d’un bref instant un peu de regret quant à son attitude première. Evidemment, toutes les femmes qui allaient l’aborder n’étaient pas forcément des imbéciles décidées à tenter d’avoir une conversation galante avec un parti qui restait prestigieux, à défaut d’être riche. Auréolé de son ancienne place d’écuyer du roi, de leur proximité, et de son titre désormais solidement ancré d’héritier, il n’avait pas été aveugle aux œillades de certaines femmes croisées tantôt dans les couloirs, souvent des benjamines de branches cadettes qui se disaient que le Glover devait être aux abois pour reconstruire sa lignée et prêt à sauter sur la première occasion de prendre femme. Cela ajouté à son humeur massacrante et à l’angoisse qui montait en lui à l’approche de son rendez-vous avec Torrhen Stark achevait de le rendre notoirement aigre dans ses propos, afin de chasser les éventuels importuns.
Pour autant, à mesure qu’il écoutait Maedalyn expliciter son propos, une vague de commisération le saisit. Encore une jeune fille laissée derrière qui s’inquiétait pour ses proches. A cet instant, elle lui rappelait sa sœur et ses corbeaux qui s’était succédé à un rythme frénétique ces derniers temps pour prendre des nouvelles de leur père, ainsi que des préparatifs, bien moins agréables, des cérémonies funéraires qui devaient se tenir dès que Bowen se serait entretenu avec Torrhen Stark. Quant aux détails, il aurait tout le loisir d’en discuter avec Alysane quand elle arriverait prochainement à Winterfell pour le mariage de Jeyne Stark et Lyman Lannister, qui rassemblerait toute la fine fleur de la noblesse nordienne survivante et même des invités venus des quatre coins des Sept Couronnes. En tant que maîtres de Blancport, le plus grand port nordien, le couple Manderly ne pouvait se permettre de ne pas assister aux noces, et pour être franc, Bowen se réjouissait de revoir prochainement son aînée adorée.
Alors son expression s’adoucit légèrement, et il se montra attentif. Cependant, bien que comprenant les inquiétudes de la jeune femme, il ne put s’empêcher d’être étonné par la tournure que prenait la conversation. Parce qu’il avait la réponse à ses questions, mais il était fort surpris que son interlocutrice ne soit pas au courant. Voilà qui le mettait dans une position peu agréable. Comme s’il n’avait pas assez d’ennuis comme cela ! Enfin, autant aller droit au but immédiatement et mettre charitablement fin à ses inquiétudes. Même s’il réprouvait tout de même fortement ce manque de communication au sein de la famille Cerwyn qui l’obligeait à se retrouver dans le rôle du messager, ce qui aurait dû être du ressort du Lord de la maison.
Se lissant la barbe d’un air gêné, Bowen répondit donc :
« Oh, je croyais que vous étiez au courant… Le mestre de Castel-Cerwyn n’a dont point envoyé de corbeau pour vous prévenir ? »
Manifestement pas, question stupide. Se morigénant en silence, l’héritier des Glover émit un léger soupir avant d’annoncer d’une voix plus douce que précédemment, plus amène :
« Le roi disait vrai, Lord Cerwyn ainsi que Ser Rodrick n’ont été que modérément touchés, cependant, leurs blessures exigeaient de rester plus longtemps sur place, et le rapatriement a été complexe. C’est que, face aux commotions à la tête ou aux entailles aux tendons, les mestres sont quelques peu… prudents, lorsqu’il faut déplacer les personnes. Parfois, un simple faux pas suffit pour causer de nouveaux dommages. »
Prenant une profonde inspiration, sachant qu’il ne pourrait plus tourner autour du pot plus longtemps, Bowen finit par poursuivre et lâcha donc l’information capitale : « Mais sachez qu’ils sont de retour sur vos terres, je les ai vu en personne lors de mon passage par votre domaine en me rendant à WInterfell, il y a deux jours de cela.
Je… présume qu’ils préféraient vous savoir ici, auprès du roi et de la cour, pour les représenter au mariage de la princesse Jeyne. »
Bon, à vrai dire, il n’en savait strictement rien, mais il pressentait que la jeune lady ne serait sans doute pas particulièrement ravie de savoir que son père et son frère n’avaient pas pris la peine de l’informer de leur retour dans leurs pénates. Bien qu’il puisse comprendre un tel geste. Sans doute que le Lord préférait tenir sa fille à l’écart d’une convalescence désagréable et la maintenir auprès du roi, afin d’avoir une représentation pour les événements qui s’annonçaient. Du moins, c’est qu’il supputait, et ce qui lui paraissait le plus plausible.
Maintenant que son devoir de porteur de nouvelles était accompli, Bowen pouvait parfaitement partir. Cependant, laisser une jeune femme seule après une telle annonce le gênait quelque peu, car il se serait trouvé bien lâche, et d’un comportement médiocre. Après tout, il lui restait encore un semblant d’éducation… et du temps devant lui, avant d’aller voir Torrhen Stark. Aussi après une petite minute de réflexion, il demanda finalement : « Peut-être voulez-vous aller à la roukerie royale pour envoyer un corbeau à vos proches ? Je puis vous accompagnez si vous le désirez. Après tout, j’y suis trop souvent allé pour ne point savoir quel chemin prendre pour s’y rendre le plus vite possible. »
Et galamment, l’ancien écuyer du roi du Nord, qui avait trop vécu parmi les murs de Winterfell pour ne pas en connaître les moindres recoins, lui offrit son bras.
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Sujet: Re: « Il n'est permis de faire la guerre que malgré soi.» [Tour II - Terminé] Mar 26 Jan - 18:03
Lorsque je m’étais adressé à Lord Glover, j’avais remarqué qu’il avait été tendu et peu avenant. Sa froideur m’avait surprise. Néanmoins, il avait été courtois. Pour autant, à moins que ma mémoire me fasse d’ores et déjà défaut, je ne me souvenais pas d’un enfant distant et froid. Peut-être pensait-il qu’une dame de plus allait l’interpeler pour obtenir les faveurs d’un Lord tant convoité ces derniers-temps. Certaine ne reculait devant rien pour un jour, avoir l’occasion d’épouser un héritier, qu’il soit en ruine ou pas. Il est vrai qu’au vu des récents évènements de sa lignée, Bowen était dans une situation délicate et que le mariage était vivement à envisager. Quant à moi, je me fichais bien de me trouver un époux ou un bon parti. Mon père s’en chargeait, bien malheureusement, à ma place. Et la guerre avait eu comme seul bon côté d’interrompre tous les plans de ce dernier.
Je buvais les mots de Bowen Glover, littéralement. Chaque pause me glaçait, chaque inspiration me pétrifiait. Et je m’attendais à tous les discours éventuels, à toutes les issues possibles. Je trépignais d’impatience. Oh non, la patience ne faisait pas partie de mes qualités. J’appréciais obtenir tout ce dont je désirais rapidement, sans attendre. Enfant capricieuse, je causais très souvent des soucis à ma pauvre nourrice. Mon frère me rappelle sans cesse que j’étais une enfant gâtée. J’avais ressentis quelque jalousie dans ses propos qui ressemblaient, je pense, à des reproches. Mon père avait toujours été plus exigeant et abrupt avec Rodrick qu’avec moi. Et encore aujourd’hui, je remarquais avec discernement, l’exigence attendue par notre père envers lui, qui était de surcroit, le seigneur de la maison Cerwyn. Le rôle dont mon frère ainé avait hérité n’est pas chose aisée. J’avais le beau rôle, celui de l’enfant vénérée, la dernière de la famille.
Je vis Bowen Glover se détendre lorsqu’il comprit que je ne venais pas pour lui uniquement. Je venais pour obtenir des informations qui m’étaient cruciales et qu’il pouvait avoir en sa possession. Alors qu’il faisait allusion aux blessures reçues par mon père et mon frère, je ne pu m’empêcher d’imaginer leur éventuelle souffrance. Des images atroces me traversèrent l’esprit et ce, bien malgré moi. Le propos le plus important et qu’il fallait retenir, fut qu’ils étaient bel et bien vivants. Et c’était tout là, l’essentiel, me forçais-je à me répéter.
Mes sourcils se froncèrent subtilement. Je me forçai à ne pas avoir trop surprise, bien que je le fusse véritablement. « Déjà à Castel-Cerwyn ? » me répétai-je. J’analysais les mots et les phrases de Bowen Glover. Presque instantanément, j’essayais de trouver des raisons réelles à ce retour. Pourquoi mon père ou mon frère ne m’avaient-ils donc pas prévenu ? Lord Glover fit alors référence à la cérémonie de mariage de Jeyne Stark, ce qui, en soit, était là une bonne raison de ne pas me faire voyager et déplacer pour rien, bien que Winterfell et Castel-Cerwyn ne furent pas bien éloignés. Il ne fallait qu’une demi-journée de voyage. Nous étions formellement invités, bien que je doutai à ce moment précis de l’état de santé des hommes Cerwyn. On ne pouvait pas se battre sur un champ de bataille et le lendemain, être présent à une cérémonie royale à trinquer aux bonheurs de deux jeunes mariés. J’étais donc la seule représentante de la famille Cerwyn à pouvoir nous représenter ce jour-là.
« Probablement… » confirmais-je suite à sa supposition.
Alors que Bowen venais de finir ses explications et ces hypothèses, je me murai dans un silence de plomb, méditant. Acceptant la réalité que je venais de me prendre en pleine figure, je me sentie tout de même un peu froissée de ne pas avoir été prévenue. Mais la bienséance voulait que je ne fasse rien transparaitre de mes émois, quel qu’ils soient. Alors, rien ne transparaissait. Alors qu’il aborda le sujet des diverses blessures en prenant la peine de préciser celles qui méritaient que l’on y prête plus ample attention, je ressentis au travers de ses explications qu’elles transpiraient le vécu. J’acquiesçai alors d’un mouvement de menton, tel une enfant écoutant son mestre.
« Mille remerciements, Lord Bowen. Vous avez ôté un poids incommensurable de mes épaules »
J’esquissai alors un maigre sourire sur mon visage. Mon père disait souvent que j’étais ô combien plus exquise lorsque je souriais. Cependant, le cœur ne m’en disait pas. Il y eut quelques secondes de vide, ou de flottement, dirais-je. Un instant de confusion, où, finalement, Lord Glover me proposa de m’accompagner à la roukerie afin d’envoyer un corbeau à destination du château de Cerwyn.
« Autant les différentes pièces du château me sont communes… Autant, je dois vous admettre que le chemin de la roukerie m’est moins familier… » J’esquissai un sourire timoré et d’un regard succinct tout en admettant finalement que j’acceptais son offre. « …volontiers. » Répondis-je enfin en avançant d’un pas vers lui pour qu’il m’invite à le suivre.
Il me proposa son bras. J’y apposai ma main.
« Je suis navrée de devoir vous faire parvenir à nouveau en ce lieu dont les souvenirs doivent vous paraître bien sombres… Je ne saurai vous expliquer combien aujourd’hui je vous comprends, Lord Glover… »
Me laissant guider par les pas assuré de Lord Glover, je songeai à nouveau à notre rencontre. Bowen m’avait semblé embarrasser qu’une dame l’interpelle. Pourquoi donc ? Avait-il, l’espace d’un instant, imaginé être interpelé par une dame uniquement attirée par le prestige qu’il représentait ? Il était certes, toujours un bon parti, bien que l’absence passagère de richesse puisse dissuader les plus aguerries. Auquel cas, son charisme et le prestige de sa maison pouvait bien compenser cette carence. Encore d’autres devaient sûrement s’imaginer que Lord Glover devait être aux abois pour reconstruire sa lignée et prêt à sauter sur la première occasion pour trouver une épouse. Je me surprise à supputer.
« Vous me sembliez préoccupé lorsque je vous ai sollicité... J’espère ne pas… » Je me repris en reformulant ma phrase autrement… « Ne vous ai-je pas incommodé ? »
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Sujet: Re: « Il n'est permis de faire la guerre que malgré soi.» [Tour II - Terminé] Sam 30 Jan - 20:42
Ne sachant que répondre à une telle profusion de remerciements, Bowen se contenta d’acquiescer avant de lâcher un peu maladroitement, tant il n’aimait pas attirer l’attention de cette façon :
« Je n’y suis pour rien, j’ai simplement eu la chance de passer par vos terres et de les voir. Si j’avais su que vous attendiez toujours de leurs nouvelles, je vous aurais fait passer une missive. Il n’y a rien de plus normal. »
Au fond, il avait juste été la bonne personne au bon moment, ce qui se faisait rare, tout de même, en ce moment. Pour une fois qu’il apportait une relative bonne nouvelle… Parce que ces dernières semaines, il avait passé plus de temps à parcourir ses terres pour annoncer des morts ou des disparitions que des retrouvailles. D’abord, il avait fallu réunir les vassaux de son père, afin de régler les éventuels problèmes de succession, dire si oui ou non d’éventuels survivants avaient été retrouvés. Puis, tâche infiniment plus longue, parcourir le Bois-aux-Loups pour faire le décompte de ses gens, et voir ses soldats ayant combattu à la Mort-aux-Loups se retrouver soudainement veufs, souvent sans enfants. Ils étaient partis pour défendre leurs terres, et les Glover n’avaient pu protéger leurs épouses et leur progéniture. Certes, le massacre de sa propre famille avait considérablement adouci les reproches de la populace, qui se trouvaient soudain empreinte d’une solidarité nouvelle avec ses seigneurs. Pourtant, au fond de lui, le cœur du jeune homme saignait. Il n’avait pu remplir les devoirs incombant à son rang. En répondant à l’appel des Stark, sa maisonnée avait sacrifié son domaine, et ceux habitant sur leurs terres. Oui, ils avaient accompli leur devoir… Mais à quel prix ?
Au moins là, il avait l’impression de servir à quelque chose, de répandre autre chose que la douleur, de ne pas être cet oiseau de mort qu’il se sentait devenir chaque jour un peu plus. La sensation était réconfortante, comme cette gratitude qu’il croyait déceler sur le visage de son interlocutrice, manifestement soulagée, quoiqu’apparemment un peu surprise d’être ainsi laissée de côté. Cela étant, Bowen devait admettre qu’il aurait probablement réagi de la même façon, en apprenant une telle nouvelle. Et ce n’étaient pas ses maigres paroles de consolation qui allaient changer quoi que ce soit. Enfin, cela concernait les Cerwyn, et non lui.
La lady à son bras, il commença donc à avancer… Avant que Maedalyn ne lui rappelle une nouvelle fois ce qu’il s’efforçait d’oublier pour un instant. Un moment, il envisagea de s’arrêter, de lui dire qu’elle ne pouvait vraiment, mais alors vraiment pas savoir ce que c’était que d’envoyer un corbeau à sa propre sœur, pour lui annoncer qu’elle venait de perdre une mère, deux frères encore enfants, une tante, un oncle, que ses souvenirs d’avance avaient été pillé par des hordes immondes, que plus rien ne serait comme avant, car tout avait volé au vent, emporté par les cris rauques de ces barbares d’Au-delà du Mur. Que pouvait-elle y comprendre ? Rien. Du. Tout. Son père était vivant, son frère aussi, ils se remettraient rapidement. Dans quelques semaines, la vie reprendrait à Castel-Cerwyn. Mais eux, quand leur vie reprendrait donc ? Oh bien sûr, bientôt, les stigmates de l’attaque disparaîtraient, les maisons seraient reconstruites… Cependant, personne ne leur rendrait leur famille. Il n’y aurait plus de Lady Glover pour accueillir les hôtes de la maison avec ce léger accent chantant du Conflans qu’elle avait conservé malgré les années. Plus de petits Glover pour courir partout dans les couloirs du château et devenir des hommes. Oui, il y aurait d’autres ladys, d’autres enfants, peut-être. Mais pas les mêmes. Pas eux.
Non, il fallait avoir vécu la perte dans sa chair. Elle pouvait peut-être avoir de la sollicitude, comprendre un peu sa douleur… Mais jamais complètement. Et c’était pour le mieux. Moins d’autres nordiens auraient à subir malheur, mieux cela vaudrait. Parmi ses parents, les Karstark n’avaient point trop souffert, même s’il savait que l’un des jumeaux avaient été assez gravement blessé. Cependant, comme si le sort n’avait pas fini de les éprouver, sa sœur était en train de voir son beau-fils agoniser, les mestres ne parvenant manifestement pas à arrêter la gangrène qui avait pris dans ses membres blessés. Et puis, un éclair le traversa, alors qu’il se souvenait que le Manderly avait été pupille chez les Cerwyn. Cette réalisation stoppa net la remarque acide qui lui brûlait les lèvres, et il se contenta de déglutir longuement. Finalement, peut-être qu’elle aussi allait connaître la perte. Même si ce ne serait que d’un compagnon d’enfance.
Alors il étira ses lèvres en un sourire douloureux, et lui répondit avec une gravité qui contrastait avec les allées et venues des serviteurs chargés de transporter les décorations pour les festivités qui se préparaient autour d’eux :
« Mieux vaudrait que ce ne soit jamais le cas, lady Cerwyn. Mieux vaudrait que vous ne compreniez jamais ce que l’on ressent dans ce cas. Sinon, cela signifiera que vous aurez perdu… beaucoup.
Vous allez écrire de bonnes nouvelles. Réjouissez-vous. »
Il se tut alors, préférant se réfugier dans un silence bourru pour ne pas avoir à en dire plus, pour ne pas laisser l’émotion le submerger complètement. Que se passerait-il, quand ils arriveraient devant ces maudites marches qu’il avait parcouru ce fameux jour où son existence entière avait basculé, où tout le Nord avait compris que cette horde-là était différente, qu’elle était réellement capable de tous les anéantir, et qu’il faudrait l’exterminer ? Il ne le savait pas.
La question de Maedalyn le surprit cependant, même s’il reconnaissait qu’elle était juste à son encontre. L’avait-elle incommodé ? Eh bien, au départ, il l’aurait cru, mais finalement…
« Oh, non, point, ma dame. C’est juste qu’en ce moment, avec tous ces préparatifs, la plupart de nos gens se prennent au jeu du badinage du sud, et mon humeur ne s’y prête guère, je dois l’avouer. Et une fois la conversation engagée, si l’on m’avait fait mander pour me signaler que l’heure de mon entrevue avec le roi était arrivée, il eut été désagréable de partir aussi cavalièrement.
Mais vos demandes étaient légitimes, j’ai simplement… supposé que vous aviez pu abandonner le souci des vôtres, puisque je les savais saufs, et vous laisser aller à l’atmosphère de ces murs. »
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Sujet: Re: « Il n'est permis de faire la guerre que malgré soi.» [Tour II - Terminé] Jeu 4 Fév - 20:27
Bowen Glover arborait toujours ce regard dur et sombre, comme s’il portait toute la colère du monde sur ses épaules. Il semblait préoccupé, pensif… Certes, ces derniers temps, le destin avait été particulièrement cruel avec lui et sa famille. On disait sa maison ruinée et dévastée. C’était la dure réalité des guerres et des conflits, certain payait plus que d’autre. Et cette fois-ci, c’était au tour des Glover. Ma main apposée sur son bras, je m’imaginais alors la douleur qu’il avait pu ressentir. Ma main toujours posée sur son avant-bras, je me laissai guider par l’héritier Glover. Nous marchions à pas calme, les sujets de Winterfell allants et venants, préparant la cérémonie de mariage. Plus je marchais et plus je me sentais légère. L’annonce de Bowen m’avait allégé et soudain la vie me semblait un peu plus éclatante. Alors que je lui confiai que je saisissais plus précisément l’angoisse qu’il avait pu ressentir mais, il me fit comprendre que j’étais, en fait, loin de la vérité. Il fallait le vivre pour savoir vraiment. Certes, il n’avait pas tort, mais il y a encore pas longtemps, je pensais que ma vie allait basculer, que Bowen allait m’annoncer que, peut-être, mes proches avaient succombés à leur blessures de guerre. Il n’était pas rare que ce soit le cas. Je m’étais imaginé maintes fois ce moment, cet instant où je me retrouverais peut-être seule, unique représentante de la maison Cerwyn… Ces pensées angoissantes m’avaient réveillée de nombreuses nuits. Alors qu’il m’invita à me réjouir de pouvoir écrire de bonnes nouvelles, je lui répondis à demi-mots.
« Je réalise ma chance, Sir Glover, soyez-en certain… » je feintai un sourire nullement sincère.
Il avait semblé préoccupé par quelque chose que j’ignorais, et que je ne voulais pas connaître. Nous étions loin d’être proches pour se permettre ce genre de confidence. Il espérait que je me laisse absorber par l’atmosphère allègre du mariage. Je gardai alors mon avis, plus qu’arrêté, sur les mariages pour moi, prétendant que nous n’étions pas assez proches pour que je puisse me laisser aller à quelques aveux. Bien que nous connaissions depuis l’adolescence, nous ne nous étions revus que quelques fois, et jamais nous nous étions risqués à avoir une conversation digne de ce nom. Nous étions en quelques sortes, deux faux inconnus.
Alors que nous arrivions à la roukerie, Bowen ouvrit la porte en bois et me laissa entrer. Les croassements successifs des oiseaux noirs s’arrêtèrent un instant avant de reprendre de plus belle. Quelques plumes voletèrent à mesure que nos pas résonnèrent à l’intérieur. Cet endroit était le lieu des secrets inavoués, des déclarations enflammées et anonymes, des douleurs provoquées à l’annonce d’une perte, des stratégies vouées au désespoir, des combats perdus et gagnés. Il y régnait une étrange atmosphère que je ne saurais décrire. Alors que je rédigeais un message à l’attention de mon père, je réalisai que les corbeaux c’étaient tus. Quelques-uns se risquaient tout de même à quelques croassements dissipés. J’enroulai le bout de papier et le tendis au mestre, qui, discrètement, s’approcha de moi.
« Un message pour Castel-Cerwyn… » j’esquissai un sourire crispé au vieil homme à qui je tendis le message.
Le mestre saisit mon message de sa main tremblotante, se retourna et se dirigea presque mécaniquement devant un clapier. Je le remerciai et me dépêchai de me diriger vers la sortie, suivi de Bowen Glover, toujours muet. A peine sortis de la roukerie, des servants, le sourire aux lèvres passèrent devant nous les bras encombrés. Malgré leurs tâches désagréables, ils semblaient être ravis du mariage de leur princesse. Pour ma part, c'était juste un mariage. Et de convenance, de surcroît. En réalité, on se réjouissait que deux personnes, qui ne se sont pas choisies, soient forcée de s'unir par des personnes qui avait choisi pour eux... Interloquée devant cette scène invraisemblable, quelques mots m’échappèrent.
« Tout cet enthousiasme pour un mariage… »
Je me dirigeai vers une rambarde de pierre d’où nous voyions bien la roukerie. De là, nous pourrions observer l’envol du corbeau. Je posai mes mains sur le haut du muret en pierre, le regard observant le paysage. La pierre etait glacée et malgré cela, je laissai mes paumes immobiles. Les quelques mots prononcés trahissaient mes pensées, mais peut-être n’avait-il pas relevé ce détail. Notre attention fut orientée vers la roukerie que nous voyions de loin. Le corbeau avait pris son envol, direction Castel-Cerwyn. Quelques plumes noires voltigèrent jusqu'au sol où je les perdus de vue. Je rêvais de liberté. J'en venais même à envier cet oiseau. Je rêvais de tout ce dont je ne voulais obtenir. La liberté de choix ne m'étais pas permise. J'y avais renoncé depuis longtemps déjà. J'avais seulement le droit de rêver.
Je suivis du regard l’oiseau noir jusqu’à ce qu’il ne soit presque plus visible. Plus qu’un léger point noir. Puis plus rien. Castel-Cerwyn… Je me languissais de retourner enfin chez moi, parmi les miens. Non pas que je ne me sente pas à ma place ici… J’étais tout de même à Winterfell, l’une des places fortes les plus mythiques des Sept Couronnes et le cœur politique du Nord.
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Sujet: Re: « Il n'est permis de faire la guerre que malgré soi.» [Tour II - Terminé] Dim 14 Fév - 0:34
Bowen observa le sourire un peu crispé de la femme à son bras. Maedalyn Cerwyn était belle, comme dans ses souvenirs de jeunesse, et ses lèvres qui s’étiraient ainsi auraient été amusantes à conquérir, s’il avait été un autre homme. Déjà adolescent, il n’avait pas manqué de constater que nombre de mâles plus âgés ne manquaient pas de penser comme lui. Et surtout, c’était un beau parti. Lord Cerwyn était riche, proche des Stark, à un emplacement du Nord, et n’avait que deux enfants. Qu’il arrive malheur à son aîné, et sa fille hériterait de tout. Cela, surtout, tous n’avaient pas manqué de le calculer aussi. A vrai dire, le jeune homme était presque certain qu’avant la guerre, son propre père avait pu, en cherchant une épouse pour lui, penser à cette équation. Galbart Glover rêvait grand pour ses enfants. Il destinait ses fils à de riches héritières, peut-être même aurait-il sacrifié un des petits pour une famille en mal de garçons, quitte à en voir un abandonner leur nom, au profit d’une belle alliance. C’était ce qui l’avait poussé à offrir sa fille de vingt ans à un homme nettement plus âgé, mais issu de la plus aisée des familles du Nord.
Alors oui, Maedalyn avait un joli sourire. Mais Bowen le trouva quelque peu faux, à cet instant. Outre le fait que le Glover avait toujours été observateur, et qu’il connaissait sans doute bien mieux les mœurs et humeurs féminines que bon nombre de ses confrères du sexe fort pour avoir fréquenté les dames sans chercher à les mettre dans sa couche ou à les plier à sa volonté, il lui rappelait surtout tout ceux des gens qu’ils avaient pu croiser et tentait de lui assurer qu’ils comprenaient sa douleur… Quand ils ne pensaient qu’à la frayeur éprouvée pour les leurs. Le sentiment était compréhensible, certes, mais hérissait le Poing du Nord, qui le trouvait égoïste au possible. Eh quoi, ils avaient eu peur ? Lui avait connu le désespoir infini, la haine, et surtout le manque d’espoir. Tous pouvaient espérer voir les leurs revenir, et surtout savaient que les combattants retrouveraient des foyers chaleureux. Il avait bataillé en sachant qu’il retrouverait des ruines et personne pour le consoler de la mort de son cousin. Juste le vide. Rien que le vide, et la douleur, toujours présente.
Non, elle ne comprenait pas. Elle pouvait lui assurer le contraire, ils pouvaient tous le faire. Aucun ne pouvait comprendre, parce qu’au maximum, certaines familles pleuraient un mort, en âge de combattre, et le reste était revenu. Et par moment, Bowen les haïssait tous pour cela, pour avoir une chance qu’il n’avait pas, tout en se détestant pour avoir de telles pensées. Tous les nordiens avaient soufferts. Mais maintenant, ils pouvaient passer à autre chose. Lui aussi, dans une moindre mesure, mais il y aurait toujours les ombres des massacrés qui hanteraient Motte-la-Forêt. Et ce constat, rien ne l’effacerait. Pas même les jolis sourires un peu faux.
C’est ainsi qu’il ne répondit pas, se concentrant sur le chemin à prendre, et attentif à ne pas se laisser déstabiliser par les souvenirs qui affluaient à nouveau dans son esprit à mesure qu’il se rapprochait. Bientôt les marches menant à la roukerie furent en vue. Il inspira profondément, puis s’avança. Soudain, il se revoyait tout de maille vêtu, marchant d’un pas lourd, comme un automate, des semaines auparavant, sonné, tandis qu’il revivant un siège qu’il n’avait pu empêcher, ou même prévoir.
La seconde lui arracha une grimace de frustration tandis que la voix atone de Jeor résonnait encore à ses oreilles et lui vrillait les tympans comme si le malheureux était encore vivant à côté de lui. Il lui semblait qu’il le voyait à nouveau, cheveux épars et couvert de sang, boueux, traversant la grande salle de Winterfell en roulant des yeux comme un possédé, comme un homme qui avait vu la mort et lui avait échappé sans toutefois le faire vraiment. Alors il se mura dans le silence, sourd au monde extérieur, et se contenta de grimper les marches quatre à quatre en accélérant le pas, espérant que sa compagne suivrait son rythme.
Arrivé devant la roukerie, Bowen hésita un bref instant avant d’ouvrir la porte galamment, plus par habitude solidement ancrée qu’autre chose d’ailleurs, et laissa Maedalyn passer devant lui. D’une oreille distraite, il l’écouta parler au mestre, trop plongé dans ses propres souvenirs pour être réellement attentif. Plus jeune, il avait adoré monter dans cette tour, lire tranquillement dans l’étude quand il en avait un moment. Ces moments, il les volait à ses responsabilités, et à l’époque, il savourait ces heures passées seules, avec pour seuls compagnons les corbeaux et ses pensées intimes. Parfois, il en profitait pour rédiger sa correspondance privée, afin de prendre des nouvelles de sa sœur, de sa mère…
Alors que le visage doux de Rowena Glover apparaissait soudain devant ses yeux, une envie de vomir le submergea, et il ne se contint qu’à grand-peine, son expression se durcissant encore un peu plus. Qu’il songe un instant à sa génitrice, et c’était sa fin tragique qu’il voyait se matérialiser devant lui, telle une malédiction de sa conscience tourmentée. Et enfin, il put sortir de cet enfer alors que le corbeau partait. Ouf. Il n’aurait pas tenu une seconde de plus.
Une fois revenus dans les allées du château, le duo improbable et toujours silencieux croisa plusieurs serviteurs portants décorations et denrées. Evidemment, avec les festivités qui approchaient, tout le château était en ébullition. Au fond, quoi de plus normal ? Même si Bowen avait du mal à se faire à cette atmosphère festive, il la comprenait. Il essayait même vraiment d’être heureux pour Jeyne. Peut-être y parviendrait-il une fois le roi vu, et une partie de ses inquiétudes explicitées, discutées, et potentiellement réglées. Cependant, il ne semblait pas être le seul à ne pas partager l’intérêt général, à en juger par la réplique quelque peu dédaigneuse que lança Maedalyn. Etrange, d’ordinaire les femmes étaient les premières à s’exciter pour ce genre de choses, non ?
Aussi il la jaugea un moment alors qu’elle était accoudée à la rambarde, laissant son regard traîner sur sa personne, puis l’éloignant pour fixer le ciel du Nord, avant de dire :
« Ils pensaient devoir peut-être préparer uniquement des enterrements, et finalement, c’est bien un mariage qui se profile. La première occasion festive à Winterfell depuis une éternité. Autant célébrer l’occasion comme il se doit après tous ces mois de tensions. »
Brusquement, comme si ce passage à la roukerie avait fait sauter une digue dans ses souvenirs, il revit sa mère à un autre mariage, celui de sa sœur. Comme si c’était hier, il revivait l’événement avec Rowena débordante d’énergie et essayant de rassurer savamment son aînée avec une joie de vivre qui ne la quittait jamais, et qui avait sans doute été la raison de la passion éprouvée à son encontre par son époux. A nouveau, l’émotion l’envahit, et il murmura doucement :
« Ma mère adorait les mariages. Elle disait qu’ils étaient le symbole de deux familles qui allaient se découvrir, d’une nouvelle vie qui commençait pour des personnes… Et qu’ils étaient un moment pour rendre grâce aux dieux en voyant tous ceux encore présents. »
Comme elle avait raison. Et comme elle avait tort, cette mère chérie trop tôt partie.
« Je pense qu’elle aurait adoré être là. »
Sa voix se brisa. Il n’ajouta rien de plus, trop honteux de se laisser aller ainsi à de telles confidences stupides avec une femme qui devait n’avoir qu’une envie, c’était de le fuir. Il se haïssait pour sa faiblesse, pour sa haine envers tous ces gens heureux. Parce qu’il aurait aimé être comme eux.
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Sujet: Re: « Il n'est permis de faire la guerre que malgré soi.» [Tour II - Terminé] Mer 17 Fév - 22:17
Je ressentais une certaine tension chez mon accompagnateur. Une sensation palpable, un ressenti féminin, sans doute. Le silence entre nous confirmait mon instinct que je ne qualifierais pas d’infaillible mais qui ne me jouait que peu de tour. Nous ne nous regardions pas. Fuyants, nos regards ne se croisaient que quelques secondes avant de se détourner peureusement. Lui ou moi, déviant le regard prématurément. Des regards détournés, comme si l’un et l’autre comprenait l’importance de ce lieu et la gravité hypothétique de l’endroit. La roukerie pouvait être messager de bonne ou a contrario, d’une très mauvaise nouvelle. Des souvenirs devaient lui remonter en tête : quelques joies en lisant de bonnes nouvelles, la peur de recevoir des informations du front et peut-être même quelques larmes écoulées suite à l’annonce d’une perte. Il semblait pourtant faire parti de ces hommes pudiques, restant forts et droits malgré les pires épreuves. J’appréciais sa discrétion, ne s’immisçant pas dans mes affaires personnelles, ne donnant pas son avis, il restait néanmoins à mes côtés, à une distance que je jugeais convenable.
Alors même que nous étions arrivés devant l’entrée de la roukerie, j’avais senti une vague hésitation envahir Sir Glover. J’avais remarqué que sa main avait été frêle lorsqu’il avait saisi la poignée de la porte. Comme si, en ouvrant cette dernière, tous ses souvenirs lui ressurgiraient au visage. Et je pensais sincèrement que ce serait le cas. Je pensais qu’au moment où la porte s’ouvrirait, Sir Glover allait se prendre en plein visage tous ces anciens démons.
Alors que ma plume se posait sur le parchemin, j’avais arrêté subtilement mon attention vers mon accompagnateur. Comment gérait-il la situation ? Je pu épier, l’espace d’un regard, son attitude. Bowen Glover observait les clapiers et leur environnement comme s’il les découvrait à nouveau. Toujours muet, néanmoins.
Parcourant les allées du château, je m’étais exaspérée face à l’entrain collectif du mariage princier. Si j’avais pu rouler mes yeux vers le ciel, je l’aurais fait. Mais la bienséance ne me le permettait pas vraiment.
J’étais tendue, c’était indéniable. Je n’étais sûrement pas d’une compagnie des plus agréable j’en convenais parfaitement. Eloignée des miens, ces derniers mois avaient été tout particulièrement pénibles. A Winterfell, je m’étais isolée ne connaissant personne, moi qui appréciais pourtant la compagnie. D’ordinaire, mon père était présent à Winterfell ou ailleurs, prenant plaisir à me présenter à ces connaissances, ces vieux amis mais également à leurs progénitures. Néanmoins, je n’étais pas de celles qui liaient des liens facilement et avec n’importe qui. Plutôt méfiante, je n’accordais ma confiance qu’occasionnellement. Il ne m’avait jamais été donné de connaître Sir Glover auparavant - outre le fait que nous nous soyons entrecroisés plus jeunes, nous ne nous connaissions pas véritablement. Et la présence de cet homme, me troublait quelque peu. Durant un instant, je sentis son regard se poser sur moi. Déglutissant silencieusement, je restai pour le moins impassible, regardant droit devant moi. Je me gardais bien de poser mon regard dans le sien. De la timidité ? Pas vraiment. Lorsque je me retrouvais seul avec un homme, qui m’était inconnu, je ressentais eu une certaine gêne, inexplicable. Etrangement, je m’étais sentie détendue et souriante lors de ma conversation avec le roi du Nord. Et cette incohérence m’étonna. Non, je n’étais pas timide. J’étais juste pudique. On m’avait enseigné, enfant, qu’il ne fallait pas qu’une jeune fille de mon rang montre son mécontentement, sa peine ou encore sa joie à outrance. Je m’en tenais ainsi à l’enseignement qu’on avait bien voulu m’inculquer. Je m’en tenais aux règles de décence. Non pas que, se promener avec un homme qui n’était ni votre père, ni votre frère, ni votre époux ni même votre roi était mal vu… mais… De toutes manières, personne ne savait qui j’étais et cela me convenait parfaitement.
Accoudée à la rambarde de pierre, Sir Glover évoqua sa défunte mère. Je ressenti mon corps se raidir. L’étonnement de réaliser qu’il me parlait d’une chose toute personnelle alors que nous ne nous connaissions à peine. Sa défunte mère… L’évoquer ne devait pas être anodin, pas pour lui, pas après ce qu’il avait vécu. J’avais également perdu la mienne, bien plus jeune. Je soupirai, déglutis à nouveau. Contre mon gré je me pris une vague de souvenirs. L’image de ma mère m’apparut. Je vis son sourire, sa maladie lente et destructrice et sa malheureuse et douloureuse perte. Mon ventre se noua. Pourquoi se confiait-il ? Pourquoi moi, qui n’était… absolument personne pour lui. Je camouflai ma confusion, dissimulant mes émotions comme à mon habitude, avec une rigueur à toute épreuve. La perte d’une mère n’est jamais chose aisée, que l’on soit une enfant ou un homme. Je regardais le sol, instinctivement, puis relevai la tête. Son discours me fit penser que ma mère ne serait pas présente à mes épousailles, mais qu’elle serait probablement présente là où elle se trouvait. Présente à mes côtés, par la pensée, dans ce moment que je jugeai d’ores et déjà désagréable. Oserais-je dire à Sir Bowen combien je compatis à la perte d’une mère ? Je me retenu, écoutant ces confidences. Elle appréciait les mariages. Selon elle, ils avaient le bénéfice de lier deux êtres, deux familles.
« Comment s’appelait-elle ? »
Demandais-je non pas par curiosité mais par réel intérêt, me sentais concernée par ce sujet. Le ton était sérieux, teinté de respect et de compassion. Plutôt impassible depuis le début de notre rencontre, je montrais un certain intérêt à mon interlocuteur. Je tournai enfin ma tête vers lui, affrontant son regard. Mon attention était sienne.
« J’ai une vision toute différente des mariages. Mais celle de votre mère est bien plus plaisante. Il est d’ailleurs réconfortant de constater que les futurs mariés semblent s’apprécier sincèrement… » Un fait que je trouvais personnellement étonnant mais dont je me gardais bien de partager avec Sir Glover. Il me semblait cas plutôt rare que deux inconnus s’entichent l’un pour l’autre dans un mariage d’alliance. Cas rare, mais possible, j’en avais la preuve… Cela me laissait pourtant perplexe. Effectivement, les futurs époux étaient beaux, jeunes et bien assorti. Pour autant, une jeune femme n’avait pas toujours le privilège d’être promise en épousailles à un bel et valeureux jeune lord. Certaine avait la malchance d’épouser un homme ayant parfois le double de leur âge…
Lorsqu’il précisa que sa mère aurait probablement adoré être là, je ressenti un certain tourment. Et sa voix brisée… Certes, sa mère aurait voulu être là, mais je pensais plutôt que c’était lui qui aurait voulu que sa mère soit là aujourd’hui. Et que son absence le peinais énormément, aujourd’hui peut être plus encore que les autres jours.
« Elle est à vos côtés, sire Glover. D’une manière ou d’une autre elle veille sur vous… Une mère ne laisse jamais son enfant, ici ou ailleurs.»
Je savais bien que ces mots étaient peu de choses, mais pour ma part, ils m’avaient réconfortés de bien nombreuses fois. Penser que ma mère était à mes côtés me faisait ressentir que je n’étais pas si seule.
Je savais que Sir Glover avait perdu beaucoup de membres de sa famille lors de la prise de Motte la Forêt. Une véritable hécatombe qui résonna dans tout Nord. Un effroyable évènement, comme si le mauvais sort s’acharnait sur lui. Je lui adressai un sourire, déclenché à l’anecdote de sa mère. Sir Glover semblait emplit d’une certaine gêne, que je comprenais puisque j’avais été surprise par ses déclarations.
Moi-même gênée face à son embarras, je regardai en face de moi, silencieuse. Puis rompant le silence qui s’était installé, je repris la parole.
« J’ai moi aussi connu le malheur de perde une mère. » répondis-je à demi-mot. Je marquai une pause, involontaire. Voilà pourquoi je m’étais permis de partager mes convictions avec lui ; des pensées toutes personnelles qui avaient eu le don de me réconforter dans mes tourments. A l’époque où Bowen Glover était venu à Castel-Cerwyn, ma mère était toujours en vie. J’esquissai un sourire essayant de forcer ma pensée à oublier ma propre mère. Sir Glover n'avait plus à se sentir coupable d'une quelconque confidence, moi-même venais de m'y livrer.
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Sujet: Re: « Il n'est permis de faire la guerre que malgré soi.» [Tour II - Terminé] Lun 29 Fév - 11:49
« Rowena, de la maison Nerbosc à la naissance. Elle n’était pas du Nord, bien que sa famille en est originaire et partage encore nos croyances. »
Certes, à la voir évoluer parmi les terres rudes du Bois-aux-loups et connaissant sa dévotion aux Anciens Dieux, la plupart des nordiens ayant côtoyés la mère de Bowen avaient eu tendance à oblitérer sa région de naissance, et elle-même y faisait rarement allusion, se considérant après toutes ses années comme appartenant au royaume de son époux de plein pied. Arrivée à Motte-la-forêt à quinze ans, au fond, la Lady avait passé plus de temps dans le Nord qu’au sein du Conflans. Pourtant, elle n’avait jamais pu se débarrasser totalement de son accent sudier un peu chantant, qui surgissait souvent quand elle était en colère ou au contraire particulièrement joyeuse. Ni de son amour pour certaines danses peu usitées dans le froid du Nord. Mais sinon, peu à peu, elle avait laissé de côté son enfance riveraine, coupant même toute relation avec sa famille d’origine quand la guerre avait éclaté entre les Stark et les Hoare. Et malgré le danger encouru par ses frères, oncles, cousins, jamais elle n’en avait pipé mot, soutenant son mari, son fils et son beau-frère dans leur lutte contre l’envahisseur fer-né.
La nostalgie l’envahit une nouvelle voix, ainsi que la gêne. Il n’aimait pas s’épancher, d’ordinaire, sur ce qu’il ressentait. Sauf que désormais, une simple remarque qui en temps normal aurait pu être du domaine de la conversation se transformait en un torrent d’émotions difficilement maîtrisable. Oui, sa mère aimait les mariages, et il allait devoir apprendre à conjuguer cette phrase au passé, et à l’accepter comme tel. Cependant, il savait aussi que son deuil serait long, et douloureux. Voilà pourquoi il essayait, comme son frère, de s’occuper la tête en pensant travaux de rénovation ou chasse aux pillards. Encore que lui ne cédait pas à la boisson, préférant se complaire dans les exécutions sommaires. Le sang versé réchauffait autant son cœur que l’alcool.
Son accès de mélancolie prit néanmoins fin, au moins temporairement, quand son interlocutrice parla du mariage à venir. Il était appréciable que le futur couple soit considéré comme un bon arrangement par la majorité des personnes. Bowen n’avait pas vraiment pu parler à Jeyne à ce propos, mais avait bien vu et entendu ce que l’on disait des fiancés. Qu’ils étaient le couple princier dont on pouvait rêver. Au fond, il espérait simplement que cette impression ne s’estomperait pas avec la lassitude du temps, et que si affection réciproque il y avait, qu’elle soit durable. Son amie d’enfance méritait une union heureuse, elle qui devrait s’adapter à un royaume et à des coutumes bien différentes de celles qui régissaient le Nord. Quant au commentaire premier fait sur les mariages, le Poing du Nord préféra ne pas le relever, sentant bien qu’il s’agissait d’un sujet sensible, et peu désireux de s’engager sur ce type de terrain. Le sous-entendu était suffisamment explicite pour qu’il comprenne que la vision de Maedalyn Cerwyn n’était pas forcément optimiste. Non pas qu’il ne comprît pas : les femmes n’avaient guère leur mot à dire sur la chose. Encore que, souvent, les jeunes hommes de son âge non plus. Simplement, eux pouvaient toujours espérer trouver du réconfort ailleurs que dans le lit conjugal, bien que cette perspective lui répugnât à titre personnel. Il se contenta donc d’acquiescer et de commenter avec prudence :
« Ils sont jeunes, et bien assortis. Il y a eu pire paire de fiancés. Et Lyman Lannister a montré que l’Ouest était prêt à aller loin pour honorer cette alliance en combattant à nos côtés à la Mort-aux-loups, alors que son statut d’unique héritier de son royaume mettait ce dernier en danger s’il lui était arrivé malheur.
Sans doute que sa bravoure a pu donner quelques gages d’appréciation à la Princesse Jeyne. »
Il ne put s’empêcher d’ajouter doucement :
« Le devoir étant ce qu’il est, autant s’en accommoder au mieux et se réjouir de ce que le destin peut offrir. »
Evidemment, ce n’était pas forcément l’idée la plus attrayante, que de se résigner en tirant le meilleur parti de ce que l’on ne pouvait refuser. Mais c’était là le lot de la noblesse, et plutôt que de se mettre martel en tête à rêver d’autres choses, mieux valait abandonner très tôt les espoirs ridicules d’enfant pour se concentrer sur l’honneur et le devoir. Bowen avait compris très tôt que sa propre union n’aurait sans doute guère à faire avec ses sentiments. Encore que s’il s’était épris d’une damoiselle de haut parage, il pensait que ses parents auraient pu être convaincus de les marier, pourvu que l’alliance soit avantageuse. Pour autant, depuis la mort des siens, il savait que ce n’étaient plus que chimères. Son union serait politique ou ne serait pas. Ce qu’il souhaitait était entièrement tourné vers la survie de sa maison, pas vers ses aspirations propres, qui n’avaient jamais été bien grandes de ce côté-là de toute façon. Enfin, il n’était pas temps de penser à cela, aussi le jeune homme se concentra à nouveau sur la conversation en cours qui revenait vers sa mère. Au moins les paroles prononcées étaient réconfortantes. Au moins un peu en tout cas.
« Certes, cela est vrai. Cependant, pour que son esprit soit totalement en paix et repose auprès des dieux, j’aurais aimé que nous ayons des corps… Mais les sauvageons les ont brûlés. Nous ne pouvons que faire construire des gisants et les disposer dans notre crypte pour leur offrir un semblant de funérailles dignes. Je compte en parler au roi. »
Encore à cet instant, que cet affront ait été fait aux dépouilles de sa famille le faisait trembler de rage. Instinctivement, son poing se serra, et il mit longtemps à relâcher ce brusque accès de colère qui venait de monter en lui à cette réminiscence funeste. Néanmoins, l’aveu de Lady Cerwyn le calma presque instantanément, comme si cette confidence retournée le ramenait à ce qu’il avait un jour été : une oreille attentive pour les autres. Hochant la tête, il souffla, comprenant bien cette douleur et ces non-dits.
« Oui, Père avait reçu la missive annonçant son décès, je m’en souviens. J’en ai été navré, et le suis toujours. Elle a toujours été bonne envers moi, quand le roi passait sur vos terres. »
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Sujet: Re: « Il n'est permis de faire la guerre que malgré soi.» [Tour II - Terminé] Jeu 3 Mar - 20:46
Grace à cet entretien, j’avais découvert un Bowen Glover moins sûr de lui et plus hésitant dans sa manière de parler. Le sujet que nous abordions était grave et je ressentais que la perte de ses proches lui pesait énormément. Pourtant la mort de sa mère semblait le toucher plus particulièrement encore. Nos échanges m’avaient particulièrement intéressé bien que le sujet ne soit pas des plus joyeux. Moi-même, j’avais perdu ma mère, plus jeune. Et j’étais bien placée pour savoir que le temps n’effaçait rien mais amoindris quelque peu la peine. On s’y fait, bien contraint de vivre avec. J’avais essayé d’apaiser sa peine bien que personne n’est véritablement réussi pour ma part. Je savais que les mots étaient bien peu de chose comparé à la perte d’un être cher.
Néanmoins, ce qui me touchait particulièrement chez Bowen, c’était que la quasi-totalité de des membres de sa famille proche avait perdu la vie. Lorsque nous avions abordé le sujet, je l’avais vu se tendre, se raidir, ses poings se fermer. Comme s’il tentait de lutter contre un tourment trop vigoureux. J’imaginais aisément qu’une douleur vive pouvait rejaillir, encore plus si on évoquait la situation.
Moi-même, j’avais senti mon cœur se serrer dans ma poitrine lorsque je lui avais confié à mon tour que moi-aussi j’avais perdu la mienne. Bien que ce ne fût pas un secret pour beaucoup, je me souvenais qu’il l’avait connue. Je me mordu la lèvre inférieure un instant, tout à coup gênée de cette confession, mais après tout, il avait également usé de l’aveu avant moi.
Pensive, j’observais le ciel comme si je cherchais du regard un corbeau qui, envoyé par mon père, me revenait déjà.
« J’espère obtenir une missive rapidement… Malgré les informations précieuses que vous avez bien voulu m’apporter, je ne serai sereine que lorsque je lirai les mots de mon père… »
Je détournai enfin mes yeux du bleu du ciel pour entamer le chemin du retour. Nous marchions de la même manière que nous étions venus. Je ressentais tout de même que j’étais bien plus détendu qu’à aller. Comme si envoyer un corbeau m’avait soulagé d’un poids… d’une angoisse qui me pesait.
« Ce passage à la roukerie fut plus agréable grâce à votre présence, Sire Glover »
Je pensais avoir fait perdre du temps à Lord Glover qui avait sûrement d’autres évènements bien plus importants que celui-ci. Je savais qu’il avait la confiance du roi et devait sûrement avoir de grandes missions, bien plus intéressantes que de m’emmener envoyer une missive.
« Merci à vous de m’avoir accompagné. Il était plaisant de vous revoir après toutes ces années… j’espère que nous aurons l’occasion de nous revoir sans attendre autant d’années »
J’eu un léger sourire sur mes lèvres. Le saluant, je jetai un dernier regard en sa direction avant de me retourner et de poursuivre mon chemin.
FIN
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Sujet: Re: « Il n'est permis de faire la guerre que malgré soi.» [Tour II - Terminé]
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